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Pakistan : l'Indus inondé

On parle moins des inondations au Pakistan (à supposer que cela ait beaucoup attiré l'attention des Européens ou du reste du monde). L'aide semble baisser plus vite que l'eau (voir ici)

Souvent, les commentaires à portée un peu stratégique se sont portés sur le dérèglement climatique, éventuellement sur la notion de catastrophe naturelle et de gestion de crise. J'y vois quant à moi le révélateur de la question de l'eau au Pakistan, et donc de l'identité de ce pays.

1/ Pakistan, pays indien des musulmans. Ainsi nous représentons nous le pays. ce qui est intéressant, c'est qu'il est issu d'une sécession puis d'une partition. Membre d'un tout, il n'existe qu'en se fractionnant. C'est le tropisme indien (culturel) mais aussi géographique (Bangladesh à l'est, Pakistan à l'ouest).

2/ D'ailleurs, je mentionnais dans mon précédent billet sur le sujet qu'il fallait systématiquement considérer le Pakistan dans son environnement : ainsi, il ne s'agissait pas seulement d'AfPak (l'invention géopolitique de B. Obama lors de sa campagne électorale), mais d'un Afpakinde. Je ne suis pas surpris que le néologisme n'ait rencontré aucun succès, d'abord parce qu'il vient d'un petit blog français et pas d'un grand auteur de Foreign Affairs, et surtout parce qu'il est très moche. Toutefois, tous les commentateurs s'accordent, depuis quelques mois, à considérer le système des trois pays. En 2007, qui parlait de l'Inde à propos de l'Afghanistan ?

3/ Mais alors, reconsidérons le binôme indo-pakistanais à l'aune de l'Afghanistan. On nous dit que ce dernier pays fournirait une "profondeur stratégique" dans l'hypothèse d'un affrontement entre Indiens. Mais que vaut la "profondeur stratégique" à l'heure du nucléaire ? Puisque les deux pays sont installés dans un système de dissuasion, à quoi bon une profondeur ? Mais, n'est-ce pas, le système étato-militaire (l'ISI qui tient l'armée qui tient le pouvoir "civil") en place au Pakistan réfléchit peut-être encore selon des codes hérités du XX° siècle, voire du XIX°, au temps de l'occupation britannique.... Une sorte de kémalisme qui durerait, lui !

4/ Peut-être à "contenir" l'incertitude identitaire du Pakistan. On lira avec attention les précisions apportées par Pierre Ageron en commentaire de mon billet d'hier, où il distingue le territoire de la carte et de l'espace. En fait, le Pakistan est incertain sur lui-même, car sa définition "musulmane" ne suffit pas à le contenter. Dès lors, j'ai le sentiment que les Pakistanais hésitent entre d'aures identités.

5/ La première serait tribalo-pachtoune. Pourquoi pas, même si cela ne satisfera bien sûr ni les Baloutches, ni surtout les Pakistanais du Sind.....

carte_Indus.gif

6/ Dès lors, et voici mon "histoire d'eau", l'autre solution serait celle de l'Indus. Le Pakistan, pays du val d'Indus, comme l'Égypte est celui du Nil. Au moins y aurait-il une cohérence géographique qui, à tout prendre, vaut bien d'autres cohérences plus artificielles, et permet une sorte de neutralité compatible aussi bien avec l'histoire (le double héritage indien et musulman) qu'avec l'avenir (une nation émergente en prise avec la mondialisation). Et comme l'Égypte, elle aurait des difficultés envers le pays qui tient la source, d'autant qu'en l'espèce il ne s'agit pas de pays faibles ou négligés comme le Soudan ou l'Éthiopie, mais l'Inde, justement. Je renvoie ici à ma fiche de lecture sur la GP de l'eau, dont un chapitre décrit justement cette question de l'Indus.

7/ Certes, les inondations sont dues à des précipitations : mais elles démontrent l'importance du réseau fluvial qui,normalement, évacue ces précipitations. Les inondations mettent l'Indus en valeur.

Pakistan, fils de l'Indus et non fils de l'Inde...

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 3 septembre 2010, 21:35 par Françoise

Bonjour Monsieur,
il me semble que - cela n'a rien d'original- une des difficultés de la construction nationale du Pakistan, est justement la fracture qui le traverse , même alors que le morceau bengali, très résistant (une identité culturelle, devenue politique sous le British Raj, très forte) s'en est détaché : la fracture entre le monde "plein" de l'Asie des vallées, plaines et deltas ( l'Asie du riz irrigué et des populations denses) et le monde "vide" (enfin sauf quelques talibans et tribus montagnardes, me suis-je laissé dire...) des montagnes d'Asie Centrale, où les taches de population dense sont les grandes oasis autour des fleuves endoréiques. Ces populations sont fort différentes dans leur cadre de vie et leur organisation sociale . Le monde des castes ne cède-t-il pas devant l'organisation sociale des peuples montagnards -pour simplifier ? Comme en outre les plaines et grandes villes ont vu l'arrivée massive des musulmans(les Mohajir, de langue ourdou) venus d'Inde lors de la Partition, et que ces musulmans ont occupé à la faveur d'un moment politique particulier les places-clefs du pouvoir, il y a encore d'autres fractures à cette mosaïque temporelle et spatiale parfois très désajustée qu'est le Pakistan, même si la multiplicité et les conflits sont un sort commun à toutes les entités étatiques de l'Asie du Sud et du centre.
Tout cela pour demander si l'Indus, fleuve autour duquel s'est formée une des cultures anciennes que l'Inde actuelle revendique aussi comme une de ses filiations (la civilisation d'Harappa), peut constituer un coeur (comme la Loire pour nous , mutatis mutandis, et avec un sourire indulgent pour le culot de la comparaison) à l'identité pakistanaise, gros souci pour nous tous. En tout cas il devrait l'être. La grande fracture du monde, faille qui commence à s'ouvrir avec la conquête Moghol de l'Inde du Nord, sorte de bifurcation de l'Histoire, passe là, entre la plaine de l'Indus et les grandes montagnes, comme elle passe dans la (les) société indienne. Décidément, le Pakistan ne se comprend pas sans l'Inde. Vous me pardonnerez, j'espère, les approximations.
Françoise Riou.
égéa : comme je ne cesse d'approximer sur ce blog, vçous êtes mille fois pardonnée.

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