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GP des ressources: national?

A la suite du dernier commentaire de Daniel Besson sur la GP de l'eau, je me suis fait la remarque suivante : la recherche des ressources est-elle une affaire de nations, ou de firmes ?

En effet, on avait tendance à penser, à la suite de la géoéconomie, qu'il s'agit d'un enjeu pour la compétition des firmes, notamment multinationales (FMN). Seulement la géoéconomie, en tant que telle, peine à joindre la concurrence économique et la rivalité géopolitique.

Or, celle-ci demeure principalement le fait des Etats. Mais les Etats achètent-ils des matières premières ? il y a là un saut conceptuel qui n'est pas souvent souligné : comme si les importations pouvaient être forcément "nationalisées", alors que les opérateurs ne sont pas forcément nationaux ???

Ainsi, quand on dit que "la Chine" ou "le Japon" achète des matières premières en Afrique ou au Moyen-Orient, il y a un abus de langage qu'il faut signaler. Car on donne des significations géopolitiques à des calculs économiques (les comptes de la nation) qui n'en ont pas forcément.

Toutefois, et je suis là dans l'expectative : une fois qu'on a constaté cela : so what ? juste construction intellectuelle ?

Mais il s'agit au fond de la réflexion sur la jonction entre l'économie et la géopolitique, que je persiste à ne pas trouver aussi naturelle qu'il y paraît.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 16 mars 2010, 19:45 par Christophe Richard

Bonjour,
Est-ce que la source des ambiguïtés que vous pointez ne réside pas dans la question du rapport entre qualité/quantité ?
A partir de quand un phénomène prend-il un caractère politique?
Selon Carl Schmitt cela arrive lorsqu'il focalise et ordonne l'hostilité en rapport ami/ennemi.
Cela s'applique-t-il en géopolitique comme en politique?
Cordialement

égéa : que Carl Schmitt s'applique à la géopolitique, c'est incontestable. Pour autant, a-t-il toujours et totalement raison ? peut-on réduire le politique à cet affrontement? je n'en suis pas sûr. Un phénomène prend un tour politique quand il touche à la communauté, et de façon publique. La différence d'une firme tient à son caractère privé (appropriation, capital, objectifs, ....). Mais ces bouts de réponse sont, je le crains, insatisfaisants.

2. Le mardi 16 mars 2010, 19:45 par VonMeisten

Là, on touche selon moi à un point primordial : quels sont les acteurs géopolitiques ? Donc, cela revient à demander qui entretien des relations de pouvoir (et non pas de domination) sur les territoires. Si le territoire est simplement un espace physique (terre ou mer), les Etats semblent être les acteurs majeurs. Conception traditionnelle logique, la puissance / richesse étant intimement liée au territoires possédés. Mais, en ce siècle, la puissance est-elle encore liée aux territoires ? Non, si le territoire est pris au sens habituel. Peut être oui si le territoire est pris au sens large (terre, mer, espace, cyber-espace, marchés ?).
C'est une réflexion (très) partielle, of course.

3. Le mardi 16 mars 2010, 19:45 par

Le dernier commentaire de Daniel Besson sur la GP de l’eau évoque « des tentatives de déstabilisation de certains états producteurs ».
Ceci peut permettre de répondre à la question que vous posez en substance : l’exploitation des ressources est-elle l’affaire des firmes ou l’affaire des Etats ?

Pour qu’il n’y ait pas de malentendu quant à ce qui suit, je précise d’abord que je ne souscris pas du tout aux thèses archéo-marxistes comme par exemple celle d’Arlette Laguiller qui prétend que nous intervenons militairement au Tchad pour garantir à l’entreprise capitaliste Boussac son approvisionnement en coton. De même qu'autrefois il était connu, du moins dans les cellules grises du parti communiste français, que la « sale guerre » d’Indochine était motivée par l’approvisionnement en caoutchouc de l’entreprise capitaliste Michelin. C’est nier le fait que le producteur de coton ou de caoutchouc vend son produit à celui qui lui achète. Peu leur importe leurs drapeaux respectifs, c’est un échange gagnant-gagnant.

Mais le commentaire de Daniel Besson nous rappelle que dans cet échange gagnant-gagnant peuvent intervenir des tricheurs. L’on peut tracer deux scénarios : le premier est réel et a déjà été joué ; le deuxième est imaginaire. Le premier scénario est celui de la première guerre d’Irak (90 / 91) : l’intervention militaire vise à faire remonter le cours du pétrole qui, passé sous quinze dollars le baril, fait que les coûteuses exploitations offshore partout dans le monde ne sont plus rentables. La première guerre d’Irak a fait remonter le cours du pétrole à trente-cinq dollars et l’embargo punitif qui a suivi a soutenu le cours. On est passé d'une affaire privée (le cours du baril) à une résolution de l'ONU grâce à l'attaque sur le Koweit, mais on ne sait quel tricheur a poussé le dictateur irakien à perpétrer cette attaque.

Un deuxième scénario, imaginaire celui-ci : l’affaire, qui concerne d’abord uniquement les firmes, concernera ensuite les Etats. Premier temps, une firme utilise ses moyens financiers pour déstabiliser « un état producteur » ou plus exactement l’organisation de la population qui vit sur une zone convoitée par cette firme. Celle-ci provoque des troubles qui, deuxième temps, justifient (motif ou prétexte) une intervention militaire extérieure. Le conflit passe ainsi de commercial à militaire. Ce ne sera certainement pas le cas du Brésil avec l’eau d’Amazonie, mais ce genre de scénario peut s’imaginer ailleurs. Pour confirmer que ce scénario est imaginaire, l’on observe que le Gabon, producteur ou détenteur de matières premières, n’a pas été déstabilisé à l’occasion du décès du patriarche Omar Bongo. Au contraire la Côte d’Ivoire, productrice surtout de cacao et de café, a été déstabilisée dix ans après la disparition d’Houphouët-Boigny.

C’est sans y croire que j’imagine ce scénario, persuadé que c’est encore un raisonnement passéiste : nous savons tous désormais qu’une guerre n’est pas rentable. Et mon optimisme s’appuie aussi sur l’existence d’internet qui permet aux citoyens de s’informer et de communiquer sans passer par des institutions publiques ou privées : sans internet, je n’aurais pas entendu parler (et vous non plus, je suppose) de cette affaire d’eau brésilienne. Nous sommes maintenant dans un système de relations internationales au vrai sens du mot, et non plus dans un système seulement interétatique, abusivement qualifié « international » quand l’Etat n’est pas en phase avec la Nation. La GP des ressources n’est plus ce qu’elle était.

4. Le mardi 16 mars 2010, 19:45 par Frédéric

L'un des exemples qui me vient à l'esprit concernant la différence entre la ''politique'' d'un État et l'économie fut le fait que dans les années 1980, c'était des troupes d'un régime ''communiste'' qui protégeait les installations pétrolières d'un société américaine contre les attaques d'une guérilla armés par le gvt US en Angola :)

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