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Abolition de limites

Chacun remarque bien aujourd'hui l'abolition des distances entre guerre et paix, au travers de la guerre irrégulière, devenue la norme.

Cela répond au gommage de la distinction entre privé et public, en matière économique.

Il y a une vraie correspondance entre les deux évolutions. Leur simultanéité ne doit rien au hasard.

Toutefois, la résurgence actuelle des Etats pour répondre à la crise augure-t-elle d'un retour de la guerre classique ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 14 mai 2010, 19:39 par

Votre comparaison (qui n’est pas raison) laisse dubitatif. L’on a toujours tendance à accorder trop d’importance à un phénomène quand on a « le nez dessus » (et j’ajoute, en veine de sagesse populaire : quand « l’arbre cache la forêt »).

Au chapitre des analogies et des limites auxquelles le chercheur doit s’intéresser, l’on peut mentionner que la vie s’est développée à la limite entre la lithosphère et l’atmosphère, et surtout à la limite (d’ailleurs fluctuante) entre le continent et l’océan. Pour l’utilité de s’intéresser aux limites, l’on peut également citer la découverte de la pénicilline par Flemming en1928. Sur ce blog, l’on a déjà parlé des frontières géographiques, limites qui posent une multitude de problèmes, limites que l’on cherche souvent à abolir (unions douanières, liberté de circulation) pendant qu’il s’en crée d’autres (séparatismes).

Votre questionnement sur l’évolution actuelle des limites est légitime, mais il est prématuré et en tout cas il risque de nous entraîner sur des fausses pistes où il faut être prudent.

Voyez par ailleurs que c’est seulement soixante-dix ans plus tard que l’on commence à avoir des idées claires sur les années 1938 / 41. Les historiens du futur qui examineront notre époque vous donneront peut-être raison dans soixante-dix ans.

Espérons que ce ne seront pas des historiens examinant la période qui aura précédé la Prochaine Grande Guerre.

2. Le vendredi 14 mai 2010, 19:39 par leloup46

Alors là, je n'y comprends rien

1) la guerre non-conventionnelle prédomine depuis 10 ans, oui. Il y a des périodes comme ça. Cependant il serait bon de rappeler que nombre de guerres conventionnelles ont eu lieu depuis 1945 :

Corée, Suez, conflits Israélo-Arabes type 7 jours etc.., Vietnam (largement conventionnelle après 68), Falklands, Liban, Iran-Irak, Golfe, Bosnie-Kosovo, Géorgie pour la dernière etc...

Si l'on compare avec la période d'entre deux-guerres il n'y avait pas de paix absolue, loin de là, mais pas de conflits majeurs entre les blocs non-plus. Où est la limite ? S'il est vrai que dans la période d'après 2ème Guerre Mondiale, l'Europe a été "en paix" (saufs conflits extérieurs type Algérie, Vietnam, Malaisie, Falklands, interventions en Afrique etc...) elle a quand même connu dans son aire géographique l'Irlande du Nord, Chypre, les conflits des Balkans, des interventions soviétiques (Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie), sans compter la Guerre Froide. Le conflit d'Irlande du Nord a fait à lui seul 1123 morts dans l'Armée Britannique et affiliés, 3500 en tout et 47 000 blessés. Le conflit a duré 20 ans (1969-2001)! Ceci pour un seul pays.

2) Quel rapport avec "le gommage de la distinction entre privé et public, en matière économique" ? Ce fameux "gommage" n'existe-t-il pas qu'en France (et encore il y a un long chemin à faire)? Même si on considère que le rôle de l'Etat s'est affaibli dans les années 80 à travers le "reagano-thatchérisme", les guerres conventionnelles n'en ont pas moins continué et pas des moindres.

Par contre cela fait belle lurette que le "tout-état" (résultat des besoins de réorganisation après la destruction des structures causées par la guerre de 40) a été aboli en Europe. La plupart des pays européens ont un statut unique du travail dans lequel le "fonctionnariat" à la française est réservé à la haute fonction et aux fonctions purement régaliennes, ce qui ne les empêche pas d'avoir des services publics imposants et élaborés et souvent plus performants qu'en France. Cela s'applique aussi à des pays "occidentaux" comme le Canada, voire l'Australie et la Nouvelle-Zélande. C'est flagrant dans les pays scandinaves, en Allemagne et même le RU a des services publics qui font pâlir les USA malgré les accusations de "libéralisme". La France est une exception flagrante où le statut de l'EN, de la Poste, de l'EDF ne se retrouve nul part ailleurs ou presque. Et ce n'est pas le sarkozysme timide sur ce sujet qui a des répercussions mondiales.

Donc de quel "gommage" parles-t-on ?

Par contre la question n'est elle pas la suivante : le fait de se diriger vers un monde multi-polaire dans lequel les entités majeures (USA, Russie, Chine, EU) on plutôt intérêt à faire du commerce que la guerre (surtout en détenteurs de l'arme nucléaire), même par proxy comme pendant la Guerre Froide, n'est il pas la cause primordiale ? Car le gros conflit idéologique est entre le mercantilisme à la chinoise/Lehmans Brothers et le capitalisme "éclairé" (donc régulé) à l'Européenne. Le socialisme est mort, sauf à Cuba et en Corée du Nord, n'en déplaise au PS, CGT et autres.

Les grands conflits de demain seront probablement aussi conventionnels. Iran, Pakistan, Corée etc... pourraient être des théâtres classiques de "Air-Land-Sea battle" visant à renverser un ennemi, mais pas à occuper le territoire et surtout pas de COIN du type Irak ou surtout Afghanistan. Personne n'en a les moyens et surtout pas les USA.

Donc, je ne comprends pas le "rapport" "irrégulier/gommage", ou alors j'ai manqué quelque chose...

égéa : la longueur de votre réaction montre en tout cas qu'il y a matière à débat. D'ailleurs, les deux premiers commentaires sont &assez négatifs.

QU'il soit donc préciser que ce blog est "aussi" un instrument de recherche, et pas seulement le réceptacle des oracles merveilleux du grand OK, dont la toute-connaissance permettrait de tout comprendre... Bref, j'ai le droit de m'interroger. D'ailleurs, ce billet est classé sous "pensées partielles" qui, comme son nom l'indique, suggère un inachèvement. 

Pour tenter de répondre simplement : la guerre change de forme et, en tout état de cause, la guerre "classique" et formalisée avec déclaration etc. a disparu. CE qui n'empêche pas que ces guerres industrielles, y compris entre Etats, puissent encore advenir. Il reste que le curseur est aujourd'hui plutôt à la guerre irrégulière : parmi les exemples que vous citez, Liban, Kossovo, Bosnie, Irlande en sont des exemples assez nets, sans même parler de ce qui a sauté à la figure des Américains en Asie centrale et les a fait revenir de la RAM. Cela constaté, je suis le premier à ne pas trop chanter la mélodie du COIN ou de la guerre au sein des populations : l'aura-t-on remarqué, mais je le précise si besoin était encore, c'est un des points avec lequel je suis en désaccord avec V. Laporte, cette absolutisation de la guerre au sein des populations comme alfa et oméga de la guerre moderne. Bref, je crois comme vois à la possible résurgence d'une guerre classique, et d'une guerre en Europe (pas forcément classique, toutefois).... Notion de surprise stratégique.

Quant à l'abolition des limites, elle me semble assez nette, y compris en matière économique. Il ne s'agit pas de dénoncer l'État providence, procès que vous faites et qui ne m'intéresse pas, car il me paraît daté (laissons ça à Baverez) : au contraire, je vois revenir un surcroît d'Etat, qui place sa légitimité ou, pour tout dire, sa souveraineté, dans la défense d'intérêts économiques. De la Chine aux fonds souverains, les exemples foisonnent, plus encore depuis la crise des trois dernières années. Là est le gommage de la limite. ON croyait que la différence ne se faisait qu'entre sécurité extérieure et sécurité intérieure : c'est plutôt la sécurité qui change de forme, et passe par des voies économiques.

Tout ceci à mettre au conditionnel, car une fois encore, je me pose des questions....

OK

3. Le vendredi 14 mai 2010, 19:39 par

Pour tenter de nuancer un peu après mon premier commentaire défavorable et celui de leloup46, je vais appuyer partiellement « l’oracle merveilleux » du Grand OK, Maître (ou Tenancier, la coutume n'est pas encore établie) d’Egeablog, mais sans plaisanter plus que ça.

L’on peut trouver une autre abolition de limite qui sous-tend la plupart des raisonnements stratégiques depuis 1915 (et peut-être avant) : les analystes ne négligent plus l’aspect économique de tout conflit armé, la conquête ou la défense de ressources minières ou de voies d’acheminement de ces ressources. Cet aspect est souvent (peut-être trop souvent) considéré comme prédominant.

Pour les ressources minières je prends la date de 1915 parce qu’il suffit de visiter la colline de ND de Lorette (62) pour imaginer que l’enjeu était le bassin charbonnier qui s’étend en contrebas. C’était un enjeu d’ailleurs déjà passéiste à une époque où l’essence commençait à détrôner le charbon (Taxis de la Marne en 1914, Voie Sacrée et chars d’assaut bientôt).

Pour l’acheminement des ressources, il y eut des conflits concernant les détroits (Suez) et les escales (les Malouines, à retardement), et plus récemment l’importance donnée à la pointe sud de l’Afrique (zone favorable aux sous-marins). Si l’on continue au XXI° siècle selon les errements du XX°, il y aura les îles Diomède.

Dans de nombreux cas, l’abolition de limite est celle de la limite public / privé parce que les forces armées (moyen d’Etat) sont utilisées pour des intérêts économiques (privés). L’idée de ce mélange des genres (le moyen d’Etat au service d’intérêts privés) est tellement ancrée dans les esprits que même l’irremplaçable Arlette Laguiller explique nos interventions militaires au Tchad par la protection des ressources en coton pour l’entreprise Tissus Boussac comme autrefois ses prédécesseurs expliquaient la « sale guerre » d’Indo par les hévéas pour les pneus Michelin.

Mélange des genres peut-être aussi dans l’exemple que j’ai cité chez JDM au sujet de l’OTAN le 14/05/2010 : « Lorsque l’OTAN bombardait la Yougoslavie, l’on n’a jamais très bien su qui décidait des objectifs qu’il fallait détruire, question pourtant importante lorsqu’il s’agissait d’infrastructures civiles. A cause de l’opacité de ces décisions, des méchantes langues ont pu dire que les objectifs étaient choisis selon le positionnement des entreprises américaines sur le marché de la reconstruction. »

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Le XX° siècle fut le siècle du totalitarisme et je crois (optimiste) qu’au XXI° siècle l’intervention des Etats dans l’économie devrait se faire presque exclusivement par la monnaie et très peu par les armes, celles-ci se réservant pour sécuriser les populations, voire les activités économiques, par l’élimination des bandes armées. Ce travail traditionnel de Gens d’Armes missionnés contre les bandits de grands chemins, l’on peut et pourra appeler ça « guerre asymétrique » ou « guerre irrégulière » si l’on veut, ou même COIN pour suivre la mode. Mais à l’exception de ces missions de sécurisation de territoires, l’abolition de la limite constituée par les moyens publics mis au service d’intérêt privés est en passe de disparaître : pourquoi préférer la guerre, qui est un échange gagnant / perdant ou un échange perdant / perdant, alors qu’on peut tout régler par des échanges commerciaux (gagnant / gagnant). J’y faisais allusion ici-même le jeudi 11 mars 2010 au sujet de l’Amazonie bleue.

Ceci semble corroborer votre billet suivant (intitulé : retour de l’Etat ?) que je viens de découvrir en écrivant le brouillon du présent commentaire. L’on assisterait au retour de l’Etat sous une autre forme.

Cependant il pourrait perdurer un moment sous la même forme qu'au XX° siècle à cause d’une habitude prise par l’Etat le plus armé du monde, peu désireux de voir sa situation évoluer c’est-à-dire se dégrader : celui qui depuis sa naissance a pris l’habitude d’assurer son hégémonie par les armes et qui prépare déjà sa Navy pour la fonte de la banquise arctique http://zebrastationpolaire.over-blo... pourrait continuer de préférer l’échange gagnant / perdant où il a toujours été gagnant.

4. Le vendredi 14 mai 2010, 19:39 par

Cela me donne l'occasion de vous livrer quelques réflexions sur les concepts... Combien de vanité et de mode qui arrangent, à la lecture de certains écrits, on devine à quel point l’histoire peut être d’une certaine façon revisitée au profit de telle ou telle doctrine.. Ainsi et singulièrement notre culture nous pousse à réfléchir d’abord au concept puis à essayer de faire coller les faits, quitte à les tordre. Ainsi dans les années 70 il était plus facile de déconsidérer la menace soviétique afin de faire coller notre infériorité qualitative de nos blindés et notre faiblesse en appuis en tenant le discours lénifiant que la qualité (toute relative) pallie le nombre, en oubliant que le quantitatif finit par saturer le qualitatif qui ne peut agir partout.

Ainsi dans les années 90, l’analyse erronée que le monde était devenu désormais plus stable après la chute de l’empire soviétique, a poussé l’Europe à se désarmer et à considérer qu’aucune menace sérieuse ne serait avant longtemps à ses frontières, en oubliant que ces frontières sont celles désormais de la défense au plus loin des valeurs démocratiques de nos sociétés. En pensant qu’il était temps de profiter des royalties d’une paix nouvelle. Depuis nous n’avons cessé d’être engagé dans des conflits qu’il est de bon ton de considérer comme COIN.. Alors que les menaces de guerres sinon dissymétriques voire étatiques sont à nos frontières immédiates (magreb) et par le fait de nos alliances, en Asie et Europe centrale..

En attendant, avec un budget proche des 3% du PIB depuis 25 ans nous serions bien incapables de projeter comme nous l’avions fait lors de la crise de SUEZ 30000 hommes et deux porte-avions plus sa flotte d’accompagnement tout en maintenant un contingent de 150000 hommes en Algérie et Un corps d’armée en RFA..

Il n’est pas certain que la doctrine COIN arrange l’armée de terre, je n’irais pas jusque là, je serais tenté de croire que devant d’autres choix qui seront au rendez-vous nous ne transformions notre armée en éléments de sécurité intérieure, sous un parapluie nucléaire de moins en moins imperméable.. Le corps de bataille n’existe plus que dans les exercices, où sur des porte-chars le 14 juillet, vive le combattant de l’ère nouvelle, celui qui devra à défaut de bible à la main, nous ne sommes plus à l’époque coloniale, mais avec le code pénal et les ROE de l’autre combattre en petit nombre là où il sera nécessaire de se montrer.. Afin de perdurer l’idée que nous sommes parties prenante de l’histoire à défaut de la faire.
http://vostok.blog4ever.com/blog/in...

5. Le vendredi 14 mai 2010, 19:39 par

J'avoue ne pas saisir totalement le parallèle entre guerre irrégulière et gommage public/privé...

Par contre, le parallèle avec le questionnement sur le modèle westphalien, je le vois un peu plus.

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