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La carte et le territoire (Houellebecq)

Mettons immédiatement les choses au point : je n'ai jamais lu Houellebecq. D'ailleurs, d'une façon générale, les romans me fatiguent de plus en plus (sauf les polars qui sont les dernières fictions que je supporte encore).

Par ailleurs, Le dernier Houellebecq, La carte et le territoire", ne sortira que le 8 septembre prochain. Enfin, je n'ai pas l'habitude d'évoquer les stars qui font l'actualité, mi-people, mi-télé, mi-intello, mi-Victor Hugo en Irlande (bon, quatre moitiés, ça ne fait pas quatre quarts, donc ce n'est pas un, c'est dire l'enflure de la chose).

Et pourtant !

Et pourtant, déjà, le titre m'attire : la carte et le territoire, voici une préoccupation fort géographique et, peut-être, géopolitique. Que ce soit un littérateur qui l'énonce et j'y espère un peu d'analyse sociologique qui transforme la géographie en quelque chose d'autre, et lui ajoute une dimension "réelle" fort intéressante à mes yeux.

Surtout quand l'auteur (à ce que j'en lis dans les gazettes) évoque une déréliction occidentale, un affaissement européen dont il se complait à décrire l'état dans vingt ans. A l'époque, il n'y aura plus de problèmes d'immigration puisque les "migrants africains se dirigent vers les nouveaux pays industrialisés" et s'exposent "à un bien périlleux voyage, traversant l'Océan indien et la mer de Chine". Bref, c'est un "sentiment de désolation" envers l'âge d'or européen. C'est bien sûr tout à fait géopolitique.

L'auteur fait parler de lui. Pas seulement pour ses postures, mais aussi pour des qualités d'écriture (paraît-il) : dire les choses sans affect serait la différence de ce conteur d'histoire..... Je n'en sais rien, je le répète, et ce n'est pas ce qui m'intéresse.

Mais cette formule"la carte est plus importante que le territoire" dit tout des représentations, physiques, bien sûr, mais aussi mentales, et donc des identités. Cela pourrait être une devise géopolitique....

Je ne l'achèterai probablement pas cet automne. Par méfiance, j'attendrai un an ou deux, d'une part que le soufflé retombe, ensuite qu'il y ait une version de poche. Peut-être vous en reparlerai-je.....

Réf

O. Kempf

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Commentaires

1. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par Pierre AGERON

Très houellebecquien comme post: faire croire que l'on s'apprête à critiquer un livre en déclarant qu'on ne le lira pas (Sourire...)
Quant à la formule, "la carte est plus importante que le territoire", celle-ci me laisse songeur car les DEUX substantifs ramènent à des représentations.
Concept au coeur de la géographie comme science sociale, le territoire peut être défini comme un espace socialement construit qui permet à ses habitants de se forger une identité propre, donc différente de celle de son voisin (cf les travaux de Ricoeur ou Todorov).
Parmi les nombreux géographes sociaux et ou culturalistes comme J. Bonnemaison, C. Raffestin,G. Di Méo, cette définition de B. Debarbieux (Univ.Genève) me semble particulièrement adaptée:
"Agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de l'existence d'un individu ou d'un collectif social et d'informer en retour cet individu et ce collectif sur sa propre identité" (in Lévy, Lussault (dir.), 2003, p.910)
La carte est aussi une représentation que l'on pourrait croire "objective" car objectivée, litérallemnt placée devant soi mais dont on sait qu'elle demande interprétation (cf R. BRUNET: la carte mode d'emploi).
Les deux termes renvoient donc à la production de "codes" plus ou moins partagés, nécessitant une hérméneutique donc un apprentissage préalable du code.
égéa : oui pour le territoire assimilé à une représentation : mais vous assimilé alors le territoire à un territoire "limité". Si le territoire est sans limite, alors il n'est pas forcément unereprésentation (sauf à adopter une analyse structuraliste sur le sens desmots, etc..; qui nous emménerait dans un autre débat).
J'apprends donc que je suis houellebcquien : champagne !

2. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par Pierre AGERON

Il me semble que ce que vous assimilez au territoire "illimité" renverrait plutôt, selon les géographes sociaux et culturalistes à l'espace, portion d'étendue terrestre et/ou maritime qui sert de support aux activités humaines. J. Lévy (Univ Lausanne) le définit comme une des dimensions de la société correspondant à l'ensemble des relations provoquées par la distance; étendue intermédiaire entre deux réalités matérielles et/ou idéelles.
Le territoire se définit alors comme une portion d'espace appropriée par une société.

égéa : merci de cette distinction.... effectivement, la portion suggère la délimitation, donc la frontière, donc l'idendité..;

3. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par Pierre AGERON

PS: J'ai lu dans un hebdomadaire culturel aujourd'hui que le livre contiendrait aussi la phrase suivante: " la carte est plus INTÉRESSANTE que le territoire", la représentation objectivée de la topographie et des activités qu'elle supporte nous en dirait plus sur nous-mêmes que le territoire. Cela a peut-être un sens dans le livre mais le géographe n'est ici guère convaincu, étant donné que le territoire est un espace social déjà très riche interprétations...

4. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par

Merci à Pierre Ageron d'avoir précisé dans ses commentaires la différence entre espace et territoire, il est vrai que l'on rencontre dans beaucoup de publications un amalgame entre espace et territoire (qui présuppose une processus d'appropriation).

Absolument d'accord avec la dernière remarque sur la phrase "la carte est plus intéressante que le territoire". Cette phrase semble hiérarchiser les ojets géographiques, or le territoire est un champ de recherche particulièrement fécond, tant les enjeux politiques, culturels et sociaux qui découlent de l'appropriation de l'espace par un groupe (national, communautaire, social...) sont aujourd'hui au coeur des débats dans les sciences humaines et sociales.

Gilles Fumey propose sa lecture de l'ouvrage de Michel Houellebecq sur le site des Cafés géographiques :
http://cafe-geo.net/article.php3?id...

5. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par eek

Ne s'agit-il pas d'un hommage au livre d'Alfred Korzybski : "Une carte n'est pas le territoire" ?
égéa : eh! je ne connaissais pas l'individu, dont la fiche wikipédia est intéressante. Et sa théorie a inspiré le monde des A de van Vogt : je suis sûr que SPurinna va aussitôt s'intéresser.
IQuant au livre, voir ce lien.
Enfin, eek, pourquoi ne donnez vous pas votre vrai mail ?

6. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par bruno chauvierre

J'aime bien cette histoire de décapitation d'un maître et de son chien. J'aime bien aussi ce commissaire qui soigne son chien atteint du même mal que lui. C'est un roman à conseiller aux vétérinaires.

7. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par Aurel

La phrase de korzybski est juste un exemple de sa théorie appliqué à la géographie. Il exprime la différence de niveau d'abstraction entre deux choses. Dans le cas de korzybski, le territoire est la matière réelle allant de là à là; la carte est le bout de papier où le territoire est représenté.
cependant, c'est vrai à tout les niveaux.
par exemple les définitions donné par pierre Ageron sont déjà des abstractions et ne sont donc déjà plus le "territoire". etc
La théorie est donc validé par les questionnement de Pierre Ageron.

Houellebecq avec sa phrase citée plus haut fait clairement référence a korzybski et en même temps critique le rejet par le monde de la réalité au profit du superficiel. enfin moi c'est ce que j'en retire du roman.

8. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par tinigrifim

je ne le lirai pas non plus. Chaque individu, physiquement, est une carte.Le territoire, c'est sa pensée. Notre apparence(carte) donne des informations-réelles et symboliques- sur notre pensée(territoire). Aujourd'hui, chez de nombreuses personnes, la carte prend le pas sur le territoire, c'est elle qui le façonne, qui le domine. Comme la carte ne donne pas d'indications sur la profondeur du territoire, les cartes que nous croisons dans la rue représentent des territoires plus ou moins profonds où le minerais peut être la pire comme la meilleure des parts. Mais la carte continue de ronger irrémédiablement le territoire. Faut-il brouiller les cartes pour sauvegarder le territoire? Le bonheur, carte ou territoire?

égéa : moi, je le lira, probablement, mais quand la vague sera passée.... Pour le reste, votre commentaire est onirique : bravo, la littérature répond à la littérature.

9. Le jeudi 2 septembre 2010, 22:10 par AGERON Pierre

L’objet de ce billet vient de paraître en poche chez "J'ai Lu". Ai débuté la lecture, Bons passages sur le monde comme topologie ( description de l'aéroport de Shannon et ère du low cost). Impression plutôt positive...

égéa  : moi aussi l'ai acheté et prends un grand plaisir à le lire.

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