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OTAN en Libye (2) Passage de témoin

Voici la suite de mon analyse sur l'OTAN et la Libye. (premier billet ici).

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Français, Britanniques et Américains débutèrent les opérations le 19 mars, juste à temps pour sauver Benghazi. C'était en fait le directoire atlantique à trois qui prenait les choses en main, selon le modèle rêvé en 1958 par le général De Gaulle . Les frappes lancées par les avions français et britanniques et les missiles de croisière américains stoppèrent l'avancée des forces du colonel. Pendant quelques jours, on s'interrogea pour savoir qui assurait le commandement des opérations : chacune des trois nations avait sa propre opération (Odyssey dawn pour les Américains, Harmattan pour les Français, Ellamy pour les Anglais). Chacun avait sa propre chaîne de commandement, articulé entre un niveau stratégique et un niveau de commandement des opérations aériennes (pour la France, respectivement, le Centre de Planification et de Conduite des Opérations -CPCO- et le Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes -CDAOA).

La coordination globale de l'espace aérien fut assumée, logiquement, par les Américains, avec leurs propres structures : ainsi, le commandement stratégique fut assuré par le général Carter Ham, commandant par ailleurs AFRICACOM à Stuttgart. Le commandement opérationnel (OPCON) fut assuré par le commandement des forces américaines en Europe (USEUCOM) de Ramstein, qui est l'autre casquette de l'amiral Stavridis, le SACEUR, commandant stratégique pour les opérations de l'OTAN. Il était relié aux quartiers-généraux de Lyon Mont Verdun (France) et de Northwood (Grande-Bretagne), et non à des états-majors opératifs ou tactiques de l'Alliance. En mer, l'OPCON fut donné à l'amiral Samuel Locklear, commandant les forces navales américaines en Europe (à ce titre, subordonné de l'amiral Stavridis), et lui aussi titulaire d'une responsabilité otanienne puisqu'il commande l'état-major interallié de Naples, non utilisé. Pour l'occasion, il embarqua sur le navire Mount Whitney, navire amiral de la VI° flotte en Méditerranée.

On le voit : les officiers généraux américains en Europe ont tous été utilisés, mais au titre de leur responsabilité américaine, et non de leur responsabilité otanienne : or, le système de la double casquette avait été mis en place, à l'origine de l'OTAN, pour garantir l'engagement systématique des forces américaines aux côtés des alliés ; pour cette occasion, les généraux américains n'utilisèrent que la casquette nationale. Remarquons toutefois que ce n'est pas nouveau, puisque lors des opérations au Kossovo, la plupart des frappes américaines furent décidées dans le cadre d'USEUCOM et non du SHAPE (ce qui avait à l'époque introduit une certaine confusion, même si cela n'avait pas été relevé). Notons également que cette opération aurait pu donner lieu à l'utilisation de la Force de Réaction de l'OTAN (NRF) et qu'il n'en fut absolument pas question.

L'OTAN est ensuite progressivement revenue dans la danse : le fait que ce soit par tranches illustre, si besoin était, la réticence générale à l'utiliser. Cela répondait à des contraintes multiples : il fallait qu'elle n'apparaisse ni trop tôt ni trop présente, afin de ne pas contrarier le soutien politique de la Ligue arabe, déjà très ambigu, et des pays arabes qui, finalement, rejoindraient la coalition (Qatar et Emirats Arabes Unis). L'OTAN, en effet, a mauvaise réputation dans la région, étant associée à la puissance américaine pro-israélienne . Il fallait simultanément répondre aux exigences de certains alliés (Canada, Norvège, Italie ) qui souhaitaient participer à la coalition, mais à la condition d'une direction alliée ; il fallait enfin tenir compte du souhait américain de se retirer des opérations ou, à tout le moins, des frappes directes : pour le coup, le « grand allié » comptait utiliser l'instrument otanien, même si cela ne correspondait pas aux rêves héroïques de certains. Autrement dit : la question n'était pas militaire, elle était politique. La question n'était pas vraiment l'OTAN mais l'Alliance, pas le militaire mais le politique.

On lui confia donc successivement, en application de la résolution 1973 des Nations-Unie, une mission d'embargo naval (à partir de l'opération Active Endeavour de lutte contre le terrorisme en Méditerranée, mais aussi du 2ème groupe naval permanent de l'OTAN -SNMG-, celui de la Méditerranée ), puis la mission d'interdiction aérienne (connue sous le nom de no-fly zone), pour enfin, tardivement, le 22 mars, lui confier le principe de la coordination de l'ensemble des opérations militaires, et notamment des frappes contre les troupes kadhafiennes.

NB : On lira également ces deux billets intéressants

(à suivre)

O. Kempf

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