J'apprends que le ministère de l'éducation nationale envisage de supprimer l'histoire et la géographie en terminale S. Ces matières deviendraient facultatives.
Il va de soi que le géopolitologue, qui est d'abord un honnête homme, qui a souvent eu la chance de faire ses humanités, ne peut qu'être scandalisé par un tel projet. Je ne sais s'il s'agit des conséquences du rapport Ducoing. Je sais seulement que la proposition est parfaitement saugrenue, déculturée, décérébrante, ...
La question ne tient pas à mon avis à ce qu'il s'agisse des "S" ou de tout autre catégorie. Il s'agit surtout d'ôter des qualités que l'on attend aussi des scientifiques.
Surtout, à l'heure de la mondialisation et, localement, de l'européanisation, ces deux matières absolument complémentaires sont plus nécessaires qu'avant, ne serait-ce que pour comprendre "l'épaisseur des choses" et ne pas sombrer dans le sentiment que la terre est plate est que la technologie unifiera tout.
Je précise qu'il faut LES DEUX. Plus j'avance dans mon cheminement intellectuel, plus je me rend compte de l'indéfectible lien entre l'histoire et la géographie. Je le dis d'autant plus aisément que je suis plutôt historien au départ, et que mon intérêt pour la géographie est récent. Je le dis d'autant plus que je prétends que la géopolitique est quelque chose de plus qu'une simple géographie politique, ou qu'une simple réunion d'histoire et de géographie. Mais ces deux disciplines permettent d'appréhender des réalités humaines selon deux dimensions chères au scientifique (et l'ancien bachelier C le dit, là encore, avec aisance), celles du temps et de l'espace.
Je ne sais encore comment faire pour tenter d'influencer les décideurs et les amener à revenir sur cette décision (et je précise que je ne crois avoir jamais signé de pétition, c'est dire si je suis en colère).
Vous pourrez aller voir le billet de Joseph sur la question, qui reproduit un texte de Jacques Sapir (un économiste), qui va dans le même sens.
En attendant, commentez ce billet (pour approuver, dénier, refuser, ajouter, ..). Aujourd'hui, le buzz internet amène certains à réviser leurs décisions.... Et si EGéA est tout petit (il l'est !), il peut contribuer à ce tout petit niveau à influencer les grands...
O. Kempf
1 De DanielB -
Bonsoir ,
Je suis un ancien " Terminale E " ( Bac " C " plus techno ) .
J'ai par la suite suivi des etudes scientifiques et techniques .
Je me souviens encore de mes cours d'histoire , et de géo , et ils m'aident encore à " comprendre le monde " .
Je n'ai pas honte d'écrire que de temps en temps , ça fait " tilt " quand j'entends une nouvelle et je replonge dans mes Mallet-Issac et Ki-Zerbo .
Lorsque j'ai passé mon Bac , j'ai eu pour sujet " Les infrastructures en URSS " et ce sujet est toujours d'actualité ...........( 17/20 quand même ! ;0) ) malgresla fin de l'URSS .
J'ai étudié les " années 20-30 " et la " montée des totalitarismes " et les debats sur la " mémoire " et la " réecriture de l'histoire " sont toujours d'actualité sur cette periode .
Ou va t'on apprendre l'Histoire et la Géographie ?
Dans les docu-drama ou on ne sait plus ou est la " realité " et ou est la fiction ? Dans les reportages de " Planete " ?
Dans les grandes celebrations des " 20 ans du " ; " 30 ans du " ; " 50 ans du " ?
On nous parle de " mondialisation " , cad que les futurs cadres ( scientifiques ) seront malgres tout amenés à entrer en contact avec d'autres cultures qui ont un passé , même récent , car la " culture mondiale " n'est pas encore là .
Un photographe nous bassine une soirée avec sa planéte , les ministres sont en extase , on nous parle de " rechauffement global " mais qui peut en saisir , au delà de l'aspect mediatique , les consequences sur son univers local et comment le déchifrer .
Apres avoir charcuté et " deconstruit " les programmes , voilà qu'on les supprime .
Peut être pour mieux mener les generations futures ( de scientifiques ) par le bout du nez ?
J'ai appris la nouvelle cet appres-midi par un collègue et j'en suis resté [ censuré ] ........
Enfin cette mesure temoigne d'une ignorance crasse ( ou au contraire d'une volonté de redresser la barre ? Je pencherais plutôt vers la deuxième version ) du phenomène suivant : De plus en plus de bacheliers " S " desertent les filières scientifiques et techniques post-bac pour se reorienter vers d'autres filières ( Economie , Droit ,..... ) ou justement ce bagage leur devient "utile ".Si tant est que l'Hist-Geo est " inutile " pour un ingénieur ou un biologiste ?
Car parler d'un traité , parler de géographie en pre-bac , c'est deja faire du droit , de l'économie !
Daniel BESSON
2 De VonMeisten -
Oui, l'histoire géographie est une matière indispensable y compris en terminale scientifique. Le niveau de compréhension du monde de certaines élites est déjà assez faible (je met de cotés le ROI, et autres aspect mercantiles parfaitement maitrisés).
Mais, n'est-ce pas l'effet final recherché ? Cette suppression n'est-elle pas symptomatique d'un désintéret grandissant ? Pourquoi étudier ces matières alors que le monde entier est un marché, régi par des lois économiques immuables ?
3 De Pierre AGERON -
Petite réflexion de terrain à apporter au débat, oserai-je dire à la fronde contre cette mesure!
Je ne peux vous apporter qu'un soutien franc et massif étant donné mon statut de jeune agrégé Doctorant chargé de cours dans une petite université, il me semble que l'une des conséquences les plus graves de cet abandon en rase campagne de l'enseignement de l'Histoire-géo est l'étiolement programmé du recrutement notre chère Lettres Supérieures alias HK...
En effet, comment recruter des Bacheliers scientifiques avec moins de 200 h d'histoire en terminale? Et quand on voit, aujourd'hui la proportion des ex bacheliers S à l'admission aux ENS, ces vieilles dames ont du souci à se faire.
Je pensais, étant passé moi même par celle de Lyon en tant qu'auditeur, que le sapement des ENS allait se faire par le haut: moins de poste au concours, en fait elle se fait par le haut (baisse des postes à l'agreg) ET par le bas ( tarrisement de la source de recrutement des HK).
Le système sélectif est (était?) le fleuron de notre enseignement supérieur, bien utile quand on entend ce que l'on entend en première année d'université où les étudiants, pleins de bonne volonté par ailleurs, vous annoncent avec emphase que "Marseille est en position frontalière" (sic)!
EGéA : Merci de cette contribution.
4 De Marinette -
Bonsoir,
un autre exemple : les terminales génie civil n'ont plus d'histoire-géographie non plus en terminale, et bien que prof de langue, je perçois nettement les manques qui s'en suivent. En vertu de quoi ? Parce qu'ils se dirigent vers des carrières dans le BTP? Ce serait donc superflu à leur formation?
Ou alors je n'ai rien compris à notre mission d'enseignant, au-delà de nos matières, qui est aussi d'apporter à nos jeunes les outils et les connaissances qui vont leur permettre de devenir des adultes et citoyens éclairés et responsables?
Ca me fait hurler, des décisions pareilles.
Cordialement à tous.
EGéA : Merci de votre contribution.
5 De -
Bonsoir,
Voici pour rappel le programme en terminale respectivement littéraire et scientifique :
L
Philosophie
Littérature
Histoire-Géographie
Langue 1
Langue 2
Sport
Spécialité (au choix : mathématiques, arts, langue 3)
S
Mathématiques
Physique-Chimie
Sciences de la vie et de la terre ou sciences de l'ingénieur
Philosophie
Histoire-Géographie
Langue 1
Langue 2
Sport
Le profil qui se dégage de ces deux programmes est contrasté :
- En L, définitivement "littéraire". De sciences point (plus !) l'ombre, mis à part les 3 heures de mathématiques en option.
- En S, terriblement... généraliste. C'est le même programme qu'en seconde, le même qu'au collège, c'est presque le même qu'en école primaire.
La balance est faussée... avec pour conséquences (entre autres) :
- De bons élèves littéraires contraints de choisir la filière S pour ne pas "se fermer de portes" dans l'avenir.
- Un programme très chargé en filière scientifique, qui trop souvent rebute les élèves et les conduit à délaisser certaines matières.
Le fait de rendre l'histoire et la géographie facultatives en terminale S permettrait de rectifier ce déséquilibre et de rendre à César ce qui appartient à César - aux littéraires l'histoire et la littérature, aux scientifiques les mathématiques et les sciences.
Il ne s'agit pas de radier cet enseignement totalement de la filière scientifique, mais de l'anticiper (examens en fin de première) pour réserver la part belle en terminale aux matières résolument scientifiques.
À mes yeux cette décision, aussi douloureuse soit-elle, reste tout de même un pas dans la bonne direction. Je conclurai par quelques remarques complémentaires pour approfondir la réflexion :
- OUI, la géopolitique est essentielle de nos jours. D'ailleurs une filière entière lui est réservée : la ES. À nouveau, rendons à César...
- S'il s'agit de rendre la S "plus S que son ombre", pourquoi ne pas "anticiper" la philosophie (la mal-aimée des filières scientifiques) plutôt que l'histoire-géographie ? La réponse est simple, la philosophie n'est enseignée qu'en terminale.
- Et surtout : est-il vraiment raisonnable de confronter nos chères têtes blondes à un choix aussi radical dès le lycée ? Quand d'aucuns hésitent encore entre astronaute et footballeur professionnel ? La réponse ne concerne pas seulement la filière S (rappelons-nous : plus de sciences en terminale L !), mais tout le système éducatif tel que nous le connaissons.
EGéA : merci de ce point de vue contradictoire. L'idée d'un examen d'H&G en première a du sens.
6 De Toto -
Bonjour,
il est des idées farfelues qui ne m'étonnnent plus.
Déjà hier les matières "à la carte" devaient permettre de spécialiser les filières. Aujourd'hui les matières à options doivent répondre au besoin de selectivité.
Or donc pour supprimer les cours d'Histoire Géographie en terminale S on doit s'assurer :
1-d'avoir amené tous les élèves au même niveau dans cette matière dès la première S (comme pour le Français ?!)
2-de savoir par quoi remplacer toutes ces heures que de brillants élèves ont perdu à élargir leur culture du monde tel qu'il est
3-de maintenir une passerelle entre les filière pour permettre de ne pas handicaper la filière scientifique quand vient l'heure d'un oral de culture générale (la vraie, celle de l'histoire des idées politiques)lors des concours d'entrée aux Grandes école.
La France est réputée pour être un peuple qui cultive peu son Histoire au prétexte que c'est un sport réservé aux élites.
Mais quoi de plus fédérateur que l'HG à l'heure ou l'on débat sur l'identité nationale ?
Cordialement.
7 De Maxime -
Bonjour à tous,
Il est vraiment regrettable d'appeler "réforme" ce qui est en fait une régression importante de notre Éducation nationale.
Supprimer deux matières aussi primordiales que l'histoire et la géographie révèle d'une incompréhension totale du système éducatif français; un peu sur la même ligne que la suppression des épreuves de culture générale aux concours administratifs afin de favoriser l'arrivée de personnes incultes dans la fonction publique.
En outre, supprimer ces deux matières à une filière majoritaire par son nombre d'élèves risque d'avoir une répercussion grave qui s'observera dans quelques années : déjà que les scientifiques n'ont pas de culture générale et sont complètement hermétiques au monde, ils ne connaitront même plus leur géographie !
En espérant que le gouvernement corrigera sa copie !