M. van Rompuy, l'Europe et la Belgique

M. van Rompuy, nouveau président de l'UE, aura essuyé une formidable salve de critique et de quolibets à la suite de sa nomination. Il est habillé pour quelques hivers ! Or, il ne mérite pas un tel opprobre.

1/ on lui reproche de manquer d'ampleur... En préliminaire, remarquons que la question de la renommée est résolue du jour de sa nomination : si on ne le connaissait pas avant, on est sûr d'en entendre parler ensuite.

2/ Plus profondément,...

... il ne me paraît pas anormal que l'Europe choisisse un homme discret, sérieux et sobre, pour la représenter. Je suis désolé auprès de tous les Don Quichotte romantiques qui, la plupart du temps commentent ces choses : la puissance au XXI° siècle a visiblement changé de nature, et il me paraît logique d'adopter quelqu'un qui colle à ce nouveau monde. Certes, il est moins bling-bling que d'autres. Pas sûr qu'il sera moins efficace ! Et il est cohérent de laisser aux bling-blings la puissance à l'ancienne, et de confier aux tristes la puissance nouvelle.

3/ Cela étant dit, il n'est pas évident non plus que ça marchera. Le seul objet de ma remarque est de considérer que cela n'est pas perdu d'avance, au motif que l'homme est inconnu et qu'il ressemble à un héron austère. Cet argument là ne tient pas. D'autant qu'il a de vraies qualités, puisqu'il a réussi à apaiser avec stoïcisme les délires du monde politique belge : il devrait tout à fait convenir pour gérer les égos et les euros européens.

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4/ En revanche, l'enjeu de court terme réside en Belgique. On peut en effet imaginer deux tendances, et je ne sais laquelle choisir :

  • la Belgique pourrait se ressaisir, et comprendre qu'avec un des siens à la tête de l'Europe, elle ne peut pas éclater (surtout à cause de motifs stériles et proprement anti-européens de la querelle de l'arrondissement BHV) : auquel cas, elle réapprendrait à vivre ensemble, d'autant que la crise économique a démontré que la splendeur des uns n'était pas aussi solide qu'ils le croyaient. L'expérience renouvelée du vivre ensemble permettrait alors de revivifier ce projet belge si important pour l'Europe.
  • mais la Belgique pourrait aussi sombrer, puisqu'elle avait réussi à se stabiliser grâce à M. de Rompuy : son départ signifierait le retour des boutefeux de son parti, la montée aux extrêmes, et l'éclatement annoncé du Royaume.

5/ Il va de soi que la deuxième solution est malheureusement la plus probable. Pour le coup, elle porterait un coup dur à l'Europe. Car symboliquement, UE et Belgique sont liées par le même type de projet : celui qui consiste à rassembler des gens que beaucoup de choses séparent, mais qui sont également réunis par une histoire, des valeurs et des intérêts partagés. Si donc la Belgique éclate, ce sera un coup bien plus fatal à l'avancée européenne que la dimension médiatique de M. de Rompuy.

SI donc l'élection de M. van Rompuy marque le retour en force des Etats, il ne reste plus qu'à souhaiter qu'il signifie la sauvegarde de ceux qui existent.

O.Kempf

Références :

  • sur la Belgique, on lira notamment mes deux billets de l'an dernier : sur ces liens avec l'ethnie et le fédéralisme (ici), et sur le cas bruxellois, avec le tombolo de Bruxelles (ici)

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