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Chronique juin 2010 (J. Pellistrandi)

Jérôme Pellistrandi nous donne sa dernière livraion : la chronique stratégique et géopoltique des affaires du monde et de la défense, pour lemois de juin. Mille mercis à ce travail gigantesque.

O. Kempf

Chronique Juin 2010

Le printemps 2010 n’a pas apporté une actualité internationale très réjouissante. Aucun signe de détente ne semble venir atténuer les tensions actuelles. Ainsi, le torpillage probable d’une frégate appartenant à la Corée du Sud par un engin sous-marin nord-coréen a brutalement rappelé que l’Asie n’était pas épargnée par les risques de conflit. La Chine n’a pas réellement condamné cette attaque très risquée. Il apparaît également plausible que le régime nord-coréen cherche à exporter ses compétences dans le domaine nucléaire en Birmanie, où le régime militaire se verrait bien doter aussi de la bombe. Par ailleurs, lors des discussions sur le Traité de non-prolifération (TNP), le Brésil et la Turquie ont engagé des conversations directes avec l’Iran, ajoutant au final beaucoup de confusion sur ce dossier ainsi qu’un avantage de temps pour Téhéran qui n’en demandait pas tant. Un dérapage régional est plus que jamais d’actualité.

La priorité américaine est désormais clairement établie autour de la guerre en Afghanistan, dans la mesure où l’effort est désormais plus important sur ce théâtre qu’en Irak où le retrait est devenu une réalité. L’année 2011 sera à cet égard décisive car elle verra les Etats-Unis s’engager dans la course pour les élections présidentielles et le Président Obama devra présenter un bilan acceptable dans ce domaine s’il souhaite se représenter pour un deuxième mandat. D’ici là, il faudra suivre avec attention l’évolution de la guerre afghane où les pertes de l’OTAN dépassent désormais le rythme d’un tué par jour.



États-Unis L’US Army a engagé auprès de General Dynamics un nouveau programme d’un véhicule blindé de reconnaissance. 750 engins du type Ascod 2 vont être construits pour un montant de 1,1 milliards de dollars. L’Ascod a également été choisi par Londres.



L’US Navy a autorisé l’embarquement de personnels féminins à bord de ses sous-marins. L’une des raisons est l’élargissement indispensable du vivier de recrutement. Cela obligera à prévoir des aménagements intérieurs permettant d’isoler les zones repos du personnel féminin.

Le désarmement progressif des frégates de la classe Oliver Hazard Perry va permettre à la Navy de transférer une trentaine de ces navires durant les dix prochaines années. L’objectif est également financier car le coût du désarmement est de 1,3 million de dollars par navire et le stockage coûte 60000 dollars annuellement. Le Pakistan a manifesté son intérêt pour ce type de transfert.

Le futur avion polyvalent F 35 de Lockheed Martin fait l’objet de nombreuses critiques de la part du Sénat qui souhaite une réduction du nombre d’aéronefs prévus pour l’US Navy. La cible initiale était de 680 F 35 et pourrait être réduite à 587. Le Congrès critique également la conduite des essais en retard par rapport aux prévisions initiales. Le prototype avait décollé en décembre 2006. Mais, d’ores et déjà, Boeing, le concurrent du constructeur du F 35, a entamé les études pour une sixième génération d’avions de combat destinée à l’US Navy et qui devrait succéder au F 18 à l’horizon 2025-2030. Il y aurait au moins deux versions, une pilotée et l’autre non pilotée. Cela n’exclut pas le maintien en service d’autres avions. Ainsi, le chasseur F 15 qui a effectué son premier vol en 1972, va poursuivre sa carrière opérationnelle jusqu’en 2035…

Le bombardier B1 vient de fêter ses vingt-cinq ans de service dans l’US Air Force. 66 B1 sont disponibles et participent aux opérations afghanes avec 40% des armements délivrés. Le B1 pourra mettre en œuvre la superbombe MOP de 13,5 tonnes, comme cela avait été déjà annoncé.

Le nouveau « Cyber Command », dépendant du Strategic Command, entame son déploiement sur la base de Fort Meade.

Le retrait du service à la fin de cette année, des navettes de la NASA a amené l’administration américaine à signer un contrat avec la Russie pour disposer d’une capacité annuelle de six sièges pour ses astronautes afin de gagner la station spatiale internationale. Les astronautes embarqueront à bord des capsules Soyouz TMA.



Russie

Malgré les annonces de ce printemps, Moscou poursuit les négociations autour de ses futurs bâtiments amphibies porte-hélicoptères. Même si la France semble bien placée avec le BPC du type Mistral, Moscou négocie également avec l’Espagne et les Pays-Bas qui proposent aussi leur BPC.

Moscou a signé un accord militaire avec l’Ukraine qui permettra le maintien de la flotte russe jusqu’en 2042 à Sébastopol. Simultanément, Kiev a annoncé son renoncement à intégrer l’OTAN. Ce changement d’orientation arrange également Paris et Berlin qui étaient peu favorables à cet élargissement de l’Alliance atlantique et qui préfèrent un approfondissement des relations avec la Russie plutôt qu’un durcissement des relations avec le nouvel empire russe.



Chine

Début mars, Pékin a envoyé son neuvième satellite d’imagerie radar à vocation militaire. Le premier avait été déployé en 2006. Un nouveau lanceur, le LM 5, devrait être développé et effectué son premier vol en 2014. Le LM 5 serait équivalent à Ariane V et la production pourrait être de 12 lanceurs annuellement. Le nouvel avion de combat J 10 est désormais proposé à l’exportation. Il a été présenté aux correspondants de presse en avril. Cette démonstration a été une première. Le J 10 aurait bénéficié de technologies russes mais également israéliennes.

Le coût unitaire de l’appareil aurait été fixé à 28 millions de dollars, à comparer aux 150 millions de dollars que coûte le F 35 américain. Pékin a ainsi signé un accord avec le Pakistan  pour la fourniture de 36 appareils, devenant ainsi exportateur d’armement sur la scène internationale et en concurrence directe avec la Russie.

Inde

Voulant rattraper son retard dans le transport aérien, l’armée de l’air a entamé auprès de l’Ukraine la modernisation de ses 105 avions Antonov 32. Le premier C 130J construit par Lockheed Martin arrivera à la fin de l’année, brisant ainsi le monopole russo-ukrainien sur les avions de transport, en attendant les futurs Boeing C 17. Simultanément, plusieurs projets de coopération avec la Russie sont en passe d’aboutir notamment pour le développement d’un avion de combat de « cinquième » génération.

L’armée de terre a lancé une nouvelle commande de 124 chars de combat « Arjun » de conception et de fabrication locale. Le programme avait débuté en 1974 et une première tranche de 124 engins avait été commandée en 2000. Les livraisons ont commencé en 2004. L’Arjun vient ainsi compléter le parc de chars d’origine russe.

La première photo du premier SNLE indien vient d’être diffusée par les autorités indiennes, montrant ainsi la concrétisation de ce projet majeur pour New Delhi. Ce SNLE pourrait entrer en service en 2011.



Défense dans le monde

Le Japon a décidé de créer sa première base militaire à l’extérieur du territoire national depuis 1945. La participation nippone aux opérations contre la piraterie maritime s’appuiera ainsi sur une infrastructure qui sera construite à Djibouti. Cette base sera disponible début 2011 et devrait coûter 40 millions de dollars. Parallèlement, Tokyo envisage l’achat d’une cinquantaine de chasseurs pour remplacer ses avions F4 Phantom.

L’Argentine, en réponse à la décision du Brésil de se doter d’un SNA, a annoncé récemment sa volonté de se doter de navires à propulsion nucléaire. Un prototype de réacteur serait ainsi disponible dès 2013. Ce type de « prolifération » mérite d’être suivi avec la plus grande attention même si Buenos Aires insiste sur l’utilisation du nucléaire uniquement à des fins de propulsion navale.

Le Vietnam a signé un accord avec la Russie pour l’achat de six sous-marins du type Kilo. L’Algérie a commandé 16 avions de combat supplémentaires SU 30 MK à l’industrie russe. Au total, Alger disposera de 48 SU 30 MK. L’Ouganda aurait fait de même avec 6 SU 30 MK afin de remplacer ses vieux Mig 21. Il s’agirait pour ce pays de pouvoir contrer la menace que constitue les Mig 29 du Soudan. Dans ce cas, Moscou est gagnant sur tous les tableaux puisque fournisseur des deux antagonistes.

Le tremblement de terre du 27 février au Chili a eu des répercussions importantes sur l’outil militaire, en particulier pour la marine où les sous-marins auraient été endommagés, dont un bâtiment de conception allemande qui était en refonte au sec.



Défense en France

La marine a procédé au premier tir du missile à tête nucléaire ASMP-A à partir du Rafale Marine. Cette étape décisive permettra si nécessaire l’embarquement de l’ASMP-A à bord du porte-avions Charles de Gaulle. Le SNLE Le Terrible a regagné sa base de l’Ile Longue après deux mois de chantier à Cherbourg. Il sera admis au service actif au cours du deuxième semestre de cette année. Les trois autres SNLE vont entrer dans une phase de refonte afin de mettre en œuvre le nouveau missile M 51. Le Vigilant sera le premier à être refondu à partir de la fin 2010.

Au final, le soutien administratif et logistique des unités des trois armées se fera en métropole autour de 51 bases de défense, au lieu des 90 prévues initialement.

Le renforcement des capacités de cyberdéfense va voir l’installation de l’Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) au sein du fort du Mont Valérien, confirmant la vocation historique du site dédié aux télécommunications. L’ANSSI emploiera 120 personnels d’ici 2012



Armée de terre La fin de ce printemps est marquée par les restructurations de l’armée de terre désormais en phase d’exécution. Plusieurs dissolutions ont eu lieu. C’est ainsi que l’EMF 2 de Nantes a fermé ses portes. A Nancy, la 4° Brigade aéromobile a été dissoute avec un transfert de ses compétences au sein du Commandement de la Force Terrestre (CFT) de Lille. La 4° BAM avait succédé à la 4° Division aéromobile, l’une des cinq grandes divisions de la Force d’Action Rapide (FAR) créée à partir de 1982. Le 18° Régiment de transmissions installé à Caen depuis 2003 a également été fermé et ses capacités ont été en partie réaffectées à Douai où le 6° Régiment de Commandement et de Soutien va être transformé et devenir 41° Régiment de Transmissions. L’état-major de la Brigade de Transmissions et d’Appui au Commandement (BTAC) va quitter Lunéville et s’implanter également à Douai dès cet été. A Strasbourg, la Deuxième Brigade Blindée s’installe également cet été à la place de la brigade du génie qui est dissoute.

Les trois derniers drones SDTI commandés l’été dernier dans le cadre du plan de relance ont été livrés au 61° RA de Chaumont. Le SDTI pèse 350 kgs et peut voler jusqu’à une centaine de kilomètres. Ces trois nouveaux engins sont dotés d’ailes allégées. Le SDTI est déployé en Afghanistan depuis octobre 2008, avec 8 exemplaires. Au total, 20 drones SDTI sont mis en œuvre par le 61°RA.



Le mini drone DRAC qui a connu des déboires techniques, va enfin être déployé sur ce même théâtre. 120 DRAC équipent l’armée de terre.



Les 10 premiers VBCI destinés à être projetés sur le théâtre afghan ont été embarqués à la mi-mai dans le port de Toulon. Le 35° RI de Belfort va ainsi être le premier à utiliser le VBCI en Opex. Tous les équipements nouveaux de l’armée de terre seront ainsi déployés sur l’exigeant théâtre afghan, soulignant de fait l’intensité croissante des engagements mais aussi montrant que la modernisation des équipements est devenue une réalité quotidienne pour les unités.

A la fin avril, la task force La Fayette avait déjà tiré une cinquantaine de missiles sur ce théâtre, c’est-à-dire déjà autant qu’en 2009, traduisant le durcissement du conflit.

La dernière tranche de 187 Petits Véhicules Protégés (PVP) a été commandée à la fin mai. Au total, ce sont 933 PVP qui équiperont l’armée de terre. La fin des livraisons est prévue en 2011. La cadence de fabrication est de 300 PVP annuellement.

Les deux prochains programmes majeurs vont maintenant concerner le remplacement des VAB et des AMX 10 RC avec les choix industriels à effectuer d’ici 2012, engageant l’armée de terre pour des systèmes dont la durée de vie dépassera 2040-2050. Le Véhicule Blindé MultiRôle (VBMR) devrait succéder aux 3540 VAB à partir de 2016. Le besoin exprimé est de 2326 engins répartis en 6 versions. L’Engin Blindé Roue Canon (EBRC) se substituera à l’AMX 10 RC mais aussi à l’ERC 90 avec un objectif de 292 véhicules. Les choix ne sont pas encore figés notamment, entre la roue et la chenille. Une coopération avec le Royaume-Uni n’est pas exclue.



Armée de l’air Pour faire face au retard de l’A 400M et du retrait progressif mais inexorable des Transall, la DGA a commandé à EADS 8 avions cargo CN 235. La livraison est prévue entre fin 2011 et mars 2013. 19 CN 235 sont en service dans l’armée de l’air depuis 1993. Un appareil a été perdu lors d’un accident durant un vol en montagne dans les Pyrénées. Les CN 235 permettront d’économiser le potentiel restant des Transall. 47 C 160 sont encore en ligne, mais en 2015, il n’en restera que 22 avant un retrait du service programmé en 2018.

Les Commandos de l’air vont être projetés pour assurer la sécurité extérieure de la base de Kandahar. Jusqu’à présent, ils restaient à l’intérieur des enceintes aéronautiques.



Marine Deux symboles de la marine viennent de quitter le service actif en l’espace de quelques jours. La mythique Jeanne d’Arc a rejoint définitivement, après 46 campagnes d’application, le port de Brest, où elle sera mise en condition pour sa « déconstruction », c’est-à-dire sa démolition. Lors de son retour entre Cherbourg et Brest, la Jeanne a dépassé les trente nœuds. Il est intéressant de constater que la conservation du patrimoine naval est quasiment impossible en France, l’échec du Colbert à Bordeaux en étant un triste exemple .

L’autre retrait a concerné les hélicoptères Super Frelon qui étaient employés au secours en mer. Ces 29 machines ont permis de sauver 2150 marins et plaisanciers et de procéder à de très nombreuses interventions notamment sur le rail d’Ouessant. Les quatre derniers appareils ont quitté définitivement la scène le 30 avril et ont rallié pour leurs derniers vols plusieurs musées aéronautiques dont Le Bourget. Les Super Frelon ont été remplacés par deux hélicoptères EC 225 d’Eurocopter commandés en décembre 2009 car ils étaient disponibles chez le constructeur.

A l’inverse, les vénérables Alouette III devraient rester en service jusqu’en 2018 au sein de l’Aéronavale. 15 Alouette III sont encore en service. Cet hélicoptère a effectué son premier vol en 1959. Le premier hélicoptère NH 90 destiné à l’Aéronavale a été livré à Hyères le 5 mai. La version navale du NH 90 avait été commandée en 2000 avec 27 NFH. L’ALAT doit recevoir aussi le NH 90. Le retard du NH 90 est de six ans, en raison de la complexité de l’organisation industrielle et de la pesanteur technocratique de l’agence otanienne en charge de ce programme. Ainsi, les 529 NH 90 commandés par 14 pays sont déclinés en 23 variantes… L’aéronavale doit recevoir 3 à 4 NH 90 cette année puis autant en 2011. L’objectif est de 8 appareils fin 2011, qui seront déployés en Bretagne à Lanvéoc Poulmic.

Pour accompagner l’arrivée des nouvelles frégates FREMM, les ports de Toulon et de Brest vont subir des travaux de modernisation de leurs infrastructures. A Brest, deux nouveaux quais flottants en béton vont être construits avec des aménagements plus fonctionnels. Ces postes seront disponibles à la fin 2012 pour l’arrivée de la première FREMM Aquitaine qui a été mise à flot début mai. La mise sous tension électrique interviendra en septembre ; la première sortie en mer est planifiée en mai 2011 et l’admission au service actif en avril 2013. La deuxième frégate est destinée au Maroc et sortira de la forme d’assemblage en juillet 2011. La troisième frégate, la Normandie, sera en service en 2014. Les deux derniers navires, sur une série de 11, et qui seront spécialisés dans la défense anti-aérienne, rallieront la flotte entre 2021 et 2022.



Gendarmerie

Dans un cadre de diminution des effectifs, les missions se sont récemment élargies avec la surveillance des grands ports maritimes. Le peloton de sûreté maritime de Port-de-Bouc destiné à la surveillance du port de Fos a été mis sur pied avec 45 gendarmes maritimes assurant la permanence de la sécurité du port méditerranéen. Il sera équipé de deux vedettes d’intervention. Dans une deuxième phase, un autre peloton sera déployé dans la partie est du port de Marseille.

A l’inverse, avec l’évolution des missions, 8 escadrons de gendarmerie mobile vont être dissous d’ici 2011, la police nationale ayant récupéré la mission de surveillance des centres de rétention administrative. Le centre linguistique franco-allemand de Lahr, implanté en Allemagne, destiné à l’apprentissage des deux langues par les gendarmes et la Polizei a fêté ses dix ans. Il permet de faciliter le travail au quotidien entre les régions d’Alsace et du Bade Wurtemberg.

La nouvelle version du turbopropulseur TBM 700 équipé d’un système multicapteur pourrait intéresser la gendarmerie qui envisage de louer certains TBM 700 de l’armée de l’air.



Service de Santé La dernière promotion de Santé Bordeaux a été baptisée en avril. En 2011, Bordeaux sera fermé et le 2 juillet 2011, l’école de santé des armées (ESA) sera créée sur le site de Lyon Bron. Santé Bordeaux était l’héritière des écoles de médecine navale dont la plus ancienne avait été créée en 1722 à Rochefort. Le SSA a désormais en charge l’hôpital médico-chirurgical de Kaboul. Sur 124 personnels nécessaires à son fonctionnement, 81 sont fournis par le SSA.

L’engagement accru du SSA dans le soutien aux opérations amphibies a vu les premières participations des médecins aux stages de qualification aux opérations amphibies (SQOA). Il n’est pas exclu que les infirmiers puissent également recevoir cette formation permettant une meilleure intégration des compétences « santé » dans le cadre des opérations amphibies.

Dans le cadre de l’opération Atalante de lutte contre la piraterie maritime, l’hôpital médico-chirurgical Bouffard de Djibouti participe au soutien santé de la force navale européenne, dont il constitue le rôle 3. En 2009, il a eu à traiter 127 militaires européens, renforçant sa place dans le dispositif militaire occidental régional.



Sécurité L’action de l’Etat en mer a progressé avec la constitution d’une fonction « garde-côtes » regroupant les capacités de la marine nationale, de la douane, des affaires maritimes, de la police aux frontières, de la gendarmerie et de la sécurité civile. Ainsi, en 2012, la répartition des hélicoptères le long du littoral sera revue pour optimiser des ressources rares. Les avions des douanes, des F 106 Caravan, vont ainsi être remplacés par une dizaine d’appareils plus polyvalents. La DGA est en charge de cet achat. Par ailleurs, un centre opérationnel sera installé dès septembre auprès de l’état-major de la marine pour pouvoir informer en temps réel les autorités gouvernementales.

Certains hélicoptères de la sécurité civile pourraient recevoir des protections latérales en cas d’intervention au profit d’unités de la police.



Industries de défense

DCNS a procédé début mai à Lorient, à la découpe de la première tôle de sa future corvette baptisée Hermès. Les chantiers Piriou de Concarneau participeront également à ce projet. Ce navire destiné à l’exportation, sera prêté à la marine nationale pour une durée de trois ans en vue d’avoir le label national. Ce bâtiment aura une longueur de 87 m pour un déplacement de 1300 tonnes. L’équipage serait autour d’une trentaine de marins. L’objectif industriel est une admission au service actif à la fin 2011.



À Cherbourg, DCNS a procédé le 27 mai à la découpe de la première tôle du premier sous-marin du type Scorpène commandé en septembre 2009 par le Brésil. La partie avant sera transportée à la fin 2012 sur le site d’assemblage brésilien. Ce contrat prévoit la construction de 4 bâtiments livrables entre 2017 et 2021 avec un important transfert de technologie qui doit permettre également à la marine brésilienne de se doter d’un sous-marin nucléaire d’attaque avec l’aide de la France à l’horizon 2025. La mise sur cale du SNA est prévue en 2016. 130 ingénieurs et techniciens brésiliens vont travailler à Cherbourg pour se familiariser avec les technologies du Scorpène. C’est ainsi que les travaux pour la réalisation du futur chantier naval débuteront en août.

Le chantier naval Couach installé en Gironde a obtenu un contrat de 15 millions d’euros pour la fourniture de 15 patrouilleurs destinés à l’Inde. New Delhi a commandé un type de patrouilleur de13 mètres capable d’atteindre la vitesse de 50 nœuds et pourrait être armé avec une mitrailleuse de 12,7 mm. A terme, ce marché pourrait dépasser 80 unités. Les trois premiers exemplaires devront être livrés à partir de février 2011. L’obtention de ce contrat a été obtenue grâce à une banque indienne présente à Paris alors que les banques françaises n’avaient pas donné suite aux demandes de soutien financier de la part du chantier. Panhard a livré 6 PVP au Togo, qui est le deuxième client à l’exportation après un pays d’Amérique du Sud. Le Koweït devrait tester le Rafale au cours du mois de juin. 28 appareils pourraient être achetés.

Le consortium américain Iridium Communication, dont les services de télécommunications satellitaires sont quotidiennement utilisés par le Pentagone vient de passer un contrat majeur avec Thales Alenia Space pour l’acquisition de 81 satellites dont les premiers seront lancés dès 2015. Ce succès européen constitue une première.




Défense européenne et OTAN

Dans un contexte de crise budgétaire en Europe, la France suggère une diminution importante des effectifs de l’OTAN d’environ un tiers. Simultanément, le projet de défense antimissile balistique (DAMB) fait partie des priorités poussées par Washington qui aimerait bien que la DAMB devienne un véritable programme de l’Alliance atlantique avec de nombreux avantages pour l’industrie américaine. Une première batterie de missiles anti-missiles Patriot a été déployée ainsi en Pologne, préfigurant la DAMB voulue par plusieurs pays membres de l’OTAN.

Le programme A 400M progresse enfin sereinement et verra la première présentation en vol du nouvel avion européen lors du salon de l’aéronautique de Berlin durant ce mois de juin. A la fin mai, les deux premiers prototypes avaient déjà effectué cinquante vols et plus de 200 heures d’essais. Le troisième prototype devrait décoller au début de l’été. Le premier avion de série, le n° 7, est destiné à l’armée de l’air française et son assemblage débutera fin 2011. Il sera livré fin 2012. En 2015, la cadence de fabrication devrait être de 2,5 appareils par mois. La question désormais posée est de savoir s’il n’y aura pas une diminution des commandes en raison de la crise budgétaire européenne.

Ce salon risque d’ailleurs d’être très difficile pour les industries de défense avec les baisses sensibles des budgets des pays européens. A cela se rajoutent les problèmes industriels autour des programmes aéronautiques. C’est ainsi que la Bundeswehr est particulièrement exaspérée par les difficultés autour des hélicoptères Tigre et NH 90 dont la mise au point est extrêmement laborieuse. L’Allemagne a même envisagé de diminuer sa commande d’hélicoptères de combat Tigre actuellement prévue avec 80 exemplaires et dont seulement 11 engins sont disponibles avec des limitations techniques.

Le Royaume-Uni a lancé la construction des sous-marins nucléaires d’attaque SNA 5 et 6 de la classe Astute, alors même que l’Astute, premier de la série, poursuit ses essais à la mer depuis novembre dernier. Théoriquement, un septième SNA est prévu, mais il va falloir attendre la révision de la politique de défense britannique qui devrait très vite démarrer à la suite des élections législatives de mai qui ont vu la victoire des Conservateurs et leur alliance avec les Libéraux. La pression politique est très forte pour une nouvelle réduction de l’effort de défense britannique. Malgré tout, la poursuite du programme de construction des deux futurs porte-avions (CVF) a vu l’étape symbolique de la mise en place du bulbe avant et de l’étrave du futur HMS Queen Elizabeth sur le chantier de construction en Ecosse. Depuis juillet 2008, Londres a déjà engagé 1,25 milliard d’euros pour le projet des deux CVF.

Il en est de même pour l’Allemagne qui se prépare également à une profonde révision de sa politique de défense. Il n’est pas exclu que le service obligatoire soit ainsi suspendu et que le volume des forces soit révisé à la baisse. Au début juin, une réduction de 40% circulait dans la presse. L’objectif est d’économiser un milliard d’euros par an. Cette diminution des effectifs n’est pas non plus sans implication sur les capacités de projection en opérations. Ainsi, il manque environ 600 médecins dans le service de santé pour assurer le soutien nécessaire en Opex.

D’ores et déjà, la flotte sous-marine allemande va voir le désarmement des six derniers bâtiments de la classe 206 A dès cette année. 18 sous-marins avaient été ainsi construits entre 1969 et 1975. Les six navires devaient quitter le service à partir de 2012. Il reste quatre 212 A et deux autres en construction et qui devraient être livrés en 2012 et 2013.

Malgré une augmentation de son budget de la défense, la Norvège semble peu presser de se lancer dans le programme de l’avion F 35 JSF. Pourtant partenaire du JSF, Stockholm n’a pas prévu l’acquisition de cet appareil avant 2017. A l’inverse, les Pays-Bas ont confirmé leur projet d’achat du JSF, d’autant plus qu’un retrait unilatéral coûterait 220 millions d’euros. Les élections législatives de ce mois de juin devraient apporter une réponse définitive à ce programme très contesté.

La Bulgarie envisage le remplacement de ses avions Mig 21 à partir de 2012. La solution de F 16 d’occasion apparaît la plus vraisemblable ; Le premier lancement d’une fusée Soyouz à partir de la base de Kourou est bien confirmé pour la fin de cette année, marquant une étape décisive pour la vocation spatiale de la Guyane.



La tempête budgétaire est désormais là et la défense sera en Europe la variable d’ajustement. Les annonces déjà faites ne peuvent qu’inquiéter dans la mesure où l’approche retenue est exclusivement financière et fait abstraction de l’analyse des menaces au-delà du court terme. Les grands projets indispensables seront une nouvelle fois retardés, tandis que l’aspect « sécuritaire » sera maintenu au détriment des programmes structurant l’avenir. Le désengagement européen est donc devenu une réalité accentuée par la crise. Ce printemps aura vu le renoncement à toute réelle ambition et il n’est même pas sûr que l’Europe soit encore cette « soft power » qu’elle prétend être.

Dans les prochains mois, le nucléaire iranien va continuer à focaliser l’intérêt stratégique avec l’avantage imparable du temps gagné. Inexorablement, Téhéran se rapproche du seuil nucléaire et les derniers événements au large d’Israël ne font également qu’accélérer la déstabilisation de la région, dans la mesure où l’état israélien se comporte de plus en plus comme une « citadelle assiégée » et que les perspectives de paix, en acceptant des compromis mutuels, sont de plus en plus éloignées. Ainsi, les liens établis depuis des décennies avec la Turquie sont désormais durablement affectés. Là encore, la crise européenne ne peut qu’inciter Ankara à revoir radicalement sa stratégie en affirmant sa volonté d’être enfin une puissance reconnue d’autant plus que ses perspectives d’intégration de l’Union européenne semblent désormais renvoyées aux calendes « grecques ».

Heureusement, il y a le Mondial de foot pour oublier (très temporairement) la crise et le désarmement de la Jeanne est bien symbolique d’un certain renoncement.

Jérôme Pellistrandi

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