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Néo-féodalité

1/ L'excellent von Meinstein a réagit à un de mes billets évoquant la réémergence d'un "deuxième monde (voir ici) : "Ne revenons-nous pas vers un système géo-politique vaguement moyen-ageux, ou l'Etat existe, avec une souveraineté géographique et politique limité, et plus ou moins de liens de vassalités/rivalités/concurrences/sous-traitance envers d'autres structures de pouvoir (mercenaires, entreprises, corporations, groupes religieux) ?"

2/ Je lui avais répondu que ce thème de la néo-féodalité n'est pas nouveau. Mais il retrouve de la pertinence avec l'affaiblissement de l'Etat westhpalien, et la mise en œuvre d'une planétisation que j'ai déjà évoquée.

3/ Cette nouvelle féodalité ne se décèle pas uniquement dans l'ordre politique, mais aussi dans l'ordre économique : lisez cet article (signalé, encore, par VM) sur le sujet.

La finance publique revient-elle donc au Moyen Âge Le fardeau de la dette sera-t-il le dynamiteur de l'Etat ?

Quand l'économie affecte si profondément la situation géopolitique, cela s'appelle de la géopolitique des ressources....

Pour compléter, on lira avec intérêt amusé ce bijou petit billet passé sur AGS : le retour des condotta.

De même, on lira l'intéressante opinion publiée par Michel Maffesoli dans le Figaro de samedi sur le réenchantement du monde, à la suite d'avatar (voir aussi ma lecture d'Avatar).

Sur la notion de néoféodalité, voir également deux autres approches, une de science fiction, l'autre philosophique.

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 15 février 2010, 19:41 par

Bonsoir,
Un billet dans AGS dans lequel j'abordais le thème des organisations néoféodales :
http://www.alliancegeostrategique.o...
Je suis convaincu de ce concept.

2. Le lundi 15 février 2010, 19:41 par VonMeisten

La notion de perte de maitrise du territoire me semble aussi pertinente par rapport au concept de néoféodalités. Certaines zones du territoire national sont aussi de plus en plus "grises", et de facto récupérées par d'autres organisations. Certains habitants vivent correctement parce qu'ils montrent une forme d'allégeance envers le pouvoir en place ("je suis obligé de dire bonjour aux gars qui tiennent les murs dans le hall de mon immeuble, sinon, on me casse la g...").

3. Le lundi 15 février 2010, 19:41 par

Comparer ce début de XXI° siècle et le Moyen-âge est une idée intéressante et justifiée. Pourtant il manque un élément essentiel pour que la ressemblance des « vassalités/rivalités/concurrences/sous-traitance envers d'autres structures de pouvoir (mercenaires, entreprises, corporations, groupes religieux) » soit complètement pertinente : au Moyen-âge, aucune autorité matérielle ou morale ne pouvait exister sans se référer, d’une façon ou d’une autre, directement ou indirectement, à Rome, Centre du Monde sur une Terre plate. Le système a tenu jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que, la Terre étant ronde, Rome ne pouvait pas être le Centre du Monde.

Aujourd’hui (mais je peux me tromper), nous n’avons pas de Centre du Monde, une valeur de référence qui ferait l’unanimité. Cette absence limite la comparaison avec le Moyen-âge.

Je comparerais plus volontiers la période actuelle au XVI° siècle : après les grandes découvertes géographiques qui ont débuté en 1482, tout ce siècle s’est demandé où était le Centre du Monde. C’est finalement René Descartes qui a trouvé en 1637, plaçant chaque individu au centre de son propre univers où la seule certitude est la conscience d’exister, tout le reste étant objet de doute.
Dans ces conditions, il devenait peu à peu évident que tous les hommes étaient égaux en droit. C’est ainsi que le mariage de l’égocentrisme cartésien et de l’Etat westphalien a enfanté la démocratie.

Nous sommes actuellement dans une période aussi féconde, et aussi dangereuse par son instabilité, que le XVI° siècle. J’ai la conviction que, dans le futur (sans trop de risque d’être démenti par les faits de mon vivant), les historiens nommeront la période actuelle « nouvelle renaissance ».

Nous assistons à une phénoménale redistribution des cartes, non seulement sous l’effet du changement climatique, mais aussi et surtout parce que les techniques de communication bouleversent notre inconscient collectif. Pour capter clairement cette évolution, il faut avoir connu comme moi l’époque où le téléphone était un luxe rare, ou la télé n’existait pas, où la radio (à lampes) ne pouvait s’écouter que sur un gros poste fixe. Et où surtout l’ordinateur et la Toile qui me servent à vous écrire aujourd’hui étaient inimaginables même dans les ouvrages de science-fiction les plus délirants.

Aujourd’hui, la Toile change tout. Il se forme des solidarités virtuelles sans limitation géographique : mes correspondants sont installés au Japon, en Nouvelle-Zélande et ailleurs, développant des points de vue qui sont nécessairement différents des miens. Dans le domaine financier, des millions de petits porteurs d’actions boursicotent en direct et instantanément, créant une incertitude permanente. Les exemples du bouleversement sont multiples et nous les assimilons si facilement que nous ne les voyons plus.

Peut-être sommes-nous en train d’évoluer vers une organisation sociale et internationale qui peut rappeler le Moyen-âge en ôtant aux Etats le rôle central qu’ils occupaient au siècle précédent. Ce qui est sûr, c’est que le 21ème siècle promet d’être passionnant.

Nous vivons actuellement une période historique d’ouverture intellectuelle exceptionnelle dans l’Histoire de l’Humanité. Elle s’accompagne nécessairement d’une redistribution des pouvoirs. Il nous reste à trouver le Centre du Monde.

égéa: votre idée du centre du monde, puis du rôle de Descartes, est passionnante : même si je relativise Descartes, lire Immarigeon pour cela.

4. Le lundi 15 février 2010, 19:41 par Richi

Pour ma part, et pour rester plus terre à terre, je suis assez réservé sur l'utilisation du concept de néoféodalité, je fixerai une limite majeure à sa pertinence dans l'idée de légitimité, les zones de plus en plus grises (à vérifier) qui peuvent apparaitre sur notre territoire sont aux mains d'un ordre qui en tout état de cause ne trouve pas sa place dans le système politique. Certes, la force publique et la justice ne s'appliquent pas de façon automatique et immédiate, mais:
1- cela c'est-il déja produit?
2- les crimes et délits aujourd'hui impunis n'en restent pas moins des crimes et,des délits qui ont vocation à être sanctionnés.

Le jour où la justice et l'ordre de ces quartiers seront officiellement confiés aux gros bras locaux, on en reparlera
N'allons pas trop vite dans les analogies

Cordialement

5. Le lundi 15 février 2010, 19:41 par

Je reviens afin de plaider pour René Descartes. Je suis souvent d’accord avec Jean-Philippe Immarigeon, mais je ne partage pas son point de vue sur Descartes.

Avec notre belle langue franco-latine finement ciselée par toutes sortes de Sages, l’on évacue bien des ambiguïtés en s’interrogeant sur ce qui différencie des mots que l’on prend un peu vite pour des synonymes : il en est ainsi des mots « individualisme » et « égocentrisme ».

L’individualisme, c’est trivialement « pousse-toi de là que je m’y mette » : c’est ce qu’on dit en les tuant aux Précolombiens dont on convoite le territoire, puis aux Sudistes dont on convoite la main-d’œuvre, en 1951 aux Inughuits qui vivent sur l’emplacement de la future base de l’USAF à Thulé. C’est aussi l’avertissement qui a été lancé à la concurrence en 1945 par l’atomisation du Japon qui ne menaçait pas la survie des Etats-Unis mais qui s’était positionné en concurrent périphérique. Tels sont les résultats de l’individualisme, fondement d’une nation qui ne respecte pas Lafayette et que Jean-Philippe Immarigeon dénonce à juste raison.
L’égocentrisme, c’est autre chose : Descartes n’est pas complice de Nagasaki.

L’égocentrisme apparaît sous la forme d’une interrogation qui survient en observant, par exemple, la Voie Lactée ou une fourmilière ou une pomme tombée de son arbre : ce qui est le plus merveilleux et le plus mystérieux en observant ces phénomènes ou tout autre, c’est finalement qu’il existe un observateur cherchant à comprendre. Dans l’incident de la pomme newtonienne, la gravitation universelle est un immense mystère mais le mystère le plus grand c’est qu’une intelligence soit capable de concevoir ½ gt². L’humoriste Philippe Geluck le dit à sa façon : « de tous les organes du corps humain, seul le cerveau sait qu’il en est un. »

René Descartes témoigne de son époque : au début du XVII° siècle les intellectuels, c’est-à-dire les gens qui savaient lire et écrire, retrouvaient un Centre du Monde pour remplacer celui qui avait été perdu depuis la fin du XV° siècle. « La vie est un songe » écrivait en 1635 Pedro Calderón de la Barca : notre pensée crée le monde qui nous entoure et celui-ci n’existerait pas sans notre pensée.

L’égocentrisme n’est pas l’individualisme. Par conséquent je demande, Mesdames et Messieurs les jurés, un non-lieu pour René Descartes.

égéa : la parole est au ministère public (que les pénalistes me pardonnent : on dira que nous n'en sommes pas encore aux plaidoiries, mais au déroulement du procès)

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