Clausewitz (IV, 11) : La bataille générale (suite) : l’emploi de la bataille

1/ Clausewitz rappelle quelques principes, de ce qu’on peut appeler la bataille décisive, même si je ne trouve pas l’expression sous la plume de Clausewitz :

  • 1/ la destruction des forces ennemies est le principe primordial de la guerre et, dans l’action positive, la voie la plus directe vers le but.
  • 2/ C’est fondamentalement dans le cadre e l’engagement qu’a lieu cette destruction des forces.
  • 3/ Il faut de grands engagements pour obtenir de grands succès
  • 4/ La jonction de nombreux engagements en une bataille permet les succès les plus amples
  • 5/ Ce n’est que dans la bataille générale que le chef de guerre dirige personnellement la manœuvre ; il est tout naturel qu’il se fie d’abord à lui-même. (p. 247)

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Cette bataille décisive fait bien sûr penser à tous les principes qui ont prévalu au cours de la première guerre mondiale que ce soit l’attaque de Verdun par le Kronrpintz, ou les offensives Nivelles…

2/ « La bataille est donc la guerre en concentré, le centre de gravité de l’ensemble du conflit ou de la campagne » (p. 248). Cet emploi du centre de gravité est nouveau, ce n’est pas celui auquel nous a habitué CVC : il serait d’ailleurs intéressant de rapprocher les deux : la bataille décisive se portant logiquement sur un point décisif, permettant par là d’atteindre le CDG de l’ennemi…. Le maître le confirme un peu plus loin : « Toutes les fois où on ambitionne de s’attaquer aux œuvres vives de l’ennemi, à ses intérêts vitaux, c’est la bataille qui en est le moyen e plus naturel, et (…) le meilleur) ; qui se dérobe à la grande décision en subira le châtiment ».

3/ « L’attaquant est en possession d’un but positif : la bataille est donc son moyen d’action prioritaire. Sans s’appesantir ici sur les concepts d’offensive et de défensive, mentionnons cependant que même le défenseur ne trouvera souvent que ce moyen là pour se défendre efficacement » : je me pose ici une question : en Afghanistan, qui est l’attaquant (attention, je ne dis pas l’agresseur..) : ? autrement dit, comment forcer les talibans à livrer bataille ?

4/ Or, la bataille est essentielle, « c’est la plus sanglante des solutions. Il ne s’agit pas simplement de meurtre réciproque : elle vise à détruire le courage de l’ennemi plus que le guerrier ennemi » (p. 249). « Mais l’esprit humain se révolte plus encore à l’idée que la décision se joue sur un coup unique. Toute l’action se concentre en un point unique du temps et de l’espace ». On note ici que la bataille, plus qu’un effet matériel, a des conséquences psychologiques…. L’effet est moral plus que physique.

5/ « C’est pourquoi, de tout temps, gouvernants et généraux ont voulu éluder la bataille, soit pour atteindre leurs buts autrement, soit pour les abandonner discrètement » : N’avez-vous pas l’impression que ces lignes sont bien contemporaines ?

6/ Malheureusement pour cette pusillanimité, « de tout temps, ce sont les grandes victoires qui ont engendré les grands effets, dans tous les cas pour l’assaillan,t et souvent pour le défenseur » (p. 250). CVC va plus loin, et ne devrait certainement pas être populaire de nos jours. Je ne suis pas sûr en effet qu’on enseigne aujourd’hui cette phrase dans les écoles de guerre : « les généraux qui vainquent sans verser le sang ne sont d’aucun intérêt. Que le sanglant massacre soit un spectacle effroyable doit nous conduire à estimer la guerre à son juste prix, mais non émousser peu à peu les épées par souci d’humanité. Tôt ou tard surgirait celui dont l’épée acérée nous trancherait les bras ». Et plus loin : « le général qui se lance dans la guerre (…) avec la certitude qu’il peut et qu’il doit anéantir l’adversaire jettera tout dans la balance dès la première bataille e espérant qu’il emportera toute la décision (p. 251).

7/ CVC termine ce chapitre par cette conclusion : « le succès, ou plutôt l’intensité de la victoire, dépend de quatre facteurs : 1) la configuration tactique de la bataille 2) la nature du terrain 3) la composition des forces 4) le rapport de forces ». (p. 252)

O. Kempf

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