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Discours d’adieu du CEMA

C’était probablement le dernier discours du général Georgelin, en tant que CEMA : il a été prononcé mercredi dernier 17 février, à l’école militaire, devant un parterre d’officiers de l’EMA, des trois armées, du CHEM et du CID. De l’avis de tous ceux que j’ai interrogés, c’était un beau discours, notamment son introduction et sa conclusion, qui ont marqué les esprits. L’émotion du général était palpable : à la fois témoignage, bilan, et affirmations des fondements de l’action, le projet était affirmé dans le titre : « les armées face aux réalités du monde ». Autrement dit : « pourquoi des armées aujourd’hui ? ».

Un des auditeurs a bien voulu me confier ses notes, sachant que le discours sera publié un des ces jours : c’est assurément un discours géopolitique, prononcé par un géopoliticien - un acteur de la géopolitique. ça vaut le détour.

Les armées sont l’incarnation du tragique du monde. Régulièrement, la Nation remettait son sort entre les mains des armées : ce principe là est révolu, sentent confusément les responsables aujourd’hui : il faut donc s’investir dans la réflexion pour répondre à cette interrogation. Tout d’abord en constatant que le rapport de force demeure une constante dans le monde contemporain, et que l’insularité européenne donne une fausse impression de sécurité. Or, la violence que nous avons su domestiquer demeure une façon courante de régler des conflits. Ainsi, les dépenses de défense mondiales sont passées de 831 M$ en 1996 à 1226 M$ en 2008. Et nous autres militaires savons que l’impensable est toujours possible.

Par ailleurs, les conditions géopolitiques évoluent fortement : qu’il s’agisse de l’émergence de nouvelles puissances (Chine, Brésil, Inde, Russie), ou du besoin ressenti par tous les gouvernements, concernant l’accès stratégique aux ressources naturelles ; enfin, les espaces de confrontation évoluent : cyberespace, espace stratosphérique. Le temps long nous apprend à ne pas sous-estimer la force des mouvements de fond qui sont pourtant silencieux : c’est l’apanage des vrais décideurs. Car la domestication ne signifie pas la disparition de la violence, ce qu’illustre le retour des conflits à dominante économique. L’histoire nous apprend la surprise stratégique, et nous aurons toujours besoin des armées face à la myopie qui nous environne : les armées sont au cœur de la résilience.

Comment penser et construire les armées ? en observant la réalité des engagements et des crises, qui montre un durcissement : la guerre change non de nature, mais de forme. Et nous avons du mal à cerner les ressorts idéologiques des adversaires, quand ceux-ci s’adaptent à nous, tant nous sommes prévisibles et transparents. Il faut relever le défi de l’adaptation réactive : nos armes seront efficaces grâce à la pensée tactique et stratégique. (….)

Nos armées ont su s’adapter à la révision stratégique. Elles ont été associées, beaucoup plus qu’on ne l’a dit dans nos rangs, aux travaux du Livre Blanc. (…)

Nous, militaires, avons démontré notre efficacité et notre loyauté. (…)

Le changement et l’immuable : l’immuable, c’est notre vocation et nos traditions. Y toucher, c’est empêcher l’évolution. (…) L’homme reste au centre de la conflictualité. Il y a certes une tentation technologique, elle est de toutes les époques. Il faut la replacer à sa juste place : la technologie ne remplacera jamais la détermination. Car au cœur de l’outil militaire, il y a le moral des soldats.

Quelles sont donc les lignes d’opération ?

  • • les problématiques sont mondiales, mais les sacrifices sont nationaux.
  • • Il y toujours le risque de surprise stratégique.
  • • Il faut affirmer notre dévouement à la communauté nationale. Il faut enfin cultiver le sens de la responsabilité, le courage, l’humilité, le discernement, la rigueur, la discipline, le don de soi, et la solidarité dans nos rangs.

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