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Fécondité

L'INSEE vient de rendre public les chiffres 2010 de la fécondité française, et l'exception française se confirme. On lira cet article du Figaro (quand Le Monde n'y consacre qu'un entrefilet).

Impression

D'emblée, remarquez ce mot "exception française". Eh! oui, elle existe encore, et pas vraiment là où on l'attendait. Exception surtout par rapport à ce qu'on a plaisir à nous répéter : nous sommes un pays sinistre, décliniste et psychotique : d'ailleurs, fort logiquement optimistes, nous ne cessons de fabriquer des enfants.

Cela confirme ce que je disais dans un autre billet : la France demeure la première puissance européenne (même si l'infographie du Figaro est drôle, puisqu'elle nous place en tête, oubliant consciencieusement l'Allemagne et la Russie, encore devant nos en termes bruts de stock démographique). "Puissance". Car les ressorts de la puissance sont classiques : un territoire, une population, des moyens militaires. ça ne suffit pas. Mais cessons de nous raconter que nous sommes nuls

Je mets en dessous des extraits de l'article du Figaro, eux-mêmes retranscrits directement du rapport de l'INSEE

O. Kempf

  • Quelque 828 000 bébés ont vu le jour en 2010. Plus qu'en 2009. Alors même que le nombre de femmes en âge d'enfanter baisse. Le taux de fécondité a encore progressé, pour atteindre 2,01. Du jamais-vu depuis le baby-boom. De 1945 à 1974, la natalité avait caracolé . La crise pétrolière est venue interrompre cette euphorie. Les naissances ont alors drastiquement chuté. Le taux s'effondre à 1,66 enfant par femme en 1993.
  • Mais depuis, sans que l'on sache exactement pourquoi, il ne cesse de remonter. Doucement. Mais sûrement. Presque indifférent aux aléas économiques.
  • Par ailleurs, les variations économiques sont amorties en France, où «le coût d'un enfant est largement socialisé». les secrets des Françaises, qui assument maternité et travail et jouissent d'une longévité exceptionnelle!
  • Certes, les femmes étrangères installées dans l'Hexagone ont en moyenne plus d'enfants mais cela ne suffit pas à expliquer la vigueur de notre taux de fécondité, car elles n'y contribuent que «de manière faible, pour 0,02» , selon l'Insee. Les démographes penchent plutôt pour un modèle français ancré depuis l'après-guerre.
  • En 2010, l'âge moyen d'accouchement a atteint 30 ans pour la première fois. La bonne fortune des couffins repose désormais sur les trentenaires. 17% des bébés nés en 2010 ont une mère âgée de 35 à 39 ans. Les femmes de plus de 40 ans ont contribué à 5% des naissances. Cette proportion a doublé en vingt ans. Seulement 46% des bébés nés en 2010 ont une mère de moins de 30 ans contre 62% en 1990. Ces dix dernières années, la famille traditionnelle s'est fragilisée mais pas le désir d'enfants.
  • L'espérance de vie repart en nette hausse en 2010, augmentant de quatre mois pour les hommes (78,1 ans) comme pour les femmes (84,8 ans) selon l'Insee.
  • la France continue de vieillir, avec 16,8% de plus de 65 ans (contre 20,7% en Allemagne).
  • Avant on se mariait. Maintenant on se pacse. Quelque 195.000 pacs ont été célébrés en 2010 pour 249.000 mariages, soit trois pacs pour quatre mariages. Plébiscité par les couples hétérosexuels,
  • La France a dépassé pour la première fois les 65 millions d'habitants en 2010.La France métropolitaine et les départements français d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane et l'île de la Réunion) comptaient ainsi au 1er janvier 2011 quelque 65.027.000 habitants.
  • Représentant 13% de la population européenne, la France se situe en deuxième position derrière l'Allemagne (81,8 millions d'habitants). En 1985, la France, l'Italie et le Royaume-Uni faisaient jeu égal. Mais, depuis, la France connaît une croissance démographique régulière et soutenue, contrairement à ses voisins. En trente ans, le pays a gagné 10 millions d'habitants. Et 20 millions depuis 1958 ! Avec les collectivités d'outre-mer (territoires aux statuts juridiques particuliers) la population totale atteint même 65,8 millions.Spécificité française, l'essentiel de la croissance démographique repose sur le solde naturel (les naissances moins les décès) qui s'est élevé à 283.000 l'an passé. Le solde migratoire, évalué à 75.000, n'y contribue que pour un quart. «Dans la plupart des pays d'Europe du Sud et de l'Est, le solde naturel est plus faible que le solde migratoire», rappelle l'Insee.
  • L'institut calcule ce solde migratoire par déduction. Il ne s'agit pas, comme on pourrait le croire, d'une mesure stricte de l'immigration. Les statisticiens évaluent les arrivées (nombre de titres de séjour délivrés chaque année, mais aussi retours en France d'expatriés...) et estiment le nombre de personnes qui ont quitté la France en 2010, indépendamment de leur nationalité. En moyenne, sur les cinq dernières années, le solde migratoire s'établit à 90.000 par an.

Commentaires

1. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par Antoine Hubault

La Russie perd de la population, et devrait revenir à une base de 100 millions d'ici 2020 (-10 millions!), à moins d'un accroissement de l'immigration chinoise en Sibérie orientale.
Pour l'Allemagne, qu'en est-il vraiment ? J'ai lu l'an dernier qu'il y avait de fortes inquiétudes sur la croissance de la population (et comme vous l'avez extrait du rapport, de son vieillissement très important).
Pour le Royaume-Uni, il semblerait que sa croissance soit due à une forte immigration avant la crise, qui marque le pas depuis 3 ou 4 ans.

ce qui a tendance à démontrer a contrario de la sinistrose ambiante que la France a un dynamisme surprenant. Avec un tel indicateur au vert, je suis choqué par le peu de cas qu'en fait un quotidien national comme Le Monde.
égéa : pour Le Monde, c'est ce que j'avais voulu signifier. A leur décharge, ils ont déjà couvert le sujet dans d'autres circonstances, et il ne faut pas surinterpréter.
Pour les comparaisons européennes, il y a certainement des études. Je compte demander la chose à GF Dumont, le spécialiste FR de géopolitique des populations.

2. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par

Bonjour,

Tu as oublié un élément : le nombre d'enfants nés hors mariage ne cesse de progresser, a dépassé la barre des 50 % voici plusieurs années, et la tendance ne ralentit pas. Et le nombre des mariages continue de baisser, avec ou sans PACS.

Or précisément la France, juridiquement depuis longtemps ("civilisation" du mariage ou droits des enfants y compris adultérins), socialement et fiscalement, ne pénalise pas cette situation, et même l'encourage dans le domaine fiscal).

Conclusion : comme le taux de fécondité est plus important que tout, supprimons purement et simplement le mariage, pour revenir à un contrat civil unique type Révolution française ou Rome antique.

JPhI
égéa : crois tu sérieusement que ça a une influence ? il y a des pays européens bien plus "avancés" sur ce chemin de la déstructuration des institutions familiales, permettant non seulement le mariage des homoesxuels mais aussi la possibilité d'adoption, et qui pourtant n'ont pas de fécondité florissante.

En revanche, la prise en compte de l'allongement de la vie et surtout la conciliation économique de la maternité et de la fécondité (et l'acceptation sociétale de cet état de fait) sont les vrais facteurs de maintien, partagés par la France et l'Europe du Nord. Le cas irlandais étant un mélange de dynamisme économique et de tradition religieuse (on appréciera les conséquences de la crise éconmqiue sur leur fécondité, d'ailleurs pour confirmer cette analyse).

3. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par Françoise

Bonjour,
n'oublions peut-être pas (il faut toujours un /une rabat-joie) que 2,01 (les Islandais font presque aussi bien) n'est malgré tout pas un indice de fécondité très élevé, même si la moyenne mondiale a diminué (2,7 enfants par femme en 2008 ). Si je ne me trompe pas , c'est en-dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1 ?) .
Tout à coup cette croissance démographique m'apparaît mystérieuse ... Ah oui, les vieux ne meurent pas . Mais ne doit-on pas plutôt compter sur les jeunes pour ce que vous appelez la puissance?
Alors bien sûr, c'est mieux que la tragédie de l'Italie, de l'Espagne, de la Russie. C'est évidemment parce que les femmes peuvent et travailler et avoir des enfants (même si c'est assez dur) , qui plus est en étant acceptées socialement (sans se sentir en faute, ce qui n'est pas dénué d'importance). Le marché du logement doit aussi avoir un poids dans la balance , comme peuvent le suggérer a contrario les cas italiens et espagnols ? L'exemple allemand , avec le différentiel (favorable à la RDA) de fécondité est-ouest au moment de l'unification et son effritement après, éclaire le rôle de la prise en charge sociale de l'éducation - en creux, évidemment : 11 décès pour 8 naissances sur 1000 habitants, un taux de croissance de -0,06%, il va falloir leur donner un coup de main .

égéa : oh, certes, pas très élevé. Mais convenable quand même, et une bonne base pour une politique.

4. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par

Olivier, tu ne t'es pas relu... Mariage homosexuel et adoption par couples homosexuels = peanuts sur le taux de fécondité ! Ben oui, c'est évident, on voit mal autrement.

Pour le cas français, et sa spécificité, c'est précisément, hors le cas anecdotique et marginal cité plus haut, qu'il n'y a pas eu "déstructuration" de la cellule traditionnelle, disons catholique, mais déplacement voire recréation "à côté". C'est ce que j'appelle la "civilisation" (au sens du Code civil, on aura compris) qui a commencé en France voici plusieurs décennies : comme si la Grande Nation avait compris voici longtemps que, dans l'arbitrage entre préservation du mariage et nécessité d'un taux de fécondité élevé, il n'y avait pas photo. C'est pas avec des curés et des grenouilles de bénitiers, n'en déplaise à Péguy qui n'y survécut pas, qu'on gagnera les prochaines batailles de la Marne.

Et ça peut expliquer en partie que la France ne connaisse pas, en terme de taux de fécondité, le décrochage brutal des autres pays catholiques du sud, qui se sont accrochés au contraire au-delà du raisonnable à une structure archaïque. Et si l'Irlande décroche, c'est qu'elle s'est elle-aussi accrochée trop longtemps, comme l'Espagne ou l'Italie.

Donc : vive la fille aînée de l'Eglise, même rebelle... surtout rebelle.

JPhI

égéa : moui... pas forcément convaincu. Pour gagner les prochaines batailles de la Marne, investissons dans les taxis... L'Irlande n'a pas encore décroché, justement, elle caracole : ultra catholique, économiquement ultra libérale. Comme la Pologne, dont pourtant la natalité est en berne. Bref, je n'ai pas d'explications simples pour les autres. Quant aux Français(es), il y a une explication sociale, certainement. Ton explication de philosophie politique peut être valide, mais...... pas vraiment prouvable.

5. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par yves cadiou

Je veux rassurer Françoise : son intervention n’est pas rabat-joie. Deux observations : sur le taux de renouvellement et sur le vieillissement.

Il y a un demi-siècle, le taux de renouvellement était de 2,3 enfants par femme : je m’en souviens parce qu’on étudiait un peu la démographie en cours de géo (et je m’aperçois soudain que ce n’est pas comme la radio : il n’y a pas de géophonie ni de démophonie, remarque idiote j’en conviens mais c’est pour rappeler qu’on parlera aussi du vieillissement). On peut supposer que cette baisse de 2,3 à 2,1 du taux de renouvellement résulte un peu des mêmes causes que le vieillissement : grâce probablement à l’amélioration de l’hygiène, aux progrès de la médecine, à une meilleure sécurité (routière notamment : c’était autrefois une hécatombe) le nombre des décès de jeunes a diminué. Le 0,2 de différence des taux ancien et nouveau représente probablement les jeunes qui parviennent désormais à l’âge adulte alors qu’ils n’y parvenaient pas autrefois.

Quant au vieillissement, il faut se méfier du mot et relativiser les chiffres du calendrier car ils n’ont plus la signification qu’ils avaient. Désormais on commence à vieillir plus tard. Il faut se défaire de l’idée périmée que le vieillissement de la population signifie une augmentation du nombre des improductifs sans vision d’avenir, joueurs de belote dans les bistrots ou de joueurs de bridge dans les salons. Regardez autour de vous et voyez le nombre de retraités actifs, productifs, socialement intégrés, qui se soucient de l’avenir des gens qu’ils aiment, y compris l’avenir de ceux qui naîtront après leur propre mort. Ce blog, dont la moyenne d’âge n’est certainement pas juvénile, en est un des nombreux exemples. Ajoutons que le progrès technique est un stimulant dont nous bénéficions : cet ordinateur que nous manipulons avec plus ou moins d’habileté mais toujours avec des efforts d’apprentissage retarde notre vieillissement intellectuel.

Histoire vraie : ma copine, soixante quatre ans, proviseure à la retraite, a fait une chute. Mais il ne s’agit pas de col du fémur comme autrefois, non : parachute sur le dos, elle a sauté, seule, de quatre mille mètres. A qui m’objecterait que ce n’est pas plus productif que la belote, je répondrais qu’il est doublement dans l’erreur : non seulement parce que ce genre de mise à l’épreuve empêche le vieillissement psychologique mais surtout parce que les anciens qui donnent l’exemple du dynamisme participent, chacun de façon certes minuscule mais positive, au moral de la nation.

Par conséquent, moins de décès des jeunes, prolongement de la période active (je parle de la période réellement active, non de l’âge de la retraite imposé par la loi), on peut rester optimistes. D’accord avec vous Olivier Kempf : « cessons de nous raconter que nous sommes nuls ».

égéa : sur la moyenne d'âge des lecteurs de ce blog, je ne sais interpréter le "non juvénile" : je crois au contraire qu'il y a plus de jeunes lecteurs que l'audience habituelle des revues et colloques stratégiques classiques........

6. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par yves cadiou

Le terme de « non juvénile » visait les commentaires que l’on peut lire ici parce qu’ils ne sont jamais immatures mais au contraire dénotent presque toujours une bonne dose de sagesse, sauf quelques gamineries pour plaisanter de temps en temps.

J’y vois une marque de ce que j’avançais concernant la relative raréfaction des improductifs âgés, manquant de dynamisme après cinquante ans et dépourvus de vision d’avenir comme j’en ai connu de trop nombreux autrefois.

En ce qui concerne les lecteurs qui ne commentent pas, cher Olivier Kempf, vous seul savez : pour s’en faire une idée, il faut disposer du « tableau de bord » du site qui indique l’origine des visites (liens et critères de recherche).

7. Le mercredi 19 janvier 2011, 22:26 par Nino

Au risque de paraître "juvénile", avant de savoir pourquoi la France maintient un taux de fécondité supérieur à 2, faudrait-il d’abord répondre à une question essentielle : pourquoi fait-on des enfants dans la France de 2011 ?
Pour soi ? Pour la société ? Par conviction religieuse ?

Ne nous leurrons pas, faire des enfants n'est plus que très marginalement corrélé à l'idée de fonder une famille ou de la perpétuer. Les statistiques rapportées dans les posts précédents en attestent : combien de naissances hors mariage ? Combien de parents isolés ? Combien de familles recomposées?

Je pense malheureusement que dans la grande majorité des cas, faire un ou plusieurs enfants est un acte égoïste avant d’être un acte responsable, acte que notre formidable système social (il n’y a rien d’ironique dans mon propos) rend réalisable à moindre frais.

Pourquoi égoïste ? Parce que s’appuyant sur l’effet pervers du contrat social libéral, celui qui confère à chacun le droit de s’accomplir mais n’impose pas en retour l’obligation de résultat envers sa progéniture. Pourquoi s’en inquiéter, puisque dans notre système les ascenseurs sociaux amènent mécaniquement chacun d’entre nous à notre seuil d’incompétence socio-professionnelle. La nourrice, puis l’école, éduqueront les enfants. L’entreprise et la fonction publique termineront le travail.

Je ne partage pas l’avis général et ne vois pas dans les chiffres annoncés le signe d’une quelconque puissance nationale, mais plutôt celui d’une affirmation supplémentaire de l’individualisme et de l’irresponsabilité collective. Pessimiste, nostalgique dites-vous ? Juste un père de famille de quatre enfants, effaré de devoir accueillir régulièrement les copains de classe oubliés par leurs parents à midi. Juste un père de famille, stupéfait d’entendre des « jeunes frères » se détester ouvertement et recueillir l’approbation de leurs parents qui considèrent cela normal. Juste un capitaine effaré de constater dans quel état d’insociabilité se trouvent nos jeunes recrues et le mal que nous rencontrons pour les structurer.

Ne gâchons plus de grâce nos progénitures sous prétexte que la République doit leur donner les moyens de réussir tandis que nous sommes occupés à nous accomplir. Sans doute ce post n’est-il pas à sa place. Mais il faut bien parfois que les choses évidentes à nos yeux soient écrites, et transmises.

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