Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

L’art de la guerre cyber: cyberwar, cyberw-art

Billet dédié à mes cyber-wartistes préférés, bloggeurs, professionnels ou apprentis,, qui se reconnaitront….

La cyberguerre attire énormément la curiosité : le sujet paraît moderne, et beaucoup craignent de rater une révolution technologique entraînant une révolution stratégique : le souvenir de la création de l’aviation marque encore les esprits !

Toutefois, on observe plusieurs réactions :

Tout d’abord, une approche journalistique : ouh ! là ! là ! il y a des grands méchants (les hackers), ah que il veulent que nous faire du mal (nous étant, au choix, les particuliers qui se font plumer leur compte en banque, les entreprises qui se font dauber leurs secrets industriels, les Etats qui se font agresser), ah que c’est la mondialisation, achetez des précautions sinon vous attraperez le sida ! etc, etc. bref, le discours « intelligence économique », plus ou moins évolué.

Une approche militaire : nous sommes dans un monde de l’information, l’information c’est la cinquième RAM, celui qui domine l’info domine tout, il faut donc comprendre que le cyber est un nouveau milieu de la guerre, d’ailleurs on met en place des centres pour ça, qu’ils soient Américains ou otano-estoniens. J'en tremble : le professionnalisme affairé du technocrate en uniforme camouflé, dopé au bodybuilding avec un fort accent américain, et l'air assuré de celui qui est en train de mener la cinquième guerre mondiale. Vous avez raté la quatrième? pas lui, il l'a gagnée, il est déjà dans la prochaine, je vous dis!

Du coup, on se coltine des tonnes de déclarations toutes plus ou moins péremptoires, avec ce qu'il faut d'air entendu, de demi-confidence du gars qui sait, mais qui vous dit un truc important.... Je trouve cela un peu plat. Certes, certains évoquent la nécessité de théoriser tout cela, de produire des doctrines. Mais ça ne convainc pas. Enfin, plus exactement, je ne suis pas convaincu. Pour deux raisons :

  • la première est tout à fait théorique, et je n’ai pas l’impression qu’elle est beaucoup discutée : le cyber est-il seulement un autre milieu de la guerre, qui vient s’ajouter aux milieux déjà existants (terre, air, mer, espace, nucléaire) ? mais alors, on se heurte à l’objection fondamentale de Colin Gray : les nouveaux milieux ne suffisent pas à gagner une guerre, on peut y gagner ou perdre des batailles, mais cela n’entraîne pas forcément le gain ou la perte de la guerre ; au fond, ces nouveaux milieux ne viennent que complexifier la conduite de la guerre. A l’inverse, avons-nous réellement changé de « monde », et la planétisation que j‘évoquais hier a-t-elle pour conséquence un renouvellement complet de la grammaire de la guerre ?
  • la seconde est artistique : avant de théoriser ou de proposer des doctrines, plus ou moins tâtonnantes et opératoires, ne faut-il pas d’abord écrire un « art de la guerre cyber » : quelque chose qui juste en dessous « de la guerre » de Clausewitz, et qui s’appellerait des « principes cyberstratégiques » : quelle attaque ? quelle défense ? que chercher dans l’affrontement ? quelle part au politique, quelle part au stratège, quelle part au peuple ? quelle bataille ? quelles réserves ? d’ailleurs, ce vocabulaire est-il adapté ?

Ainsi, un important travail de conceptualisation me semble nécessaire : il faut pour cela être à la fois technicien et stratège : ce qui est très différent d’informaticien et militaire, si vous me permettez. J’espère qu’il y en a parmi vous…

Il nous faut des cyberwartistes !

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par

Bonjour,
La stratégie aérienne a été vraiment développée environ un bon siècle après les premiers vols d'aérostats. Pour le cyber, il reste donc de la marge. Pour l'instant, je suis d'accord, il y a énormément de techniciens, un peu de tactitiens et l'on cherche toujours les stratégistes du cyberespace. Sans être devin, je pense que cela ne va pas durer très longtemps.
Un problème toutefois : les stratégistes que j'ai eu l'occasion de lire ne comprennent pas forcément les aspects techniques et les techniciens sont souvent à mille lieues des problématiques stratégiques.

Egéa : nous sommes bien d'accord pour les qualités du cyberstratégiste. Pour l'air, Douhet a quand même écrit dès la sortie de la 1GM...

2. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par

Amen,on manque vraiment d'un sympathique pavé sur la tactique et la stratégie dans le cyber-espace.

Egéa : Alleuiah !

3. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par

Olivier : oui pour Douhet au sortir de la Grande Guerre (d'ailleurs un AGSiste brillant avait écrit quelques lignes à ce sujet ;-)).

Cependant je suppose que SD fait référence entre autres à la bataille de Fleurus (1794).

Egéa : aux débuts de l'aviation, n'y a-t-il pas eu un général qui disait : c'est bien, comme il n'y aura plus de fil, les avions pourront monter plus haut pour observer plus loin ?

4. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par

Je n'ai pas encore lu ceci http://www.amazon.com/gp/product/05... , mais ce serait un bon ouvrage pour une première plongée assez complète dans la cyberguerre. Préambule par l'ancien tech chief de la DIA et les éditions O'Reilly sont assez réputées. Toutefois, ce n'est peut-être pas digne d'un Sun Tzu 2.0.

5. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par

Effectivement, je faisais allusion à l'utilisation des "plus légers que l'air" durant les premières guerres de la Révolution française. Depuis, les ballons ont été utilisés dans de nombreux conflits à fronts statiques ou ponctuellement durant des batailles : guerre de sécession, guerre de 1870, première guerre mondiale (ballons et dirigeables), etc. Ils sont actuellement utilisées par les forces israéliennes sur leur "front nord" (le Liban).
Il est intéressant de voir que la théorie aérienne n'a vraiment été développée qu'avec l'utilisation du "plus lourd que l'air". Nous avons aussi sans doute oublié de nombreux écrits sur les aérostiers militaires.

EGEA: à ce propos, Participation et progrès organise une table ronde sur l'actualité des dirigeables : « Des dirigeables, demain, pour la Défense et la sécurité Nationale ». Elle aura lieu le 16 février au musée de l'air et de l'espace. Programme ici

6. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par

Pour poursuivre sur les ballons, regardez la fin de cette vidéo prise en Afghanistan dans une province frontalière avec l'Afghanistan. Et les Américains ne sont pas les seuls à les employer pour des missions de surveillance de leurs FOB.

http://www.dailymotion.com/video/xa...

7. Le mercredi 20 janvier 2010, 21:45 par Hernani

N'y aurait-il pas un paradoxe à dire qu'il y a une face artistique du sujet Cyber tout en regrettant l'absence de stratégie. S'il y a nécessité de stratégie c'est précisement parce qu'il ne s'agit pas d'une vue d'artisite mais de faits. Les faits sont là : les réseaux informatiques irriguent la société (la défense n'y échape évidement pas, mais quelle évolution par rapport aux années 90; le fonctionnement des organisations est de plus en plus dépendant de l'informatique (le médecin réupère le résultat d'un scan sur une clef USB, les dysfonctionnements des réseaux mobiles perturbent profondément les organisations); l'émotion mondiale s'exprime et s'amplifie via le web; etc.
Cela ne constitue ni une doctrine ni une vue d'artiste...mais on ne peut éluder le sujet au pretexte qu'il est trop technique. Clairement nous manquons de stratège et d'un corpus documentaire sur le sujet mais les choses bougent par rapport aux années 2000. Je ne sais pas s'il y a nécessité "d'un art de la guerre Cyber" mais je sais qu'il n'y a pas de guerre, de crise ou de gestion quotidienne sans cyber.
EGEA : le jeu de mot fait allusion à "lart de la guerre", évoqué d'ailleurs par le plus grand stratégiste, Clausewitz : reportez vous aux billets que je produit de temps à autre à son sujet....

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/465

Fil des commentaires de ce billet