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Histoire, mémoire et identité : corrigé

Voici donc quelques éléments de corrigé du sujet proposé il y a quinze jours, avec un intéressant débat soulevé par Alex. Précisons donc : bien qu'intitulés "CID", les sujets proposés s'adressent à tout le public préparant des concours de haut niveau (CID, khâgne, ENA, IEP,...). 1/ Un piège de fond, un piège de forme

2/ Le piège de fond : se faire avoir par l'actualité et traiter un autre sujet.. En l'occurrence, disserter sur l'identité nationale, débat en cours. Evitez de sombrer dans l’identité nationale, ou les lois mémorielles : sont dans le sujet, ne sont pas tout le sujet. D'où : s'il faut le mentionner à un moment ou à un autre, il ne faut pas s'appesantir dessus. DE plus, en traitant le seul sujet, on s'aperçoit qu'on a, par conséquence, énormément d'éléments pour le débat sur l'identité nationale. S'éloigner pour mieux revenir...

3/ Le piège de forme : un sujet en trois mots. Trois thèmes : là est la difficulté. Ils s’articulent et s’opposent deux à deux. C'est au fond LA problématique. D'ailluers, quand vous cherchez la problématique, regardez d'abord le problème que le sujet Voous pose : souvent, vous avez là de quoi inspirer votre réflexion. Ici : sujet en trois termes, comment les articuler?

4/ Du coup, cela souligne l'Importance des définitions : c'est vrai pour tous les devoirs, particulièrement pour celui-ci.

  • Histoire : histoire en marche et histoire qu’on écrit (connue). Histoire en marche, plus récente, avec un grand H, confer déterminisme historique : l’histoire a un but. Ici, il fallait éliminer l’histoire en marche, pas pertinent pour le sujet.
  • Mémoire : deux points de vue : individuel et collectif. Le point individuel devait être éliminé, à un moment : introduction, ou en cours de développement. Il fallait le mentionner, mais savoir où s’arrêter. Citer Nora. Cf. lois mémorielles. La mémoire s’oppose à l’histoire, qui a une définition scientifique, extérieure, quand la mémoire est intérieure et subjective.
  • Identité : là aussi, individuelle et collective. Là aussi, un choix devait être effectué. L’identité collective est récente, est née avec la sociologie (Durkheim). Voir aussi : identité = permanence (dans le temps) et identité = unité. Stabilité dans le temps : on aperçoit la liaison avec mémoire et histoire…

Cela impose une intro assez longue.

5/ On ne peut faire un plan trois parties, avec chacune étudiant les deux binômes : cela amènerait des redites, et manquerait d’unité et de dynamisme. Pour se sortir du triangle, il faut choisir un terme d’entrée, et observer les articulations des deux autres : ou encore, une majeure et deux mineures. En fait, les trois binômes sont dépassés par l’introduction d’un quatrième terme, celui de politique. Cela milite donc obligatoirement pour un plan en deux parties, et même deux sous-parties chacune : c'est la seule façon de rétablir, me semble-t-il, l'équilibre menacé par le rythme ternaire du sujet...

6/ La conclusion me paraît de très bonne facture : elle reprend bien l'articulation générale du développement, et elle apporte quelque chose de supplémentaire, de lié au devoir et permettant en même temps une ouverture. L'utilisation des citations est judicieuse. Un de mes maîtres me disait que si on a une seule citation, il faut la placer en intro ou conclu, si on en a deux en intro et conclu, si on en a plus, alors on peut en mettre dans le développement. C'est bien sûr une recette trop absolue et en fait rarement juste. Mais ici, les citations (Braudel et Renan) sont très bien placées, et permettent de dépasser ce qu'on en dit d'habitude.

Le corrigé proposé est solide : il amènerait une bonne note à coup sûr

O. Kempf


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HISTOIRE, MEMOIRE ET IDENTITE

Dans son ouvrage inachevé, « l’identité de la France », Fernand Braudel écrit une « histoire de France » : il n’est pas anodin qu’un aussi grand esprit ait choisi d’utiliser le mot d’identité pour la nommer. C’est un souci qui demeure contemporain, ainsi que l’illustre le débat en cours sur l’identité nationale : histoire, mémoire et identité ont partie liée, encore faut-il préciser comment.

L’histoire constitue la relation de ce qui s’est déroulé dans le passé, mais elle vise aussi d’expliquer les causes des événements. La mémoire est l’ensemble de ce dont on se souvient, individuellement ou collectivement. L’identité désigne ce qui fonde une personnalité, dans l’ordre psychologique et intérieur ou dans l’ordre social et extérieur.

Ces notions appartiennent à la fois au langage courant et au langage spécialisé de certaines disciplines scientifiques, humaines (l’histoire) ou médicales (mémoire, identité). Il s’ensuit à la fois une universalité (les principes demeurent pertinents partout) et l’adaptation à tous les cas particuliers (histoire du Japon comme histoire d’Afrique,…). C’est pourquoi on s’appuiera surtout sur le cas français, au motif qu’il est mieux connu.

Pris deux à deux, les mots d’histoire, de mémoire et d’identité s’apparient facilement sans pourtant se confondre. Ces paires peuvent s’appliquer à la dimension singulière et psychologique de l’individu ; mais leur mise en relation ternaire amène inévitablement à des considérations collectives. Pour autant, on ne peut se cantonner au seul domaine politique : c’est qu’il faut finalement traiter des rapports entre l’un et le collectif. Ainsi, la mémoire est au cœur de l’identité comme de l’histoire (I) ; il s’ensuit un lien entre identité et histoire, qui pose en retour la question d’une éventuelle politique de mémoire (II).

La mémoire est au cœur de l’identité comme de l’histoire.

En effet, il n’y a pas d’identité sans mémoire.

L’identité est constituée d’une conscience continue, construite par la somme des connaissances et des expériences accumulées. La conscience résulte de ces apprentissages. Il peut s’agir d’expériences individuelles (une lecture, une méditation) mais aussi d’expériences sociales (une rencontre, l’école).

Pour autant, l’identité est différente de la conscience : elle permet d’individualiser une personne au sein d’un environnement social, que celui-ci soit restreint (le « cercle » familial) ou étendu (le citoyen dans la nation).

Du point de vue de l’individu, la mémoire s’attache plutôt à son expérience propre quand l’histoire appartient au cercle social. Il peut certes exister une « histoire familiale »qui revêt une grande charge émotive, importante pour construire l’identité de l’individu. Il reste que cette identité repose en grande partie sur sa mémoire.

L’identité est complexe : c’est une résultante, un assemblage, un écheveau de fils de mémoire, aux provenances variées. Cette réunion, pas toujours homogène et cohérente, se réunit en une seule personne : c’est la personne qui fait l’unité de cette identité. A. Maalouf le montre très bien dans « les identités meurtrières », en évoquant son propre cas :il se « sent » à la fois oriental et occidental, indissolublement libanais et français. Ces deux ascendances (ces deux mémoires) font qu’il est lui-même, Ahmin Maalouf.

Il y a donc plusieurs mémoires assemblées, qui obéissent aux mécanismes mal connus de cette activité physique : en effet, la mémoire est par elle-même un processus de sélection et d’oubli. Certains oublis ne sont d’ailleurs qu’apparents, mais persistent dans l’inconscient et peuvent être déterminants dans la construction de l’identité : c’est d’ailleurs ce constat qui est à l’origine de la psychologie freudienne.


Complexité de la mémoire, complexité des mémoires : ce qu’assume un intellectuel comme A. Maalouf n’est pas forcément aussi bien vécu par tous. En effet, ce métissage culturel n’est pas l’affaire du seul individu : celui-ci doit également composer avec l’autre.

Car l’identité est aussi déterminée par le regard collectif sur soi-même : quelle que soit la façon dont on se pense, on est soumis au regard de l’autre qui peut vous assimiler à ce qu’il se représente de vous et à vos apparences, sans tenir compte de ce qu’on est « vraiment », si on ne tenait compte que de son identité consciente. Il y a là un décalage entre l’identité intime, fortement déterminée par la mémoire, et l’identité apparente, ou perçue.

Ainsi, l’identité de l’individu ne pourrait exister sans mémoire, celle-ci étant la résultante des expériences et des oublis. Mais cette identité individuelle ne peut se résumer à la seule mémoire. L’identité est plus complexe que la mémoire.


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La mémoire joue également un rôle important dans l’histoire : l’histoire est une sorte

L’histoire a une nature multiple. Il s’agit tout d’abord de ce qui s’est réellement déroulé, l’événement par lui-même. Toute manifestation entre donc dans le champ de l’histoire. Pourtant, on voit bien que cette compréhension globale ne correspond pas vraiment à l’expérience : car l’histoire n’est pas tellement tout ce qui a été vécu, mais bien plus ce dont on se souvient. Alors, l’histoire devient beaucoup plus utile. Le lien avec la mémoire est alors très net et très solide. L’histoire est une mémoire.

Cependant, il faut aller au-delà de ce constat : l’histoire pose la question de la transmission de ce dont on se souvient. Il s’agit de la transmission des données : ce peuvent être des récits, mais surtout d’autres sources, comme des pièces de monnaies, des actes notariés, des relevés archéologiques ; toutes des données, « objectives », nécessitent un travail d’interprétation :on s’éloigne alors du lien intuitif entre l’histoire et la mémoire, qui n’est plus aussi solide qu’il apparaissait.

Même les documents expressément dédiés au souvenir peuvent poser problème à l’histoire. En effet, et en demeurant dans le champ des documents écrits, on s’aperçoit que ces textes sont intrinsèquement subjectifs : il n’est que d’évoquer la « vie de Saint-Louis »par Ph. de Commynes, le « Mémorial de Sainte Hélène » de Las Cases ou les « Mémoires » de Raymond Aron pour illustrer non seulement la diversité de ces mémoires, mais surtout leur différence d’approche. Cela ne signifie pas qu’ils travestissent à dessein, mais leur mémoire est sélective, commentée, et augmentée de leur personnalité.

Ainsi, même dans les cas où l’histoire se rapproche le plus de la mémoire, il faut constater qu’il s’agit de quelque chose de différent. La mémoire n’est pas exacte, alors que histoire a l’ambition de l’être. Toutes deux tournées vers le passé, elles l’appréhendent selon des mécanismes et des techniques différents.

La subjectivité de la mémoire entre en contradiction avec l’objectivité ambitionnée par l’histoire. C’est tout le problème de l’épistémologie de l’histoire. Un romancier, Tolstoï, l’a bien mis en valeur : dans « Guerre et Paix », il consacre de nombreuses pages à expliquer comment s’est écrite l’histoire de la bataille d’Austerlitz : quels que furent les souvenirs individuels des participants, ils étaient fragmentaires et imprécis. Ce fut donc le récit dominant, émis par le vainqueur, qui expliqua le déroulement de la bataille : cela ne veut pas dire (et c’est le russe Tolstoï, dont la nation perdit la bataille, qui le dit) que la bataille s’est réellement déroulée ainsi qu’on l’a dit.

Cet exemple illustre bien la nature de l’histoire : elle est toujours un récit ; en termes plus modernes, on dirait que c’est une historiographie, une écriture. Outre la question de la transmission des données, ce qui est ici en cause est la transmission du savoir en l’espèce de la connaissance historique : malgré son ambition scientifique, l’histoire court en permanence le risque de verser dans la subjectivité et de succomber aux travers de la mémoire.



Ainsi, la mémoire ne suffit pas à définir l’identité ni l’histoire, avec lesquelles elle partage pourtant beaucoup. Cela mène alors à poser la question du lien entre l’identité et l’histoire.


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Le lien entre identité et histoire introduit la possibilité d’une politique de mémoire.

En effet, l’identité et l’histoire sont liées par la politique.

L’identité a une profonde signification politique : c’est un attribut de la citoyenneté. Ainsi, pour aller voter, il faut produire sa « carte nationale d’identité ». Toutefois, ce qui semble évident en France ne l’est pas ailleurs : les Britanniques n’ont par exemple pas de « papiers d’identité » à proprement parler.

L’identité est donc liée à la construction politique d’un pays. Cela relève tout d’abord de la conception de l’Etat-Nation qui provient historiquement d’Europe Occidentale (France, Angleterre, Espagne), et dont le modèle s’est popularisé de façon quasi-universelle. Cela induit pourtant un danger : faut-il nécessairement qu’Etat et Nation coïncident ?La fréquente réponse affirmative à cette question amène à vouloir justifier la nation par son identité.

Ce lien a été découvert par des géo politologues contemporains (Y. Lacoste, M. Foucher),au travers de la notion de « représentation » : il s’agit précisément d’une construction identitaire collective, afin de solidifier le sentiment national. Or, cette « représentation » allie le plus souvent un peuple vivant sur un territoire, et une « histoire », plus ou moins magnifiée, qui justifie le discours commun. On utilise alors l’histoire pour créer des mythes nationaux :si les français vivent sur le même territoire que les Gaulois, ces derniers sont-ils pour autant les ancêtres des premiers ? On admettra que ce n’est pas tout à fait exact. Mais ce n’est pas, non plus, un complet mensonge.

Autrement dit, le discours historique est à la source de la construction nationale et de sa cohésion. L’histoire est donc un moment essentiel de cette identité collective, elle est une matrice du sentiment national, et donc de la cohésion qui en résulte.

Ce lien très fort entre l’histoire et l’identité ajoute aux difficultés de l’histoire : elle ne peut être une discipline exacte, et elle est de plus une discipline aux forts relents politiques :elle court en permanence le risque d’être instrumentalisée. On ne s’étonnera guère, dès lors, que de nombreuses lois aient été votées en France sur des sujets historiques : reconnaissance du génocide arménien, interdiction de nier les crimes contre l’humanité, mérites de la colonisation,… Ces lois posent d’évidents problèmes : peut-on décider par la loi de vérités historiques ? Et au-delà du champ épistémologique, ces lois n’attestent-elles pas à la liberté d’opinion ? Ces questions, essentielles, ajoutent à la controverse suscitée initialement par les passions identitaires soulevées par ces lois.

Ainsi, l’histoire et l’identité sont intimement liées, et cela suscite le risque permanent d’une instrumentalisation politique. Cela va rétroagir sur la notion de mémoire.


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La dimension politique de l’identité historique pose en retour la question de la mémoire collective.

La nation a besoin de repères pour organiser son identité. De ce point de vue, la mémoire collective est nécessaire. Ceci explique les différentes commémorations (étymologiquement : « mémoires en commun ») : il peut s’agir bien sûr de la fête nationale, qui célèbre la « naissance de la nation » (chute de la Bastille en France, indépendance pour la plupart des autres pays) ou des grands moments du pays (anniversaire du roi,…) ;il s’agit également de cérémonies du souvenir, qui signalent la fin des guerres (11 novembre, 8 mai) ; on célèbre enfin les grands hommes, symboliques de la nation : ils n’ont pas forcément de nom (le soldat inconnu) mais sont souvent illustres (le Panthéon).La désignation est toujours sujette à débat (cf. l’éventuelle désignation d’A. Camus pour reposer au Panthéon).

Partant de cette politique commémorative, certains veulent instaurer un devoir de mémoire. Ils faisaient initialement référence aux crimes contre l’humanité commis par les nazis, ce qui réunissait l’assentiment général. Une minorité estime qu’il faut étendre cette attitude à tous les crimes dont la nation se serait rendue responsable dans le passé.

Il y a là une extension de la notion de crime contre l’humanité qui pose problème : elle revient en effet à considérer que tout crime est odieux, que toutes les actions collectives et notamment les plus critiquables peuvent être imputées à la nation, et qu’elles sont assimilables à des crimes contre l’humanité. Ce sont ces glissements qui sont problématiques. La prudence recommande de conserver au crime contre l’humanité son caractère exceptionnel. Ce qui n’empêche pas de porter un regard critique sur les excès de la colonisation, puisque c’est à propos de cette question précise que le débat fut lancé.

Surtout, il y a quelque danger à vouloir revisiter l’histoire dans une perspective vindicative. Il y aurait là l’inversion du mécanisme habituel liant la cohésion nationale à une histoire magnifiée : c’est en fait d’une mémoire choisie qu’il s’agit.

La « tyrannie de la repentance » (P. Bruckner) est excessive, et il faut revenir à Renan qui rappelle qu’une nation a « le devoir d’oublier ». Certaines amnésies sont nécessaires à la construction de l’identité, et ce qui est valable dans l’ordre de la psyché individuelle l’est également pour la psyché collective.


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Ainsi, il n’y a pas d’identité sans mémoire, même si l’identité ne peut se réduire à la mémoire. L’histoire est une mémoire écrite, mais son imperfection n’en fait pas une science exacte. Toutes deux liées à la mémoire, histoire et identité sont donc également liées. Ce lien se manifeste surtout dans l’ordre collectif et parvient au cœur du fait politique : s’agissant de la politique du souvenir, avec le devoir de mémoire, il faut, avec Renan, admettre le devoir d’oublier.

En effet, on aime beaucoup à citer aujourd’hui le Renan qui, dans « Qu’est-ce qu’une nation ? », expliquait que c’était un plébiscite de tous les jours. Or, dans sa conférence, examinant justement l’ensemble des fondements possibles du fait national, Renan note à la fin : « Une nation, c’est le souvenir des grandes choses faites ensemble et la volonté d’en accomplir ensemble de nouvelles ». Le plébiscite, quotidien donc présent, n’est donc pas seulement tourné vers le passé, il est aussi ambition d’avenir. En ce sens, l’identité ne doit pas seulement être considérée comme une mémoire, mais aussi comme une promesse, celle des pages d’Histoire qu’il reste à écrire.


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En choisissant « identité » comme majeure, on pourrait avoir un plan alternatif :

  • I- La mémoire et l’histoire sont aux fondements mêmes de la définition de l‘identité
  • A : L’identité est constitutive de l’existence des individus et des sociétés
  • B : La mémoire et d’une certaine façon l’histoire en sont un des fondements
  • II- Mais mémoire et histoire, souvent elles-mêmes en opposition, peuvent aussi conduire au délitement des sociétés
  • A : Histoire et mémoire sont souvent en concurrence dans la définition de l’identité
  • B : Mal utilisées elles peuvent être dommageables à la cohésion sociale

Eléments bibliographiques :

  • Aron (Raymond) : « leçons sur l’histoire » Fallois
  • Bloch (Marc) : « Apologie pour l’histoire » A. Colin
  • Le Goff (Jacques) : « Histoire et mémoire » Gallimard
  • Nora (Pierre) et Chandernagor (Françoise) « Liberté pour l’histoire » CNRS éditions
  • Nora (Pierre) : « Lieux de mémoire » Gallimard
  • Popper (Karl) « misère de l’historicisme » Plon
  • Prost (Antoine) : « Douze leçons sur l’histoire » Seuil (points)
  • Rémond (René) : « Pour une histoire politique » Seuil
  • Ricoeur (Paul) « Temps et récit

Commentaires

1. Le vendredi 22 janvier 2010, 20:54 par Jean-Pierre Gambotti

« Histoire, mémoire et identité », puisque Braudel est sous-jacent dans ce sujet redoutable et même explicite dans l’accroche de votre excellent corrigé, je pense, en très vieux candidat, que je me serais risqué à la problématique des civilisations. C’eût été un risque car il ne faut pas s’aventurer avec une culture hésitante et lacunaire sur la trace des Annales, mais à mon sens l’Histoire dans ce triptyque qui contient mémoire et identité, est bien celle de l’approche globalisante de Braudel, c'est-à-dire celle qui associe les sciences sociales à l’étude des événements, celle de la « Grammaire des civilisations » et de « La Méditerranée ».
A mon sens le sujet n’en serait pas mieux traité, mais je pense simplement que cet angle d’attaque permet quelques digressions, fautives et dangereuses pour une épreuve de sélection, plutôt réjouissantes pour celui qui veut apprécier à nouveau ce superbe voyage qu’est « La Méditerranée ».
Pour bien raisonner la génétique de l’identité il serait intéressant d’inscrire la réflexion dans le tempo historique de Braudel : l’histoire du temps long, presque immobile qui relève des rapports de l’homme avec son milieu, l’histoire plus agitée des groupes humains, cette histoire de l’évolution des idées et de la société, enfin l’histoire événementielle, celle du temps court, celle qui se fait au pas de notre vie d’homme.
Puis ces temps historiques considérés, il faudrait rappeler que les civilisations se construisent à travers les espaces et le territoire, les villes et les sociétés, les économies et les systèmes d’échange, les mentalités collectives et la religion. Ainsi l’identité serait-elle à rechercher aussi dans la géographie, la sociologie, l’économie, la psychologie, cette approche, on le voit, ouvrant très largement le champ de la réflexion que vous proposez. Je n’évoquerai pour terminer ce court commentaire, que la géographie et la nécessité de son étude pour la compréhension de l’Histoire. Pour notre pays, dans ces confins occidentaux de l’entonnoir eurasiatique, dans ce melting-"SPOT", la géographie, si j’en crois encore Braudel, a considérablement influé sur la construction de « L’identité de la France ». Pour ma part donc, prenant l’Histoire dans l’acception braudélienne, j’aurais tenté de torturer ce sujet en m’appuyant sur la grammaire des civilisations, mais peut-être est-ce parce que j’étais en classe de terminale bien avant la révolution des programmes d’Histoire.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

EGEA : Je suis d'accord avec vous, on pouvait difficilement se passer de Braudel (et de Renan). J'ai lu la "Grammaire des civilisations" avant la "Méditerranée" (mais après "l'identité de la France") : je conseille d'ailleurs au curieux cet ordre de lecture (terminer par la Méditerranée). Toutefois, si effectivement elle nourrit l'esprit, la grammaire aurait, probablement, été source de confusion : il fallait déjà tenir les trois termes, ajouter en sus celui de civilisation, déjà par lui-même compliqué, eut été un défi intenable (du moins pour un devoir en temps limité).

Pour la Méditerranée, je retiens comme vous le premier tome, enchanteur, sur la géographie de l'histoire. Savez-vous que dans la première introduction à sa thèse, Braudel invente le terme de "géo-histoire" qu'il rejette finalement dans l'édition publiée de 1949 ? Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Il est assez réjouissant, d'ailleurs, de réunifier deux disciplines qu'on croyait disjointes, à l'école. Historien de culture, je suis devenu géographe d'esprit.

J'adore votre "melting-SPOT".

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