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Modèle stratégique

Savez vous qu'entre alliés AGS, nous avons aussi des échanges par courriel. Parfois, c'est totalement idiot. Parfois, on discute de choses sérieuses. L'autre jour, c'est Florent qui a lancé un débat : qu'est-ce qu'une stratégie? et pourquoi les théories ne marchent pas? En fait, c'est la question du modèle qui était posée (voir son billet). Et peut-être n'est-il pas idiot qu'on vous en parle.

Voilà ce que je lui ai répondu.

En fait, la question ne me semble pas "c'est le modèle qui est mauvais" mais plutôt " à quoi sert un modèle?".

Croire que le modèle reproduit la réalité est illusoire et forcément source d"échec. Un modèle le marche jamais, et constitue toujours une construction intellectuelle, "idéaliste" de la réalité. Il aide à la comprendre, éventuellement à l'expliquer. Il n'a pas forcément vocation à être prédictible, pour plusieurs raisons, bien connues je crois des sciences humaines :

  • - la reproduction de tendances passées n'est pas le gage absolu de vérité
  • - les sciences humaines ne peuvent dégager de loi, car elles sont doublement contingentes : liées aux événements, mais aussi liées à la décision des individus. En science éco, on commence à comprendre qu'un manager est un facteur de production indépendant des autres (capital, travail et, traditionnellement même si ça a été oublié, terre).

J'ai écrit un billet ou un article (non publié, d'ailleurs), où j'écrivais qu'être géopolitologue nécessite forcément un détour épistémologique : il faut s'interroger profondément sur la nature de la discipline où l'on travaille, se l'approprier, pour pouvoir être réellement efficace. Un peu pareil, on ne peut être psychanalyste sans avoir subi une psychanalyse : de même ne peut on être stratégiste sans s'interroger sur la mécanique de ce discours stratégique.

Je suis horriblement pontifiant, je sais : preuve que je n'ai aucune réponse à t'apporter et que je deviens de plus en plus vieux, tous les jours. Comme les vaches, remember Brassens.

Olivier Kempf

NB : nouveau thème du mois sur les énergies, enjeu géopolitique.

Commentaires

1. Le samedi 4 décembre 2010, 22:44 par VonMeisten

Une stratégie : un objectif, des chemins, des moyens. Les 3 sont intimements liées.

2. Le samedi 4 décembre 2010, 22:44 par

Bonsoir,

Il serait temps de refaire de l’épistémologie, effectivement. Mais éviter de réinventer l’eau tiède, de nous balancer du réchauffé même pas compris style « cygne noir » et autres foutaises à la mode dans les cabinets de coaching. On peut utilement se plonger dans toutes les revues scientifiques de vulgarisation qui, depuis le centenaire de la Relativité, analysent les débats de la physique moderne et la question du modèle utile, efficient, efficace, etc… Et lire Heisenberg et ses discussions avec Einstein, Popper, la réponse de Hermann à Weizäcker et Neumann, ou plus près de nous Besnier, Bitbol (un peu beaucoup compliqué), tout ce qui tourne autour de la pensée quantique, etc etc etc…

Pourquoi les théories ne marchent pas ? Si elles marchent, jusqu’à ce que précisément elles ne marchent plus. Aucune théorie ne sera jamais complète, c’est la folie du management américain de croire le contraire. Aucun théorème non plus, c’est le principe d’incomplétude de Gödel. Un modèle est une hypothèse explicative et prédictive jusqu’à ce qu’elle soit réfutée (Popper). Il faut alors immédiatement en changer, et on s’aperçoit alors qu’il existait déjà d’autres modèles radicalement différents mais explicatifs du même phénomène sous un autre angle, etc. C’est le principe, notamment, de sous-détermination des modèles.

Il est évident que le modèle occidental dominant, que je qualifierai pour polémiquer de nouveau d’américano-laplacien, qui avait le tort (on le réalise aujourd’hui, enfin, pas tout le monde…) de viser à une explication totale et unique alors qu’il n’était ni plus ni moins réducteur qu’un autre, et qui a permis deux siècles durant des progrès inouïs qu’on n’avait jamais connu et qu’on ne retrouvera sans doute pas dans le futur, ne fonctionne plus dans aucun domaine : militaire, financier, alimentaire, écologique et (merci Wikileaks) informationnel. Mais ce n’est pas grave, si on l’abandonne dès demain. Et quand je dis demain, c’est avant 2015 : et il faut le faire avant d’avoir trouvé un modèle de remplacement, parce que l’Histoire nous montre que les modèles alternatifs existent toujours et ne se « découvrent » qu’une fois les vieilles structures mises à bas. Si nous n’avons pas autre chose en 2015, l’Occident américain (et européen si nous n’avons pas totalement rompu les ponts d’ici là) rejoindra Pharaon et l’Empereur de Chine dans les notes de bas de page des prochains manuels d’Histoire.

Mais j’en veux pour preuve cet ouvrage dont on a beaucoup parlé dans EGEA, quoique le titre contienne une monstrueuse coquille : « OTAN ou XXIème siècle » (« ou » et non pas « au », mais que fait l’éditeur… !). Soit l’OTAN, totalement réfuté en Orient, disparaît, et nous avons une chance d’entrer dans le nouveau millénaire, soit nous nous accrochons à un cadavre en décomposition et ledit millénaire se fera sans nous.

Car l’Occident semble avoir oublié quelque chose : ce n’est pas que les civilisations soient mortelles comme le disait Valéry, c’est que l’Histoire darwinienne est amorale. Seules celles qui s’adaptent survivent. Nous ne sommes pas plus utiles à l’Humanité que la banquise du grand nord : s’il faut que ça fonde pour réguler et passer à la suite, ça fondra. Et nous partagerons le sort des ours blancs.

Bonne nuit.

Immarigeon

égéa : je vais de ce pas dire à mon éditeur qu'il s'est trompé. Heureusement, le livre parle surtout de ce qui s'est passé, et reste très prudent sur les pronostics d'avenir...

Note qu'Egéa constate régulièrement, depuis qu'il existe et radote (oui, J-Phi, moi aussi je radote, comme toi) :  le déclin américain, le déclin européen, et le rift qui l'élargit, et donc la perte de sens du mot occident. Ce n'est d'ailleurs qu'un constat, pas une théorie générale.

En passant, je suis heureux de signaler aux lecteurs que tu viens d'ouvrir un nouveau blog qui visiblement adore les Tea Party. Il faut dire qu'ils sont assez réjouissants.

Enfin, nous devons à nos lecteurs la vérité : nous avons passé tout le week-end à nous envoyer des courriels sur wikileaks : je n'ose dire qu'on se branchait, car en ces temps de fuites de câbles....

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