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Obama et le fog of war

Vous avez suivi, comme moi, la polémique de la semaine sur la communication de la Maison Blanche autour de la mort de Ben Laden. Photo, pas photo, pipeau, pas pipeau, .... Du coup, le porte-parole de la MB a expliqué les contradictions successives dans ce qui a été donné au public comme étant le résultat du "fog of war"

source

Vous qui êtes des Clausewitziens avertis, vous avez immédiatement compris l'allusion à Clausewitz et à son fameux "brouillard de la guerre". Il faut croire que la plupart des autres commentateurs ne le connaissent pas, si j'en crois ce que je lis chez les Anglo-saxons et, plus drôle encore, les Français : on nous assène du "brouillard de guerre" ou "confusion de la guerre" à la place de ce qui n'est qu'une citation évidente de notre grand maître Carl von C. Mais on peut faire d'autres commentaires.

1/ Tout d'abord pour dire que finalement, ces contradictions sont rassurantes et justifient qu'il n'y a pas complot : y aurait-il eu complot, l'affaire aurait été préparée soigneusement avec un discours super policé..... les erreurs sont finalement rassurantes.

2/ Ensuite, il faut bien constater qu'il n'y a probablement pas eu de "brouillard de la guerre", au sens où on l'entend habituellement : il n'est qu'à penser à la photo montrée et remontrée de l’équipe regardant l'opération en direct... Si on part du principe que cette photo est vraie (et je le crois), cela prouve qu'il y avait justement,pour cette opération, une vision exacte de ce qui se passait en temps réel.

3/ Après, on peut évidement penser que l'opération a peut-être rencontré des difficultés non-planifiées; on lira ce billet de Charles Bwele. Le brouillard de la guerre, en l’occurrence, serait la distance entre ce qu'on a planifié, et l'exécution.

4/ Mais la vraie nouveauté, me semble-t-il, est celle de la maîtrise de la communication. Non des communications (ce qu'on appelait autrefois les transmissions et qui permettent, justement, de lever en partie le brouillard de la guerre) ; mais la communication, celle des médias. Là est au fond l'innovation : il ne s'agit pas d'un plantage (cf. ce billet, de Mars Attaque, et ce billet où je signalais un autre analyse) mais au contraire, de la volonté de maîtriser la diffusion des images.

5/ La non-diffusion des images de l'assaut ou de la mort de Ben Laden est le moyen de démontrer la plus grande maîtrise de la communication. Au fond, en laissant "les médias" dans le brouillard, on utilise sa propre domination ; en diffusant des extraits des vidéos saisies à Abbotabad, on démontre d'une part le ridicule de Ben Laden, mais aussi qu'on est réellement allé là-bas.

6 C'est pourquoi le porte-parole de la Maison Blanche avait raison d'évoquer le brouillard de la guerre". Mais alors que chez Clausewitz, c'était un inconvénient, c'est dorénavant un avantage ; alors que le maître ne parlait que des opérations militaires, le nouvel art de la guerre instrumente ce brouillard dans les opérations "other than war"

Voilà ce qu'annonce, réellement, le débat sur cette "communication". Il y a bien brouillard de la guerre....

Olivier Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 8 mai 2011, 20:17 par

Très bien vu, Compagnon !-) Par ailleurs, je me suis demandé si cette avalanche d'informations contradictoires (la Maison Blanche dit X, la CIA affirme Y, le Pentagone déclare Z, etc) n'était pas précisément une forme sophistiquée, faussement chaotique de désinformation, précisément héritée des deux guerres du Golfe"...
égéa : ça, c'est l'étape suivante, l'ami... Ce serait uen première, à vrai dire : le spin doctor 2.0 ?

2. Le dimanche 8 mai 2011, 20:17 par Christophe Richard

Bonjour,
Le fameux brouillard de la guerre, dans le domaine de la communication stratégique s'apparente d'avantage à un brouhaha. L'enjeu de savoir le dominer est celui de la guerre du sens.
Sinon, je suis d'accord avec vous quant à la maîtrise des américains qui instrumentalisent le "brouillard" à des fins "pédagogiques". La guerre est la guerre, tragique et nécéssaire.
Invoquer Clausewitz et la dure réalité de la guerre ne fait que conforter le bien fondé de l'opération, ce qui reste le fond du problème de la guerre du sens.
Bien cordialement.

3. Le dimanche 8 mai 2011, 20:17 par Teddy

le brouillard de la guerre telque explicite par l'oncle carl est une consequence de l'incertitude informationelle. le manque de renseignement precis accule le decideur d'agir en se resignant a un pourcentage ou une probabilite de reussite d'ou le choix des hypotheses en fonction des risques a accepter. par ailleurs, le cas Bin Laden est le fruit d'une operation speciale. la precision du renseignement en est un prealable. ce genre d'operation est planifie dans les details jusqu'a la strategie de sortie et de communication operationelle. il en decoule que les chances d'informations contradictoires sont tres faibles ...d'ou desinformation plutot que brouillard.

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