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Anglicans romains

Il faut revenir sur l'accord récent intervenu entre le Vatican et un groupe d'anglicans, permettant à ceux-ci de rejoindre l'église catholique.

1/ Lors de son élection, j'avais écrit quelques lignes sur la portée géopolitique de la personnalité de Benoit XVI. Je m'étais trompé (et heureusement, ces lignes n'ont pas été publiées) : on sent bien désormais que ce pape est d'abord tourné vers la réunification religieuse des chrétiens : avec les orthodoxes, les intégristes ou les protestants. Comme s'il voulait résoudre tous les schismes : ceux du XI° siècle, du XVI° siècle ou du XX°...

2/ Ainsi donc, des minoritaires anglicans vont bénéficier d'un statut particulier leur permettant de devenir catholiques. Il s'agit d'un statut personnel qui bénéficie d'un rite particulier. Rappelons au passage que l'église anglicane se prétend "catholique réformée", puisqu'elle a conservé les principes de la succession apostolique, tout en adoptant les principes de la réforme protestante. Il y a donc, d'une certaine façon une proximité plus grande avec Rome que dans le cas d'autres branches du protestantisme.

3/ Or, ce qu'on sait rarement, c'est que l'Église catholique admet une certaine diversité. On pense ainsi à tous les rites orientaux, au premier rang desquels les maronites ; on pense également aux uniates d'Ukraine. Ces éléments de comparaison sont importants : en effet, ces anglicans s'assimileront plutôt au premier cas, grâce à la formule de l'ordinariat personnel qui a été trouvée par la constitution apostolique (Anglicanorum coetibus). Il ne s'agira pas d'une hiérarchie propre et structurée, avec un patriarche et des diocèses territoriaux. L'ordinariat aura la charge de fidèles, non de territoires. Détail notable pour la géopolitique.

4/ Parlons un peu des Anglicans. Ils sont 77 millions dans le monde. On estime que 500.000 rejoindrons Rome rapidement, 1 M dans la durée. Une minorité, donc. Certes, mais pourquoi cette rupture ?

  • Parce que l'aile "la plus avancée" (comme on dit) de l'anglicanisme est très tolérante en matière de sexualité, mais aussi d'ordination des prêtres. Ainsi, ce seraient les "traditionalistes" qui rejoindraient Rome. Ajoutons ici quelques précisions : s'il y a énormément de baptisés, la pratique est bien moindre. Ainsi, en Grande-Bretagne, il y a autant de pratique catholique que de pratique anglicane, alors qu'ils seraient cinq fois plus d'anglicans que de catholiques. Ainsi, il se peut que ce soit l'aile la plus pratiquante qui se rapproche de Rome.
  • Surtout, parmi les 50 millions d'anglicans du reste du monde, la plupart se trouvent en Afrique (Nigéria, Kenya, Ouganda). Or, s'ils n'apprécient pas les évolutions des "avancés", principalement stationnés en GB et aux États-Unis, ils n'ont aucune envie de se rapprocher de Rome. Et ce sont donc des anglo-saxons qui mènent le mouvement, à partir de l'Australie, de la Nlle Zélande, de l'Afrique du sud, principalement autour de la Tac (Traditional Anglican Communion). Tout ça serait-il une affaire d'occidentaux ?

5/ Revenons à Benoit XVI : dans le papier que j'évoquais ci-dessus, je me posais la question de sa relation au monde. Or, Il apparaît comme européen, et d'abord préoccupé d'une réunification religieuse européenne. Cela n'est pas surprenant, car c'est un homme profond. On lira ainsi avec le plus grand intérêt son livre sur la question de l'Europe, qui donne des réflexions très pertinentes et qui vont bien au-delà de ce qu'on pourrait attendre. pour dire les choses clairement, ce n'est pas un simple plaidoyer en faveur des racines chrétiennes de l'Europe, et un esprit laïc y trouvera son intérêt, sans forcément être d'accord sur tout ; le géopolitologue aussi.

6/ Enfin, au-delà du cas particulier, ce rapprochement est intéressant car il pose la question des -canismes : anglicanisme, gallicanisme, ... Bref, cette tentation ancienne de construire une vision nationale du catholicisme. Or, on a l'impression que parmi les églises chrétiennes, c'est la vraie différence entre le catholicisme et les autres. Le premier est universel et le demeure, quand les autres favorisent l'éclosion d'églises localisées : c'est évident du protestantisme, qui favorise structurellement l'éparpillement et la scissiparité, ça l'est aussi de l'orthodoxie qui met en place, avec ses patriarcats, une succession d'églises nationales éloignées d'une unité ecclésiale. On a l'impression de l'échec des -canismes. La chose est d'importance, alors que certains ne cessent d'expliquer que la religion est un puissant facteur géopolitique contemporain : la réalité paraît plus contrastée que cette affirmation radicale.

O. Kempf

Réf:

  • sur l'anglicanisme : ici
  • Sur le retour des anglicans : ici et ici
  • sur les conséquences sur l'œcuménisme : ici, ici et ici

Commentaires

1. Le vendredi 20 novembre 2009, 20:52 par marike

Excusez-moi, mais il me semble que cet article n'est pas fondé :

1) Ce pape tourne de toute évidence le dos aux protestants ; où avez-vous vu le contraire ? (les Indulgences remises sur le tapis ? L’intégration des intégristes ? )

2) Pour moi, l'anglicanisme a des formes "selon la chair", extérieures, catholiques, et le fond, l'Esprit, protestant. Il devrait donc y avoir une proximité plus grande vers l'essentiel, et non vers cette fameuse « succession apostolique » qui n’a aucun fondement historique, et qui ne peut être fondée que sur l'Esprit, pas sur une quelconque aristocratie selon la chair.

3) Si rupture il doit y avoir, pourquoi ne pas la faire au sein de l'anglicanisme ? Mais à mon avis chaque ministre dans son église devrait pouvoir pratiquer ses tendances à lui.

4) Pratiquer ne veut pas nécessairement dire être croyant. Un ermite ne va pas "à la messe" pour acquérir son salut.

5) "L'Esprit souffle où il veut ": il ne peut être canalisé dans la fixité autoritaire, charnelle, forcément erronée, d'une pensée religieuse qui est davantage inspirée par le Vatican, sous couvert de la Tradition (les hommes), que par les Evangiles (Dieu). Aujourd'hui une religion d'esprit démocratique doit primer, plus que jamais, sur une religion absolutiste.

2. Le vendredi 20 novembre 2009, 20:52 par

Suite du commentaire précédent, en complément.
2) Si une aile de l'église anglicane se dit "catholique réformée", j'ose espérer qu'une autre aile se dise : "réformée catholique".
3) Les anglicans qui auront rejoint l'église catholique seront donc considérés comme des "sous"-catholiques ; ils n'y auront aucune responsabilité territoriale.
5)La papauté a toujours été "utilitaire" de courte-vue pour l'église catholique (contre la pillule...etc...). Ici cela lui "rapporte" des conversions catholiques des anglicans, et intégristes.
6) Le catholicisme n'est pas le seul à être universel. La seule universalité est celle de l'Esprit. Celui-ci revêt des formes différentes selon les personnes, chez les catholiques d'ailleurs, comme chez les protestants, et ailleurs. C'est la liberté de pensée qui amène la diversité. Il me semble donc que le protestantisme est moins rigide, puisqu'il a la seule bible comme référence et non la tradition ; il est donc plus universel à mes yeux.

égéa : à vrai dire, je fais bien attention ici à ne pas laisser teinter l'analyse "géopolitique" de ce que je peux penser ou croire par ailleurs. Je ne cherche donc pas, loin de moi, à hiérarchiser les uns par rapport aux autres. Je comprends surtout que cela puisse être ressenti de façon très personnelle par les uns ou les autres, et je le respecte.
Ce qui est intéressant (ou plus particulièrement intéressant) d'un point de vue géopolitique, c'est votre allusion au caractère territorial : "ils n'y auront aucune responsabiilté territoriale". Une église doit donc (devrait?) être territorialisée ?  ce qui irait à l'encontre du principe d'universalité qu'on évoqué précédemment. Là encore, il ne s'ait pas d'être normatif, jutse de relever des notions auxquelles on ne fait pas forcément attention.

3. Le vendredi 20 novembre 2009, 20:52 par

A mon sens une Eglise ne devrait pas être territorialisée (le christianisme ne l'est pas dans son esprit) ; si on lit "L'Institution de la religion chrétienne", de Calvin, (éditions Kerygma Excelcis 2009) 4e partie ou titre IV, chapitres 2 à 13, on voit qu'il y a un moyen véritable de retrouver l'unité chrétienne, c'est de revenir à l'église primitive, où chaque pasteur avait son territoire chrétien –simple question d'organisation- et sa manière d'envisager le christianisme.

Cela créait normalement plus de diversité, et une liberté de pensée non dogmatique. On devrait pouvoir croire sans peur ce que l'on pense.Seule la lecture de la Bible, et l'interprétation individuelle, doivent être la règle, avec le sacerdoce universel réel, vécu, ce qui génère culture, niveau, responsabilité individuelle ; l'obéissance à Dieu, non au Vatican, et aux dogmes qu'il invente et qui éloignent de plus en plus de l'esprit des Evangiles ; le Vatican qui, après tout, n'est qu'un groupe d'hommes.

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