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50 ans après Youri Gagarine, quel avenir pour Baïkonour ? (D. Martens)

Un bel article sur les relations russo-kazakhes, mais aussi russo-françaises (il n'y a pas que le mistral, dans la vie, mais aussi Kourou) : une affaire d'espace, et de puissance.

photo_baikonour.jpg source

Merci à l'auteur : Le chef d’escadron David MAERTENS est stagiaire de la 18ème promotion de l’Ecole de guerre. Il suivra une formation spécialisée en langue russe à l’Institut national des langues et civilisations orientales au cours du cycle 2011-2013.

Olivier Kempf

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Au mois d’août prochain, Européens et Russes lanceront conjointement et pour la première fois une fusée russe Soyouz à partir du Centre spatial guyanais de Kourou. Pour des raisons essentiellement techniques mais aussi financières, les autorités russes ont en effet décidé de quitter le site de lancement historique de Baïkonour, dont le nom reste associé aux grandes épopées de Spoutnik et du premier homme dans l’espace, véritables mythes fondateurs de l’univers spatial soviétique.

Certes, Russes et Kazakhs ont signé une « déclaration d’amitié éternelle » en 1998 et le statut de Baïkonour est fixé sous administration russe jusqu’à 2050. Cependant, la Russie a-t-elle encore besoin de continuer à utiliser le coûteux site kazakh, alors que le centre guyanais permet de mettre en orbite tous types de lanceurs y compris les vols habités ? Quoi qu’il en soit, si la Russie devait quitter définitivement Baïkonour, il est probable que les relations russo-kazakhes prendraient définitivement une forme nouvelle alors que cette zone du globe demeure réputée comme sensible.

Entre indépendance et interdépendance

Depuis le début des années 1990, le Kazakhstan met tout en œuvre pour diversifier ses partenaires économiques et scientifiques. Ainsi, la récente série de contrats signés avec la France et Areva témoigne de ce rapprochement avec nombre de puissances occidentales et plus seulement avec la Russie. En dépit de cette volonté de garantir son indépendance, ses relations avec le puissant voisin russe demeurent cependant étroites, même si des frictions sont apparues sur le droit de passage du pétrole en territoire russe ou encore sur le statut de la mer Caspienne aux richesses souterraines convoitées. Par ailleurs, la Russie souhaite conserver son influence dans l’espace post-soviétique d’Asie centrale et ne peut s’affranchir de bonnes relations avec le Kazakhstan qui constitue une zone tampon face au monde islamique. Enfin, près d’un quart de la population du Kazakhstan est russe et dès l’éclatement de l’union soviétique, l’instauration de la langue russe comme deuxième langue officielle était demandée par Moscou, de même qu’était soulevé le problème de la double nationalité pour les Russes vivant au Kazakhstan.

Baïkonour, un symbole coûteux

Le statut de Baïkonour illustre parfaitement l’ambivalence du souhait d’indépendance du Kazakhstan d’une part et de la volonté russe de préserver sa présence et ses activités spatiales dans la zone d’autre part. En effet, hormis le site de Plessetsk qui est très éloigné de l’équateur et donc inadapté au lancement de certains satellites, la Russie ne possède pas de site de lancement moderne sur son territoire. Boris Eltsine a tenté de combler ce manque dès les années 1990 en transformant le site militaire de Svobodny en Sibérie en site de mise en orbite géostationnaire. Hélas, pour des raisons principalement financières mais aussi techniques du fait de son éloignement de l’équateur, la Russie a été contrainte de geler la montée en puissance du Cosmodrome sibérien et demeure, dès lors, dépendante du site kazakh. Le site de Baïkonour, proche de la ville minière éponyme, restera donc administré par la Russie et à titre d’exemple, le maire de la ville est choisi par les autorités des deux Etats. Baïkonour représente par ailleurs le symbole de la conquête spatiale soviétique depuis le premier vol de Soyouz et la Russie n’a d’autre choix que de payer près de 120 millions de dollars par an pour la location du site de lancement dont le « loyer » a été revu à la hausse après l’accident de deux fusées Proton qui se sont écrasées en territoire kazakh en 1999. Ceci allait favoriser le rapprochement russo-européen jusqu’à lui faire prendre une nouvelle forme avec le projet de lancement de fusées russes à partir de la Guyane française.

Soyouz à Kourou : un logique aboutissement

L’arrivée du célèbre lanceur russe en Guyane est l’aboutissement d’une collaboration scientifique russo-européenne initiée dans les années 1970 et de l’accord franco-russe prévoyant des lancements à partir de Kourou signé en 2003 entre MM. Raffarin et Kassianov. Aujourd’hui, Européens et Russes y voient des avantages techniques et financiers significatifs. Pour les Européens, c’est là l’occasion de mettre en œuvre un nouveau lanceur intermédiaire réputé comme extrêmement fiable et capable de mettre en orbite des satellites dits « moyens » de 2 à 3 tonnes, alors qu’Ariane 5 est conçue pour de plus gros satellites de l’ordre de 5 à 10 tonnes. Pour les Russes, la proximité de l’équateur du centre spatial guyanais facilite la mise en orbite géostationnaire et l’aménagement d’un pas de tir spécifique débuté en 2007 touche à sa fin. Pour l’heure, les lancements de vols habités ne sont pas prévus à partir du sol guyanais mais l’arrêt du programme de la navette spatiale américaine laisse à Soyouz l’exclusivité de ce type d’activité spatiale. Il reste donc à savoir si la collaboration entre les Européens et les Russes ne pourrait pas se poursuivre à l’avenir en se tournant vers le lancement de vols habités à partir de Kourou, ce qui accroîtrait encore l’éloignement de la Russie du site de Baïkonour.

Quatre à cinq lancements de Soyouz-ST emportant des satellites commerciaux sont prévus chaque année à partir de Kourou. Dans le même temps, la Russie maintient sa présence et ses activités spatiales au Kazakhstan. S’il semble raisonnable de penser que la présence russe à Baïkonour n’est pas uniquement animée par des enjeux scientifiques et techniques, les interrogations qui subsistent sont donc liées à la place de Baïkonour dans les futures relations russo-kazakhes et, dès lors, à l’avenir du Cosmodrome lui-même.

D. Maertens

Commentaires

1. Le samedi 26 mars 2011, 21:48 par Frédéric FERRER

Un rapprochement Russo-Européen opéré sur le continent sud-américain au détriment de l'espace vital soviétique traditionnel, voilà qui ne manque pas de piquant ! Que ce rapprochement s'opère dans le secteur spatial, celui qui contribua à l'époumonement financier de l'URSS et initia sa chute, à l'heure même où les Etats-Unis se désengagent de la plupart de leurs programmes spatiaux, voilà qui pimente encore la situation ! Et si l’on considère que la baie des cochons finalement ça n’est pas si loin de la Guyane, nous avons là de quoi nous régaler d’un plat qui en temps de guerre froide aurait fait exploser le monde.
Après ça, la Russie dans l’OTAN ?

égéa : époumonement ????? Pour votre dernière question, je n'y crois pas une seconde. Pour le coup, il n'y aura aucune surprise stratégique.....

2. Le samedi 26 mars 2011, 21:48 par Frédéric FERRER

J'ai écrit époumonement ? J'aurais évidemment dû écrire essoufflement ! Quant à ma question de fin, polémique à souhait je vous l'accorde bien volontiers, elle aurait mérité meilleur sort qu'une réponse péremptoire. Votre billet du 20 décembre 2010 sur l'alliance et la Russie après Lisbonne concluait sur "Nihil nuove sub sole".Vous restez fidèle à votre analyse. Depuis néanmoins, quelques nouveautés, dont certaines commentées sur Egea : ratification de START, rapprochement dans le domaine du spatial, dissensions au sommet de l’exécutif russe quant à la ligne à adopter vis-à-vis de l’alliance au sujet de la Lybie (http://www.lefigaro.fr/internationa...). Tout cela ne pèse peut-être pas encore très lourd, mais était impensable sous Poutine et Bush. Lorsque Medvedev fut adoubé par Poutine, tous avons cru à un intérimaire obéissant. Pourtant, une réélection de Medvedev en 2012 ne constitue plus aujourd’hui une utopie. De cette « surprise politique » pourrait bien naître alors la surprise stratégique que vous balayez très radicalement d’un revers de manche. Car après tout, c’est encore le politique qui décide, même en Russie.

égéa : moui... Je persiste à ne pas partager votre aprpoche. Je ne nie pas qu'il y ait des évolutions russes, et je suis d'ailleurs très content d'avoir publié ce billet. Qu'il y ait un semblant de compétition Medvedev Poutine, pourquoi pas? Que la Russie considère qu'elle doive dialoguer avec son occident, incontestablement (voir le billet sur l'intervention du professeur Romer). Mais son Occident n'est plus celui d'hier. Et l'OTAN ne me semble pas du tout le cadre de ce rapprochement, c'est tout. La Russie joue, a joué et jouera la dissension entre l'Europe et les États-Unis : pour cette seule raison, elle n'entrera pas dans l'alliance : ou alors, celle-ci serait tellement affaiblie, tellement le fantôme de ce qu'elle fut, que la signification stratégique en serait nulle : ou plutôt, elle serait seulement symbolique : elle marquerait l'abaissement total de cette alliance

3. Le samedi 26 mars 2011, 21:48 par yan

La Russie est restée assez proche de Cuba... C'est moins proche de l'équateur que la Guyane mais aurait pu représenter une solution moins liée à un état occidental.

4. Le samedi 26 mars 2011, 21:48 par idioma

yan
La location du studio en banlieue à Baïkonour est devenue trop onéreuse, banlieue embourgeoisée par des matières premières à la mode. Une acquisition immobilière/construction à Cuba est là encore trop onéreuse et le quartier est plutôt mal fréquenté, nos amis russes se sont fâchés avec des résidents locaux lors de vacances en camping alors le choix du soleil Guyanais est un bon compromis... Soleil, résidents sympas et cela titillera probablement les résidents du Nord.
Compression à l'est par la Chine, perméabilité islamique au sud et incertitudes du MO, la seule ouverture fiable (?) demeure l'Europe pour ne pas voir le heartland grignoté de toute part.
cordialement
Cyril

5. Le samedi 26 mars 2011, 21:48 par serge.tussot

Attention, avec cet article, vous vous êtes fait avoir par un cas de plagiat par ponction de "copier-coller" épars.
Rien de nouveau, tapez les mots clef et vous tombez sur le site du Centre Spatial Guyanais, de Starsem The Soyuz company, telesatellite. com... Vigilance, vigilance...

égéa : je le signale à l'auteur. Toutefois, l'intérêt réside aussi dans la mise en perspective d'informations éparses. Même si le copier coller, sans citer ses sources, n'est ni très élégant ni académiqe.

6. Le samedi 26 mars 2011, 21:48 par david maertens

Réponse à Serge Tussot (commentaire n°5)
Je ne vous cache pas mon "émotion" à la lecture de ce commentaire où je suis clairement accusé d'avoir fait du plagiat, je cite :"par ponction de copier-coller épars". Je vais donc suivre vos conseils et aller sur le site que vous indiquez pour vérifier si comme moi, ils se posent des questions sur l'avenir du cosmodrome, ce qui me surprendrais beaucoup...
Ceci étant dit, je n'accepte pas vos accusations: je me suis informé sur ce thème c'est vrai (notamment pour les données chiffrées)en surfant sur internet.
Cependant:
1. je n'ai pas fait le moindre copier-coller comme vous l'indiquez
2. j'ai cherché à faire une mise en perspective géopolitique sur un thème qui est, par essence, technique
3. je n'ai vu nulle par un quelconque article allant dans mon sens, la Russie demeurant attachée à l'espace post-soviétique, il n'est pas dit qu'elle souhaite abandonner le site kazakh.
Enfin, ayant signé mon article avec mon grade et mon nom et en faisant apparaitre l'attache de mon école, vous imaginez bien que je ne me serai pas "amusé" à ce genre de pratique que je condamne.
J'avais été mis en garde quant aux commentaires qui ne manqueraient pas de fuser (sans jeu de mots) mais là j'avoue que je ne m'attendais pas à ceci.
Bonne journée.
égéa : dont acte. Je précise qu'égéa n'est pas un blog "intégrateur"  mais qu'il accueille, de temps en temps, des articles d'auteurs extérieurs : je n'effectue pas un "contrôle de plagiat" a priori car 1/ je n'en ai pas le temps 2/ c'est de la responsabilité de l'auteur. Dans le cas présent, la mise en perspective me semblait suffisamment innovante pour intéresser les lecteurs. Qu'il y ait des informations glânées ici ou là, c'est normal. Ce qui m'intéresse, c'est effectivement la mise en perspective, l'innovation de la pensée :dans ce cas, cela me paraît au rendez-vous. De plus, égéa n'est pas une "revue scientifique à comité de lecture" même si c'est un blog sérieux.
Je fais donc crédit à D Maertens de sa bonne foi, sauf preuve contraire.

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