La logistique : la fonction opérationnelle oubliée ?

Deux lectures nous rappellent que tous nos débats stratégiques oublient, le plus souvent, que la logistique devient de plus en plus une fonction opérationnelle majeure, probablement plus encore dans un contexte de guerre irrégulière.

Tout d'abord, dans le dernier numéro de défense nationale, Hugues Eudeline nous explique comment le combat des Tamouls a été gagné, puis perdu pour des raisons logistiques. Dans un premier temps, les rebelles tamouls ont obtenu l'avantage grâce à leur capacité de mobilisation logistique maritime, qui leur a donné une suprématie opérative. Dans un second temps, le gouvernement sri-lankais a adapté son dispositif, développant une marine offensive qui a rompu la chaîne logistique des rebelles : à l'issue, ceux-ci ont été logiquement battus. Passionnant article.

On lira également le reportage de F. Bobin dans le Monde de ce soir sur l'Afghanistan. IL y révèle l'essentiel : la passe de Khyber est d'abord un point de passage logistique essentiel et relativement calme, tant chacun a intérêt à ce qu'il en soit ainsi. D'ailleurs, les voies alternatives (Kandahar par le sud, ou -stan par le nord) sont trop peu fiables pour changer radicalement ce facteur dominant.

Si on pense également à ce qui s'est passé au début de la guerre d'Irak (Stéphane, peux-tu éventuellement nous donner les références de billets que tu aurais rédigés sur le sujet) et la découverte de la fragilité des lignes logistiques, on prend conscience de l'importance de cette fonction.

Toutefois, elle n'est plus seulement majeure au niveau stratégique, mais aussi au niveau tactique. Elle n'est plus soutien ops comme autrefois. En fait, les troupes de contact étant "basées" dans des réduits fortifiés dont ils sortent finalement rarement (je ne parle pas seulement des Français, mais de l'ensemble des tropes occidentales), les convois logistiques deviennent les seuls à introduire une mobilité et un quadrillage du terrain. Interrogez les spécialistes rens de théâtre, ils vous diront tous l'importance qu'ils accordent aux CR des convois log. Ainsi, les logueux sont-ils de plus en plus souvent "au carton".

Dès lors, il s'avère nécessaire de "penser" cette fonction, trop souvent délaissée au profit de ce qu'on sait faire (le rapfor, le bouclier cuirasse, etc...). Elle constitue le vrai "centre de gravité" des conflits modernes, au cœur des principes d'économie des moyens et de concentration des efforts. Et de la même façon qu'il y a une géopolitique des ressources, il faudrait inventer une "géostratégie des ressources".

O. Kempf

Référence :

  • Clausewitz et logistique : ici
  • Sur l'Iran, possible alternative logistique : ici
  • sur l'Asie centrale, arrière plan stratégique : ici.

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