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Maritime ?

Une question qui est apparue à la fin du séminaire passionnant de l'autre jour : une puissance est-elle forcément maritime ? Est-ce particulièrement vrai aujourd'hui ?

Qu'en pensez-vous ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 22 mai 2010, 20:28 par Kouak

Réponse simple : Non

Le Luxembourg peut être considérée comme une puissance tout en étant aussi maritime que la Corée du Nord est démocratique.

Le Panama a le registre d'immatriculation de navires le plus fourni sans pour autant faire de lui un acteur incontournable dès qu'il s'agit de questions maritimes.

Mais disposer d'un panel d'outils maritimes est un multiplicateur extrêmement utile.

2. Le samedi 22 mai 2010, 20:28 par

Votre question est directe, cher Olivier Kempf : « qu’en pensez-vous ? », le lecteur est sommé de répondre. Pour répondre en montrant d’emblée que l’on ne se prend pas trop au sérieux, l’on peut commencer par dire que c’est une question bateau.

Tous les pays d’Europe ont compris les uns après les autres qu’une puissance est forcément maritime : en méditerranée d’abord puis sur les océans. Les premiers furent peut-être les Romains (delenda Carthago) ou les Grecs (la guerre de Troie). Les derniers furent les Russes, qui ne cessent pas de vouloir compenser leur manque de débouchés maritimes. L’affaire semble donc entendue. Du moins au passé.

Pour ce qui concerne le XXI° siècle l’on doit d’abord noter que la question, en dépit de la simplicité de sa formulation, est ambiguë. L’on devrait la séparer en deux (au moins deux) sous-questions qui ne sont pas une annonce de plan dans l’intro : la puissance maritime, pour faire quoi ? Quelles sont les conditions de la puissance maritime ?

C’est la deuxième question qui est le plus intéressante parce qu’on s’aperçoit aussitôt que l’on ne peut pas avoir de puissance (maritime ou autre) si l’on n’a pas un minimum de technologie : de nos jours le nucléaire, l’espace, et de tous temps la chimie.

J’hésite cependant à conclure là-dessus parce que je ne crois pas que la course à la technologie soit la clé de la puissance. Il est inutile et coûteux d’être en pointe de la technologie et d’essuyer les plâtres, il suffit de maîtriser les techniques que l’on juge indispensables pour se donner les moyens de sa politique.

Maritime sans doute, mais pas seulement maritime, la puissance est forcément scientifique, c’est un littéraire qui vous le dit.

3. Le samedi 22 mai 2010, 20:28 par Cadfannan

Une puissance, par définition, est un pouvoir qui s'exerce envers l'extérieur. Elle exerce donc une influence sur l'extérieur.
Dans un contexte qui tend à régir les relations internationales par le droit, il devient très difficile de recourir à la guerre pour exercer une influence. La mer a ceci de particulier qu'elle a un statut juridique encore très vague. Par conséquent, elle ressemble davantage à ces espaces primitifs de l'Europe de l'Antiquité ou du Moyen-âge, quand s'exerçait la loi du plus fort.
C'est donc un milieu particulièrement favorable à l'expression de la puissance des Etats, au contraire du milieu aérien (régi par des lois très contraignantes car il n'a été accessible que récemment, donc à une époque où le droit prime) et du milieu terrestre (aujourd'hui régi également fortement par le droit, en tous cas dans les zones les plus peuplées).
A cela s'ajoute le fait que la mer est "le" noeud de communication par excellence, c'est "la" route. Ca n'a pas toujours été le cas, mais aujourd'hui, le coût du transport maritime, les volumes transportés sont sans équivalent. La mer a donc une importance stratégique fondamentale pour tout Etat, quel qu'il soit, car aucun pays aujourd'hui ne dépend pas du trafic de marchandises mondial.
Par conséquent, aujourd'hui, le milieu privilégié de la puissance est bien la mer.
Mais il y a un domaine qui me paraît aujourd'hui prendre une importance de plus en plus grande, et qui a de nombreuses similitudes avec la mer: pas de statut juridique, homogénéité, vitesse de déplacement confinant à l'ubiquité, permanence des moyens, et flux extrêmement important, voire vitaux dans la société du XXIème siècle (les communications satellites): c'est l'espace exo-atmosphérique.
Si aujourd'hui une puissance ne peut être que maritime, demain elle ne pourra être que spatiale.
égéa : merci pour ces remarques judicieuses

4. Le samedi 22 mai 2010, 20:28 par Thibault Lamidel

Bonjour,

Il s'agit aussi de définir ce qu'est une puissance ? Si l'on souhaite devenir une puissance mondiale, il est difficilement imaginable de se priver de la mer. Si l'on souhaite devenir une puissance régionale, il existe des situations où la mer ne sera pas nécessaire au premier plan.

Pour répondre à cette question, je partirais très loin dans le passé. A l'époque de la cité antique d'Athènes, un choix s'est fait il y a 2500 ans. Je me permet de me citer (j'ai peur de dire encore plus mal ce que j'avais rédigé il y a longtemps) :

" On est dans la même situation qu’Athènes aux V et VIe siècle avant Jésus-Christ. En effet la mythique cité avait choisit de consacrer une grande partie de ses terres agricoles non plus uniquement aux céréales pour nourrir la population mais désormais à des exploitations exportatrices comme les oliviers pour produire de l’huile. Pour combler le déficit de blé et nourrir sa population elle importa du blé. Mais pour sécuriser ses importations vitales, elle se mit à entretenir une flotte de guerre pour interdire à tout ennemi la tentation de l’affamer en lui coupant les vivres par mer ".

Pour ma personne, le lien entre économie exportatrice et puissance maritime est fait. Instituer une flotte de guerre pour protéger son commerce est alors indissociable du commerce lui même. En témoigne la difficile séparation du navire de guerre et du navire civil, de la marine de commerce de la marine de guerre.

Il existe peu de situation où l'on peut exporter en se passant de la mer. Par contre, il a toujours été plus facile d'exporter par la mer. Le prix à la tonne transporté actuelle en témoigne toujours aujourd'hui.

Ce qui change un peu plus aujourd'hui, c'est que les richesses marines deviennent de plus en plus nombreuses. On ne se limite plus aux ressources halieutiques ou au transport de marchandise. Les fonds marins sont désormais un nouvel eldorado que l'on rêve d'explorer depuis au moins les années 80. Et de nos jours, on rêve de l'énergie que l'on peut tirer de la mer ! C'est dire combien il est difficile de ne pas mettre en valeur son domaine maritime. Et donc de le protéger. Et combien on peut regretter de ne pas en avoir.

Sur ces quelques considérations, je conclurais qu'une puissance ayant vocation d'influencer les choses est presque forcément maritime puisque la source de la puissance se trouve de plus en plus en mer.

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