Dans une tribune publiée par le Monde, Thérèse Delpech (tête pensante du CEA) revient sur la notion de déclin de l'Occident. Il faut savoir qu'avant de devenir une spécialiste du nucléaire, elle a commencé sa carrière comme philosophe, spécialiste de Saint-Anselme.
Saint Anselme ? oui, ça ne dit pas grand chose .... Pour sa bio, voir ici. "L'adéquation entre la chose et la vision qu'on en prend, magnifique définition anselmienne de l'atteinte du vrai". Il s'oppose en cela au nominalisme "Doctrine pour laquelle l'idée générale n'est rien d'autre que le nom ou le terme qui la désigne".
Bien. Je pressens que ce débat a encore une signification aujourd'hui, mais vous êtes sur un blog de géopolitique, pas de philosophie. Mes vaticinations ne s'imposent pas. Donc, au fait.
Donc, dans cet article, Th. Delpech soutient que la notion de déclin est consubstantielle à l'Occident. Que ce n'est donc pas nouveau.
Je comprends ce qu'elle entend démontrer : que le syndrome de la repentance, dénoncé par Bruckner (voir ici ma fiche de lecture), n'est pas forcément une mauvaise chose.
Or, je veux bien la suivre dans sa conclusion, mais pas forcément dans son analyse. En effet, dire qu'on a toujours eu le sentiment du déclin me semble hâtif. Ce n'est pas vrai du XIX° siècle européen, qui dominait le monde. Pensez à l'Angleterre victorienne en 1900 : croyait-elle au déclin ? pensez à l'Espagne du siècle d'or, dominant les Amériques : croyait-elle à son déclin ? Il y a donc suffisamment de contre-exemples historiques pour saper cette proposition.
Pour autant, cela ne rend pas forcément invalide la conclusion. Mais celle-ci doit-être étayée par d'autres arguments.
Me semble-t-il...
O. Kempf
1 De tibo -
Ens quo majus cogitari nequit.
EGéA: qui veut dire, si je ne me trompe : "tel que plus grand ne se puisse penser" : une des phrases de saint Anselme, n'est-il pas ?
2 De -
Merci de nous signaler cette tribune.
Pour ma part, je vais essayer d'en savoir plus parce qu'une étude sur un supposé "déclin de l'Occident" me donnera peut-être une définition ou une indication de ce que l'on appelle "l'Occident" : c'est un mot qui revient encore souvent en géopolitique mais je crains qu'il ne soit qu'une habitude de langage (une rémanence).
Sans définir le mot "occident" qui mériterait pourtant de l'être, on fait référence à l'époque où le monde (du moins l'Europe) était coupé en deux par un mur qui avait naturellement deux côtés.
Mais après que le mur est détruit, il n’a plus de face occidentale et ce mot devient irréel, faisant référence à un mauvais épisode terminé il y a vingt ans et qui n'a constitué qu'un court instant de notre longue histoire.
Les contre-exemples que vous donnez, cher Monsieur Kempf, confirment que ce concept d'Occident se limite à la deuxième moitié du XX°siècle : vous citez le XIX° siècle européen, l'Angleterre victorienne, l'Espagne du siècle d'or. Vous avez raison de les citer parce que la notion d'Occident née de la Guerre froide ne les concernait pas. De même qu'elle ne concerne plus notre XXI° siècle.
Le résumé d'article sur le site du Monde que vous mettez en lien n'indique pas si Thérèse Delpech nous dit, au passage ou en préambule, quel est cet Occident qu'elle voit décliner. L'on apprend seulement que la Russie, la Chine et l'Iran n'en font probablement pas partie car ils sont animés envers ce mystérieux Occident de "ressentiment, désir de revanche, ou franche hostilité", une affirmation qui semble un peu trop réductrice (mais il ne s'agit que d'un résumé).
Il est indispensable d'assimiler enfin, dans nos réflexions, la chute du Mur. Certes le Mur binaire d'antan a été remplacé par une hypothèse, elle aussi binaire, qui est arrivée à point nommé : le Choc des Civilisations. L'on conserve ainsi les mêmes schémas intellectuels sans se demander s'ils sont obsolètes.
L'Occident décline peut-être, mais de quoi s'agit-il ? En espérant l'apprendre, je vais regarder de plus près cette tribune que je vous remercie d'avoir signalée.
EGéA : au risque de me répéter, je ne saurai trop vous inciter à lire le bouquin de RP Droit, "l'Occident expliqué à tout le monde", dont j'ai donné une fiche de lecture (accessible sur le vieil égéa, je crois). Je m'y réfère souvent. Enfin, je suis partiuclièrement critique sur le concept d'occident, ainsi que j'en fais régulièrement part sur ce blog (voir la catégorie Occident). Pour le reste, il y a effectivement débat.
3 De Marc -
Thérèse Delpech est réputée pour son comportement pathologique vis-à-vis de tout ce qui est opposé aux intérêts américains et à la soumission de la France à l'atlantisme. Elle ne bénéficie d'aucune autorité intellectuelle, ni scientifique, surtout pas au sein du CEA dont le personnel qualifié la déteste. Elle a soutenu ouvertement la guerre contre l'Irak et milite pour traiter le problème iranien à coup de bombes nucléaires. Son analyse est si risible et indigente, qu'il est tout à fait inutile de la commenter. Si vous voulez évoquer le déclin de l'Occident, parlez de Spengler, c'est tout de même d'un autre acabit.
4 De tibo -
Oui, parfaitement: un être tel qu'on ne peut concevoir un plus grand. Argument ontologique tiré du Prologue.
EGéA : Eh! eh! Au fait, pouvez vous nous expliquer pourquoi le nominalisme est toujours actuel, et pourquoi c'est pernicieux ?
5 De -
Salut Olivier,
Juste une petite précision, me renvoyant à mes premières années d'université, sur la notion de déclin dans la GB victorienne : si l'Empire était à bien des aspects à son sommet, la littérature de l'époque évoquait, à pas mal d'égards, le contraire. Toujours cette vieille bagarre entre l'objectif et le subjectif ;o)
Plus largement, l'idée du déclin comme l'une des caractérisations de l'Europe (effectivement, qu'est-ce que l'"Occident" ?) m'interpelle mais sous l'angle de la "tension créatrice", sorte de pression de la société en faveur d'une recréation permanente. Autrement dit, l'arbre de la décadence cacherait la forêt de la régénération. Un effet collatéral de l'assimilation des schèmes élémentaires du capitalisme ?
Ca mériterait bien quelques bouquins ;o)
J'ajoute que tu viens de signer le 500° commentaire sur EgéAblog : bravo à vous, et à tous ceux qui ont contribué à ce résultat....
EGéA: Salut Joseph. Je dois à la vérité de dire que dans son aticle, Thérèse Delpech mentionnait surtout le discours sur le déclin, et elle mentionnait justement Spengler (que cite Marc ci-dessus). Autrement dit, être occidental consisterait à affirmer qu'on est en déclin. Mais on sait que la critique de soi est jusement une consquence de l'esprit occidental (ou, en l'espèce, européen) : c'est la conséquence du doute qui nous anime, et qui est le vrai moteur de nos révoltes. C'est d'ailleurs cete insatisfaction qui justifie le discours "moral", voire moralisateur, que porte l'occident. Bref, tout le contraire de la fatalité et de l'acceptation de l'ordre du monde que l'on rencontre ailleurs. C'est d'ailleurs une des difficultés théoriques de la géopolitiques : celle-ci adopte la plupart du temps une attitude de constat et d'anayse. Elle est donc rarement critique, et prescriptive : le ferait-elle qu'elle tomberait dans l'idéologie, qui serait biine loin de la neutrlité scientifique quelle doit par ailleurs rechercher.
Passons au deuxième point de ton commentaire: tu cites la description créatrice, évoquée en économie par Schumpeter (dont tu ne mentionnes pas le nom). Un commentateur de ce blog rappelait Schumpeter, et je crois qu'il avait raison. Avec juste une limite : constater la justesse de Schumpeter est utile, mais ne permet pas de construire des recettes opératoires en économie. Cela permet juste de comprendre le monde. Comme s'il y avait une compréhension théorique, sans applications pratiques. Et on revient à ma remarque précédente sur les limites pratiques dela géopolitique.
Tout ça mériterait aussi quelques bouquins ;o)