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Guerre = 1000 morts ?

L'autre jour, nous écoutions Stéphane Rosière. Ils nous expliquait ceci :

source

si on observe les frontières de "l’Occident", en assimilant l'Occident à Europe + États-Unis, alors on compte plus de 1000 morts par an à l'occasion des passages des frontières, et notamment des frontières clôturées.

1/ La conclusion est claire : sachant que le seuil de 1000 morts par an est celui habituellement retenu pour définir une "guerre", alors ces frontières sont le champ de bataille d'une vraie "guerre".

2/ Je me suis attaché à trouver la référence de ce calcul, et la voici, je crois : Singer, J. David, and Melvin Small. 1993. The Correlates of War Project: International and Civil War Data, 1816-1992. Computer file. Ann Arbor: University of Michigan. Criteria: See source reference number 3 above, except that the criteria for "Extra-systemic" wars has been changed from "1000 annual average battle deaths per year" to "1000 battle deaths total for all participating interstate system members and the troop commitment criterion." (voir ici) (référence de l'article ici).

3/ Cela clarifie beaucoup de choses, notamment au regard de l'inflation du mot "guerre" dont on a déjà parlé : nom, il n'y a pas de guerre économique, de guerre contre la délinquance, de cyberguerre...... La guerre, la vraie, celle qui tue (surtout à la frontière américano-mexicaine) elle est ailleurs.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 11 mai 2011, 22:28 par yves cadiou

Quel que soit le nombre-seuil, pour pouvoir parler de guerre il faudrait que ces morts soient volontairement infligées : dans le cas des barrages aux frontières, il s’agit de morts accidentelles. Du moins on espère que ce sont des accidents : sinon il s’agirait d’assassinats.

Par conséquent il faut être extrêmement méfiant envers cette proposition : « sachant que le seuil de 1000 morts par an est celui habituellement retenu pour définir une "guerre", alors ces frontières sont le champ de bataille d'une vraie "guerre" ». Méfiance parce que c’est un glissement du droit dont la suite ne serait pas anodine. En continuant le raisonnement ce serait logiquement : « à partir de 1000 morts c’est une guerre, par conséquent ce n’est plus de l’assassinat, shoot ‘em all ! »

Peut-être un jour (tout est possible même ce qui est aujourd’hui inimaginable) arrivera-t-on à une telle situation où l’on défendrait le territoire par les armes contre une invasion non-violente mais qui mettrait en cause "les intérêts supérieurs de la nation". Dans ce cas il faudra que ce soit dans une situation juridique claire, définie par un gouvernement disposant d’une légitimité démocratique incontestable, et non par un glissement progressif allant d’abus de langage en abus de langage successifs.

En outre il faut observer que ce nombre de 1000 n’est fondé sur rien. C’est seulement un chiffre rond, ce qui confirme le doute sur la rigueur du raisonnement : jusqu’à 999 victimes on n’est pas en guerre, mais avec une de plus on y est.

Nous voilà pris entre l’inflation du mot guerre et une tentative de détournement de ce même mot. L’abus de langage prépare ou entérine souvent un abus de droit, on l’a vu encore récemment : « Justice has been done ».

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La question et la gestion de l’immigration et des multiples problèmes qu’elle pose ne sont certes pas à minimiser ni à négliger, ne serait-ce qu’à cause des déséquilibres créés dans les pays de départ, de transit et d’arrivée. C’est un phénomène lié à notre époque où les communications ont atteint une efficacité sans précédent.

Une erreur majeure serait de ne pas accepter d’examiner le phénomène, comme ce fut le cas en France dans les années soixante-dix où le sujet était tabou dans le débat politique. Mais parler de guerre à ce sujet, c’est fausser le problème et c’est ouvrir la voie à de nouvelles mauvaises solutions, pires sans doute que celles qui jusqu’à présent échouent toutes plus ou moins.

Sur l’immigration j’ai trouvé ceci, qui m’a semblé intéressant http://www.bernardgirard.com/clande...

2. Le mercredi 11 mai 2011, 22:28 par yves cadiou

Je reviens sur cette question de migrations parce qu’elle est fondamentale, c’est-à-dire fondatrice du monde futur.

Les migrations, somme toute, sont l’aspect actuel d’un phénomène éternel autrefois nommé chez nous « exode rural » : il a connu une accélération il y a un siècle ou deux avec l’industrialisation et il en connaît une autre de nos jours tant à cause des progrès des moyens de communication que de l’effacement des frontières. Mais le phénomène existait déjà à l’époque médiévale et inquiétait vraisemblablement déjà. Les enceintes successives que montre le plan des grandes villes en portent témoignage.

Aujourd’hui les migrants ne sont plus des paysans qui montent à la ville ni des provinciaux qui convergent vers Paris mais ils en sont les successeurs. L’exode rural n’a jamais été une guerre, même s’il a parfois suscité l’émotion des habitants de la ville fortifiée (le « Burg » habité par les « bourgeois ») un peu inquiets de voir une populace de plus en plus nombreuse s’installer autour des fortifs (la banlieue, en attendant que l’on construise de nouvelles fortifs entourant une zone plus vaste).

Les habitants de la campagne, las d’être isolés et victimes des bandes pillardes, montaient vers la ville aux abords de laquelle ils espéraient trouver un peu de sécurité (aujourd’hui on les nommerait « réfugiés politiques »). Installés à l’extérieur des murailles, ils y étaient admis le temps d’offrir les services dont les bourgeois avaient besoin : porteurs d’eau, porteurs de bois, ramoneurs, domestiques, ravaudeurs, rempailleurs, messagers… Rien de très différent de nos banlieues actuelles, finalement : il suffit de voir comment nos réseaux de transport amènent chaque matin des foules de travailleurs de la périphérie vers le centre et les remmènent chaque soir. Bien évidemment à l’époque médiévale les nouveaux venus concurrençaient ceux qui étaient déjà sur place de longue date, qui fournissaient déjà les mêmes services et qui ne comprenaient pas que la croissance de la ville générait une nouvelle clientèle et de nouveaux métiers.

Il y a évidemment toujours des gens du centre-ville, et des gens des anciennes banlieues devenues centre-ville, que l’évolution naturelle des choses perturbe et qui inventent des politiques pour enrayer l’évolution sans en voir les aspects positifs : j’ai souvenir qu’il y a un demi-siècle certains théoriciens et chroniqueurs préconisaient « le retour à la terre ». Il n’y a pas si longtemps ça s’appelait « aménagement du territoire ». Plus insidieusement on a lancé des slogans comme « nous voulons travailler au pays » pour qu’ils soient répétés et appris, évoquant le plaisir d’aller à pied traire les chèvres sous le cagnard ou dans la poussière comme au bon vieux temps plutôt que d’aller en voiture au supermarché climatisé : ces slogans ont été traduits dans plusieurs langues locales mais n’ont pas tenu dans la durée. C’est toujours la même idée à laquelle ne croient pas eux-mêmes les gens du centre-ville qui la lancent : l’idée c’est « repartez d’où vous venez ».

L’immigration n’est certes pas une guerre, c’est une nouvelle forme de l'exode rural qu'on a toujours connu, mais cette fois à l’échelle planétaire à cause des progrès des moyens de communication.
Il faut en prendre acte et la gérer positivement sans développer le complexe obsidional qui a toujours fait recette mais n'a jamais mené à rien.
égéa : oui à ce que vous dites.

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