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Futures indépendances européennes, par FF

Ce billet vient d'un commentaire excellent qui mérite un article en soi : mille mercis à Frederic Ferrer pour nous l'avoir donné.

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O. Kempf

Ma contribution au débat portera sur le succès apparent des séparatismes dans les Etats post-modernes européens. Il me semble qu’au-delà d’une simple expression individualiste, égoïste et courte de vue, il est à rapprocher de l’incapacité croissante des Etats à garantir l’homogénéité socio-économique de leur territoire.

Selon Max Weber d’abord (Economie et société), l’Etat se construit sur trois facteurs : l’armée (monopole de la violence légitime), l’administration et l’homogénéisation du territoire.

Selon Paul Krugman ensuite (prix nobel d’économie), le commerce est conditionné par les rendements d'échelle. Ainsi, les régions économiques avec le plus de production vont devenir les plus compétitives et attirer plus d’entreprises. Ceci explique pourquoi, plutôt que de se saupoudrer également sur toute la surface du globe, la production a tendance à se concentrer dans quelques pays, quelques régions ou même quelques villes qui deviennent densément peuplées et bénéficient de revenus plus élevés.

Selon Jean-Marc Siroën enfin (professeur de sciences économiques à l’université Paris Dauphine), trois critères d’identification de la nation peuvent être retenus en économie : la mobilité, l’homogénéité, les externalités.

  • - Mobilité : la théorie néoclassique du commerce international suppose une parfaite mobilité à l’intérieur de la nation des produits, des facteurs et des techniques. La frontière physique qui sépare les nations est un obstacle à la mondialisation, qui suppose une intégration parfaite des marchés.
  • - Homogénéité des préférences : pas forcément synonyme d’identité commune, les frontières physiques délimitant les nations sont la représentation des frontières psychiques entre préférences.
  • - Minimisation des externalités : autrement dit préservation de l’exclusivité de jouissance des biens publics aux seuls membres de la nation (limitation des passagers clandestins).

Si l’on rapproche ces trois analyses des nations post-modernes, on observe que l’union européenne constitue une nation économique permettant désormais aux régions indépendantistes de se libérer des contraintes de leurs nations politiques d’appartenance et n’en retirer que des avantages. Qu’elle fasse ou non partie de l’Espagne, la Catalogne continuera de tirer partie d’un marché européen homogène et répondant aux critères de mobilité. En revanche une fois sortie de l’Espagne, le poids des externalités sera bien moindre. L’Italie du Nord, la Flandre, le Pays Basque espagnol, autant de régions pour lesquelles le calcul est le même.

A ce point du raisonnement, il est intéressant de déterminer pourquoi les séparatismes ne sont pas encore effectifs.

  1. Une première clé est à rechercher du côté de l’idée de nation elle-même. Après des siècles d’un vivre ensemble consentant, difficile de remettre en question brutalement les identités au seul motif d’avantages économiques sans provoquer de réaction de masse. De ce point de vue, la crise qui dure risque d’accélérer le mouvement de l’histoire.
  2. Une seconde clé est à rechercher du côté de la géopolitique. Lâcher les régions du Sud, en diminuer les moyens, c’est s’exposer à des vagues de migrants illégaux. Ainsi, un Etat comme la Belgique, moins exposé que l’Espagne ou l’Italie de par sa position géographique, devrait être le premier à franchir le pas.

Il est impossible de déterminer l’ampleur que prendront ces mouvements d’indépendance en Europe. On peut néanmoins affirmer que l’Europe sociale serait une mesure préventive à sa régionalisation, car seul levier efficace pour lutter contre les externalités. La survie de l’Etat-nation post-moderne est donc logiquement liée à sa capacité à partager sa souveraineté.

Mais peut-être que la relation classique de souveraineté attachée à la définition de l’Etat à travers son peuple et son territoire mériterait tout simplement d’être requalifiée ?

Frédéric Ferrer

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