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Normalisation ukrainienne

Les élections sont passées en Ukraine, finalement de façon apathique et sans les débordements que certains vendeurs de copie espéraient, au cas où. Mais on est loin du romantisme de la révolution orange. Il est temps d'aborder l'Ukraine de façon plus distante, et moins émotive.

Carte_Ukraine.jpg

1/ Tout d'abord,

il serait temps de constater que l'opposition géographique ne se fait pas entre l'Est et l'Ouest du pays, comme tout le monde nous le dit, mais entre le Nord et le Sud. En effet, les populations russophones sont dispersées le long du rivage de l'Ukraine, jusqu'à la Moldavie et au-delà, la Transnistrie (russophone). Mais qui dit russe dit orient, voire septentrional, bref, loin à l'est. Donc, si russophones il y a, ils seraient à l'est. Eh! non.

2/ cela emporte la deuxième conclusion : qui dit russophone ne dit pas forcément "pro-russe". Malheureusement, on lit/entend ce raccourci à tous les coins de médias. Les choses sont un peu plus compliquées : Mme Timotchenko entretenait, comme premier ministre ces derniers mois, d'excellentes relations d'affaire avec Moscou ; M. Ianoukovicth, certes russophone et proche de certains milieux d'affaires, n'est pas forcément prêt de s'allier à n'importe quel prix à tous les clans moscovites.

3/ Conclusion suivante : M. Ianoukovitch peut défendre un intérêt "ukrainien" même si celui-ci ne revêt pas les oripeaux d'une indépendance farouche envers son voisin oriental. La logique binaire n'est pas forcément du côté du Kremlin : beaucoup, en "Occident", pensent que ceux qui ne sont pas "avec" nous sont "contre" nous. Le nous étant ici l'expression d'une "normalité" mal définie.

4/ L'expression démocratique n'est pas, malgré tous les plans de communication et la joliesse des nattes blondes, du côté où on l'attend. M. Ianoukovicth a respecté le verdict des urnes il y a cinq ans, s'est tenu raisonnablement dans l'opposition, a laissé le camp orange se déchirer, et à gagné les élections suivantes de façon régulière. Mme Timotchenko, avait déjà contesté dans la rue les dernières élections (la fameuse révolution orange). Surtout, elle ne reconnait toujours pas le résultat de celles-ci : 53% pour l'un, dans des élections jugées honnêtes et transparentes par l'OSCE. Dites-moi : qui est démocratique ?

5/ De là à dire que M. Ianoukovitch est un parangon de vertu politique... je ne m'y aventurerai pas. Disons que quand on constate le niveau de corruption cumulé en Grèce, (membre de l'Union européenne) il faut être prudent quand on porte des condamnations morales plus à l'est. Précisons également qu'aux mêmes causes, les mêmes effets : Kiev, comme Athènes, devra instaurer un système de mise au pas de l'Etat....

6/ Car la question est d'abord économique avant d'être nationaliste : la grille de lecture "simplement" géopolitique ne tient plus (ou du moins, passe au second rang, ou met une autre focale en avant) : il ne s'agit plus de la gestion d'un éclatement plus ou moins colonial, ou de la bascule entre un Est et un Ouest fantasmés. Non, simplement, il s'agit d'une crise économique et de l'absence d'Etat.

7/ en revanche, de façon sous-jacente, et pour nuancer quelque peu tout ce que je viens de dire, il y a deux risques d'éclatement qui perdurent : l'un au sud concerne la Crimée ; l'autre à l'ouest concerne la Ruthénie. L'Ukraine est plus compliquée qu'il y paraît.

8/ Dernier point, l'énergie. Il s'agit aussi bien des flux (les gaz) que des tuyaux. Cela concerne l'Ukraine à propos des tuyaux, de leur possession, mais aussi de leur mise en œuvre. On est là au carrefour entre les intérêts privés et la géopolitique. Précisons une chose : certains qui à l'ouest chantent sur tous les tons "sécurité énergétique", notamment comme possible mission de l'Otan, devraient préciser ce qu'ils entendent : s'agit-il de garder les tuyaux ? contre quel agresseur ? en Ukraine qui n'a, majoritairement, pas envie d rejoindre l'alliance ?? Cette précision me semble utile à l'heure où certains ne jugent la question russe qu'à l'aune du gaz....

O. Kempf

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