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Il faut supprimer l'armée française

Provocateur, non ?

Peut-être faut-il être radicalement provocateur pour provoquer le débat. C'est ce que tente Pierre-Marie Guillon, qui vient de publier le livre éponyme, et qui mérite qu'on s'y attarde. L'auteur a bien voulu répondre à mes questions. Bien évidemment, j'espère vos commentaires et réfutations. Et nous organiserons un de ces jours un débat public avec l'auteur, car au moins, ça secoue. Chic !

1/ Votre livre a un titre volontiers provocateur. On devine le coup médiatique : mais êtes-vous anarchiste ? antimilitariste ? pacifiste ? misanthrope ? à tout le moins “l’idiot utile“ de ces courants là ?

Je ne crois pas mon titre provocateur. S’il l’est, c’est uniquement parce qu’il attaque de front une opinion inconsciemment mais totalement acquise à la nécessité de l’armée. Mon seul objectif est de travailler à une prise de conscience.

Je ne suis ni anarchiste, ni antimilitariste, ni pacifiste – ayant même expliqué, dans mon ouvrage (p.197), que le pacifisme constitue une maladresse, en ce qu’il dessert la cause qu’il veut défendre. Peut-être suis-je un tout petit peu misanthrope – c’est l’effet de l’âge et de l’expérience.

Quant à être l’idiot utile, j’espère bien.

2/ N’êtes-vous pas alors un libéral qui, s’il ne faut pas dire ultra, est quand même très prononcé ? Le raisonnement serait alors : tout ce qui est étatique étant inutile, allons au bout du raisonnement et débarrassons-nous de l’armée aussi puisque c’est aujourd’hui inemployé ?

Oui, je suis un libéral et, dans un pays se présentant comme celui de la liberté, cela ne me semble ni décalé, ni déshonorant. Je n’ai jamais été ultra en rien, pas plus en libéralisme qu’ailleurs.

Je ne considère absolument pas ce qui est étatique comme inutile – ce serait une forme d’anarchie, question à laquelle je viens de répondre. Je considère, en revanche, que les courants colbertiste et jacobin ont pris chez nous une importance beaucoup trop grande et à bien des égards nuisible. Je crois qu’une des grandes erreurs des socialistes de tous bords est d’avoir plus ou moins inconsciemment assimilé leurs doctrines et l’étatisation.

3/ Vous avez publié « Désarme, citoyen ! » : s’agit-il du même livre ou d’un autre titre ? Comment a-t-il été accueilli ?

Mon manuscrit terminé, je l’ai envoyé à de nombreux éditeurs. Étant inconnu, n’appartenant pas à l’une des catégories socioprofessionnelles où se recrutent normalement les auteurs, j’ai toujours été refusé. En désespoir de cause, j’ai édité mon travail à compte d’auteur, sous le titre « Désarme, citoyen ! ». Je l’ai envoyé à tous mes amis et membres de ma famille. Cela fait, il m’en restait quelques exemplaires. J’ai pensé – application de l’adage de Surcouf selon lequel « C’est le dernier coup de canon qui tue l’ennemi » – que je devais à nouveau courir ma chance et envoyer le volume à des éditeurs. Cette fois, j’ai attiré l’attention et les Éditions Dangles ont proposé de m’éditer. Ils m’ont alors fait valoir que mon titre, peut-être littérairement satisfaisant, n’était pas explicite. Je l’ai donc changé pour celui que vous connaissez.

Entre temps, j’ai en partie remanié mon texte – de 20 à 30 % – mais, rassurez-vous, sans changer d’avis.

Si, en m’interrogeant sur l’accueil reçu par l’ouvrage, vous voulez avoir une idée du volume des ventes, je ne peux pas encore vous répondre.

Si vous pouvez savoir ce qu’en pensent les lecteurs que j’ai rencontrés, je dois vous dire que la réaction la plus courante s’opère en deux temps. Premier temps : “tu es” ou “vous êtes” ou “il est” complètement cinglé ; second temps : une adhésion très générale, bien souvent accompagnée de “Mais pourquoi n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? ”

Quant aux opposants, l’un de mes amis a bien résumé leur opinion : “tout ce que tu dis dans ton livre, je suis entièrement d’accord mais, ta conclusion, là, je ne peux pas”. Je le comprends fort bien, ayant moi-même mis des années à m’en convaincre. Toute conversion est un chemin de croix.

4/ Vous partez d’une analyse de la dissuasion pour expliquer que, en fait, elle ne marcherait pas. Pouvez-vous l’expliquer succinctement ?

Il est de fait que je traite de la dissuasion dans l’ouvrage. Je ne pars pas seulement de cette analyse mais surtout de la convergence de très nombreux phénomènes – progrès inouï du pouvoir destructeur des armes, mondialisation, profondes mutations des sociétés civiles, migrations industrielles, faiblesse de nos gouvernants, déclin relatif de la France, etc. – phénomènes qui ont bouleversé les données de notre problème de défense.

Je ne me suis pas aventuré à prédire que la dissuasion ne marcherait pas ; je pense avoir démontré qu’elle peut marcher ou ne pas marcher. Je partage cette opinion avec bien des spécialistes – par exemple, celle des rédacteurs du Livre blanc sur la défense, ou celle exprimée dans Le Monde du 15/10/2009 par Messieurs Juppé, Rocard, Richard et Norlain. Vous connaissez ces gens là. Je suis sûr qu’ils vous inspirent confiance.

5/ De même, vous expliquez que l’Europe est définitivement en paix, et qu’il n’y a plus besoin d’entretenir une armée dispendieuse : vraiment ?

Je ne me souviens pas avoir expliqué que l’Europe était définitivement en paix, mais je comprends votre impression : tout le monde pense que, si l’on croit l’armée inutile, c’est que l’on croit à la paix. Or j’ai dit le contraire et, en raison de l’importance de ce point, permettez-moi de me citer (p.55) : « Par principe, par méthode, par élémentaire sagesse, dans le domaine de la sécurité et de la défense, le danger doit toujours être considéré comme permanent et grave. »

S’agissant de l’Europe, j’ai expliqué pourquoi – hormis le phantasme franco-français d’une Europe de la défense et les dispositions totalement dépourvues de contenu insérées dans les traités européens – personne n’a voulu, ne veut et ne voudra d’une armée européenne. J’ai également expliqué pourquoi, en matière de défense, le problème de l’Europe était, mutatis mutandis, le même que celui de la France.

6/ Au fond, vous posez la question de l’État, comme si celui-ci avait disparu ? Le pensez-vous ?

Je ne pense pas que l’État ait disparu. En revanche, je pense qu’il s’est profondément transformé, qu’il continue à se transformer, que cette évolution n’est pas terminée et qu’elle doit être poursuivie et gérée. Pardonnez-moi de me citer encore car je pense avoir démontré que : « Bien que chaotique, cette évolution se résume simplement : au fil des siècles, l’État a vu se réduire ses pouvoirs et se multiplier ses fonctions. »

7/ Vous posez que la communauté internationale est organisatrice du nouveau monde : est-ce réellement ce qu’on observe aujourd’hui ?

La notion de communauté internationale est très floue. Ce n’est peut-être pas une raison pour en nier l’existence. La mondialisation – tant et si stupidement décriée, quand bien même on a de bonnes raisons de lui trouver des aspects négatifs – et l’émergence, encore à peine perceptible, d’une sorte de citoyenneté planétaire ne sauraient être ignorées. La communauté est-elle organisatrice d’un nouveau monde ? Ce n’est pas impossible, mais la réussite n’est pas garantie. À mon sens, le traité de non prolifération, si imparfait et mal appliqué soit-il, constitue néanmoins un bon exemple de ce que la communauté internationale peut faire. Mais attention de ne pas m’imputer un contre-sens que je n’ai pas commis : l’action de la communauté internationale ne signifie pas que le danger ait disparu et qu’il faut devenir pacifiste.

8/ Peut-on désinventer l’arme nucléaire ?

Non. L’homme peut apprendre en faisant effort ; il ne peut oublier au moyen du même effort. Il en va de même de l’humanité.

Mais, là encore, attention aux conclusions que l’on en tire. Pour moi, qui n’a jamais songé à nier le danger, la question fondamentale de la sécurité et de la défense n’est pas “y a-t-il encore du danger ?”, c’est “comment peut-on et doit-on gérer le danger ?” Et c’est en réponse à cette seconde question que je persiste et signe : il faut supprimer notre armée – hormis, vous l’avez noté, une modeste garde nationale parfaitement armée et parfaitement entraînée.

9/ N’est-ce pas au fond la Bombe (la nôtre et celle des Américains) qui est la source de la paix européenne (pax americana si l’on veut mais dont les effets se sont manifestés en Europe) ? Bref, vouloir supprimer la bombe au motif de la paix, n’est-ce pas inverser le raisonnement ?

Il n’est sans doute pas douteux que la dissuasion ait fonctionné entre américains et soviétiques. Il n’est pas douteux non plus que la protection américaine ait sauvé l’Europe de l’ouest. Je ne le méconnais pas et l’ai clairement mentionné dans mon livre (p.220). Mais, encore une fois, attention aux conclusions que l’on en tire inconsciemment et notamment à celle que votre question semble suggérer, à savoir qu’il faut continuer comme par le passé. Si le problème de la France ressemble clairement à celui des autres pays européens, profitons-en pour constater que, sans Bombe, les allemands, italiens et autres polonais ne se trouvent pas dans une situation plus risquée que la nôtre. Mais je ne vais pas vous réciter tout mon livre.

10/ Pensez-vous réellement que la guerre ait disparu ? n’a-t-elle pas changé de forme ? ne faudrait-il pas creuser cette idée là, en allant au-delà ce qu’on nous présente aujourd’hui : soit une vision néo-traditionnelle (la guerre irrégulière), soit une vision totalement civilisée (la guerre économique) ?

La guerre n’a pas disparu, il suffit d’ouvrir les yeux pour le constater. Peut-être s’est-elle néanmoins profondément transformée.

Que pouvons-nous craindre aujourd’hui ? Pour l’essentiel et dans le désordre : la guerre mondiale, les terrorismes, les dictateurs fous qui auront la Bombe, les petits pays en proie à des troubles internes, la guerre économique.

  • Guerre mondiale ? La probabilité n’en est pas mesurable et on ne saurait donc considérer cette hypothèse comme exclue, même s’il est clair que pratiquement plus personne n’y croit.
  • Terrorisme ? Bien sûr ! Mais ce n’est pas avec un marteau pilon que l’on écrase une mouche.
  • Dictateurs fous qui auront la Bombe ? Faute de discipline internationale sanctionnable et sanctionnée – « Il n’y a pas d’obligation sans sanction », affirmait notre célèbre jurisconsulte Planiol – je ne crois pas que nous puissions y faire grand-chose. La dissuasion dans ce cas particulier ? J’ai bien entendu abordé cette question pour émettre l’hypothèse selon laquelle, en cas de menace réelle, le raisonnable sera toujours plus dissuadé que le fou.
  • Petits pays en proie à des troubles internes ? Il est clair que nous devons participer à l’extinction des incendies si la cause est juste. Cela doit s’opérer en collaboration avec la “communauté internationale“ et nécessite des forces très réduites.
  • La guerre économique ? Oui : entre autres raisons parce qu’il est devenu plus efficace et moins dangereux de conquérir en signant un chèque qu’en tirant un coup de fusil. Et cette idée là je l’ai creusée puisque je lui ai consacré un chapitre entier et quelques autres développements.

Je les résume : la 3ème guerre mondiale est en cours ; c’est une guerre de cent ans ; nous n’y avons que des ennemis ; nous l’avons presque perdue. Si cette perte se confirmait, nous y serions privés de tout ce qui justifie que les groupes humains se défendent. Au pire ce sera la disparition, au mieux le sous-développement !

C’est là que nous devrions porter nos efforts. Or nous réagissons mollement. Je livre cela en médiation à tous ceux qui me traitent de « munichois » au motif que je préconise la suppression quasi-totale de notre armée.

Réf :

  • ma fiche de lecture du livre, sous son titre précédent : ici
  • autre fiches de lecture : ici
  • et bien sûr, vos fiches de lecture et vos articles de réfutation, que je publierai avec plaisir et intérêt.

Et puisque nous sommes dans un monde économique, n'hésitez à utiliser votre mulot pour sélectionner telle ou telle des propositions ci-dessous affichées, cela manifestera votre soutien à égéa...

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par yves cadiou

D’emblée un point positif : c’est un projet politique pour l’Armée française qui en manque singulièrement depuis quelque temps. La vacuité politique actuelle sur le sujet n’est pas compensée par un Livre Blanc plus que blanc, une LPM qui est seulement une promesse de crédits pour des branches spécialisées de l’industrie, une réintégration dans l’Otan qui officialise notre absence de politique militaire. Donc on ne va pas a priori se plaindre que quelqu’un propose quelque chose. Mais l’interview que l’on peut lire ici n’incite pas à aller plus loin, parce que l’on voit vite que la proposition s’appuie sur une forte dose d’incohérence et d’ignorance.

Incohérence : il faut supprimer l’armée « hormis une modeste garde nationale parfaitement armée et parfaitement entraînée ». Ah bon ? Alors on supprime ou on supprime pas ? C’est quoi, cette garde nationale ? Ce monsieur ne sait pas ce qu’il veut.

Ignorance : « il n’est sans doute pas douteux (…) que la protection américaine ait sauvé l’Europe de l’ouest. » Ce monsieur n’a pas lu ou pas compris ce qu’écrivit Alexandre Sanguinetti dans les années soixante, en substance ceci (de mémoire) : « les Américains sont nos alliés mais ils ne sont pas nos amis. Nous sommes en pleine période où l’Europe des six, avec Adenauer et de Gaulle, est un franc succès économique. Les Américains, pour anéantir à la fois un concurrent économique (l’Europe des six) et un concurrent idéologique (l’Union soviétique), pourraient être tentés de déclencher une guerre en Europe avec le pari qu’en n’allant pas trop vers l’est elle restera à un niveau non nucléaire à cause de la menace de destruction mutuelle assurée (MAD, en anglais). Ce serait une guerre que les Américains nomment MIC, mid intensity conflict, parce qu’elle ne touche pas leur territoire, mais désastreuse pour nous. La bombe française est la promesse qu’un tel conflit ne restera pas infra-nucléaire et que par conséquent les Etats-Unis ne seront pas à l’abri. »
Pierre-Marie Guillon, ne doutant pas que c’est la protection américaine qui a sauvé l’Europe de l’ouest, est dans la droite ligne de ceux qui autrefois n’avaient rien compris à « la bombinette ». Pour parler de l’armée française la moindre des choses est de connaître l’histoire et notamment celle de la France et du XX° siècle.

Merci Monsieur Kempf d’avoir parlé de ce bouquin. Malheureusement à la lecture de l’interview l’on doute que l’argumentaire soit suffisant pour provoquer le débat sérieux dont nous avons tant besoin.

2. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par

9)

Italiens, Allemands et Polonais sont sous le bouclier américain. Allemands et Belges sont même des puissances nucléaires par procuration : ils peuvent larguer des B61 dans des cas bien précis (c'est "officiel" depuis la Guerre froide".

Donc, ils ne sont pas des exemples de pays construisant leur défense sans la bombe.

Il parle de quoi par "Armée française" ? C'est un libéral : soutient-il la Marine indirectement ? Je n'ose même pas imaginer la perte de puissance si nous ne pouvions pas protéger nos routes maritimes. Et la Marine ne suffit pas à elle seule à ces missions.

Un ami me suggérait une idée : ce "livre polémique" tombe si bien dans les débats sur le bouclier anti-missiles (que je vois plutôt, personnellement, comme un appendice de la dissuasion spatiale). Cet auteur est-il un agent étranger pour "taper" sur notre dissuasion ?

Si l'arme nucléaire est inutile, pourquoi ne pas chercher à signer un SALT4, et 5 ?

" S’agissant de l’Europe, j’ai expliqué pourquoi – hormis le phantasme franco-français d’une Europe de la défense et les dispositions totalement dépourvues de contenu insérées dans les traités européens – personne n’a voulu, ne veut et ne voudra d’une armée européenne "

Il faut et il suffit (formule très juridique) de relire les déclarations polonaises depuis le désintérêt américain pour la Pologne suite aux discussions avec les russes. Il faut et il suffit de relire les évolutions du triangle de Weimar.

Cet ouvrage n'est pas sérieux ! Il contient manifestement des lacunes !

Je vote pour l'agent étranger.

3. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par oodbae

Bonjour,

je suis plutôt d'accord ... avec la fiche de lecture de M.Kempf. Ce livre est l'occasion de confronter ses idées propres, conscientes et inconscientes.

Quelques incompréhensions de mon coté:
1) ".. hormis une modeste garde nationale parfaitement armée et parfaitement entraînée.". C'est en forgeant qu'on devient forgeron. Les armées doivent s'actualiser sous peine d'être déclassées. Le meilleur moyen de s'actualiser est de participer à des guerres, pardonnez moi cette opinion impitoyable. Comment participe t on à des guerres avec une modeste garde nationale? De plus, si on ( qui? l'état? le gouvernemnet? le peuple?) justifie de supprimer l'armée, notamment en raison de son coût, comment justifier de conserver une "modeste garde", dont le coût sera non-négligeable, notamment pour garantir son excellence puisque des équipements technologiques seront indispensables. Cette proposition est de la poudre d'Escampette pour rassurer le lecteur qui aurait un soubresaut "mais si il y avait un danger, même minime...".

2) On peut faire l'analogie avec la délocalisation de l'industrie. La délocalisation de nos industries, censée garantir la compétitivité de nos entreprises, résulte en la désindustrialisation du territoire, qui nous coûte cher aujourd'hui puisqu'on (la France) ne contrôle plus les entreprises qui nous emploient, ni les banques d'ailleurs et que d'autres pays nous tiennent économiquement presque en otage. De même, supprimer l'armée, parce qu'elle ne sert á rien-qu'elle coûte trop cher-qu'elle justifie son coût par le danger que sa propre existence représente-etc, ressemble à une vision à court-terme qui coûterait cher à l'état, á la nation, au peuple qu'elle défend,

3) L'auteur affirme ne pas être anti-militariste, ni pacifiste, ni etc.. bref il est quoi? est -ce que monsieur veut le beurre et l'argent du beurre? Je suppose que le fond du livre est de répondre à cette contradiction. Peut-être que je lirai le livre. Après tout, le plus grand risque que j'y cours est de m'ennuyer et d'avoir affaire à un tas d'âneries.

4) monsieur Guillon, je vous suggère la visite régulière de alliancegeostrategique.org et egeablog.net si vous intéressez par loisir aux questions de défense, d'armée, de menaces stratégiques. vous connaissez? :-)

Cordialement

4. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Paul Antoine

Personnellement, et malgré la réponse à la question 1), je vote pour un réactionnaire souhaitant avoir son quart-d'heure de gloire.

"Qui n'a pas été anarchiste à 16 ans et qui l'est encore à 40 est un imbécile"... On attribue cette phrase à Clémenceau. Je la trouve très vraie...

Avis tout à fait personnel et arbitraire, bien entendu... ;)

5. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Antoine Hubault

Suite au débat de l'Alliance stratégique - et de ses lecteurs, vive nous ! - je trouve la conclusion sur la guerre économique d'une vacuité abyssale, qui achève de me convaincre qu'un Etat n'ayant plus de pouvoir (qu'il dit) et plus que des fonctions (c'est bien vrai) n'a guère d'intérêt à perdre son dernier pouvoir coercitif décent.
Du coup, ça me fait penser que vos questions étaient vraiment pertinentes.

Le débat reste toutefois ouvert, pour se faire une vrai opinion il faudra le lire !

6. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Pierre-Marie GUILLON

On me traite d’agent de l’ennemi, d’anarchiste, de réactionnaire et même d’imbécile – il est vrai sous le haut patronage de Clémenceau. Qu’on me permette donc de me présenter : je ne suis pas un anarchiste de 40 ans mais un homme d’ordre âgé de 75 ans – utile précision pour permettre aux prochains intervenants de me dire gâteux, ce qui peut toujours servir, à défaut d’argument. Côté motivations, ayant vécu obscur et heureux de l’être, je n’ai pas écrit ce livre pour une heure de gloire ; je souhaite simplement rendre service.
Brûler les hérétiques constitue une facilité ; cela n’a jamais fait disparaître une hérésie, mais toujours nui à l’orthodoxie régnante. Personne ne me contredira si je dis que toute politique de défense doit être responsable et il en va de même de la défense d’un point de vue. En l’espèce, être responsable signifie que l’on doit d’abord réfléchir, ensuite argumenter, puis exposer ses raisons. Dans le cas présent, cela devrait être particulièrement facile puisque mon propos serait stupide. Or, dans les commentaires qui me sont opposés, je constate des réactions réflexes et pratiquement pas d’arguments.
Moi aussi je peux faire des reproches car le genre est facile. Peut-on prétendre défendre une grande cause en laquelle on croit et le faire avec légèreté ? Mes contradicteurs contestent mon livre ; celui-ci va circuler, y compris entre des mains inexpertes ; se borner à des réactions de mauvaise humeur est-il responsable ?

Mon but
Je trouve déjà plus intéressant que l’on m’interroge sur mon but. Réponse : la grandeur de mon pays et la survie de notre culture.
Ce qui me sépare de mes contradicteurs tient dans le choix des moyens. Ils croient que la grandeur et la survie s’obtiennent encore par les armes ; ce fut le cas pendant des siècles ; je pense que nous sommes entrés dans un monde où, sans avoir disparu, cela devient de moins en moins vrai. À cela j’ajoute que notre pays n’atteint pas le seuil critique au dessous duquel nul ne peut imposer ses volontés.
La politique que nous suivons actuellement – en nous disant grande puissance au motif que nous avons une armée forte et la Bombe – est, je le crains, celle de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. On connaît la fin : « La chétive pécore s’enfla si bien qu’elle creva ».

L’argument “histoire”.
On me convie à profiter des enseignements de l’histoire. Volontiers ! je suis passionné d’histoire. Je lui applique toutefois ce qu’Alexandre Dumas a dit de l’argent : « … c’est un bon serviteur mais un mauvais maître. » Oui, il faut tenir compte de l’histoire mais ne pas se laisser commander par une vision formaliste du passé. Ce qu’ont réalisé Léonidas, Condé, Foch, Leclerc et autres était grand ; leur méthode ne s’applique plus à nous ; nous vivons des temps réellement nouveaux. Nous devons également nous monter grands, mais autrement.
Au demeurant, qui s’intéresse aux leçons de l’histoire ne peut ignorer que les espèces et les groupes humains qui n’ont pas su s’adapter on toujours disparu.

Les arguments “risques” et “danger”
Derrière les reproches qui me sont faits, je distingue deux présupposés que je voudrais maintenant aborder.
Ce que je préconise comporterait des risques ? Oui, bien sûr ! Mais a-t-il existé, dans l’histoire – encore elle ! –, un chef d’État, de guerre, d’entreprise ou d’équipe de foot qui ait eu à choisir entre une solution comportant uniquement des opportunités et une autre comportant uniquement des risques ? Jamais. Vivre, décider – je parle des décisions de gouvernement –, c’est toujours choisir entre deux ou plusieurs solutions, généralement peu claires, comportant toutes des opportunités et des risques. Il est manifeste que supprimer notre armée est risqué ; moins, toutefois, que de vouloir recouvrer par les armes une puissance inaccessible et, dans le monde actuel, peu à peu dépourvue d’objet.
De même on cite des dangers. Qui les ignorerait ? Mais je le redis : la question n’est pas de savoir s’il y a du danger car la réponse est oui. La question est de savoir comment on doit aborder le danger au mieux des intérêts que l’on défend. Cela ne consiste pas à foncer tête baissée, comme les chevaliers français à Crécy.

Sur la « vacuité abyssale » de la guerre économique
Notre industrie fout le camp ; 13 % des français vivent sous le seuil de pauvreté ; le nombre des assistés va croissant ; notre classe moyenne s’appauvrit ; le chômage s’est stabilisé à un niveau effarant ; nos finances publiques sont ruinées ; nos exportations restent depuis des décennies dans le rouge ; la monnaie européenne vacille… mais que vous faudrait-il de plus pour que vous réalisiez que notre pays est en train de s’anémier gravement dans le domaine économique, parce qu’il ne sait pas affronter la concurrence internationale ?
Quant aux conséquences culturelles, elles se voient comme le nez au milieu du visage. Enfin, quoi ! les officiers français aujourd’hui dans l’obligation de dispenser leur enseignement en anglais à d’autres officiers français sont-ils infoutus de comprendre que notre culture s’efface peu à peu ? Et qu’on ne me réponde pas que je suis xénophobe ; ce n’est pas le cas ; je nourris une très grande admiration pour le peuple anglais.
Et pourquoi je qualifie cette situation de guerre économico-culturelle ? et pourquoi je crois à son extrême gravité ? Sachant que plusieurs de mes contradicteurs ne veulent pas aller à mon ouvrage mon ouvrage ira à eux. Je me cite donc :
« [Dans] ces temps reculés, la défense possédait des contours simples : confrontés à des ennemis se comportant comme des fauves, on luttait sans se poser de question, avec l’énergie du désespoir, pour préserver territoire, biens et vies. Il semble que nous ayons conservé, intact, cet instinct de primate protégeant sa zone de chasse et ses petits. Le primate avait raison. S’agissant de nous, cette réaction reste-t-elle aujourd’hui fondée ?
« Défendre son territoire ? L’objectif est notoirement cité dans le Livre blanc, ainsi que dans la lettre de mission adressée par le président de la République à son responsable ; il semble justifié car le déplacement des armées au sol a toujours décidé de l’issue des conflits. Le mentionner aujourd’hui démontre, une fois encore, l’archaïsme de notre pensée stratégique. Quelle signification conserve en effet le concept de protection du territoire, s’agissant d’un espace grand ouvert aux ressortissants de vingt-sept nations différentes – en attendant mieux –, très largement à ceux de la plupart des autres et perméable à une immigration clandestine quasi assurée de son succès ?
« Défendre ses biens matériels ? Sans doute, mais secondairement car chacun donnerait volontiers tout ce qu’il possède pour conserver la vie sauve à toute sa famille.
« Alors défendre sa vie et celle de ses proches ? Essentiel, bien sûr ! Mais, si l’on défendait uniquement des vies, aucune guerre ne mériterait d’être livrée. C’est durant les hostilités qu’on risque d’être tué, non avant d’avoir pris les armes ou après les avoir déposées. […]
« Alors que défend-on, de nos jours, face à un ennemi ?
« L’homme du XXIe siècle n’a pas à chercher la réponse bien loin : il veut choisir librement ses opinions, être en droit de les exprimer, de les partager, d’en changer ; parler sa langue et préserver sa culture ; pouvoir aller et venir, travailler, créer, se distraire ; posséder quelques biens, en faire à peu près ce qu’il veut, arrêter librement son mode de vie dans la limite de ses moyens. Bref, cet homme entend défendre trois biens non négociables : liberté, identité culturelle, niveau de vie. [...]
« Dès lors, une nouvelle question se pose : devons-nous appliquer les schémas gravés dans notre cerveau primitif ou obéir à une réflexion fondée sur le fait que, après avoir changé d’outils – à un degré inouï –, la défense a de surcroît changé d’objet ? » [...]
« Si [la guerre économico-culturelle] n’entraîne pas de sang versé ni de destructions matérielles spectaculaires, ce n’en est pas moins elle qui peut priver une collectivité de ses libertés, de son identité et de son niveau de vie, ces trois biens pour la protection desquels une nation moderne a motif de se défendre et devoir de le faire sauf, tout simplement, à renoncer à l’existence. »

Mais que veut-il ?
L’argument selon lequel je ne sais si je veux ou ne veux pas d’armée ne manque pas d’habilité. Je précise donc ma position : je suis pour la suppression d’une armée prétendant qu’elle assure la sécurité de la nation pour la raison qu’elle serait aussi forte et bien équipée que celles des ennemis potentiels. Je pense – et considère avoir démontré dans mon ouvrage – que le principe ne s’applique plus et qu’il est même devenu dangereux.
Néanmoins, je crois encore à la nécessité de remplir deux tâches exigeant l’emploi de la force :
- notre pays ne saurait renoncer à participer aux actions de pacification, à condition qu’elles aient un objet licite et qu’elles soient poursuivies en collaboration avec la communauté internationale ;
- notre État, si transformé soit-il, doit et devra longtemps encore assumer des tâches sécuritaires internes et prévenir certains risques.
Cela exige des forces très réduites, ce que j’ai appelé une garde nationale.

Ma conclusion (provisoire)
Tout ce qui m’a été objecté manque gravement d’arguments de fond.

7. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par

Je prie l'auteur de ce livre de relire mon commentaire. Vous faites preuves de lacunes, et bizarrement vous ne relevez pas mon propos (comme beaucoup d'autres).

Votre longue intervention me prouve une chose : vous avez mal présenté votre "œuvre" dans le jeu de question-réponses avec monsieur Kempf. Il y a donc un problème de présentation assez grave puisque vous devez défendre cette "œuvre" avec politesse mais longueur. Il y a bien un problème de méthode(s).

Votre propos est vulgarisateur, ce qui aurait pu être salvateur ! Mais de l'interview à son urgent correctif, je trouve que votre propos est "simpliste" par rapport à une institution qui fait l'objet de nombreuses sciences (géopolitique, sociologie, stratégie, droit administratif, institutions administratives, science politique, droit de la fonction publique, Histoire, etc...) pour la compréhension de son empreinte dans l'Histoire.

D'un autre côté, et à part sur la "guerre économique", je ne vois pas vraiment le "fonds" dans vos arguments. A moins que le sujet exige de parler de l'Armée sans ses matériels, ses représentations, implantations, et surtout de la situation des autres armées.

" Si le problème de la France ressemble clairement à celui des autres pays européens, profitons-en pour constater que, sans Bombe, les allemands, italiens et autres polonais ne se trouvent pas dans une situation plus risquée que la nôtre. Mais je ne vais pas vous réciter tout mon livre. "

Ces pays ont la bombe. Là est mon argument. Le vôtre ?

" Tout ce qui m’a été objecté manque gravement d’arguments de fond. "

Le vôtre, donc ?

8. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par

« La psychologie, y en a qu’une : défourailler le premier » (Michel Audiard, les Tontons flingueurs).

La démarche qui consiste à commencer par dire n’importe quoi de façon provocante pour susciter des réactions que l’on réfutera ensuite est « un peu sommaire mais efficace ». Pour ma part ce que je viens de lire ici confirme ce que j’écrivais dans mon premier commentaire : 1 l’auteur veut supprimer sans supprimer ; j’ajoute qu’il devient plus clair parce qu’il veut surtout diminuer le budget, ce qui n’est pas du tout original ; 2 il en est resté au raisonnement d’antan, anti-bombinette, pas nouveau non plus ; j’ajoute qu’à Crécy les chevaliers français ne fonçaient pas « tête baissée » mais qu’au contraire il étaient morts de trouille, n’ayant plus combattu depuis deux siècles, aux Croisades : le bruit des bombardes, la poudre employée pour la première fois en Europe, a mis le comble à la panique et leur a fait rebrousser chemin « tête baissée » mais les chroniqueurs, ancêtres de nos journalistes d’aujourd’hui, ont préféré ne pas insister sur ce manque d'aguerrissement.

Toutefois, et je me répète, je suis d’accord avec l’auteur sur le fait que dépenser du budget militaire est un gaspillage si nous n’avons pas de politique militaire ni de politique étrangère, à l’instar de l’Italie qui fait l’impasse depuis un demi-siècle. Mais ce serait dommage de faire comme l’Italie et de « supprimer l’armée française » : il faut garder l’espoir d’avoir de nouveau une politique étrangère indépendante et de pouvoir intervenir au profit de gens avec qui nous avons des solidarités culturelles et historiques. Cette politique, pour laquelle nous aurons besoin d’une armée aguerrie, rectifiera les erreurs faites depuis plusieurs décennies par notre personnel politique qui esquive ses responsabilités en se réfugiant dans des « machins » internationaux. Supprimer l’armée française, ce serait avouer que nous ne croyons plus en nous-mêmes.

9. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Christophe Richard

Bonjour,
Je n'ai pas (encore?) lu le livre de M. GUILLON, mais puisqu'il a bien voulu prendre directement la parole sur EGEA, j'en profite pour lui soumettre quelques remarques et interrogations.
Ma remarque principale est la suivante, le changement de titre voulu par l'éditeur a peut-être brouillé le fond de votre livre.
Vous semblez appeler à la constitution d'une force armée "raisonnable" au regard des nécessités françaises. Fort bien, je le traduis par "moins de chars et de portes-avions" car il n'y a pas d'ennemis actuellement qui justifient leur emploi (mais n'ayant pas lu votre ouvrage, n'hésitez pas à me corriger)
Il est vrai que dans les "guerres probables" (de pacification pour reprendre votre terminologie) ces arsenaux peuvent paraitre quelques-peu décalés par rapport aux opérations effectivement conduites, après tout nos chars Leclercs n'ont à ma connaissance pas encore détruit d'ennemi.
Cependant... Pour agir dans le cadre de la "pacification", il y a une présupposition qui est que nous disposions d'une supériorité militaire écrasante. La pacification repose sur la puissance que procure la force potentielle. Vous pourrez me dire qu'il s'agit là d'une "idée reçue" mais j'attendrai à mon tour que vous me prouviez le contraire.
L'autre ambiguïté que je souhaiterai lever concerne votre idée de "garde nationale". Je le comprends aux vues des missions que vous lui associez comme une force d'intervention intérieure et extérieure réduite ... A mon sens le concept de garde nationale suppose, une force non professionnelle mais nombreuse et capable d'assurer un certain "maillage" du territoire... national précisément. Or l'intervention extérieure exige une force professionnelle facile a mobiliser, et capable d'agir comme un corps expéditionnaire dont l'emploi et le soutien soulèvent des questions extrêmement complexes (là encore, si vous considérez qu'il s'agit d'une idée reçue j'attends votre démonstration.)
Il reste le point des tâches internes sécuritaires, je laisse de côté ce qui relève de la protection civile (civile précisément) pour aborder ce qui intéresse plus directement les armées comme force armée, et que je situerai "au delà du maintien de l'ordre" (par euphémisme). Il s'agit là de l'idée politiquement incorrecte de guerre civile. Or, mes études (et observations) de ces questions m'ont appris que le rôle d'une armée dans ce cadre est de procurer à la solution politique mise en œuvre l'appui indispensable du "monopole des armes les plus puissantes" (en s'assurant au passage que ce monopole ne soit pas remis en cause par quelque puissance extérieure).
Au final, je crois que notre approche des questions militaires est aujourd'hui, pour imparfaite qu'elle soit, assez "raisonnable" au regard d'un contexte qui se dessine progressivement mais de mieux en mieux devant nos yeux en quête de prospective.
Voilà, il ne s'agit pas de dire que rien ne doit changer, mais de souligner au contraire que tout change en s'adaptant aux nécessités telles que nous les comprenons. Après tout, les armées font comme presque tout le monde, du mieux possible avec moins...
J'espère que vous accepterez de reprendre mon commentaire sur les points que vous jugerez dignes d'intérêt.
Bien cordialement

10. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par

Pour réduire les tensions des commentaires qui précèdent, parce que c'est week end et parce que personne ne semble l'avoir fait... Sur le titre (saillie facile) : c'est pas fait depuis deux ans ?

11. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par oodbae

Bonjour,

puisqu'on en est à parler de la futilité d'une part des forces armées, quelqu'un pourrait il m'expliquer à quoi sert la porte-avions Charles de Gaulle? En effet, mon sentiment est qu'en cas de guerre, quelques torpilles bien ajustées auraient tôt fait d'envoyer ce bel ouvrage par le fond, avec les dizaines d'avions, d'équipements, de combustibles nucléaires et last but not least, d'équipages par la même occasion.
alors, faut il supprimer le charles-de-gaulle?

merci d'avance pour vos réponses.

12. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Pierre-Marie GUILLON

Ayant lu les nouvelles interventions et relu les précédents comme m’y invite expressément l’un de mes contradicteurs, je vais tenter à nouveau de faire comprendre mon propos.
Je passe sur le fait que le nouveau titre aurait été mal choisi et sur mon incapacité à résumer mon livre en répondant aux questions d’Olivier Kempf. Je veux bien.
Cela étant, compte tenu du foisonnement des arguments en présence, il me semble intéressant, plutôt que de se renvoyer indéfiniment des balles (à blanc), de tenter de préciser à quel niveau je me suis placé pour développer le point de vue qui a été et reste le mien.
Pour ma part, je ne traite pas, je ne veux pas traiter – je vais peut-être enfin faire plaisir à mes interlocuteurs –, je ne me sens pas capable de traiter le problème sur un plan militaire, parce que je ne détiens pas le savoir nécessaire. On pensera peut-être que, dans ces conditions, je suis passé à côté d’une belle occasion de me taire.
Je ne crois pas.
Quand on développe une armée, quand on décide de la doter de la Bombe, la décision est prise – elle a été prise – par des politiques, pour des raisons politiques et non pour des raisons techniques. Les politiques n’ont pas le savoir des militaires. Ils doivent cependant agir et décider. Certes, ils devront consulter les militaires dans le cadre de leur réflexion mais celle-ci ne sera conduite pour des raisons essentiellement politiques, autrement dit en considération du destin de la communauté.
Les positions respectives des politiques et des militaires peuvent être comparés – sans la moindre nuance péjorative de ma part – à celles de l’architecte et du maçon. Le premier ne doit pas construire le mur, le second ne doit pas concevoir l’immeuble.
Je me suis délibérément placé sur le plan politique. Je suis fondé à la faire parce que je fais partie du peuple souverain et parce que je n’ai pas la moindre raison d’accepter que l’on décide de mon sort et, surtout, de celui de mes enfants et petits-enfants sans intervenir.
Cela précisé, je voudrais tenter de rappeler quelques uns des constats qui m’ont conduit à prendre la position que j’ai prise – une sorte d’hyper-résumé, en quelque sorte.
1/ Je constate que notre pays, après une magnifique histoire, se trouve parvenu sous le seuil au dessous duquel un groupe ne possède plus qu’une souveraineté et une indépendance réduites.
2/ Je constate que la puissance – ou la force armée, si l’on préfère – perd progressivement de son efficacité dans le monde actuel.
3/ Je récuse, quelles que soient les qualités de nos armes et de ceux qui ont pour mission de les manier, la stratégie assez stupide et assez criminelle – j’ai très soigneusement pesé ces mots – pour intégrer le risque de la destruction du peuple que l’on prétend défendre, même si la probabilité de cette destruction est très faible, même si c’est pour éviter la pire des soumissions. Et que l’on ne vienne pas me dire que la Bombe a précisément pour objet d’empêcher cela car nul n’ignore – et je renvoie à mes précédents commentaires et même à mon ouvrage – que la dissuasion pourrait très bien ne pas produire les effets attendus, en sorte que la guerre nucléaire ne peut être exclue.
4/ Je crois l’armée que, dans sa folie, notre langage dit encore “conventionnelle“ ne correspond plus à notre situation – et je ne peux, sur ce point, que renvoyer à mon livre.
5/ Je crois nos alliances illusoires et, dans certaines circonstances, plus dangereuses que l’isolement.
6/ Je crois que, obsédés par une vision passéiste des conflits, nous ne voyons pas que notre pays risque de disparaître s’il perd la guerre économico-culturelle. Oui, sur ce point, je persiste et signe – et que l’on me parle de vacuité abyssale en la matière m’apporte un bel exemple de notre aveuglement sur ce point.
Ma conclusion, vous la connaissez.
Alors, pardonnez-moi, mais les arguments pour savoir si le fait d’avoir la Bombe par procuration c’est l’avoir ou ne pas l’avoir, s’il faut appeler garde nationale ou autrement une force proportionnée à notre situation et si, n’ayant pas trouvé la bonne appellation pour cette force, je ne sais pas ce que je veux et autres questions, cela me semble de peu d’importance.

13. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par yves cadiou

A chacune de ses interventions Pierre-Marie Guillon est de moins en moins convaincant, au point que pour ma part j’hésite à prolonger ce débat. Je le fais cependant, parce qu’en définitive ça me rajeunit et surtout ça me permet de savourer un progrès.

On retrouve les arguments qui étaient ressassés dans les années soixante, mais le progrès c’est que désormais les professionnels peuvent participer au débat : la bombinette ou pas la bombinette, une armée conventionnelle pour faire quoi, l’atlantisme ou pas l’atlantisme, et puis de toute façon c’est trop cher et l’on ferait mieux de dépenser notre argent pour autre chose. Ce sont de vieilles questions auxquelles un demi-siècle de paix a validé les réponses.

Il n’est pas inutile de poser encore ces questions, il est très utile de se les poser tous les jours comme le font depuis longtemps ceux qui ne découvrent pas le sujet seulement aujourd’hui. Mais pour modifier les réponses il faut commencer par nous dire quelles données ont fondamentalement changé : la disparition du bloc soviétique, bien évidemment, mais il est remplacé par d’autres dangers. Surtout, ce qui n’a pas fondamentalement changé mais qui au contraire s’est aggravé et justifie la même réponse que celle d’Alexandre Sanguinetti dans les années soixante (argument que je rappelle dans mon commentaire n°1), c’est l’hégémonisme américain, 47% des dépenses militaires mondiales, beaucoup moins modéré et plus planétaire aujourd’hui qu’à l’époque de la Guerre Froide parce qu’il n’a plus de contre-poids.

Pierre-Marie Guillon découvre et ressasse, apparemment sans savoir qu’il ressasse, un vieux débat que nous connaissons tous par cœur et dont les données restent fondamentalement les mêmes. Ce qui serait intéressant, ce serait de nous dire quel changement fondamental des données justifie qu’on modifie les solutions car c’est la question que l’on se pose tous, celle de la surprise stratégique mortelle : pour ce motif, un Candide aurait sa place dans le débat. Mais pour jouer le rôle de Candide en apportant un point de vue nouveau, utile au moins parce que nouveau, la bonne méthode n’est pas de compiler ce qu’on trouve partout sur internet.

Parce qu’aujourd’hui, ça ne s’appelle plus ressasser, ça s’appelle compiler : grâce à internet et aux moteurs de recherche, c’est beaucoup plus facile qu’à l’époque du papier. Ensuite, après avoir ratissé internet, on en fait un livre dont on camoufle la banalité sous un titre à formulation commerciale pour faire plaisir à l’éditeur qui voit dans ce titre un moyen d’équilibrer ses comptes. Cependant la couverture parvient de moins en moins à cacher la banalité du propos à mesure que l’auteur s’explique. Si l’éditeur lit egeablog, il va râler.

Même le titre n’est pas vraiment original, au fond. Mon vieux camarade Jean-Claude Thomann l’a déjà dit plus intelligemment et plus à propos il y a deux-trois ans, après la sortie du Livre Blanc : « Il n’y a peut-être pas besoin de personnel d’élite pour une armée appelée à faire de la figuration ».

14. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Chakespeare

Cet ouvrage de Pierre-Marie Guillon, "Il faut supprimer l'armée française", aux éditions Dangles, a au moins le mérite d'ouvrir courageusement le débat.
Comment peut-on nier le constat de l'entretien par le gouvernement français d'une armée inefficace et qui plus est coûteuse au regard, justement, de sa faible utilité (non pas théorique mais réelle), quand on regarde un peu le budget de l'Etat ? Cette inefficacité procède des évolutions de notre monde : changements de nature des "menaces" (terrorisme) et des modes d'action et d'influence inter-étatique ("le chéquier plus dangereux que le fusil")...
On peut, certes, ne pas être d'accord avec la préconisation : la supprimer, cette armée. Mais on peut plus difficilement ne pas adhérer au conseil de l'investissement parallèle dans l'économique et le culturel, véritables "armes", aujourd'hui, permettant sécurité et défense bien plus que le "fusil" ou la Bombe, permettant aussi de produire, de construire, d'autres choses pour la France et ses habitants (de l'emploi, de l'éducation, de l'avenir...) !

15. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par oodbae

Pour répondre à Chakespeare: moi, je nie ce constat (que vous déclarez irréfutable). Je ne crois pas que l'armée française soit inefficace, en regard des missions qu'on lui fixe. L'armée française est déployée en de nombreux endroits du monde (Licorne en CI, OTAN en Afghanistan, Champs Elysee le 14 juillet, parmi d'autres) et elle y remplit ses missions correctement, lorsqu'on lui en fixe. Quand à son utilité, elle en a une qui n'est pas négligeable. Elle peut servir de référence à la nation. On peut être anti-militariste, pacifiste, etc mais je crois que chacun sait que l'armée est là pour défendre tous les citoyens francais, sans exception. La preuve en est qu'on l'envoie même chercher des otages au fin fond du Sahel ou sur des bateaux pirates au milieu de l'océan indien, alors que ce seraient précisemment des cas où la nation pourrait dire: " débrouille toi". L'armée est donc une part de l'identité nationale. De plus, c'est une voie de réinsertion sociale pour de nombreuses personnes. Bref, l'armée est un élément de cohésion nationale, ce qui est une forme d'utilité, si tant est qu'on accorde un peu d'importance à la nation. Ce dernier point, il est vrai, peut faire l'objet d'un autre questionnement...

16. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Cadfannan

Cet argumentaire est juste si on prend une photographie du monde, figée à l'instant présent. Mais peut-on croire que la supériorité du chéquier sur le fusil va perdurer indéfiniment? Il arrive un moment où celui qu'on paie décide de se servir directement à la source.
Tant que nos "concurrents" ont davantage intérêt à faire affaire, très bien. Mais si nous devenons faibles, ils auront avantage à prendre par la force. Comme nous l'avons fait dans le passé.
On a déjà montré dans ce blog et ailleurs que le phénomène de la Mondialisation (amen) n'est pas nouveau, loin de là. Il afflue et reflue, et lorsqu'il se contracte, le fusil reprend du service. Ce serait dommage de l'avoir posé juste avant.

17. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par

Amusant, ce monsieur qui n’hésite pas à parler de courage sous anonymat : «cet ouvrage a au moins le mérite d'ouvrir courageusement le débat. » Courageusement ? Mais que connaît-il au courage, ce pseudo-Chakespeare ?

On ne sait pas qui se cache derrière le pseudonyme de Chakespeare ni pourquoi il se cache si courageusement. On peut imaginer qu’il est l’éditeur, qu’il a vu que son auteur ne sait plus que dire et qu’à son tour il cherche à relancer le débat pour vendre ce bouquin qui serait passé inaperçu sans Olivier Kempf (mais comment fait OK pour tout voir, et voir si petit ?). Tentative vaine parce que les arguments sont toujours aussi vains, plats, usés. Et toujours aussi faux comme vient de le faire observer oodbae. Débat « courageusement » tenté mais trop évidemment à but lucratif.

Si vous voulez honnêtement supprimer l’armée française, inutile d’en faire un bouquin, nous sommes en démocratie : il suffit d’élire des candidats qui ont ce projet. Les militaires ont largement démontré depuis cinquante ans leur respect de l’intérêt national et leur faculté d’adaptation : si la France décide clairement qu’elle ne veut plus d’armée, il n’y aura plus d’armée française, c’est très simple. Mais jusque là bien évidemment il y aura toujours des petits malins qui tenteront de gratter quelques sous en essayant de vendre un bouquin sans risque et qui n’apporte rien de nouveau. L’argumentaire est tellement banal qu’on ne peut même pas le qualifier de courageux. Qui a dit courageux ?

18. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Christophe Richard

Pour faire court et abonder dans le sens des derniers commentaires, il serait sage de se souvenir que le contexte stratégique dans lequel nous exerçons nos talents de "penseurs" est avant tout marqué par la suprématie militaire des puissances occidentales. Or, ce facteur est déterminant. Dès lors qu'il évoluera il faudra nécessairement reconsidérer les conclusions qui en auront été tirées. Mais j'imagine que l'auteur a intégré cette évidence dans sa réflexion, c'est pourquoi je serai heureux qu'il m'éclaire sur ce qui le pousse à dépasser ce tout premier constat.
Bien cordialement

19. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Pierre-Marie GUILLON

Cher Monsieur Cadiou... Ça se corse : j’étais déjà agent de l’étranger, me voici plagiaire et compilateur. On peut cumuler ! Le même m’accuse de vouloir gratter des sous. S’il savait ! Un livre comme le mien coûte infiniment plus cher qu’il ne rapporte – et encore, je ne compte pas mon temps.
Un mot quand même sur l’accusation de ressassement qui me semble déjà plus intéressante. Nous vivons dans un pays où l'on pense avoir agi quand on a organisé un débat. Mon Père, homme de tradition et distingué latiniste, m'affirmait que Jules César le disait déjà des gaulois dans la Guerre des Gaules – j’ai perdu la référence et si quelqu’un la connaît, il me ferait un immense plaisir en me la communiquant. Peut-être bien que je ressasse mais il me semble indispensable de le faire aussi longtemps qu’un problème n’a pas été réglé et, dans mon inconscience, je persiste et signe : il ne l’est pas.
Un peu plus rafraîchissante avait été l’intervention de Oodbae à laquelle je n’avais pas répondu. Je doute également de l’utilité du Charles de Gaulle. Ce n’est pas parce que je pense qu’une torpille bien ajustée pourrait en avoir raison car il me semble qu’il doit exister des systèmes anti-torpilles suffisamment sophistiqués pour contrer ce danger – merci à un connaisseur de me rassurer, étant malheureusement possible qu’il existe des systèmes anti-anti-torpilles – mais je crois qu’une défense aéronavale à mi-temps – je sais, Monsieur Cadiou, l’expression n’est pas de moi – témoigne plus que n’importe quel fait que nous ne sommes plus, ne pouvons plus et ne voulons plus avoir une défense effective. Nous voulons seulement paraître. Oui, je crois qu’on peut supprimer le Charles de Gaulle. Ayant visité avec grand plaisir le Colbert sur les quais de Bordeaux avant qu’on ne l’envoie à la ferraille, je propose un grand musée de la marine – par exemple à Toulon – où prendrait place le Charles de Gaulle. Chacun a pu déjà constater qu’il constituait un magnifique décor pour discours de Premier ministre.
Le même Oodbae nie que l’armée française soit inefficace. Ce n’est pas nécessairement contradictoire avec le propos précédent. Sur ce point, les arguments avancés me me semblent intéressants. Que notre armée puisse fournir des appuis à l’extérieur, aller chercher des otages au Sahel ou traquer des pirates, je ne songe pas le nier et j’ai affirmé dans mon livre que nous devions continuer à remplir ces obligations ; c’est pourquoi j’ai proposé une Garde nationale, concept qui n’a pas plu. Que l’armée puisse constituer une voie de réinsertion sociale, je le crois d’autant plus volontiers que, durant mon service militaire, j’ai pu le constater et que je conserve un très bon souvenir de l’enrichissement humain que cela m’a procuré. Mais faut-il fabriquer des armes pour cela ? Il me semble temps de nous nous creuser la cervelle pour trouver la manière d’y parvenir autrement.
Merci également à Chakespeare qui ose dire qu’on a le droit de se poser des questions. On aura noté que cela n’aura pas plus à Monsieur Cadiou qui lui a sorti un de ses arguments ad hominem dont il est décidément friand.
Quand Christophie Richard met l’accent sur la suprématie militaire des puissances occidentales, il formule un constat incontestable. Je ne partage pas, on s’en doute, la conclusion implicite qu’il en tire. Pendant ce temps là, l’Inde, la Chine et autres pays asiatiques nous taillent des croupières dans le domaine économique et particulièrement industriel. Je ne sais si nos petits enfants nous louerons pour l’actuelle suprématie quand ils seront devenus les ouvriers, au mieux les contremaîtres, des pays que l’on dit aujourd’hui émergeants.

20. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Christophe Richard

Merci de ce début de réponse.
Vous n'avez pas précisé par contre l'ambiguité signalée autour du concept de garde nationale (qualité: pro ou pas?), et plus précisemment de la force nécessaire pour mener les opérations de "police" que vous semblez considérer comme toujours nécessaires (quantité,combien de divisions?). Or à mon sens, ces opérations nous ramènent à l'idée de souveraineté, que celle-ci s'exerce à l'extérieur (par l'action) comme à l'intérieur (par le monopole des armes les plus puissantes entre les mains d'une force armée que n'est pas la police).
Il s'agit des deux faces d'une seule et même pièce, qui est la clé de voute du politique (désolé je ne suis pas un "libéral", et je m'en remet plus volontier à la définition de Carl Schmitt du politique et de Weber pour ce qui est de l'Etat.)
Si vous retirez à la France son armée pour préserver l'avenir de ses enfants, alors en tout cas l'avenir que vous leur préparez ne sera pas celui de citoyens français...
Bien cordialement.

21. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par yves cadiou

J’ai été assez clair précédemment et pour moi ça suffit. J'invite les gens sérieux à s'en tenir là parce que nous sommes en présence d'un troll.

22. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Midship

PM Guillon a raison : il ne faut plus d'une armée destinée à conquérir et occuper de grands territoires (type Napoléonien).
Il ne faut conserver qu'une petite armée de défense, capable de pacification et de missions intérieures.

Je tablerais donc sur une armée d'environ 300 000 hommes au budget limité en temps de paix.

Pas de chance : c'est déjà le cas. Si c'était juste pour en arriver là ...

23. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Pierre-Marie GUILLON

J’ai vérifié dans mon Petit Robert que je ne commettais pas de contresens sur la signification de « Troll ». C’est bien ce que je pensais : « Esprit, lutin des légendes scandinaves ». Esprit, ça ne me déplait pas ; lutin non plus, après tout, surtout à mon âge. J’ajoute cela aux qualificatifs précédents.
Bravo Midship, c’est bien joué : dans cette vallée de larmes, il faut rigoler avec tout ce qu’on a sous la main. Si vous voulez savoir ce que je pense de cette question précise, voyez, ci-dessous, ma réponse à Christophe Richard.
S’agissant de ce que j’ai appelé “garde nationale”, je crois qu’elle doit être professionnelle. Si vous me demandez combien d’hommes elle doit comporter, je dirai que, n’étant pas spécialiste des questions militaires – je m’en suis déjà expliqué –, je laisserais volontiers aux professionnels le soin de répondre à la question, à condition qu’ils ne prennent pas le problème comme Midship. Mon sentiment de béotien, au doigt mouillé, sachant que je peux très bien me tromper, dans les deux sens, et peut-être largement : quelque part autour de 50 000 hommes car, pour moi, il ne s’agit pas d’une armée, même en réduction – autrement dit il ne s’agit pas d’une troupe supposée nous défendre contre une invasion – mais du moyen de prêter la main à des actions internationales justifiées et de maintenir l’ordre en interne dans les cas où s’impose l’usage d’une « violence physique légitime » et civique.
S’agissant de la question de notre souveraineté, c’est bien le problème et peut-être l’essentiel de ce qui nous sépare. J’y ai consacré de nombreux développements dans mon livre. Nous ne nous en faisons pas la même idée. Je crois que nous sommes encore souverains, mais en partie seulement ; je crois que cela ne dépend plus désormais, dans notre cas, de la présence d’une armée forte ; je crois également que nous le serons de moins en moins, ce dont il nous faut nous accommoder, et ce qui n’empêche en rien de rester – dans notre cas de redevenir – aussi indépendants qu’on peut l’être quand on appartient à une communauté. L’indépendance, ce n’est pas ne pas dépendre, c’est dépendre sur un pied d’égalité.
Pas étonnant que, s’agissant de nos enfants et petits-enfants, nous tirions des conclusions diamétralement opposées. Je crains pour eux notre obstination à nager à contre-courant, ce qui finit toujours de la même manière.

24. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par

Récapitulons la thèse de Monsieur Guillon, de plus en plus intéressante à mesure des réponses aux objections et questions.

D’abord on a confirmation qu’il ne s’agit pas de supprimer l’armée mais seulement de supprimer celle qui est française. On le savait dès le début parce que c’est le titre mais il est bon de rappeler cette évidence qu’on aurait tort de négliger.

Puis, en lisant patiemment Monsieur Guillon à mesure qu’il s’explique, on comprend qu’il ne faut pas vraiment supprimer l’armée française mais que l’on doit seulement supprimer l’arme nucléaire française, parce que trop chère mais aussi parce que « il n’est pas douteux (?) que la protection américaine a sauvé l’Europe de l’ouest ».

M’ouais, humm : confier notre défense aux Américains comme sous la Quatrième République. Ce sera peut-être une bonne idée le jour où le président américain sera élu par les Français.

Pourtant, ajoute Monsieur Guillon, il nous faut une armée professionnelle (le titre qui parlait de supprimer était mensonger) de peut-être cinquante mille hommes pour « prêter la main à des actions internationales justifiées ». Oui oui oui, c’est bien c’est bien c’est bien. Mais depuis un demi-siècle les opérations dites « internationales » sont des opérations américaines.

Ce qui signifie que d’après Monsieur Guillon cette armée française non-supprimée est destinée à fournir cinquante mille supplétifs aux Américains quand ils en auront besoin. On s’étonne que la proposition qui donnerait une cohérence à l’ensemble du propos ne soit pas formulée : faire prendre en charge notre budget militaire directement par les Américains.

Pour résumer : on ne supprime pas, on garde une armée non-nucléaire et supplétive, à nos frais cependant.
Je cite, c’est écrit en toutes lettres : « il ne s’agit pas d’une troupe supposée nous défendre ». C’est enfin clair. On se voit pour dîner mercredi.

25. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par HT

@Pierre-Marie Guillon

J'ai découvert votre ouvrage par hasard, et il faut bien dire que son titre à provoqué chez moi une réaction - non pas négative - mais méfiante. Après l'avoir lu, j'ai révisé ma première impression. C'est un texte agréable à lire, courageux, argumenté et clair mais pour les esprits "ouverts" donc ce sera difficile.

Il manque un second tome sur ce qui devrait rester en place et être corrigé/complété (pour votre "super gendarmerie/GIGN...") ainsi que le budget que cela représenterait au niveau national (ou le gain budgétaire par rapport au budget actuel). C'est pour quand ce deuxième volume ? ;-)

Un dernier point : Bravo pour les chapitres 9 et 10 et l'annexe sur le "Peuple de lions".. J'ai apprécié avec délice.. Merci

26. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Pierre-Marie GUILLON

Cher Monsieur Brochant, vous n’avez pas lu mon livre ; c’est votre droit ; mais il vous vous est difficile d’en parler, du moins de bien en parler. Vous le faites quand même, c’est également votre droit, en vous appuyant sur mes réponses au questionnaire d’Olivier Kempf – dans lequel je ne pouvais ni ne voulais traiter complètement de la question – et aux autres messages. En plus, vous utilisez un procédé, bien connu, qui consiste à faire dire à un auteur ce qu’il n’a jamais dit, de manière à le critiquer plus facilement. C’est encore et une troisième fois votre droit puisqu’aucune loi ne l’interdit. C’est également mon droit de considérer de réprouver procédé. Je n’ai jamais dit que seule l’armée française devait être supprimée. J’ai même dit, mais dans mon livre – Editions Dangles, 227 pages, 18 € – que les autres pays européens se trouvaient, à mon sens, dans une situation très comparable ou identique à la nôtre et qu’ils devraient, eux aussi, opérer les révisions qui s’imposent. Je n’ai pas plus pensé ni dit que nous devions employer et payer 50 000 supplétifs qui travailleraient pour les Etats-Unis. A ce stade, je ne peux même plus répondre ; les bras m’en tombent et le clavier de mon ordinateur ne s’anime pas tout seul.
Cher HT : vous me faites l’effet d’un miracle, d’une sorte de bon génie. Au milieu de l’indignation générale, quelqu’un tombe par hasard sur mon livre et réagit positivement. J’ai même l’impression, compte tenu du ton utilisé, que c’est sincèrement. Peut-être que je rêve. Mais en tous cas c’est bien bon. Youpi ! Et merci.
PS : je n’envisage pas un second tome qui serait utile mais pour la réalisation duquel je manque de compétences. Ou alors, ce serait un ouvrage collectif. Pourquoi pas ? J’ai, en plus, deux autres grands projets en tête et en cours – et peut-être quelques petits. La vie est trop courte.

27. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par HT

@Pierre Marie GUILLON

Je vous rassure de suite : mon commentaire était sincère, mais très incomplet car je ne veux pas me fâcher avec certaines personnes qui apparaissent de mauvaise foi dans cette même "page" WEB.

28. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Monsieur Brochant

Dans mes dîners, mes amis utilisent volontiers le même procédé que HT (n°25) dont le commentaire est particulièrement perfide.
HT commence par de la flatterie pour amadouer la victime, puis il le met au défi (avec un clin d’œil qu’on a tous remarqué, il a du talent) de tirer les conséquences de sa thèse dans un deuxième tome.

Notamment l’auteur devra préciser une donnée qui est le point fondamental de sa thèse : en quoi consisterait cette nouvelle armée qu’on nommerait autrement et quel serait le budget économisé, car c’était quand-même l’essentiel au départ. Et HT termine par une dernière flatterie, tout en douceur, pas vu pas pris.
Ce qui amène l’auteur (réponse n°26) à avouer très gentiment que le fondement de son argumentaire est fragile, en tout cas inconnu de lui.
Monsieur Brochant aime ce genre d’humour.

29. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par Pierre-Marie GUILLON

Cher Monsieur Brochant : je suis peut-être bien naïf mais n’ai pas trouvé HT perfide ; peut-être je me trompe ; à lui de nous le confirmer car il me semble l’avoir déjà dit dans sa réponse n°27. Mais passons.
Non : le maintien d’une garde nationale ne constitue pas le point fondamental de ma thèse ; il en est même un point tout à fait secondaire.
Cela vous semble fondamental parce que vous considérez comme telles l’organisation, le volume et la puissance de notre armée ; cela ne me semble pas fondamental car, pour moi, l’armée constitue un outil et le problème principal n’est jamais l’outil mais ce que l’on doit et veut faire. Et ce que j’ai tenté de démontrer dans mon livre – et ce qui est donc fondamental dans ma “thèse” –, c’est qu’une armée classique, a fortiori dotée d’une force de dissuasion, ne correspond pas à ce que nous devons et devrons désormais faire pour répondre aux défis du monde actuel ; que ce n’est donc plus, et de loin, l’outil qu’il nous faut. Dès lors, la conservation d’une garde nationale – je veux bien qu’on l’appelle comme on voudra – n’est également qu’une conséquence, au demeurant secondaire parce que je pense avoir tiré de ma "thèse" des propositions plus importantes. Je n’ai donc aucun état d’âme à rappeler que je n’ai pas la compétence pour déterminer l’importance et la composition de cette garde nationale. Encore que je ne ferais peut-être pas plus mal que d’autres – Alphonse Allais remarquait que « les militaires se recrutent dans le civil ».

30. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par franck

Elevons le débat. Rendons nous dans Mille ans quand l'humanité aura murie. il restera de la France et des français la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Déclaration universelle des peuples pacifiques. Supprimons toute forme de violence institutionnelle, vendons nos armes aux pays assez idiots pour nous les acheter, supprimons l'armée qui appauvrit la population ! utilisons toutes ces ressources au bien être civil, à l'éducation et à la promotion de notre culture dans le monde et invitons les autres peuples de la planéte à en faire de même. les reseaux sociaux le permettent aujourd'hui. Donnons l'exemple que les peuples du monde attendent de nous. vendons tout et utilisons ces énormes ressources pour la recherche et l'éducation de nos enfants.

31. Le mercredi 9 février 2011, 21:27 par oodbae

Bonsoir,

Peut on s'enorgueillir d'avoir vécu en paix sur le territoire métropolitain depuis 60 ans et en conclure une perduration de cet état de paix alors que les ennemis potentiels de demain ne possédaient il y 60 ans qui aucune structure étatique, qui aucune conscience nationale, qui aucune industrie militaire ou industrie tout court, qui aucun moyen de projection de forces, qui aucun intérêt à un conflit "militaire", qui aucune population suffisamment nombreuse?

En 1902, la GB et l'Allemagne occupèrent militairement les ports du Vénézuela pour le contraindre au remboursement d'obligations. Comparaison n'est pas raison, certes. Est il inimaginable que la France ou l'UE ou une communauté d'états européens dont la France accumule(nt) des dettes plus que de raison et que le débiteur envisage sérieusement l'intervention militaire comme moyen de contrainte? La guerre est le prolongement de la politique par d'autres moyens (Clausewitz)...

cordialement

égéa : ennemi potentiel..... dites vous. Oui, la guerre est un moyen. Il reste que si l'on peut entrevoir un rattrapage, on est loin, encore, d'un dépassement....

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