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Japon : une surprise stratégique

Un tremblement de terre, dans une zone aussi fragile que le Japon, était prévisible. Pourtant, ce que nous observons depuis 48 h00 constitue, à n'en pas douter, une surprise stratégique.

  • Surprise par la brusquerie de son déclenchement et de ses manifestations.
  • Stratégique car ce tsunami aura, probablement, des conséquences stratégiques. Notamment à cause de ce qui se passe à Fukushima.

J'y reviendrai demain (voir ici)

En attendant, un détour par ce blog.

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par starshiy

Bonjour
le sensationnalisme journalistique (vautouresque?) se focalise sur les fameux réacteurs nucléaires. C'est oublier les autres conséquences de plus grande ampleur à mon avis des pollutions chimiques et de leur impact sur l'environnement.
En effet, le Japon a été très lent à ce préoccuper des rejets en mer (Minamata...). Il est dont très fortement probable que toutes le terres qui ont été affectées par le tsunami vont subir, par le biais du brassage sous-marin et du mélange des matière stockées à terre une pollution chimique de grande ampleur, dont les effets seront probablement dilués dans le temps, plus insidieux .. mais néanmoins effectifs.
Cette pollution aura aussi un autre impact, celle de réduire la superficie des terres cultivables, déjà fort rares au Japon.
Voila la réflexion que ce triste sinistre m'évoque...
Bonne journée

2. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par

J'attends en effet le complément promis car il me semble que la notion de "surprise stratégique" ne signifie pas simplement "surprise ayant des effets de niveau stratégique" : n'implique-t-elle pas une situation (de conflit ouvert ou larvé) dans laquelle un protagoniste serait à l'origine de cette surprise ?

Je cite ici Corentin Brustlein (extrait du Focus Stratégique justement intitulé La surprise stratégique) : "On dira d'une surprise qu'elle est stratégique non seulement en raison de sa portée majeure, mais également et uniquement si celle-ci résulte d'un acte hostile de l'adversaire. La stratégie est ici entendue au sens d'un plan d'action finalisé, destiné à imposer sa volonté politique à un adversaire".

Source : http://www.ifri.org/?page=detail-co...

égéa : effectivement, je définis comme "surprise ayant des effets de niveau stratégique". D'ailleurs, la surprise n°3 (de mémoire) évoquait la régulation du RD Congo, devenant une grande puissance : une surprise stratégique peut, selon moi, avoir des conséquences pacifiantes. Cela n'avait pas attiré de remarques méthodologiques, alors.

Peut-être faut-il parler de "surprise géopolitique" ?


3. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par DanielB

Bonjour ,
les principaux problèmes sont amha l'énergie et les transports et la vulnerabilité des réseaux energetiques ( dependance exterieure et infrastructures ) et de transports .
.
Ce seisme a frappé les infrastructures energetiques et de transports beaucoup plus que les bombardements Us durant la SGM .
Les infrastructures de production electrique etaient , semble t'il , plus délocalisées .
http://www.ibiblio.org/hyperwar/AAF...
Economic Effects of Air Attack Against the Japanese Home Islands
The railroad system had not yet been subjected to substantial attack and remained in reasonably good operating condition at the time of surrender. Little damage was suffered which interfered with main line operations. Trains were running through Hiroshima 48 hours after the dropping of the atomic bomb on that city. Damage to local transport facilities, however, seriously disrupted the movement of supplies within and between cities, thereby hindering production, repair work and dispersal operations.

Japan's electric power system was properly rejected for specific attack because of the large number of small targets presented. Urban incendiary attacks destroyed the electric distribution systems in the burned-out areas simultaneously with the consumer load previously served by them. The hydro-electric generating plants and the transmission networks survived without substantial damage. Twenty-six urban steam-generating plants were damaged as an incident to other attacks, the aggregate loss of capacity being less than one-seventh of Japan's total generating capacity.
Cordialement
Daniel BESSON

4. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par

J'aimerais proposer une conséquence de cette surprise... Ou peut être de cette servitude : nos pays, nos "bases" sont construits dans un milieu. La servitude stratégique est le fait que nous ne maîtrisons pas totalement ces milieux. Nous ne pouvons pas non plus tout prévoir.

Je passe très rapidement sur les conséquences immédiates des évènements au Japon. Ce qui m'inquiète, c'est le long terme. Je ne pense pas au marché du nucléaire comme semble le faire Egea.

Ce qui m'inquiète à vrai dire, c'est la chute des activités financières et économiques dans un Japon où la production d'électricité pourrait être durablement perturbé. Je pense en dernier lieu, après un court exposé, à la dette souveraine de ce pays. Les intérêts de celle-ci doivent être impressionnant, la croissance est "normalement" anémique au pays du Soleil Levant et je crains pour son avenir dans de telles conditions.

5. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par yves cadiou

D’accord avec JGP (même si je le dis autrement) : pour être qualifiée de « stratégique » une surprise doit 1 / résulter d’un acte hostile 2 / modifier profondément un rapport de force au détriment du groupe « surpris » et au profit du groupe « surprenant » (ce type de surprise est formidablement illustré par la première demi-heure du film "2001, l'odyssée de l'espace" où l'homme se différencie soudain du singe en inventant et surtout en utilisant la massue).

A Fukushima, il s’agit bien d’une surprise (par les conséquences du tsunami plus que par celles du tremblement de terre lui-même), cette surprise est probablement de portée géopolitique (indépendance énergétique, responsabilité environnementale…) et elle est catastrophique (les moyens de secours sont dépassés) mais elle n’est pas stratégique parce qu'elle ne résulte pas d'un acte hostile.

C’est différent par exemple de la pollution pétrolière occasionnée par BP dans le Golfe Caraïbe en 2010 parce que cet accident d'extraction pétrolière pouvait ne pas être vraiment un accident. Même en tenant compte de la ressemblance qui peut parfois exister entre un acte sabotage et la faiblesse d'une valve mal conçue, ce n’est clairement pas le cas à Fukushima où la violence du tsunami était tellement exceptionnelle qu'on pouvait ne pas la prévoir. Surprise oui, catastrophique oui, stratégique non.

6. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par oodbae

Bonjour,

En réponse aux commentaires débattant du terme"surprise stratégique",moi, je préfère conserver le terme "surprise stratégique". ca fait plus classe et plus savant. Comme peu de journalistes ont déjà repris ce terme à leur compte pour décrire un concert bonus dans une tournée nationale ou un match de foot qui sauve un club de la relégation, ce terme permet au blog de se démarquer,pour un temps au moins.

Plus sérieusement,si il s'agit de contenter les puristes voulant appliquer rigoureusement la définition de Corentin Brustlein, et Dieu sait que je respecte les puristes, je vous propose la considération suivante.

Le Japon et surtout les japonais sont engagés dans une lutte incessante, et ininterrompue depuis la naissance du premier japonais, contre la nature. La nature, c'est à dire les quatre éléments, c'est à dire les 90 atomes, c'est à dire toutes les molécules de notre planète et au-delà. La nature les fait greloter par 5°C, la nature les fait mourir de froid par -20°C, la nature les fait mourir par la grippe, par le cancer, par la famine, par l'obésité, par la vieillesse. La nature les tue impitoyablement de très nombreuses manières. La nature, particulièrement subtile, pour ne pas dire perfide, pousse même d'autres humains à faire la guerre aux japonais, parfois pousse même les japonais à se faire la guerre entre eux (à travers les ans, pas forcément dans l'instant présent). Ceci est d'ailleurs vrai pour l'ensemble des peuples humains.
Jusqu'ici, les japonais ont réussi à résister à ces attaques, en construisant des maisons pour se protéger du froid, en contournant (le fameux contournement stratégique ? ) les armes de l'adversaire en les utilisant à son avantage (le vaccin contre la grippe avec des souches affaiblies, l'élevage pour nourrir la population, etc).
Mais l'adversaire a en cette occasion surpris une nouvelle fois les japonais, modifiant la donne stratégique. La donne stratégique est modifiée puisque les japonais vont devoir se poser la question de la sûreté et de la pérennité de l'approvisionnement énergétique par le nucléaire, cet approvisionnement pensé pour chauffer les maisons qui permettent de lutter contre le froid imposé par la nature et utilisé pour assainir l'eau qui les rend mortellement malades si ils la boivent au ruisseau naturel ou au fleuve naturel.
Est-ce que cet acte (le tremblement de terre entraînant un tsunami) est un acte hostile de l'adversaire (la nature) ? C'est une question de sensibilité et une affaire d'interprétation. Comme toujours dans ce genre d'histoire, c'est le vainqueur qui en décidera, à savoir de qui fut hostile ou pas. Par analogie, est-ce que la crise des subprimes est un acte hostile? pour ceux qui croient que les USA poursuivent l'objectif de conquérir le monde, oui, car cette crise est le résultat de la volonté d'arnaquer toutes les banques du monde avec des prêts bidons. Pour les autres, probablement pas. Quant aux USA, les autres protagonistes, c'est ou bien la faute des banques ou bien "tous complices, tous coupables" mais en tout cas pas un acte hostile envers les autres peuples. Par rapport au sujet qui nous occupe, et songeant aux anciennes religions qui vouaient un culte aux Dieux, cet acte est en effet un acte hostile, expression de la colère des Dieux de la nature.

Quant au sens de la stratégie comme "un plan d'action finalisé visant à imposer la volonté politique à l'adversaire", et considérant la nature comme un adversaire que les hommes combattent depuis leur apparition et que les hommes essaient de comprendre à l'aide des religions et dans une moindre mesure à l'aide des sciences, il est fréquent dans l'ensemble des religions humaines de considérer que les voix du Seigneur sont impénétrables ( formulé différemment selon les religions). Au mieux, on arrive à entendre ces voix en étant formé à la prêtrise. Dans l'ignorance donc des motivations explicites de la nature et à défaut de connaître exactement le "plan d'action finalisé" de la nature, on peut au moins commenter les évènements passés.
A priori, ce genre d'acte hostile tendrait à révéler une volonté politique du type "tuez les tous" (Kill them all, en anglais). Mais il m'est difficile, à moi l'ignorant, d'apprécier la stratégie cachée derrière cet évènement. Peut-être que la nature cherche la cohabitation pacifique et donc cet acte hostile est une frappe préventive (la nature s'est ells inspirée des débats de l'ONU pour la guerre d'Irak 2?): "cessez l'urbanisation à tout crin, le nucléaire, la surpopulation, laissez les arbres pousser et laissez l'uranium là où il est". Il faudrait étudier "le plan d'action finalisé " américain à l'occasion des bombardements nucléaires d'août 1945. Qui sait, par analogie...

Dans la perspective que je viens de présenter, il me semble clair que le terme "surprise stratégique" n'est pas inapproprié et est même tout à fait correct. Les humains en général et les japonais en particulier sont opposés à la nature, dont ils font cependant partie, pour survivre. C'est un adversaire à la fois invisible et omniprésent. Ah, on me dit en régie que je divague. excusez moi, SVP.
// (parlant en régie) Et le terrorisme, c'est quoi si ce n'est pas un ennemi à la fois partout et nulle part? ... bon, alors, un peu de justice, quoi.
//
(se tournant à nouveau vers les lecteurs)
Alors bon, c'est vrai, mon commentaire est rapide et de nombreuses personnes ont probablement écrit des livres et des livres sur le sujet de la lutte des hommes pour leur survie, simplement pour leur survie. Et puis, c'est certes un peu délirant de personnifier la Nature comme adversaire, avec sa stratégie. Mais enfin,même si de nombreuses personnes sont certaines de la justesse intellectuelle consistant à considérer la nature comme une chose complètement maîtrisée par l'humain, au moins conceptuellement, et donc une chose sans vie propre voire inerte, de nombreuses autres personnes voient dans cette catastrophe l'expression de forces naturelles supérieures, indomptables, presque surnaturelles, donc presque divines. 'voyez où je veux en venir? On se tournera vers les religions d'une part et vers certains courants politiques (écologistes notamment) d'autre part, ce qui ne sera pas sans conséquences stratégiques, au Japon et aussi autour du monde.

Voilà,
à puriste,puriste et demi.

merci de m'avoir lu,
cordialement,
oodbae.

égéa : merci pour ce plaidoyer ! Disons que j'apprécie Corentin Brustlein (que nous avons invité d'ailleurs à AGS dans un café stratégique et qui en plus est un copain) mais ce n'est pas parce qu'il donne une définition qu'elle est valable urbi et orbi. Il n'y a pas de définition agréée de géopolitique, par exemple, alors, surprise stratégique, terme intelligent produit par le Livre Blanc.... Autrement dit, si j'ai envie de parler de surprise stratégique et que je le justifie.... Mais c'est vrai aussi que c'est matière à débat.... but de ce blog. On peut donc discuter aussi bien mon interprétation que celle de CB.

7. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par Dark analyst

+ 1 à YC et j'ajouterais : surprise stratégique ? Où ça ? Non, sérieusement : ces gens sont préparés, ils savent tellement bien que ça peut se passer qu'ils ont des forces de protection civiles gigantesques et des immeubles qui tiennent des chocs monstrueux. Ils ont des réacteurs qui sautent après un tremblement pareil et un tsunami ? Ben oui. Mais bon, ça, c'est une crise, pas une surprise stratégique. Je sais que vous aimez le concept mais à force de le mobiliser, vous lui ferez perdre toute substance, sauf votre respect ;o)

8. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par oodbae

@egea & @myself: Ah, je vois, c'est un terme encore vague. Et bien, disons que j'ai tenté d'unifier vos deux définitions dans le cas qui nous préoccupe, celui de la caractérisation du séisme au Japon. merci pour votre réponse. Quant aux cafés géostrat, j'ai pu écouter l'enregistrement avec M. Brustlein, c'était très intéressant. Merci.

9. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par oodbae

@cadiou & @JGP: j'essaie de répondre à votre argument dans le commentaire 6
@Dark Analyst: oui, ils sont préparés... avec des casques pour se protéger des pierres qui tombent. Ils sont préparés psychologiquement. Mais cela empêche t il la surprise? Je crois bien que c'est une surprise parce que tous les plans nationaux doivent être remis en question,même ceux qui avaient probablement tenu compte des risques sismiques, en premier lieu desquels les plans d'approvisionnement énergétique.
Même, je ne suis pas convaincu que ce soit une crise puisque ce n'est pas le "système" qui s'est effondré sur lui-même mais un séisme qui a sérieusement endommagé le "système" japonais. Mais bon, ca, c'est sémantique. Cordialement

10. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par Jean-Pierre Gambotti

Surprise, pas surprise.
Pour ma part j’ai besoin de repères simples quand je m’aventure dans la complexité. C’est pour cette raison que j’ai consigné dans mon thésaurus personnel une célèbre formule de Donald Rumsfeld, formule qui a sidéré la fine fleur des médias américains et qui est répétée, parait-il, dans sa récente autobiographie au titre approprié en la circonstance, Known et unknown. Je cite : « Il y a des « inconnus connus », c'est-à-dire, qu'il y a des choses que nous savons que nous ne savons pas. Mais il y a aussi des « inconnus inconnus », des choses que nous ne savons pas que nous savons pas ». Formule géniale à mon sens et clé philosophale dont devrait user tous les apprentis futurologues qui se collètent avec la surprise stratégique.
Les « inconnus connus » ressortissent à l’incertitude prévisible, au risque en quelque sorte. Par exemple, le tsunami lié au séisme est un phénomène connu au Japon, l’inconnu réside uniquement dans sa date d’occurrence. La problématique des centrales nucléaires japonaises ne réside donc pas dans le questionnement sur la survenance du phénomène séisme/tsunami mais dans le durcissement des installations, c'est-à-dire dans leur capacité à résister aux énergies colossales qu’elles subiront inéluctablement. Ainsi ma surprise, quand on traite des « inconnus connus », c’est justement qu’il y ait surprise…
En revanche avec les « inconnus inconnus », nous sommes à un niveau très élevé sur l’échelle de Richter de l’incertitude, mais nous savons, et c’est capital, que nous serons surement confrontés à des phénomènes dont nous ne savons rien. Ces phénomènes ne sont pas pléthore mais cette catégorie d’événements ressortissant à l’incertitude imprévisible, s’ils ne sont perçus que lorsqu’ils apparaissent, sont déterminants, et l’on peut dire stratégiques, puisqu’ils décident du sort de l’une des parties. Corentin Brustlein dans son excellente étude, La surprise stratégique, De la notion aux implications, Focus n°10, ne prend pas en compte , cette approche rumsfeldienne et considère que la surprise est fille de déficit, de négligence ou de déficience, « la surprise est par essence la révélation d’un décalage entre les perceptions et la réalité de la menace, certains comportements de la cible portent en eux les germes de surprises stratégiques, tels que l’optimisme ou l’inflexibilité dans l’évaluation des menaces. » Mais on voit bien qu’avec Rumsfeld on est à un autre niveau d’incertitude, dans la matière noire- pour une référence à l’astrophysique- cette partie de l’environnement stratégique que l’on ne peut circonscrire précisément mais dont l’existence est indispensable pour que les événements que nous observons puissent se produire.

La méthodologie pour éviter la surprise absolue réside peut-être dans la détermination et le choix d’un certain nombre « d’inconnus possibles », l’établissement d’un panel d’hypothèses, pour tenter de ramener ce problème de type chaotique à une approche plus cartésienne avec toutes les approximations afférentes. Avec la conviction, quand on veut bien considérer l’existence « d’inconnus inconnus », que la surprise serait quand même qu’il n’y ait pas de surprise…
Risquons l’exemple du printemps arabe. La révolution tunisienne, quoiqu’en disent les pythonisses du rétroviseur, faisaient partie des occurrences zéro. Sa propagation dans le Maghreb , au Machrek et dans la péninsule arabique était elle-même peu prévisible, nous sommes à mon avis dans la réalisation d’un événement de type prospectif « inconnu inconnu » qui a entrainé une surprise géopolitique majeure. Pourtant tous les ingrédients préexistaient, mais nous étions dans l’incertitude imprévisible, le facteur déclenchant aurait pu être, de surcroît, sans effet dans des conditions initiales espsiloniquement différentes. Difficulté supplémentaire pour l’anticipation, ce problème « de la sensibilité aux conditions initiales » peut conduire à l’imprédictibilité. Basta !
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

égéa : que la pensée stratégique de Rumsfeld trouve des avocats dans un débat stratégique français, c'est dire si nous ne sommes pas loin d'une révolution copernicienne ! ça, pour une surprise, c'est une surprise ! lol.

11. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par

Bonjour à tous,

J'interviens tardivement sur ce post et je m'en excuse, j'ai un peu de mal à tenir le rythme des événements et des commentaires qui en sont faits ici ou là.

Je suis ravi de voir que mon papier est lu, parfois apprécié, et qu'il suscite un peu de discussion.

Sur la définition du concept de surprise stratégique, je suis tout à fait d'accord avec toi Olivier: ma définition n'est pas LA définition de la surprise stratégique et ne prétend pas l'être. Elle n'a, en tant que telle, pas plus de légitimité que celle des autres. Le terme de "surprise" fait évidemment peu débat; le véritable débat porte sur le sens que l'on donne au terme "stratégique". On peut l'entendre au sens le plus général du terme (quelque chose d'important, peu importe le domaine), on peut l'entendre dans un sens un peu plus restreint (le niveau stratégique de l'action), etc. Les déclinaisons sont nombreuses.

Mon choix (et c'est bien cela: un choix) a été d'entendre "stratégique" dans un sens dérivé de la définition de la stratégie du général Beaufre - à mon avis la meilleure définition de la stratégie que l'on puisse trouver ("L'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit").

Il me semblait important de distinguer la classe d'événements qui procèdent d'une intention clairement hostile de la catégorie regroupant les événements n'impliquant pas la présence d'un adversaire. J'ai fait ce choix car si l'on accepte un sens plus large du terme, le concept risque de perdre en cohérence, devient plus difficile à analyser, et l'évaluation de ses implications devient quasi impossible.

Selon moi (mais je suis loin de pouvoir me prévaloir la seule paternité de cette position), la différence entre la présence ou non de l'intention hostile change tout. Peut-on placer sur un même niveau la lutte contre les conséquences d'un accident industriel de portée majeure et le rétablissement face à une attaque imprévue de l'adversaire ? Dans certains aspects organisationnels et techniques, sans doute, mais la nature du problème reste fondamentalement différente. Par nature, la présence de l'adversaire change tout.

J'en profite donc pour réagir à ce qu'écrit oodbae: la lutte de l'homme contre l'environnement, pourquoi pas, mais l'environnement n'a pas de conscience et ne cherche pas à soumettre l'homme. Cela peut paraître banal de le rappeler et je m'en excuse si ça l'est. Je crois que Luttwak disait ainsi que lorsqu'on veut dresser un pont par dessus une rivière, la rivière ne va pas sortir de son lit pour nous empêcher de le faire, ou accroître son débit pour bloquer les travaux en cours. S'il n'y a pas d'adversaire, on peut rester dans une logique d'optimisation des actions, et s'appuyer sur des routines et procédures standardisées (avec plus ou moins d'efficacité, certes, selon la complexité des domaines). Mais quand on entre dans le cadre de la guerre l'optimisation n'est plus au coeur de l'action, et ne doit plus l'être, parce fonder son action sur l'optimisation, c'est être prévisible, et donc prêter le flanc à un contournement/une préemption, etc. IL faut donc s'adapter, être réactif, faire preuve d'ingéniosité, et toujours garder à l'esprit les plans et objectifs de l'adversaire.

Voilà donc la raison pour laquelle j'ai cru bon de définir la surprise stratégique de cette manière dans le cadre de mon papier. Mais encore une fois, ce n'est que ma façon de voir les choses - et qu'une tentative parmi d'autres de faire avancer un peu le débat sur ce sujet...

Au plaisir de vous lire,

Corentin Brustlein
égéa : Effetivement, Corentin, il n'y avaiot pas de critique du choix efectué, d'autant qu'il était clairement exposé. Revenir à Beauffre, certes, cela renvoie au duel des volontés clausewitzien. Touteofis, il s'agit là d'une dimension active de la stratégie. Occidentla,e, pourait-on même dire. Mais s'il ne s'agit que d'action des stratèges, la surprise se réduit à un "coup" dans une règle de jeu déterminée. Elle est "dans le cadre de ".
Or, une surprise peut-être stratégique dans la mesure où elle modifie les conditions de la décision startégique. Ce peut être la nature (cas présent). Ce peut être aussi l'innovation technologique, comme le rappelle Gallois dans son ovurage sur la géopolitique : l'espace change d'utilité à cause de la technologie, et la possibilité d'ICBM lancés par des sous marins à partie de dessous le pôle Nord affecte, clairement, les décisions stratégiques des uns et des autres. Je crois qu'il y a là, peut-être, le soubassement de la notion de RAM (d'ailleurs, Laurent Henninger vient nous en parler jeudi soir,ce sera l'occasion de lui demander).
Enfin, j'aime bien les knowns unknowns de Rumsfeld rappelé par JP Gambotti. Je trouve ça très éclairant, ce côté obscur de la force......

12. Le samedi 12 mars 2011, 22:14 par oodbae

Bonjour, j'ai vu que les surprises stratégiques avaient été délaissées. Pourtant, vous aviez annoncé l'objectif de 10 surprises pour répondre à l'exigence de l'ancien ministre de la Défense, M. Juppé!
Alors, en voici une. À la santé de ceux qui s'en moqueront. Cordialement.

La Corée du Nord, suite au décès de Kim Jong II, est dirigée par son fils, dont le nom m'échappe. Moins au fait des jeux d'influence au sein de la RPCN, le contrôle lui échappe partiellement et quelques éléments ont laissé éclater un incident frontalier avec la Russie. La Russie, qui jusqu'ici, ne s'en est laissé compter ni par le Japonà propos des îles Kouriles, ni par la RPChine à la frontière de l'Amour , va encore moins se laisser humilier par la RPCNord, d'autant plus que cela signifierait pour les pays précédemment cités une ré-ouverture potentielle du front. Malheureusement, c'est l'escalade. Là, la RPChine entre en jeu, fait valoir des alliances militaires avec la RDCNord. C'est la cascade des alliances, comme lors de la 1ère gm. La Chine déclare la guerre à la Russie et entreprend de conquérir la côte Est de la Russie tout le long des îles Sakhaline (ce qui lui offrirait une belle ouverture sur le Pacifique, soit dit en passant et supprimerait toute frontière commune entre la Russie et la RPCNord donc renforcerait sa domination sur ce pays).Faut il préciser au lecteur que ce sont des éléments chinois infiltrés en Corée du Nord qui ont provoqué les troubles, tels les faux soldats polonais en 1939. La suite, je ne la connais pas. C'est ca la surprise.

mais on imagine...

égéa : j'ai pris le reste du scénario, je le publie cet après-midi, mille mercis... Belle imagination, et du style.


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