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Surprise n° 2

La première surprise est donc réelle : il s'agit de ce qui se passe au Maghreb et, peut-être, au Machrek (deux manifestants tués aujourd'hui à Bahreïn).

Merci à tous ceux qui m'ont envoyé des scénarios. La surprise stratégique, essayons tout d'abord de la qualifier :

  • elle doit être plausible : elle doit donc s'appuyer sur des données objectives, des faits, des situations observables dès à présent. Ainsi, quand oodbae suggère que la France gagne la coupe du monde de foot en 2018, c'est clairement impossible ! le scénario ne tient donc pas.
  • elle doit surprendre : et donc, heurter le sens commun, de façon qu'on se dise "comment était-ce possible?" et que des cuistres expliquent aussitôt "c'était hautement prévisible".

En avant, donc, pour une deuxième surprise.

1/ Les États-Unis, en mai 2013, viennent de lancer leur plan de Quantitative Easing 7, ordonné par Ben helicopter Bernanke. Derrière le nick name et l'intitulé jargonnant, il s'agit, encore une fois, de faire marcher la planche à billet, ce dont la majorité républicaine s'accommode fort bien. En effet, un amendement à la Constitution a été adopté, le 27ème, qui affirme : "le dollar est notre monnaie mais votre problème".

2/ Toutefois, les choses ne se passent pas comme prévu. Les marchés sont tout d'abord déçus (j'adore cette personnification des marchés qui, subitement, ont des états d'âme) : le plan ne prévoit que 700 millions de dollars d'emprunt, ce qui est jugé trop peu pour relancer l'économie et la consommation des ménages. La bourse perd 1,3%. La Chine, qui a gagé une partie de ses obligations sur le cours du Dow Jones, décide de marquer elle aussi son mécontentement, et se met à vendre un paquet de 50 M$ de bons du trésor.

3/ Les choses s'accélèrent alors : malgré tous les coupe-circuits, une mécanique infernale se met en place et le dollar implose. En quelques jours, le trésor américain est obligé de se déclarer en faillite. L'hyper inflation gagne immédiatement l'économie mondiale, et tout d'abord les puissances émergentes d'Asie orientale (Chine et petits dragons) et méridionale. L'Euro devient une valeur refuge et la Grèce lance des OAT à cinq ans à 2,7 %, sur lesquelles se précipitent les milliardaires à la recherche de valeurs rassurantes.

4/ La faillite économique se traduit immédiatement en crise politique américaine. Les Tea Party, concentrés dans le sud et dans le Middle west, affirment ne pas vouloir lier leur sort à tous les métèques washingtoniens et chicanos. Le Sénat de Louisiane vote une motion extrêmement forte (dite du Lac Ponchartrain) par laquelle il admoneste solennellement les immigrés asiatiques de quitter le pays. Face à ce qui est considéré comme un ultimatum, les Etats de la côte ouest (Californie, Orégon, Washington, auxquels se rallient le Nevada et l'Arizona) font sécession et se déclarent confederation of Eastern Pacific (CEP). Une autre confédération s'organise aussitôt, réunissant tous les Etats à l'ouest du Mississipi (confederation of the purest Americans : COPA). Les deux confédérations entrent en guerre. Des exodes de population s'organisent à travers le pays, les purs de l'Ouest passant en COPA, les latinos et chinois de l'Est fuyant vers la CEP.

5/ Les Etats-Unis d'Amérique subsistent au travers de la trentaine d'Etats de la côte Est et du sud, réunissant tous ceux qui ont participé, en fait, à la première guerre de sécession, celle de 1864 : cette histoire commune, première guerre totale et industrielle, leur a appris à se méfier des aventures guerrières. Ces nouveaux Etats unis d'Amériques (les new USA ou NUSA, comme chacun les appelle désormais) sont très fiers d'accueillir le siège des Nations Unies : les NUSA deviennent un promoteur de la conciliation multilatérale et s'intéressent aux expériences nordiques de maintien de la paix. Délaissant les excités "de l'intérieur du continent", ils proposent aux Européens, devenus l'hyperpuissance mondiale, une alliance transatlantique post-historique.

réf : pour s'amuser, on lira ces variations d'un scénario originel : ici, ici ou ici.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par oodbae

C'était hautement prévisible, permettez-moi de vous le dire.

2. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par

Bon, prems...

Sur l'effondrement du dollar (pour faire court) : oui, mais on peut faire exactement le même scénario depuis 1971. Pourquoi cela ne s'est-il pas produit à ce jour, pourquoi pas demain matin et pas dans seulement 20 ans ? C'est le Gibbon's Problem. Les USA sont en état de faillite virtuelle depuis la fin de la guerre du Vietnam, et alors...?

Sur le repli sur la Nouvelle Jérusalem prônée par le Tea Party : oui, bien sûr, mais rien de nouveau, sauf que l'Amérique a compris que le monde ne lui ressemblerait pas, c'est la leçon de l'échec de Bush et des néocons, et elle revient à son projet fondateur : s'isoler, se retrancher des autres nations et de l'histoire. L'idée d'une alliance atlantique renforcée n'a aucun sens, puisque du Mayflower à Kagan en passant par 1776 ou le Farewell Address de Washington, le Mal est européen et Méphisto parle français.

Quant à l'éclatement de l'Union, c'est du grand guignol. Il y a certes la question hispanique ou plutôt la volonté mexicaine de récupérer un jour les territoires perdus au XIXème siècle. Mais on en reparlera en 2050 au mieux, pas avant.

Non, les prévisions concernant les Etats-Unis sont plus simples : ils ont commencé au soir du 9/11 à sortir de l'Histoire, d'abord avec fracas, maintenant sans faire de bruit. Et surtout sans déranger personne, hormis le dernier carré d'irréductibles atlantistes. Car leur drame, c'est que ce n'est pas grave, que ça va très bien se passer pour les autres nations, et qu'un matin on aura oublié une Amérique finalement nation très "dispensable".

JPhI

3. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par Laurent

Très intéressant scénario d'implosion américaine. J'en rajouterais volontiers un sur une nouvelle guerre civile généralisée à l'ensemble du pays après une tentative d'assassinat (réussie ou raté, en l'occurrence peu importe) contre Barack Obama. Se développerait alors un scénario assez similaire aux premières semaines de la guerre civile espagnole avec combats/prises de positions géographiques sur toute l'étendue du territoire ; des pans entiers des forces armées basculant d'un côté ou de l'autre. D'ailleurs, ici, je verrais bien l'US Air Force mettre bas les masques et révéler son vrai visage : celui d'une organisation factieuse, proto-fasciste, et noyautée jusqu'au trognon par les sectes protestantes fanatiques et millénaristes (et dire que c'est à des gens comme ça - qui pensent toute la marche de l'humanité en termes d'Apocalypse - que l'on confie des armes nucléaires... think about it, folks!).
Sinon, quid d'une extension du mouvement citoyen au nord de la Méditerranée, contre Berlusconi par exemple ?

4. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par Pierre ageron

Bahreïn au machrek ? Pour moi il s agirait Plutot de la péninsule arabique. Le Machrek correspondrait a l'ensemble africain Égypte et libye.

5. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par Zébulon

Très bien mais ces "surprises stratégiques" n'en sont pas... Face à l'avis des renseignements, plus informés, celui des diplomates (plus intoxiqués par leur proximité des régimes) a prévalu. Sur la notion de surprise stratégique, le dernier article de Benoist Bihan dans DSI était très bien, il mérite d'être lu.

6. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par Midship

@Laurent : mais il y a donc des fanatiques extrémistes fascistes partout ?!
Quand à l'assassinat de président Obama, ça a déjà existé, il s'appelait Wayne Palmer, et ça a fait beaucoup de part d'audience. Quand on pense que vous disiez que mes commentaires étaient "d'une banalité à pleurer"... heureusement que vous "n'aime[z] pas faire le méchant".

égéa : ce débat commence à tourner à l'invective personnelle : je sens que je vais sévir Premier avertissement

7. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par yves cadiou

Cher Monsieur Kempf,
Votre « surprise n°2 » m’a rappelé que j’ai écrit le texte suivant il y a quelques semaines, en 2010. Je vous prie de croire que je ne copie plus sur mon voisin depuis de si nombreuses années que je ne suis même pas sûr d’avoir commis un jour ce genre de tricherie. Par conséquent toute ressemblance avec votre prévision n’est que pure coïncidence. Il me reste à compléter cette histoire dont quelques passages sont figurés par un simple titre. J’ai écrit ça en quelques heures et par conséquent je prie le lecteur de considérer que c’est un brouillon, d’en pardonner les incohérences et l’inculture : par exemple je suis très ignorant dans le domaine financier et donc certainement très loin du possible. Allons-y quand-même :

En cette décennie 2040 la plupart des Français sont indifférents aux tensions internationales qui surgissent périodiquement. Elles font pendant trois semaines le picotin des journalistes qui jouent sur les vieilles angoisses de leur clientèle : la Troisième Guerre Mondiale n’ayant jamais eu lieu, chacun suppose qu’elle est inéluctable pour un des quatre prochains matins.

Ces crises internationales périodiques permettent de s’interroger au passage sur le loyalisme de tel ou tel ministre et de le brocarder aux Guignols de l’info où le présentateur-vedette, PPD, est un vieillard chenu en matière plastique, indéboulonnable, dragueur de speakerines. Les Guignols de C+ sont la plus vieille émission de télé au monde, elle date du XX° siècle et la ringardise de son humour fait partie de son charme.
Les poussées de tension internationale durent en général trois semaines : après trois semaines de tension le soufflé retombe, la situation internationale qui semblait dramatique se calme et on oublie.

Mais depuis quelque temps les Français de ce futur sont inattentifs aux tensions internationales politiques voire guerrières parce qu’il y a maintenant une autre question internationale beaucoup plus importante : leur attention est tournée vers la Fédération Française de Football.

Du fait que la France a gagné toutes les coupes du monde depuis 2016, haut la main si j’ose dire, la FIFA souhaite que désormais la coupe du monde se déroule toujours en France. En contrepartie la France, pays hôte, serait hors-concours. Une telle mesure redonnerait de l’intérêt à la compétition en laissant leur chance à d’autres équipes. La FFF hésite, les Français sont partagés.

Sur cette question la France est coupée en deux entre les oui et les non. Les quelques uns qui n’ont pas d’opinion sont qualifiés de mauvais Français. Un referendum est organisé à la demande du ministre des Eoliennes, des Sports et de la Démocratie participative. Mais les résultats du referendum sont contestés parce que la rumeur a couru sur internet que les machines à voter étaient bidouillées. Dans certains quartiers, on en vient aux mains. Les patrons de bistrot ne servent plus de petit ballon de rouge, de rosé ni de blanc parce qu’ils ont de la difficulté à maintenir l’ordre dans leur établissement aussitôt que quelqu’un parle de ballon. La ministre de l’Intérieur et de la Culture, ancienne ministre de la Défense, de l’Industrie d’armement et du Tourisme, déclare qu’on assiste à des scènes de guerre civile. De fait, certaines échauffourées habilement filmées et bruitées peuvent en donner l’impression.

STOP. Ce préambule a pour rôle de signaler que le scénario qui suit est tout autant improbable que celui qui précède. Sinon, où serait la surprise. Peut-être l’un de ces scénarios sera-t-il déclaré hautement prévisible quelques décennies après sa survenance.

Le président Georges Z. Bush vient d’être élu sans contestation possible. Il succède à Georges Y. Bush lui-même successeur de Georges X. Bush. De temps en temps, les Républicains laissent passer un Démocrate pour quatre ans, chargé de recevoir le Nobel de la paix et de retirer les troupes des endroits où elles ne sont plus utiles aux intérêts américains pour qu’ensuite les Républicains, revenus au pouvoir, puissent les réexpédier ailleurs sous n’importe quel prétexte. Le système est bien rodé. Les Présidents US successifs, avec une constance remarquable, semblent attacher la plus grande importance à l’Otan qui fonctionne depuis près d’un siècle de la même manière, à quelques retouches près.

Dans cette situation qui ressemble à une fin de l’Histoire, au lendemain de l’élection quasi-programmée du président Georges Z. Bush la Californie et les états voisins, Nevada, Arizona, Oregon, auxquels se joindront quelque temps plus tard Hawaï, l’Alaska, l’état de Washington et la Colombie britannique, se retirent unilatéralement, non de la fédération des Etats-Unis d’Amérique ni du Canada, mais seulement de l’Alliance atlantique. Ceci au motif que l’Atlantique n’est pas leur problème mais surtout, en réalité, parce que les dépenses militaires décidées à Washington, ça commence à bien faire. Ces quatre états, la presse ne tarde pas à les surnommer « la Grande Californie » sans oublier de noter qu’elle constitue l’entité politique la plus riche du monde.

Les états de la Grande Californie décident de prendre désormais directement en charge les frais de fonctionnement des bases militaires fédérales présentes sur leur territoire et de diminuer d’autant leur contribution au budget fédéral. Les militaires présents sur ces bases voient leur situation financière devenir mirifique pendant que, s’ils n’en veulent pas, on leur donne une date limite pour partir avec leurs objets personnels en laissant les armes et le matériel.

Le président Georges Z. Bush, un peu pris au dépourvu, décide de reprendre possession de ces bases et envoie pour ce faire des troupes supposées loyales. Le monde craint une nouvelle guerre de sécession américaine, mais cette fois E / O et surtout entre deux belligérants qui sont désormais l’un et l’autre équipés de l’arme nucléaire. Cette guerre n’a pas lieu parce que les troupes envoyées par la Maison Blanche sont achetées par la Grande Californie à mesure de leur arrivée comme ont été achetées les bases. Jusqu’à ce que la Maison Blanche renonce.

L’Otan existe encore, mais privé de l’essentiel de ses moyens il n’est plus qu’un ensemble d’états-majors sans troupes où les pays participants relèguent, nantis de voitures de fonction et de titres ronflants, coordinateur de ceci ou de cela, leurs officiers généraux en fin de carrière. En ce qui concerne les USA, ils existent encore eux aussi formellement. Mais dans la pratique l’habitude est prise de parler de Grande Californie d’un côté et d’USNEA (north-east America, dits aussi « les Yankees ») de l’autre. A la présidence des USNEA qui s’appellent encore officiellement USA, les Républicains laissent passer deux fois de suite un président démocrate qui ne parvient pas à résoudre le problème de la sécession californienne et de la perte de moyens qui en résulte.

Au contraire la situation s’aggrave pour les USNEA : la Grande Californie attire, plusieurs états plus ou moins proches demandent leur rattachement. La langue officielle de la GC est désormais l’espagnol. L’Union hispano-américaine (UAE) est créée à San Diego avec le Mexique, l’Amérique centrale, la Colombie et le Venezuela où renaissent des projets de Grande Colombie.
L’Espagne en Europe et la Guinée équatoriale en Afrique obtiennent le statut d’états associés à l’Union hispano-américaine.

Pour tenter de faire passer au second plan une évolution aussi défavorable clairement due à la politique militaire qu’ils mènent depuis le début du siècle (d’autant que cette évolution était parfaitement prévisible, n’est-ce pas) les Républicains revenus à la Maison Blanche font campagne contre ce qu’ils appellent « l’hégémonisme européen ». Parce qu’en même temps la situation a aussi beaucoup évolué en Europe.

L’Europe n’est plus à quarante-quatre états mais à quarante-sept : elle vient d’accepter la candidature de la Guinée équatoriale, du Québec et de la Mongolie. Elle vient de modifier sa Constitution pour la quatorzième fois depuis le début du siècle. Désormais les décisions sont prises à la majorité simple et toute nouvelle décision doit être confirmée au changement de présidence de la semaine suivante. Ce ne sont plus des directives ayant force de loi mais des recommandations que chaque état membre est libre d’appliquer ou non. L’Euro n’a plus court, non plus que plusieurs monnaies nationales, certains pays n’ont tout simplement pas de monnaie, ou plus exactement ils en ont plusieurs. Ceci résulte de l’accord mondial du vendredi 13 avril 2029, après deux heures d’âpres négociations retransmises en direct : la monnaie étant depuis longtemps électronique et virtuelle on a, en quelque sorte, découplé la monnaie et le territoire. Les transactions se font désormais dans la monnaie que l’on veut, les utilisateurs pouvant modifier le libellé de leur compte en deux clics par la Toile. Ce change ne permet aucune spéculation parce que les taux sont fixes par rapport à l’or, et donc fixes entre eux, depuis l’accord du 13 avril. Les états qui n’ont pas de monnaie officielle utilisent les diverses monnaies virtuelles en circulation dans le monde. L’inconvénient du système est qu’il laisse des traces, ce qui, même lorsque les échanges sont cryptés, ne convient pas à certaines transactions. C’est pourquoi l’or a conservé sa valeur et retrouvé l’usage de monnaie qu’il eut longtemps.

Bien entendu, les éternels prospectivistes prévoient l’effondrement catastrophique du système pour différents motifs qu’ils se plaisent à imaginer et à faire connaître. Cet effondrement entraînera, selon eux, la Troisième Guerre Mondiale qui devra, toujours selon eux, inéluctablement se produire tôt ou tard. Mais heureusement les gens sérieux n’écoutent plus, et depuis longtemps, ces éternels cauchemardeurs.

L’Europe pourrait être non à quarante sept mais à cinquante cinq si la France, l’Allemagne, l’Italie, la Wallonie, la Flandre, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Espagne ne s’en étaient pas retirés en 2036 pour former un ensemble non institutionnel dont les Exécutifs ont coutume de se consulter mutuellement avant toute décision diplomatique ou économique pouvant intéresser les sept autres du groupe. Leurs armées sont interopérables, ils ne sont liés par aucun traité formel mais il leur arrive parfois de monter des opérations communes sur le vieux modèle d’Eufor-Tchad-RCA en 2008. Ils font encore partie de l’Otan, qui est désormais une organisation vide dont on peut, sans risque de se tromper, prévoir la disparition formelle dans dix ou vingt ans.

C’est dans ce contexte international que la France subit sur son territoire une attaque militaire caractérisée.
L’attaque sur la France (à rédiger)
La crise constitutionnelle
Le Premier ministre, constatant, dit-il, que « le Président refuse de prendre ses responsabilités » en refusant de se placer sous article 16, décide la démission de son gouvernement. La France reste pendant une semaine sans gouvernement car le Président ne trouve personne pour former un gouvernement. Personne à droite ni à gauche ni au milieu ni ailleurs. Le Président, constatant à son tour, dit-il, « la défection des responsables politiques », démissionne lui aussi. Le président du Sénat assure l’intérim comme le prévoit l’article 7 de la Constitution. Du moins il devrait assurer l’intérim mais il est indisponible, victime de problèmes de santé. L’ordre se succession prévoit que dans ce cas c’est le gouvernement qui assure l’intérim mais on n’a plus de gouvernement. Par conséquent la présidence reste vacante.

La Constitution ne prévoyant pas cette situation, le Conseil Constitutionnel, tout en refusant d’assurer lui-même l’intérim « parce que ce serait un coup d’état » veut confier l’intérim au président de l’Assemblée Nationale qui s’étonne de cette proposition et la décline au motif qu’elle n’a aucune base légale. Le Conseil Constitutionnel, devant l’urgence et avec l’approbation de tous les partis politiques, décide qu’une élection présidentielle aura lieu dans deux semaines au lieu des quarante-cinq jours prévus par la Constitution. Les candidatures devront être déposées avant une semaine.

Une semaine plus tard, aucune candidature n’est encore déposée ni annoncée la veille du jour de clôture. Ce que voyant l’Amiral François Keradec, Chef d’état-major des armées, se porte candidat.

Entouré de quelques amis, il obtient immédiatement les deux mille signatures nécessaires. Bien qu’il soit le seul candidat, il fait campagne sur le thème « la France ne sera pas asservie ; le pays dont les troupes seraient encore sur le territoire français à l’heure de mon investiture subiront aussitôt, sans nouvel avertissement, nos salves nucléaires quelles qu’en soient les conséquences pour la France et pour la Planète. » Quelques uns l’auraient entendu marmonner ensuite « s’ils me prennent pour un mauvais con, ils ont raison. »

Le jour du scrutin l’on sait dès onze heures du matin que le taux de participation sera un record bien qu’il y ait un seul candidat. L’Union hispano-américaine et la Chine font savoir, séparément mais simultanément, que leurs forces conventionnelles s’empareront du territoire de l’agresseur si ses troupes n’ont pas quitté le territoire français avant l’investiture du Président Keradec. L’Union hispano-américaine ajoute que le chef de l’état agresseur sera traduit devant le TPI où l’arsenal des peines aura été préalablement complété par la peine capitale. La Chine n’ajoute rien.

Le jour du scrutin, les troupes de l’agresseur ont rembarqué avant le soir. L’armée française n’a pas traqué les fuyards : elle a seulement récupéré, et mis en lieu sûr, les armes et le matériel abandonnés.

Le lendemain, le Président du Sénat revient et les médecins le déclarent capable de reprendre ses fonctions. Il assure donc l’intérim présidentiel jusqu’à l’investiture du président Keradec. Le même jour l’Assemblée Nationale unanime dépose un recours au Conseil Constitutionnel afin d’annuler l’élection de l’Amiral Keradec à la Présidence parce qu’elle ne s’est pas déroulée selon les procédures prévues par la Constitution. Ce recours fait scandale et donne lieu sur la place publique à des débats passionnés où l’on entend et voit s’entrecroiser les termes de « populiste » et de « planqué ». Le débat pourtant tourne court parce que l’Amiral François Keradec démissionne avant son investiture, prenant au dépourvu ses partisans comme ses adversaires. A ceux qui lui demandent s’il sera de nouveau candidat il répond non sans ambiguïté. Certains prétendent qu’en plus il a juré en breton mais on n’en a pas la preuve. Puis il disparaît de la vie publique. Mais la presse people sait où il est : on l’a photographié avec une canne à pêche.

8. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par yves cadiou

Désol, je n’avais pas vu que vous vouliez une prévision à dix ans. Il reste que certaines de mes élucubrations sont valables dans les dix ans : 1 notre faiblesse constitutionnelle (Monsieur Juppé ne me démentira pas, ou du moins pas sincèrement, sur les courtes limites du sens du devoir qui anime nos élus) ; 2 notre manque de réserves militaires dont je n’ai pas encore parlé ; 3 notre capacité de sursaut pour peu qu’un chef crédible se révèle.

9. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par

C'est très amusant cette incapacité à faire de l'anticipation autrement que comme on la faisait dans les années 1900 à 1940 (je pense à l'immortel Invasion jaune de Driant), avec cette propension à faire éclater les USA et l'Europe, pour d'ailleurs redistribuer autrement. Comme s'il était des Sujets de l'Histoire inacceptables, dès lors qu'ils traduisent précisément un dépassement de celle-ci (et les Etats-Unis comme l'Europe sont précisément, certes pour des raisons diamètralement opposées et même antagonistes, des dépassements de l'Histoire).

Et puis cette haine pour les Etats-Unis qui me surprend, moi qui me fait traiter d'anti-américain parce que j'écris "camp de concentration" avant Guantanamo. Ou alors l'incapacité à voir les USA comme une nation normale. Mais pourquoi l'effacement de ce pays devrait-il se faire dans le fracas et la fureur, et pas tout simplement, par un renoncement "soft" à gendarmer le monde ?

Immarigeon

égéa : tu manies le paradoxe, très cher. Dire des Etats-Unis et de l'Europe qu'ils sont des sujets de l'histoire inacceptable, alors que les mots "sujets" et "histoire", dans l'utilisation que tu en fais, sont précisément des inventions occidentales, d'ailleurs le moyen d'une domination.... je te trouve gonflé. Mais je ne reprocherai pas le toupet provocateur, dès lors qu'il nourrit le débat.

10. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par panou

Suite à une série d'attentats islamistes l'extrême droite danoise remporte les élections largement.L'immigration extra-européenne est interdite tout comme la double nationalité.Copenhague se retrouve isolée sur la scéne internationale et le parti groenlandais(bien lire groenlandais et non grolandais)INUIT ATAQATIGIIN en profite.Son leader KUPIIK KLEIST déclare l'indépendance de l'île aprés un référendum.Des Inuit ont été les jours précédents victimes d'agressions physiques dans les universités danoises ce qui a renforcé le camp séparatiste.
Les pays occidentaux gênés par les positions politiques danoises adoptent une position de neutralité.La CHINE est le premier pays à installer une ambassade dans la capitale NUUK et obtient des concessions de recherche pétroliére et minérale.Moscou est la premiére capitale à réagir...en passant des accords avec PEKIN pour des joint-ventures dans l'exploitation des matiéres premiéres groenlandaises.En 5 ans une colonie chinoise s'installe atteignant le chiffre de 6000 personnes soit 10% de la population.La présence humaine russe est moindre mais joue un rôle culturel important car en grande majorité sibérienne.
Le Groenland adopte une constitution calquée sur celle du Costa-Rica en s'interdisant toute force militaire.Le Président KLEIST se voit attribuer le prix Nobel de la Paix ce qui provoque une tension diplomatique entre Norvége et Danemark ravivant même certaines rancunes dûes au passé colonisateur.
L'UE dont le Groenland reste membre associé hésite à financer une subversion anti extrême droite au Danemark.Il lui a été difficile de dissuader le projet britannique d'intervention armée du type Malouines...pardon Faklands.Aux Etats-Unis aucune décision n'est prise en raison des élections et un sondange démontre que 80% des américains ignorent l'existence du Groenland.En France le même sondage donne 75% de citoyens connaissant le Groenland.Comme seulement 0,05% peuvent citer NUUK comme capitale WIKILEAKS publie un cable de l'ambassade US à Paris révélant qu'il y a certainement confusion dans l'esprit des français avec la Principauté de Groland.

11. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par yves cadiou

Anticiper consiste à imaginer l’avenir d’après des signes considérés comme annonciateurs. Je conviens qu’en ce qui concerne ma coupe du monde de foot il n’y a pas de signes annonciateurs mais en ce qui concerne la désunion des Etats-Unis ces signes existent. On peut y croire ou ne pas y croire, ils existent en tout cas : http://www.lepoint.fr/actualites-mo... Ils existent aussi en ce qui concerne l’Europe, on est même dedans.

Du fait qu’on s’intéresse à une « surprise stratégique » on peut se dispenser d’évoquer le retour des USA à l’isolationnisme : il est trop probable pour pouvoir être considéré comme une surprise. Au contraire il faut s’intéresser à une éventuelle désunion parce qu’elle serait « surprenante » au vrai sens du mot (donc en plein dans la question posée) bien que nous soyons plusieurs à en avoir l’intuition. Il faut surtout s’y intéresser parce que ses conséquences seraient lourdes et complexes, imprévisibles : elle fait donc partie des hypothèses que l’on a intérêt à imaginer.

L'implosion est l’alternative à l’isolationnisme et elle surviendra si des gouvernements fédéraux successifs persistent à vouloir faire un interventionnisme planétaire dont beaucoup d’Américains ne veulent pas. Notons au passage que cette contradiction entre le pouvoir fédéral et les aspirations des états démontre que leur système pour élire le président fédéral n’est pas au point. Toujours est-il que c’est une réalité.

En ce qui concerne une désunion de l’Europe, prévisible aussi et donc assez peu surprenante, ses conséquences seraient beaucoup moins lourdes que celles d’une implosion des Etats-Unis. Ce pour plusieurs raisons dont voici au moins deux : parce que l’Europe a déjà existé sous forme d’états séparés, ce qui n’est pas le cas des Etats-Unis qui sont, dans l’esprit de beaucoup de gens, une entité indissociable ; parce que surtout l’Europe n’a pas d’armée intégrée comme celle des Etats-Unis dont le partage sera difficile, d’autant qu’elle est nucléaire.

L’essentiel de mon texte portait sur la fragilité de nos institutions et surtout la fragilité de ceux qui en ont la charge, ce qui est la plus grave de nos vulnérabilités actuelles, et la plus grave de nos vulnérabilités futures si l’on ne fait rien pour y remédier.

L’implosion des Etats-Unis n'est pas pour moi l'essentiel. L'implosion est le deuxième membre de l’alternative dont le premier est l’isolationnisme, mais je ne la mentionne que pour montrer qu’un déséquilibre international inattendu est toujours possible et que nous avons intérêt à consolider nos propres institutions pour être prêts à faire face, ce qui est mon idée directrice.

Je n’oublie pas ce que m’a dit un commandant de SNLE à l’île Longue en 1980 ou 82 : « notre seul point faible, c’est le Président ». Pour élargir cette affirmation qui était très vraie, j’ai complété « président » par « institutions » en examinant d’une part 1870 et 1940 où les institutions n’ont pas tenu, d’autre part 1914 et 1918 où les institutions ont tenu.

12. Le mardi 15 février 2011, 21:20 par

C'est l'ami Philippe Grasset de Dedefensa qui observe des tensions dans la construction politique américaine depuis quelques années qui ne réfutera pas ce scénario en bloc.

égéa : oui, il est cité en réf, d'ailleurs

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