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Débat nucléaire : une nécessité et une urgence

Ce jour a eu lieu le colloque de Participation et progrès sur le nucléaire, à l'Assemblée nationale. La première demi-journée était particulièrement intéressante (explications et donc perspectives), celle de l'après-midi fut différente, car on y vit les plaidoyers s'affronter : une dispute française, avec des envolées, des remous, du caractère.

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De la journée, je retiens une nécessité, et une idée.

1/ La nécessité : c'est celle de l'urgence du débat

  • Urgence qui tient au calendrier, puisque se succéderont d'ici un an de nombreuses échéances, signalées par B. Tertrais : négociation Start III, "révision de la posture nucléaire américaine", nouvelle doctrine militaire russe, conférence de révision du TNP, sommet sur la sécurité nucléaire, éventuellement lancement des négociations Start IV, , nouveau concept de l'Otan, négociations sur le FMCT (matières explosives). Il ne s'agit là que du calendrier officiel, sans parler du calendrier contingent, lié à l'Iran, à la Corée, ...
  • urgence qui tient aussi à la nouvelle situation. Le nucléaire a longtemps été synonyme d'empêchement de guerre. Or, depuis la fin de la guerre froide, les conditions ont manifestement changé, puisque le nucléaire a perdu son pouvoir structurant, tandis que les guerres n'ont cessé de prendre leur autonomie. L'arme nucléaire n'est alors plus celle du statu quo. Et il y a comme une attraction fatale entre les désordres nucléaires et les risques de conflictualité, pour reprendre les mots de L. Gautier.
  • urgence qui tient au débat qui couve à l'Otan sur le renouvellement des armes nucléaires substratégiques, débat signalé par des nombreux participants, débat que j'ai essayé d'expliciter (article à paraître)
  • urgence qui tient à la nucléarisation galopante des Asies (Moyen Orient, Asie du sud, Asie de l'est, évoquée notamment par le Gal Quesnot)
  • cette urgence contraste avec la panne de la théorie nucléaire, et notamment de la dissuasion. C'est notamment vrai en France. Vrai d'un double point de vue : purement français (la dissuasion de représailles massives a-t-elle encore un sens? ou plus exactement, suffit-elle à répondre à tout?) mais aussi dans le cadre européen (puisque, comme de nombreux intervenants l'ont fait remarquer, chacun commence à prendre conscience de l'européanisation inéluctable de l'arme française).

2/ L'idée : celle de la nature de l'arme

  • en effet, tout le système était bâti sur un précepte : l'arme nucléaire est fondamentalement défensive. Au point qu'on ne voyait pas comment l'utiliser offensivement.
  • Or, ce qui marche évidemment du faible au fort ou du fort au fort (et explique entre autres les démarches iraniennes et coréennes, mais aussi indienne, israélienne et pakistanaise) n'est pas du tout évident du fort au faible ou du fort au fou (ou appelé tel). Dès lors, la dissuasion change de nature. L'arme nucléaire, arme de non-emploi (ou plus exactement, arme de menace d'emploi) deviendrait alors une arme d'emploi. Mais pour être efficace, elle doit être adaptée. La notion de représailles massives ne convient plus. L'arme nucléaire devrait alors devenir offensive. .
  • il faut en conséquence évoquer des évolutions technologiques : soit pour les exposions d'altitude, soit par une miniaturisation chose la plus difficile actuellement. Cette évolution technologique semble inéluctable. Elle aura donc lieu. Elle aura lieu à l'étranger (il est probable que les Américains travaillent activement là-dessus). Elle aura peut-être lieu en France. Dans tous les cas, il faut dès à présent la penser.
  • Car du moment où vous envisagez que le nucléaire devienne une arme d'emploi, beaucoup de choses sont dénaturées : quelle distinction faites vous entre tactique, pré-statégique et stratégique ? quel critère d'emploi adoptez-vous ? quelle doctrine élaborez vous ? quelle délégation d'ouverture du feu accordez-vous ?quelle garantie d'emploi "à juste mesure" apportez-vous ?
  • pour sortir du seul cadre militaire, quel discours politique tenez-vous ? comment assurer que vous aurez un emploi "sage" de l'arme ? n'encouragez vous pas la confusion actuelle entre le NUC d'une part, le BIO-CHIM d'autre part (confusion déjà activement entretenue par les Américains, avec le résultat que l'on sait s'agissant le l'Irak de Saddam)? quant on voit l'échec du TNP, on n'est pas optimiste....

Ainsi, la question actuelle n'est peut-être pas, contrairement aux apparences, celle du désarmement nucléaire, mais celle du réarmement nucléaire. Qu'on me comprenne bien : il n'y a de ma part aucun discours normatif ("il faut que.."). Précisément, je n'appelle ni au réarmement nucléaire, ni à la transformation de la bombe en arme offensive. Je dis juste que le débat doit avoir lieu, et qu'il doit prendre en compte l'environnement actuel, et non celui de la naissance double de l'arme et de la doctrine, dans les années 1960.... La modernisation conceptuelle doit accompagner la modernisation technique.

Ainsi, le débat ne fait que s'ouvrir. Il est heureux qu'AGS y ait contribué très tôt.... car il est loin d'être clos.

O. Kempf

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