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« Après-guerre, une histoire de l’Europe depuis 1945 » de Tony Judt

Judt Tony « Après-guerre, une histoire de l’Europe depuis 1945 » Hachette Grand pluriel, 2005 édition originale, 2007 édition française chez Armand Colin, 2009 pour cette édition « de poche » renouvelée

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Voici un ouvrage indispensable. S’il est long, il s’agit de ce genre de livre de chevet qu’on prend chaque soir un peu, à chaque fois assuré de trouver des idées neuves, des perspectives nouvelles, des suggestions insoupçonnées, et cela sur un sujet que l’on croit connaître, tant il paraît présent à notre expérience personnelle.

Cette histoire que l’on a soi-même vécue ou dont on a des témoignages directs reçus de nos proches, cette histoire recèle des aspects si insoupçonnés qu’il est remarquable de les trouver. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de détails, dont on conviendra aisément qu’ils nous aient échappés : mais il s’agit aussi des grandes tendances et des significations qu’on pensait, au contraire, avoir bien aperçus. Or, cette pleine « réflexion » s’avère bien incomplète, et c’est le grand mérite de ce livre que de nous en faire prendre conscience.

La principale leçon est simple : l’Europe, la vieille Europe s’avère incroyablement neuve et oublieuse de ce qui l’a faite : les deux guerres civiles européennes et, notamment, la dernière, ont laissé un continent totalement bouleversé. Il ne s’agit pas seulement des superstructures (régimes politiques, frontières, organisations) mais aussi de quelque chose de plus profond : sociétés, peuples, économies ont été chamboulés. Au sortir de la guerre, on peut affirmer que le continent neuf, c’est l’Europe !

L’autre grand enseignement tient à cette histoire que je ne dirai pas « comparée », mais « synthétique ». Car il s’agit vraiment d’une histoire de l’Europe, qui passe bien sûr par les nations qui la composent, mais en cherchant sans cesse à montrer à quel point les tendances se repèrent à travers le continent, se renvoient et se répercutent, malgré la division entre l’Est et l’Ouest.

Car c’est au fond la troisième idée : celle d’une réunification continentale qui dépasse le seul écroulement de la domination d’un empire à l’est ou l’évincement de l’influence d’un autre empire à l’ouest. Unification qui, pourtant, laisse place et, le pronostic est clairement dit, laissera place aux nations constitutives : cette dialectique entre quelque chose de commun et de plusieurs particularités, voilà aussi l’objet de cette histoire.

Connaître donc ses voisins pour mieux se connaître soi-même : s’il n’y avait qu’une raison de lire « Après-guerre », ce serait celle-là.

On notera qu’il parle peu de l’URSS, et presque pas de la Turquie. On rappellera les excellentes pages sur la reconstruction des années 1950, ou les « révoltes » des années 1960. On pointera le souci permanent de montrer l’évolution des mentalités, tout comme celle des idées : les pages sur le communisme à l’est et à l’ouest dans les 50’ & 60’, ou le terrorisme dans les 70’ sont excellentes. De même, la description de l‘Europe d’aujourd’hui est pleine de sel, avec notamment des aperçus très heureux sur l’Union Européenne, ses vertus et ses lacunes, aperçus originaux et tellement loin de ce qu’on a l’habitude de lire. Une lecture stimulante, qu’il faut faire avec un crayon : pour annoter, commenter, s’exclamer, retenir. Un livre de chevet, disais-je, qui constitue l’outil idéal de quiconque doit préparer un entretien où on pourrait le questionner sur sa culture générale....

A la fin, une stimulante bibliographie, ainsi qu’un index complet, agrémentent l’ouvrage et en font, incontestablement, une référence.

On se reportera à quelques citations : ici, ici et ici. Et j'en ai quelques une, recopiées avec attention, pour les jours où je serai en panne d'inspiration...

A dévorer, vous dis-je. A piller.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 12 mars 2010, 21:28 par

J'ai achevé la lecture de cet imposant ouvrage. Et j'en sors très content.
Non seulement c'est très bien construit et donc agréable à lire mais c'est surtout très solidement documenté (sans être parfait, avec avec une telle montagne de renseignements, ne pas avoir un peu de déchets montre l'humanité de l'auteur). Et pour rendre plus agréable la lecture, T. Judt n'est pas avare de flèche de Parthe et piques, surtout pour le personnel politique et intellectuel français qu'il a observé au plus près.
C'est donc un excellent manuel, mais pour lecteur au minimum initié ou alors bien accroché. Un futur grand classique, égal au Berstein et Milza.

égéa : oui, tout à fait d'accord, j'ai beaucoup aimé : on en ressort intelligent.

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