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Sécession rom ?

Un fidèle lecteur attire mon attention sur ce point, qui renvoie à des questions d'actualité : on dit que les Roms (maintenant qu'on sait qu'il faut distinguer gens du voyages, tsiganes français, manouches et Roms) sont principalement d'origine roumaine et bulgare....

Que nous dit notre correspondant ?

1/" En effet, en Moldavie, outre la sécession de la Transnistrie (capitale Tiraspol) on observe l'affirmation d'un pouvoir (royaume?) rom à partir de la ville de Soroca, au Nord-est du pays.

Ce nouveau démembrement de la Moldavie peut aboutir à la naissance d'un nouveau micro-état ou alors constituer justement une cohabitation entre un chef des lieux (la Moldavie) et un chef des gens (le "baro rrom").

Bien évidemment cette évolution est favorisée par la conjonction de politiques de rejet (Italie, Roumanie, ERYM, etc.)."

2/ Une brève recherche sur Internet (voir ici, ici et ici) ne me permet pas de confirmer ni d'infirmer ces affirmations. J'ai juste l'impression de l'exploitation touristique d'un "lieu" réunissant à la fois des traditions tsiganes et un site suffisamment insolite et curieux pour pouvoir attirer le chaland. Et donc de l'exploitation opportuniste de la chose.

3/ Pour le reste, qu'il y ait désagrégation de la Transnistrie qui permette l'émergence d'isolats (je reprends ce mot d'une conversation avec Yves Cadiou), voire de féodalités, c'est possible. Je bute quand même sur la notion de pouvoir. Mais là n'est au fond pas le but de mon correspondant : juste de signaler un exemple où le droit des lieux peut différer du droit des gens, ce qui complique quelque peu l'analyse géopolitique. En cela, sa contribution est fort utile. Et je le remercie encore publiquement pour m'avoir donné l'occasion de ce billet.

4/ Enfin, cela ne fait pas disparaître l'interrogation fondamentale : comment parler de géopolitique (et donc de territoires) au sujet de populations nomades et donc itinérantes ? voilà au fond la question posée par les roms, même s'il semble évident qu'ils ont tendance à se sédentariser, et que donc leur identité va, potentiellement, tenir plus au lien culturel qu'au mode de vie. On lira mon billet sur la géopolitique des rroms.

Mais pour le coup, je ne crois pas qu'on puisse parler de "sécession rom" : si j'ai bien compris ce qu'est un oxymore (contradiction dans les termes), en voilà un !

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par

La question est déjà posée par le "problème touareg" à travers toute l'Afrique saharienne. Les touaregs ne sont pas "nationalisés", ni par les Malien, ni les Nigeriens, etc... On peut, par analogie, examiner les solutions qui ont été proposées :

1/ Obliger les Touaregs à choisir l'une des nationalités des pays qu'ils traversent.
2/ Créer un "Etat Touareg" et le doter de structures politiques. (Volonté partagée en partie par les sahouaris du Front POLISARIO qui partage une partie de la culture touareg, et bien évidemment soutenue par l'Algérie contre le Maroc)
3/ Sédentariser de force la population nomade (en bloquant, notamment, les frontières). C'est la position de la Mauritanie.
4/ Créer un organisme de concertation et de discussion entre les Etats sahariens et le peuple Touareg, avec comme enceinte l'OUA. Le concept a été approfondie par certains chercheurs qui suggèrent une fédération de l'Afrique de l'Ouest qui permettrait aux Touaregs de circuler dans un espace peu à peu uni (sur le modèle de circulation de l'UE) tout en gardant leur mode de vie.

Donc, par analogie, on peut voir que pour les Roms, au regard également de votre billet, que la solution 1/ n'est pas effective (reconduites, discussions avec le gouvernement Roumain...). La solution 2/ parait, comme vous le dites, peu opportune, et surtout ne réglerait pas le problème du mode de vie nomade.
La solution 3/ est clairement, dans l'UE, impossible à mettre en place. La CEDH refuserait nette.
La solution 4/ serait assez compliquée, notamment parce que le problème "Rom" ne se limite pas à ce seul peuple, mais à l'ensemble des "gens du voyage" (terme administratif des nomades), donc avec sa diversité, et la difficulté de les faire tous s'entendre. Toutefois, c'est sûrement dans l'espace de l'Union, et avec un système fédéral européen (plus proche de voir le jour qu'une fédération africaine), que pourrait venir la solution, en décidant d'un statut commun, et de règles acceptés par tous, notamment les gens du voyage eux-mêmes.
Mais à travers toute l'Europe, se sont 13 millions de Roms à interroger.

égéa : excellents aperçus, qu'il s'agisse de la comparaison avec les touaregs, ou de l'examen des solutions : merci

2. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par yves cadiou

Cette différenciation entre « chef des lieux » et « chef des gens », vous nous en avez déjà parlé au sujet de la Tchéquie début juillet. C’est très perturbant parce que c’est contraire aux deux théorèmes de base qu’on apprend à l’école : « un territoire, un peuple, une souveraineté » ; « la démocratie, c’est le peuple qui exerce sa souveraineté sur son territoire ». C’est un peu comme si vous nous disiez que le carré de l’hypoténuse, ça se discute.

Lorsque l’on dit que « le chef des lieux n’est pas le chef des gens », ça ressemble beaucoup à une définition du communautarisme. Dans la mesure où, selon nos vieilles définitions, une sécession concerne un territoire et un peuple avec sa souveraineté sur ce territoire, c’est incompatible avec la différenciation entre « chef des lieux » et « chef des gens ».

.
Une question pour votre correspondant : sur google-earth, je viens d’aller voir la Moldavie (je savais parfaitement où c’était, qu’allez-vous croire, mais je ne situais pas bien Tiraspol et Soroca, n’est-ce pas) et je constate qu’ils écrivent les noms de lieux avec des cédilles sous les « t » et sous les « s ». Ma question : tous les habitants de la Moldavie parlent-ils la même langue ? Si c’est le cas, alors on se rapproche de nos théorèmes de base.

égéa : ben la géopolitique, c'est pas les mathématiques. Donc oui, le carré de l'hypoténuse, ça se discute. D'ailleurs, en sciences humaines, tout se discute, c'est bien pourquoi c'est amusant....

Eh! non, tous les habitants de la Moldavie ne parlent pas la même langue : des roumanophones, des russophones (beaucoup) des tsiganes, je crois aussi quelques turcophones (les gagaouzes, de mémoire, mais à vérifier), etc.... La Moldavie est un de ces confins auxquels on pense rarement et qui posent directement toutes les questions européennes cachées : langues, limites, nationalité, supranationalité, développement, ....

Vous adorez décidément égéa, hein ?

3. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par

Pour répondre à votre question directe : oui, je viens souvent sur Egea. Je n’emploierais pas votre mot « adorer », simplement parce qu’il contient une connotation fétichiste qui ne convient pas. Je viens ici pour creuser les sujets que vous proposez. J’ai la chance de ne plus préparer de concours depuis longtemps mais je reste intéressé par la géographie et l’histoire qui mettent l’actualité et l’avenir en perspective.

J’interviens lorsque je crois avoir quelque chose à dire sur vos sujets par suite de ce que m’ont appris dans le passé les gens, les lieux, les circonstances. Souvenirs que je complète ou actualise en explorant internet.

Par conséquent vous avez mes encouragements ainsi que, j’en suis sûr, les encouragements tacites de beaucoup de lecteurs qui restent sur leur quant-à-soi et préfèrent, pour des motifs légitimes qui leur appartiennent, ne pas donner leur avis.

4. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par Marc

Au-delà de la géopolitique rom, il faut remercier tous les inconscients portés par l'aveuglement idéologique de l'européisme et notre classe politique d'avoir soutenu si ardemment une ouverture totalement irraisonnée et irraisonnable de l'Europe à 27. Bravo ! Avec l'arrivée de la Turquie dans la danse, le pire s'annonce. Une telle inconscience de nos dirigeants politiques leur aurait valu autrefois le peloton, mais le temps de l'intérêt national - c'est-à-dire celui du peuple français - est désormais bien loin, une quasi préhistoire. La géopolitique du Désastre a de beaux jours devant elle.

5. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par

Je ne sais pas si le parallélisme Rroms/Touaregs peut être fait. De ce que j'entends, pour de nombreux observateurs que l'on peut dire qualifiés, les Rroms ne sont pas des nomades (ou du moins pas uniquement).

Le courrier des balkans (site excellent au demeurant) a fait un dossier sur les Rroms (je n'ai pas encore tout lu): http://balkans.courriers.info/spip....

On peut contester le titre dudit dossier mais leur travail (ainsi que les actes du colloque sur les migrations dans les Balkans qu'ils ont publié) est au minimum informatif. Voir aussi les liens à droite.

6. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par

Sur cette distinction chef des gens / chef des lieux, j'ai lu je ne sais où des choses assez intéressantes sur une expérience de ce type dans l'Empire austro-hongrois du XIXème. Il faut que je remette la main dessus (il me semble que ça concernait les Tchèques).

Sur la Transnistrie, voir un petit article que j'avais écrit dans le cadre d'un thème du mois sur la Russie et l'Europe : http://defense-jgp.blogspot.com/200...

7. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par

J'ai retrouvé la référence. Karl Renner, porte-parole de l'Austromarxisme et futur chancelier fédéral autrichien, formule au début du XXème un projet dit d' "autonomie personnelle" dans lequel les affaires économiques et politiques (défense, diplomatie), relevant du gouvernement central, sont séparées des questions linguistiques et religieuses, à gérer doit se faire en dehors de tout rattachement à un territoire / circonscription administrative.
Ces propositions ont apparemment connu un début d'application avant la Grande Guerre, notamment en Moravie (Tchèques et germanophones), en Bucovine (aujourd'hui entre Ukraine et Roumanie) et Galicie (aujourd'hui partagée entre Pologne et Ukraine).

égéa. Intéressant. Attention, je crois qu'il y a plusieurs Bukovine, dont une dans les Balkans, Celle dont tu parles est-elle bien là où tu la places ?

8. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par Christophe Richard

Bonjour, merci de cette référence, je vous propose ci-après un lien vers un texte qui présente en détail le concept d'autonomie personnelle dont il est question.

Je trouve significatif que cette réflexion soit le fait d'un homme qui s'est formé à la politique dans le cadre d'un Empire en déclin qui cherchait à redéfinir son identité politique après l'essort des nationalités au XIXème siècle. Proposer ce modèle pour l'UE, comme le fait le texte, laisse songeur...

Bien cordialement

http://www.reds.msh-paris.fr/public...

9. Le mercredi 25 août 2010, 19:11 par

Oui tout à fait (à côté de Galicie). D'ailleurs je ne savais pas qu'il y en avait plusieurs.

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