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Du gouvernenement économique européen

De bonnes âmes plaident en faveur d'un gouvernement économique européen. Je discerne deux lignes d'argument à cela :

  • une raison un peu théologique, venant surtout des milieux français, et prônant un "gouvernement" pour asseoir la puissance européenne
  • une raison plus pragmatique, dictée par les circonstances, en l'occurrence la fragilité grecque

Cela nécessite quelques commentaires, puisque selon son intitulé, un "gouvernement européen", économique ou non, est une question proprement géopolitique.

1/ La raison théologique, tout d'abord.Elle pâtit de plusieurs défauts : chacun voit bien que les Français qui la promeuvent souhaitent avoir toute leur place dans ce gouvernement : il n'est pas sûr que les autres aient très envie que les Français imposent leurs vues. En fait, il est sûr qu'ils n'en ont pas envie. Même si on ne sait pas très bien de quoi ils ont envie, je vous le concède !

2/ La raison pragmatique : le désastre économique grec, la contagion aux pays du sud amènent chacun à se poser des questions. Je remarque immédiatement que la question ne touche les "Européens" que le jour où c'est la monnaie qui est menacée : les difficultés de l'Irlande, de la Hongrie ou de l'Estonie ne suscitent la compassion de personne : quant à l'intérêt, vous pensez ! Ce qui fait débat, c'est qu'avec la pression des marchés, au-delà des politiques économiques, c'est la solidarité financière entre puissances de l'euroland qui est ici mise en cause.

3/ Souvenez-vous, il y a une dizaine d'années, nous débattions jusqu'à la nausée de la notion de zone monétaire optimale. A l'époque, on croyait encore aux théories économiques, et on croyait vraiment que l'euro était une affaire économique. Or, c'était bien une question politique. Celle non des transferts de souveraineté, comme on l'a cru au moment du débat sur Maastricht. Mais celle de la solidarité. Financière.

4/ L'Etat, c'est deux choses : des impôts, et un système domestiqué de contrainte intérieure et extérieure. Avec cela, vous développez une souveraineté. Et vous agencez un territoire. En faisant accepter qu'une région riche cotise pour une région pauvre.

5/ Là réside l'enjeu : il ne s'agit pas de savoir si la Grèce pèse seulement 3 % du PIB européen. Ni même de savoir si les autres vont payer la facture. C'est de savoir s'ils vont accepter, alors qu'ils sont eux-mêmes soumis à des cures violentes d'austérité, d'ajouter une petite louche pour subvenir aux besoins du voisin grec et impécunieux (même si je trouve la France assez gonflée de jouer à la fourmi de la fable...). Voyez vous votre premier ministre préféré, à deux mois des régionales, annoncer qu'il va dépenser trois milliards d'euro pour défendre la Grèce ?? Et s'il le fait (puisqu'il faudra défendre l'euro), qu'il accepte de laisser la bride sur le cou aux "dirigeants grecs" sans avoir des moyens de coercition et de contrôle de ce qui s'y fait? en clair, de franchir la ligne de la souveraineté ?

6/ Oui, très chers, j'entends déjà les reproches : je suis horriblement simpliste, cela ne se passe pas comme ça, il y a d'autres moyens, ... Bref, les éternelles invocations quand on ne veut pas entendre une question crue et donc grossière. Mais la vie, n'est-il pas, est grossière. Et je vois bien que derrière cette question de solidarité eurolandienne, il y a un profond ressort géopolitique.

7/ L'alternative va rapidement être la suivante, surtout si les marchés continuent leurs spéculations (et pourquoi donc croyez vous qu'ils cesseraient?) :

  • soit un mécanisme de solidarité, qui entraîne dès lors des mécanisme intrusifs plus approfondis que ls système actuel (en clair, il ne s'agirait plus de se contenter d'édicter du droit et de contrôler son application, mais d'avoir la capacité collective de prendre des mesures, y compris contraignantes, dans telle ou telle "région" de l'Europe)
  • soit un éclatement de l'euro, et donc un retour à un système national pré-maastrichtien, avec son lot de rancœurs et surtout des crises sociales très graves, pouvant dégénérer en conflits, intérieurs comme extérieurs.
  • soit, et c'est en fait le plus probable, le renoncement au dogme de l'euro fort, et donc une dévaluation de fait. So what ? tout le monde le fait, les chinois en premier... et les Américains nous ont quand même infligés des décennies de "c'est notre monnaie et votre problème" pour qu'il soit assez logique de leur retourner la politesse. Au risque d'une course à la dévaluation... mais après tout, n'est-ce pas nécessaire pour forcer les autres à être, eux aussi vertueux ? (on lira l'article de Sceptikos

Que de mauvaises solutions, j'en conviens....

O. Kempf

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