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RCI Libye : contrastes africains

C'est une curieuse évolution contrastée qu'on observe, en ce moment, dans deux crises africaines.

Cela illustre qu'il est difficile de tirer des "lois stratégiques"...

1/ En effet, le rapport au temps est fort différent :

  • il a été long en Côte d'ivoire, avec deux chronostratégies qui jouaient la montre, ainsi que je m'en suis expliqué
  • il est relativement court en Libye où, après un premier temps de sidération réciproque (les insurgés tout surpris de leurs succès initiaux, Kadhafi tout surpris qu'il y ait une révolte), les choses sont allées très vite : une progression rapide de l'insurrection, qui a cru qu'elle réussirait à soumettre le grand leader vert par surprise, et une reconquête encore plus fulgurante des forces gouvernementales, une fois que Kadhafi a repris le contrôle des éléments essentiels de ses forces (même si on ne sait pas aujourd'hui s'il s'agit des différentes gardes, ou de l'armée régulière; et qu'on ne sait pas non plus si les tribus soutiennent l'action du colonel).

2/Le rapport régulier/irrégulier est lui aussi fort différent.

  • en effet, en RCI, on pensait que Gbagbo dominait réellement les forces "régulières" et que Ouatarra pâtissait de l'absence de ces forces, ce qui le faisait privilégier une action indirecte : il y a trois semaines, chacun croyait que c'était plié et qu'une fois de plus, le boulanger avait roulé tout le monde dans la farine. Or, la stratégie indirecte a été mise à profit pour une lente et progressive montée en puissance de forces irrégulières (les forces invisibles) avec une pression sur les fronts nord et ouest, et une maîtrise territoriale à la "maoïste" de la ville d'Abidjan, à partir d'Abobo pour maintenant s'étendre aux autres quartiers : c'est ce que raconte ce passionnant papier du Monde (accessible aux abonnés uniquement, ou sur papier). Bref, le pronostic est depuis une semaine fort différent, ce qu'a bien senti l'UA qui a finalement soutenu Ouatarra, car elle doit savoir qu'en fin de compte, ce sera le vainqueur.
  • en Libye, à l'inverse, après les premiers succès de la rébellion, les forces régulières ont repris le dessus : on ne s'improvise pas soldat comme cela, et ce qui se passe nous apprend que la hiérarchie et l'action coordonnée obtiennent de meilleurs résultats à la guerre que la seule improvisation

3/ Ne nous y trompons d'ailleurs pas : pour "invisibles" qu'elles soient, les forces anti-Gbagbo sont fort organisées. Le "temps gagné" a servi justement à cette structuration, et à la coordination des efforts, sans même parler des renforts en hommes ou en matériel qui ont dû intervenir.

4/ En conclusion, une guerre irrégulière ne signifie donc pas une guerre instructurée : il y a des structures différentes, qu'il convient d'identifier si on veut les mettre à terre. Gbagbo va d'ailleurs essayer de prolonger le conflit, afin d'identifier ces lignes de force et d'essayer de les frapper. Quant aux Benghazistes, on voit mal qu'ils aient la profondeur stratégique suffisante pour résister....

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 15 mars 2011, 20:18 par panou34

C'est aussi le terrain qui commande et l'histoire militaire en Libye aurait dû être rappelée.Les va et vient de Rommel et Montgomery ont été oubliés par les insurgés,BHL et Sarkosy. Autant le combat urbain égalise les chances,autant le combat en zone désertique amplifie la supériorité technique(aviation,artillerie).La seule chance des soixantehuitards de Benghazi résidait dans un soulévement populaire à Tripoli si possible avec ''neutralisation'' du Guide et là on a manqué de héros kamikaze.
L'émotionnel qui semble être une méthode d'analyse des événements(au moins chez nos dirigeants) ne résiste pas aux dures réalités géographiques et techniques.On a même entendu des commentateurs recommander des parachutages d'armes.Ils oubliaient que dans une guerre technique comme celle du désert il faut des techniciens qui servent ces armes.
Quant au conflit ivoirien il confirme que l'Occidental a la montre mais que l'Africain a le temps

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