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Les armées, 2ème budget de l'Etat ? par Y. Cadiou

A la suite d'un débat qui s'est échangé sur égéa à propos des dirigeables (merci Nono), Y. Cadiou nous propose un texte sur le financement des armées, mais aussi des investissements publics.

A l'heure où se profile une RGPP 2, (rasoir à deux lames), et que l'agence de notation MItch menace de dégrader la note de la dette publique de la France (et du Royaume-Uni et de l'Espagne, je propose immédiatement l'acronyme FRUKS, nom forcément magique), il semble opportun d'évoquer la question des financements publics des équipements de l'État. Je précise, cela va de soi, que ces opinions n'engagent qu'Yves Cadiou et ne sont présentées ici que pour susciter le débat. Je reste quant à moi partagé quant aux solutions préconisées. Je modérerai, comme d'habitude, les commentaires.

O. Kempf

Le budget des Armées est le deuxième budget de l'Etat, mais il est loin d'être le deuxième budget le plus lourd pour le contribuable. Je vais d'abord expliquer ceci, puis j'en tirerai quelques conséquences pour nos Armées.

Il y a chez nos concitoyens une méconnaissance trop généralement répandue concernant le fonctionnement et le financement de nos services publics. Les budgets des différents ministères sont difficilement comparables avec celui des Armées car il y a des additions qui ne sont pas faites concernant les budgets civils.

Les budgets de TOUS les ministères civils sont en grande partie pris en charge par les Collectivités territoriales alors qu'au contraire le budget des Armées est inscrit uniquement au budget de l'Etat.

Je prends deux exemples, l'Intérieur et l'Education Nationale, mais ces deux exemples de financement s'appliquent à tous les autres ministères.

Pour le ministère de l'Intérieur, rappelons d'abord que les Commissariats et les Gendarmeries sont financés par les collectivités locales.

En ce qui concerne, autre exemple concernant le ministère de l'Intérieur, le budget des Pompiers : le système est intéressant à connaître mais méconnu de ceux qui ne l'ont pas pratiqué. En France deux-cent cinquante mille pompiers civils et leur matériel sont financés par les communes, les intercommunalités et les départements : les SDIS (Services Départementaux d'Incendie et de Secours) sont des établissements publics qui imposent leur budget aux collectivités locales sur la base des directives du ministère de l'Intérieur en application de la loi n°96-369 du 3 mai 1996.

Le budget des pompiers civils passe inaperçu de l'Etat parce qu'il est «dilué » entre une centaine de services départementaux obligatoirement financés par les collectivités territoriales. Ceci se fait en contradiction avec l'article 72 de la Constitution (libre administration des collectivités territoriales), mais la loi n°96-369 n'a jamais été déclarée contraire à la Constitution. Le budget total des SDIS n'a fait, à ma connaissance, l'objet d'aucune étude ni même d'une simple addition. De ce fait les budgets « Intérieur » et « Armées » sont difficilement comparables.

Il en est de même pour un autre service public important : sans même rappeler qu'une petite partie de l'Education Nationale est privatisée, il faut savoir que l'infrastructure nécessaire à l'enseignement public est entièrement prise en charge par les collectivités locales : le Communes financent toutes les écoles primaires ; les collèges et les lycées sont pris en charge par les Départements ; l'enseignement technique par les Chambres Consulaires ; les universités sont financées par les Régions.

Il en est ainsi de tous les ministères civils : le ministère des transports ne finance pas les routes départementales (prises en charge par les Départements), ni les autoroutes prises en charge par des SEMA (Sociétés d'Economie Mixte Autoroutières), ni les réseaux ferrés régionaux (les TER sont financés par les Régions), ni les ports ni les aéroports qui sont financés par les Chambres de Commerce.

Ministère de la Santé : les hôpitaux, financés par les Villes et par la Sécu, n'apparaissent pas non plus au budget de l'Etat.

Quant à la dette publique, celle de l'Etat est considérable mais il faut y ajouter les dettes cumulées de toutes les collectivités territoriales et de tous les établissements publics, qui sont toutes et tous endetté(e)s.

Mais c'est le même contribuable qui paye des impôts à la fois pour sa Ville, pour son Intercommunalité, pour son Département, pour sa Région. Seul le budget des Armées est directement lisible parce qu'il est entièrement inscrit au budget de l'Etat.

Je ne dis pas que le système est mauvais, je dis qu'il faut le connaître. En dépit de quelques imperfections, tout ceci en définitive ne fonctionne pas trop mal : il faut juger aux résultats et non aux méthodes.

Mais il faut comparer seulement ce qui est comparable. Il faut savoir que dans les ministères civils, le principe est solidement établi de toujours trouver des payeurs extérieurs. Chez les militaires au contraire, l'on est trop honnête et l'on pense que l'intérêt général prévaut sur les intérêts de chapelle. Jamais les militaires ne demandent le remboursement des prestations indues effectuées au profit d'autres ministères : Vigipirate devrait être remboursé par le ministère de l'Intérieur ; JDM rappelait certaines dépenses supportées par les Armées au profit des AE, des Dom-tom, de la Coopération. Lorsqu'on apprend que les Armées envoient en Haïti un bataillon du Génie transporté par la Marine Nationale, on aimerait apprendre en même temps que le financement est pris en charge par le Ministère de la Coopération. Aider Haïti est parfaitement légitime compte tenu de nos liens culturels et historiques : le Ministère français de la Coopération est parfaitement fondé à y missionner l'une de nos entreprises de travaux publics civiles qui ne demandent qu'à travailler, acheminée par un transporteur civil dont c'est le métier. Mais non : l'on préfère en charger les Armées, de façon illégale au regard de la loi de 2005, article 1er, que je rappelle ci-dessous. Le financement de l'aide (cette aide est légitime, j'y insiste : seul le mode de financement est contestable) est ainsi supporté par le budget des Armées et non par celui de la Coopération à qui elle incombe.

Vingt ans de fonction publique territoriale m'ont appris que la première question à poser est précisément celle-ci : "d'accord, mais QUI PAYE ?"

Yves Cadiou

Commentaires

1. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par

Ah dommage dans le paragraphe 8 de Y. Cadiou, on voit que c'est le département qui a en charge les lycées, alors que c'est bien la région qui en a la gestion.
Mais j'abonde dans le sens de Y. Cadiou, la dilution du financement et l'obligation officieuse de cofinancement public (dans pas mal de projets, personne ne bouge avant que la municipalité n'annonce le montant et département et région se calent là dessus)
contribuent à une moindre lisibilité.

2. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par Christophe Richard

Très intéressante mise en perspective d'Yves Cadiou.
Je crois qu'il y a effectivement des réflexions à pousser en terme de lisibilité budgétaire sur le juste partage des charges de l'action interministérielle. Nous n'en sommes qu'au tout début des réflexions autour de l'approche globale. Les débats à venir ne sauraient faire l'économie de la dimension financière.

Par contre, il me semble que la spécificité politique de la défense implique que l'effort consentit par la nation reste visible afin de bien fixer les enjeux proprement politiques qu'impliquent la défense. Cela exige aussi sans doute de s'interroger sur la forme de pédagogie mise en œuvre auprès de nos concitoyens pour en expliquer le sens.

Bref, il convient de trouver le juste équilibre entre lisibilité et visibilité de l'effort financier. L'enjeu est bien sûr au final celui de la légitimité.

Bien cordialement

Christophe Richard

3. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par patf

"dans les ministères civils, le principe est solidement établi de toujours trouver des payeurs extérieurs"
il est a noter que les redevances de navigation aérienne ne sont jamais payées par la défense. Les avions militaires, d'Etat utilisent les services de la DGAC qui ne demandent pas leur remboursement. La notion d'intérêt général est donc également vivace dans les ministères civils.

4. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par Nono

Intéressante contribution d'Y. Cadiou. Effectivement, il serait intéressant, du coup, de faire l'agrégat des dépenses réelles dans des domaines où les collectivités locales interviennent. Toutefois, comme le rappelle C. Richard, je pense qu'il faut garder pour les dépenses de défense une centralisation étatique, histoire d'éviter les querelles de clocher, déjà bien trop présentes actuellement comme l'a montré la RGPP. De plus, à force "d'externaliser" les dépenses de l'Etat vers les collectivités territoriales sans forcément faire suivre les moyens financiers (la dotation globale, opaque, deviendra bientôt la source unique de financement au rythme actuel!!), je pense qu'on va aller dans un mur financier, et une opacisation complète des dépenses.
Et pour répondre à patf, l'intérêt général n'a rien à voir là-dedans, c'est le cas dans tous les pays (au moins en Europe). D'ailleurs, sur le principe, je ne suis pas sûr que tout le monde à la DGAC soit d'accord avec ça.

5. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par

Merci de vos commentaires. S’agissant du manque de lisibilité de la dépense publique, je craignais les réactions habituelles avec les sujets qui fâchent : le silence ou au contraire l’invective. Si je lis bien le préambule qu’en avait fait Olivier Kempf, ma crainte était partagée par le Maître du Blog. Mais non : à moins qu’une modération sévère ait été nécessaire (ce que je ne sais pas), l’on peut vérifier la qualité de la fréquentation de ce blog.

Toutefois prudents, nous étions couverts par Philippe Séguin qui a plusieurs fois évoqué les inconvénients des financements croisés.

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Pour le financement des lycées, c’est une erreur de ma mémoire : j’avais gardé le souvenir que l’enseignement secondaire, de la Sixième au Bachot, était à charge des Départements.

Pour la DGAC, l'on comprendra que je n'ai jamais été mis en contact avec cette particularité par dix-huit ans dans l’Infanterie de Marine et vingt ans dans la Fonction Publique Territoriale.
Les avions militaires étrangers (identifiables avec des jumelles par temps clair) qui s’exerçaient à grand bruit au-dessus de notre territoire avant que nous réintégrions l’OTAN (et qui continuent de plus belle maintenant que nous avons réintégré) le faisaient-ils et le font-ils, eux aussi, gratuitement ?

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Enfin, voici une idée pour alimenter les réflexions évoquées par Christophe Richard : pour plus de lisibilité lorsque les ministères présentent leurs comptes après clôture de l’exercice budgétaire, l’on pourrait mentionner les dépenses exposées par d’autres collectivités que l’Etat dans le domaine d’action de chaque ministère : par exemple le total financier des SDIS pour le ministère de l’Intérieur, les subventions versées à la SNCF par les Régions pour les TER, etc, je ne répète pas les cas de figure que j’ai déjà cités.

Bien entendu je suis entièrement d’accord (et je ne suis certainement pas le seul) avec Christophe Richard lorsqu’il écrit que « la spécificité politique de la défense implique que l'effort consenti par la nation reste visible ».

Mon propos était de suggérer que l'on instaure la même visibilité dans les budgets civils pour en finir avec cette expression « les Armées deuxième budget de l’Etat » qui conduit trop vite à la conclusion « les Armées coûtent (trop) cher ».

égéa : Non, je n'ai pas eu besoin de "modérer" outrageusement, ni même de supprimer un quelconque commentaire. Je suis un peu victime de spam (save and loans), mais ça va directement dans la poubelle. Sinon, en un an, j'ai dû modérer moins de cinq commentaires.... Preuve de la qualité des lecteurs, cela va sans dire. Surtout quand le propos est de bon niveau, comme cette intéressante contribution d'Yves.

6. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par Nono

Tiens, à propos de SDIS, Sécurité Civile et de budget militaire pour les activités civiles, je n'arrive pas à retrouver la référence (il me semblait que c'était chez Authueil, mais je ne retrouve pas le billet), mais je me souviens avoir lu un billet sur un blog où il était dit que si, à chaque catastrophe naturelle ou presque, les élus locaux en appelait à l'intervention de l'armée (alors que la plupart du temps, les SDIS et la Sécurité Civile éventuellement des départements voisins ou même un peu éloignés ont tout le matériel qu'il faut), c'est tout simplement que si l'armée intervient, ça ne leur coûte pas un sou, alors que s'ils doivent faire venir les SDIS ou autre, et bien il leur faut mettre la main au portefeuille en vertu de conventions de mises à disposition (je ne me souviens pas des détails). Mais, si c'est vrai, qui connaît ce genre de détail? Qui en entend parler? Qui le rappelle quand on exige l'intervention de l'armée, mais en parlant beaucoup moins fort quand le budget de la défense est à la baisse..?

7. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par

C'est peut-être mon article que Nono a vu. Je l'ai fait paraître sur le forum de La Saint-Cyrienne, ici :
http://www.saint-cyr.org/forum/view...
et sur le blog (aujourd'hui inactif, malheureusement) de François Duran, repris ici :
http://www.paperblog.fr/1616310/arm...
Ce fonctionnement n'est pas connu du grand public mais beaucoup de gens le connaissent : tous les fonctionnaires qui, comme moi, se sont occupés de protection civile, quelques militaires (les Délégués militaires départementaux) et beaucoup d'élus qui savent très bien déclencher l'intervention gratuite.
Ce n'est pas secret, c'est seulement discret. Mais je vois que l'information passe. Encore une fois grâce à internet.

8. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par pandore

Je voudrais contrer deux arguments développés qui me paraissent erronés :

1/ "les gendarmeries sont financées par les CT" : si un nombre important de casernes sont bien la propriété des CT,il ne s'agit absolument pas d'opérations philanthropiques de leur part. Celles-ci louent les casernes à l'État - gendarmerie qui paie en contrepartie des loyers dont les montants permettent le remboursement de l'investissement en 15 ans. Au delà, la CT reste propriétaire du bien, continue à percevoir les loyers et est donc bénéficiaire...

2/"Vigipirate devrait être remboursé par le ministère de l'intérieur" : cette affirmation ne me semble pas prendre en compte le nouveau concept de sécurité nationale mis en exergue par le LBDSN qui en fait une des missions des armées dans le cadre du continuum défense et sécurité.

En clair, contrairement à votre thèse qui soutient que c'est son caractère militaire qui justifierait l'exclusivité du financement étatique d'un ministère, je crois que ce critère n'est pas valide et que c'est en réalité la nature régalienne des missions (défense, sécurité, justice et affaires étrangères) qui détermine l'origine des crédits d'un ministère.

9. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par

Cher « pandore ».
Vos contres sont, au bilan, très positifs parce qu’ils ne détruisent pas l’ensemble de mon raisonnement. Je les prends donc comme une approbation globale. Je vais cependant contrer à mon tour parce que, comme mon nom breton le suggère, je change difficilement d’avis.

Sur le point 1, j’ignorais. J’ajoute donc ceci au paragraphe qui commence par «Pour plus de lisibilité dans la dépense publique » : le fonctionnement que vous indiquez devrait apparaître, avec les sommes correspondantes, dans les documents comptables (mais peut-être y sont-ils déjà sans que je les aie vus).

Quant au point 2, il évoque un problème plus large et, à mon avis, plus grave : il faut une nouvelle fois rappeler que le LBDSN comporte beaucoup de défauts, et dans le cas présent le défaut de n’avoir aucune valeur légale. Ne résultant d'aucune loi, il ne peut pas avoir de conséquences quant aux finances publiques.

De plus il a été commandé (je sais que ce n’est pas la première fois) par le Président de la République. C’est-à-dire anticonstitutionnellement. Je n’écris pas ceci seulement pour le plaisir d’utiliser le mot le plus long de la langue française, mais surtout pour rappeler l’article 20 de la Constitution : "le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation".
Je sais et je regrette qu’une prétendue « pratique constitutionnelle » (en clair : des arrangements entre élus) nous a fort éloignés du texte voté au suffrage universel direct. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille entériner ces dérives en considérant le LBDSN comme exécutoire.

La sécurité sur le territoire national n’incombe à l’Armée qu’en situation d’exception et non en situation juridique normale. Or Vigipirate n’est pas un état d‘exception. Par conséquent les frais exposés pour Vigipirate ne doivent pas être supportés par les Armées dont la mission est (et ça, c’est la Loi) de "préparer et assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation". Connaissant les consignes d’ouverture du feu données aux patrouilles Vigipirate (légitime défense), l’on n’est pas dans une mission qui incombe aux Armées, quels que soient par ailleurs les vœux pieux qui figurent dans un LBDSN contestable.

Mon idée, en écrivant cet article et en le proposant à Olivier Kempf, était surtout de plaider pour une clarification de la dépense publique, considérant que seul le budget des Armées est directement lisible et souffre ainsi auprès du contribuable d’une mauvaise réputation qui est injustifiée, celle d’être le deuxième budget.

Je vous remercie d’avoir prêté attention à mon argumentaire. Cordialement

égéa : à propos du libre blanc, Y Cadiou a formellement raison. Il faut juste remarquer que la LPM (votée, elle) y fait explicitement référence, lui donnant donc un certaine valeur, même si celle ci n'est pas légale ; et que par ailleurs, il  y a une sorte de valeur coutumière : l'important consistant à ce que chacun, et notamment les militaires, considère ce LB comme ayant force de loi. C'est d'une certaine façon beaucoup plus opératoire que les lois régulièrement votées, dont on ne reçoit pas les décrets d'application ou qui, si ceux-ci existent, ne sont pas appliquées pour mille raisons, et notamment leur mauvaise écriture. Quant à moi, je fais techniquement allusion, lorsqu'il le faut, à la LPM. Mais sur ce blog, j'évoque le LB, par exemple pour dire que la résilience me semble un beau soufflé inutile.

10. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par pandore

Cher M. Cadiou,
Je suis moi aussi breton, et donc ...

Le LBDSD constitue un outil doctrinal qui, à partir de la description d'une situation, traduit une volonté et des orientations politiques. Vous avez raison, il n'a pas en soi de valeur juridique. Il constitue toutefois le cadre de référence et, comme l'indique M. Kempf, il a trouvé sa traduction juridique dans la LPM avec, au delà, un nombre important de textes réglementaires parus au cours des derniers mois ; le tout inséré au sein du code de la défense.

Sur les contre-arguments que vous développez :

1/ vous citez une partie de l'article L4111-1 du CD (définition de la mission des armées par l'article 1 du SGM de 2005), je peux vous opposer l'art L1111-1 du même code, issu de la LPM, qui a également valeur législative et indique que "La politique de défense a pour objet d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale." ; ces menaces, identifiées par le pouvoir exécutif, légitiment l'emploi des armées en Vigipirate.
Et puis, entre nous, si le périmètre missionnel des armées se définit strictement comme "la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation" : expliquez-moi ce que fait la Royale depuis quelques années dans les caraïbes à courir derrière les trafiquants de drogue, sinon justifier l'existence de ses bâtiments de surface. Sur ce terrain, j'ai encore quelques exemples en soute ...

2/ je ne comprend pas bien non plus en quoi le régime juridique d'usage des armes rendrait légitime ou illégitime l'emploi des armées. En fait, ce régime varie pour chaque opération et cela ne me choque pas que les règles d'engagement soient différentes sur le territoire national et en Afghanistan. J'espère que vous non plus ...

J'arrête de vous taquiner. Sur votre idée initiale, je suis d'accord avec vous que la mauvaise réputation budgétaire du Mindef est largement injustifiée. Mais de grâce, n'employez pas comme argument que c'est parce qu'il est le seul budget lisible. Le budget du MAE, celui de la justice ou le programme "sécurité intérieure"(police-gendarmerie) du Minint sont tout aussi lisibles, tout simplement parce qu'il s'agit de missions régaliennes qui ne peuvent pas être déléguées, tout comme la défense. CQFD.

Très cordialement.

11. Le samedi 13 mars 2010, 18:32 par

Mon cher « pandore »,
On s’écarte un peu du sujet initial mais c’est intéressant. L’idée de départ était de plaider pour une clarification de la dépense publique pour découpler, dans l’esprit de nos compatriotes les mots « armées » et « deuxième budget », associés en dépit des réalités.

Il y a une autre confusion, apparue en 1969, à laquelle il faut mettre fin : les mots « Défense » et « Armées », ne recouvrent pas exactement la même notion. C’était clair grâce à l’Ordonnance du 7 janvier 1959 : la défense était « permanente et globale ». Dans les faits, on traduisait par « interministérielle », rappelant qu’il y a trois formes de défense sous l’autorité interministérielle du Premier ministre : défense par les armes (ministère des Armées), défense civile (ministères de l’Intérieur et de la Santé), défense économique (ministères de l’Agriculture, de l’Industrie, des Transports).

Cette clarté a disparu juste après le départ de Charles de Gaulle quand, sous la Présidence Pompidou, le Gouvernement Chaban-Delmas a créé un « ministère de la Défense » à la place (littéralement : boulevard Saint-Germain) du « ministère des Armées ». Comme je l’ai rappelé ici à l’occasion de la conférence sur les dirigeables où le Général Copel a critiqué l’ambiguïté de l’appellation du ministère, le projet en 1969 était de confier à M. Michel Debré une responsabilité de défense interministérielle, militaire, civile, économique. C’était dans la logique de l’ordonnance de 1959 et à ce moment-là des esprits éclairés voyaient venir la crise pétrolière qui a dominé les années soixante-dix.

Mais le projet de ministère interministériel n’a pas été suivi d’effet, pour des causes que j’ignore, peut-être des lourdeurs administratives l'ont-elles plombé. Le ministère des Armées a conservé indûment son appellation "Défense", entretenant depuis quarante ans dans les esprits une confusion dont vous n’êtes pas le seul à témoigner : c’est ainsi, par exemple, que les ministères font appel aux militaires aussitôt qu’ils sont face à une situation qui nécessite une réaction de type « défense » même si les armes n’ont rien à y faire. Deux exemples de défense sanitaire (qui fait partie de la défense civile et incombe au ministère de la Santé) : pour lutter contre une épidémie de chikungunya à La Réunion, l’on y envoie vingt artilleurs du 11°RAMa (heureusement sans leurs canons) et contre la grippe H1N1, l’on fait « naturellement » appel aux médecins militaires.

Ceci nous ramène à notre sujet initial : il faut que ces prestations soient remboursées au ministère des Armées, même s’il s’appelle de façon erronée « ministère de la défense ».

L’article L1111-1 que je vous remercie de citer (son ambiguïté m'avait échappé) entretient la confusion en limitant « la politique de défense » à la seule « lutte contre les agressions armées », faisant ainsi l’impasse sur la défense civile et la défense économique. Ce même article aggrave ensuite la confusion en ajoutant que la politique de défense « contribue à la lutte contre les autres menaces ». Je m'interroge sur cette "contribution" qui semble indiquer que la défense n'est plus "permanente et globale" : cette formulation résulte évidemment de la confusion entre deux notions qui ne sont pourtant pas strictement identiques, défense et armées.

Il est urgent de clarifier tout ça. Pour y parvenir, l’angle d’attaque financier est probablement l'un des plus efficaces parce qu’il incitera les payeurs à clarifier les concepts et le partage des tâches.

Bien à vous.

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