Indirect
Par Olivier Kempf le jeudi 24 mars 2011, 12:24 - Stratégie - Lien permanent
Une petite pensée, en passant...
Le monde planétisé me paraît marqué par le triomphe du mode "indirect" :
1/ C'est évident en ce qui concerne la guerre : la question n'est plus de savoir si on assiste aujourdh'ui à des guerres non conventionnelles, asymétriques, irrégulières, contre-insurrectionnelles... au fond, on assiste surtout à la prédominace des actions indrectes sur les actions directes.
2/ Cela me paraît vrai également en ce qui concerne l'exercice du pouvoir/management/commandement : on utilise de moins en moins le mode hiérarchique, et de plus en plus le mode croisé (matriciel, mode projet, ...) qui est, au fond, un gouvernement indirect.
3/ Enfin, la communication, trait majeur de l'époque, est de moins en moins efficace directement, mais de plus en plus indrectement, par des "opérations d'influence".
Cette montée en puissance du mode indirect ne signfie pas que le mode direct a disparu. Juste qu'il a désormais un accompagnement, et que le stratège doit désormais utiliser les deux gammes d'instruments à sa disposition. Le stratège est désormais le seul garant de la cohérence entre l'action diretce et l'action indirecte.
O. Kempf
Commentaires
Petite réponse, en passant…
A mon avis rien n’est plus naturel chez celui qui aspire à posséder ce que l’autre ambitionne, que d’opter pour des routes biaises quand la ligne droite se dérobe. Peut-être même que le sens de l’oblique, du gauche, du tortueux, de l’indirect, sont les premières qualités du stratège, n’oublions pas l’importance du stratagème chez les empereurs chinois et la place centrale de la ruse chez Sun Tzu. L’Histoire est pleine d’exemples de grands capitaines que la contingence, les aléas, les frictions pour faire court, ont contraint de substituer la petite tactique à la belle mécanique de la bataille carrée.
Ainsi l’approche indirecte était déjà utilisée pendant la guerre du Péloponnèse nous apprend V.H Hanson , La guerre du Péloponnèse, Champs Histoire : « les deux brillants généraux, l’Athénien Démosthénès et le Spartiate Brasidas, comprirent que l’ennemi pouvait être privé de ce qui lui était indispensable pour se battre si on poussait à la révolte ou si on supprimait les milliers d’hommes qui travaillaient pour lui. » Il s’agissait bien sûr des hilotes « qui portaient les armes des hoplites, ramaient sur les trières, travaillaient dans les mines d’argent et les fermes de l’Attique. De plus, les ouvriers des Etats alliés à Athènes produisaient le blé et le bois…Sparte étaient encore plus vulnérable…Grâce au travail des Hilotes, les Spartiates étaient déchargés des travaux agricoles et pouvaient se consacrer aux activités militaires à longueur d’année. » De surcroît cette stratégie donna naissance au concept de base fortifiée avancée, c’est à partir de l’epiteichismos qu’étaient menées les attaques d’unités mobiles dotées d’un armement léger contre les indispensables masses laborieuses qu’étaient les hilotes.
Et si j’ajoute, en remontant encore plus loin dans l’Histoire, que c’est Ramsès II, qui avec Qadesh a initié la guerre du sens et conduit la première manœuvre d’info-ops, toujours opérante, je pense qu’on peut affirmer qu’en termes de stratégie, nihil nove sub sole ….
Très cordialement
Jean-Pierre Gambotti
Si je peux me permettre un rebond cavalier, je dirais que l'opposition direct / indirect et ses implications, que vous décrivez bien, nous conduit à une autre opposition : con / pas con.
La science et le savoir sont devenus si gigantesques ... quand on pense qu'à la naissance, les boules de viandes pleurnicheuses d'aujourd'hui sont les mêmes que celles d'il y a 2000 ans. Or rien de notre vie, de nos idées, de nos concepts, de la masse de trucs que le midship lambda a dans le ciboulot n'est commun à cette époque.
D'où ma question : l'être perfectible de Rousseau est génial car il peut devenir quelque chose qu'il n'est pas. La complexité du monde actuel ne nous oblige-t-elle pas, si ce n'est à considérer les limites de l'homme en général, théorie à laquelle j'adhère peu, mais au moins à considérer les limites de la majorité de la population ? Le monde est-il devenu trop intelligent ?
Je remarque que dans plusieurs billets vous utilisez le terme<<planétise>> quel différence avec mondialise et/ou globalise? Merci de m'éclairer car le terme n'est guère répandue...
égéa : lors d'un article dans la RDN de janvier 2010, sur les "perspectives stratégiques", j'avais (re)trouvé la notion de"planétisation", mot retrouvé (par hasard) chez Teilhard de Chardin. J'essayais d'expliquer, un peu maladroitement, que la planétisation me semble plus que la mondialisation, qui est trop souvent assimilée à un mélange de nouvelles technologie et d'une extension "au monde" de la notion d'économie-monde, si on me permet ce paradoxe apparent. J'essayais de montrer qu'il y avais un phénomène supplémentaire, d'homogénéisation des ... valeurs (?) qui s'approchait de la noosphère du même Teilhard.
Mais ce n'était qu'une ébauche, une intuition, qui mérite à l'évidence d'être retravaillée : c'est aussi pour cela que je le recase deci, delà dans tel ou tel billet car elle me semble opératoire. Je rappelle que pour moi, ce blog est aussi un instrument de recherche,d e maïeutique,d 'accouchement intellectuel. Votre question m'incite d'ailleurs à examiner les endroits où je l'ai utilisé : la mise en perspective de ces usages provoquera peut-être des rapprochements, des illuminations, des étincelles, ... ou au contraire, s'avèrera finalement pauvre. Toutefois, pour revenir à la planétisation, il me semble important de chercher à expliciter le double phénomène d'unification du monde, et de fragmentation Simultanée.
C'est flou ? je le crains.....