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Leçons stratégiques sur l'Afghanistan

Voici un compte-rendu de conférence absolument passionant. A lire d'urgence.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 27 mai 2011, 08:39 par yves cadiou

Passionnant oui, et brillant. Extrait de la présentation faite par le Monde : « la mâchoire carrée, la parole concise et le verbe percutant ». La concision rend donc inutile un résumé qui serait nécessairement moins brillant. Le journaliste ajoute : « fait suffisamment rare pour être souligné : son intervention, retranscrite ici en intégralité, fut littéralement acclamée ».

Pour l’anecdote il faut savourer ce qui peut s’interpréter comme une réponse, discrète et d’apparence anodine, de Vincent Desportes au blâme que le ministre a cru bon de lui infliger naguère. Sans sortir du sujet, il rappelle qu’Hervé Morin affirmait en octobre dernier : « L’Europe est devenue un protectorat des Etats-Unis ». Cette déclaration était un constat d’échec alors que le ministre lui-même n’avait rien fait quand il avait l’opportunité d’améliorer notre indépendance. Ce simple rappel disqualifie le politicien. C’est bien joué, Mon Général.

2. Le vendredi 27 mai 2011, 08:39 par

Cette fois-ci, le général Desportes ne risque pas grand-chose, on s'en souvient, il avait été gentiment désavoué par le Ministre de la défense Hervé Morin en 2010 alors qu’il était patron du CID, aujourd’hui il est libéré d’un certain devoir de réserve. Cependant son point de vue par certains côtés frisent un anti-américanisme, qui venant de sa part ne peut être primaire, cependant étayé par une position un peu franchouillarde, qui consiste à dire: Les Américains nous considèrent comme étant des supplétifs, sans proposer de réelles solutions pour faire en sorte que nous soyons sinon leur égal, au moins des partenaires respectés..

Cela passe d’abord par notre présence plus affirmée au sein de l’échiquier mondial et par un souci de prise de responsabilités dans et avec une Europe cohérente et solidaire. Une adéquation entre notre volonté de s’affirmer et les moyens réels qui sont les nôtres. Alors que l’on constate d’année en année une diminution des ressources allouées à la défense et au rayonnement de la France dans le monde.

Du coup, il y a une certaine contradiction en n’appuyant pas franchement notre intervention en Libye comme leader, tout en dénonçant l’impérialisme des américains ailleurs. Il faut savoir ce que l’on veut et l’idée de Clausewitz, ne change rien à l’affaire, « Dès que vous avez créé la guerre, la guerre devient un sujet et non pas un objet, les événements finissant par avoir leur dynamique propre » Encore un truisme, en effet, la guerre serait plus simple si on se contentait de la faire avec la complicité de l’adversaire ou mieux encore de manière virtuelle sur Janus. La prise de risque est consubtantielle à l'action, y compris dans celle d'avoir un avis différent des autres.

égéa : oui, je suis d'accord : 4.000 Français en Afghanistan, soit 2,5 % de l'effectif : pourquoi voulez vous que les Américains nous consultent ? Halte au rêve de l'influence à la Foch, en 1918.... De même, pour la Libye, je partage votre sentiment : c'est à notre portée, et nous prenons les risques (en espérant 1/ Gagner 2/ tirer les bénéfices : fable du chat et des marrons du feu... : ne les tirons pas pour les autres, et ayons donc une stratégie de "post crise")

3. Le vendredi 27 mai 2011, 08:39 par RB

Il me semble que Clausewitz faisait figurer le Peuple dans sa Trinité.
Hors, nous sommes maintenant en guerre en Afghanistan depuis de nombreuses années, sans que cela n’ai jamais donné lieu au moindre débat à l’Assemblée Nationale.
Concernant notre seul pays, est-il donc exagéré de penser qu’avec trop peu d’hommes et de matériels pour atteindre les objectifs (de la guerre) et en l’absence de soutien de l’opinion publique, le sang versé est disons… gaspillé ?

4. Le vendredi 27 mai 2011, 08:39 par Jean-Pierre Gambotti

Mon admiration pour le général Desportes m’oblige à la sincérité, aussi n’ai-je aucune réticence à formuler quelques critiques sur son appréciation de la "guerre américaine" en Afghanistan.
En préalable je voudrais appeler l’attention des contempteurs de "l’Empire" sur le fait que malgré notre expertise de soldat nous n’aurons sur la stratégie alliée en Afghanistan que le regard du "spectateur éloigné", tant que la documentation opérationnelle, je veux dire les Plans de campagne et autres Ordres d’opérations, nous restera inconnue. "La mâchoire carrée, la parole concise et le verbe percutant", sont certainement des qualités essentielles pour être plébiscité à l’occasion des conférences de l’IRIS, mais pour ma part je suggérerais de faire présenter le bilan de cette guerre, à son issue, par un exégète de base mais intervenant averti, fut-il moins charismatique et emblématique que le général Desportes.
Se référer à Clausewitz pour traiter de cette guerre me convient tout à fait, à condition de considérer le Clausewitz appliqué à la méthodologie de l’action et non pas le philosophe de l’art de la guerre dont la pensée souvent absconse peut servir de support à toutes les démonstrations.
Ainsi, s’il est vrai que la guerre tente d’avoir une vie propre, le stratège doit justement éviter que "les événements ne le conduisent là où il n’a pas prévu d’aller". Et puisque penser la guerre consiste à imaginer comment conduire l’action, le changement de nature de la guerre n’est pas le simple produit d’une dérive subie de l’action, mais la maîtrise volontaire de la contingence et la définition réfléchie de nouveaux objectifs. Aucun commandant-en- chef n’approuverait un plan de campagne qui traiterait de la tactique immédiate sans l’existence, au moins, d’un état final recherché de niveau stratégique, Clausewitz lui-même ayant considéré qu’une guerre longue peut nécessiter plusieurs EFR successifs. Et cette guerre d’Afghanistan par ses causes et sa nature tout à fait insolites, sa trinité singulière, ne peut pas être un événement linéaire, mais une espèce de caméléon un peu fou dont le caractère irrationnel, versatile, peu prévisible, provient, me semble-t-il, de la part prépondérante de la population au titre "d’impulsion naturelle aveugle" dans le phénomène trinitaire, aux dépens de "la libre activité de l’âme", le commandant et son armée, et de "l’entendement pur", le gouvernement.
En ce qui concerne le centre de gravité de l’adversaire, la quatrième idée du général Desportes, je crains de devoir être aussi en désaccord. A mon sens, sauf à être dans le déni de Clausewitz, même le stratège imaginativement le plus limité ne raisonnerait pas la guerre, cette confrontation de deux centres de gravité, en déterminant un mode opératoire rendant irréalisable cette confrontation ! En fait le général Desportes accepte, sans le critiquer, les zones tribales pakistanaises comme centre de gravité adverse, alors que d’évidence, c’est la capacité de l’adversaire à utiliser ces zones tribales qui lui confère toute sa puissance et qui est le vrai centre de gravité. Notons qu’interdire le libre accès des zones tribales en portant l’effort sur la capacité manœuvrière de l’ennemi est bien dans les possibilités des forces alliées et que ce centre de gravité, ce faisant, est dans les limites politiques de la coalition. De surcroît je rappellerais que la bataille décisive se mène toujours sur les vulnérabilités du centre de gravité adverse et non pas sur le centre de gravité lui-même, ce qui rend encore un peu plus fragile cette idée du général Desportes.
Pour poursuivre dans la voie d’une utilisation déflatée de la pensée clausewitzienne, je voudrais ajouter que si c’est toujours avec son adversaire que l’on fait la paix, cinquième idée du général Desportes, Clausewitz d’évidence a toujours pensé que c’était avec un ennemi …défait ! "Tant que je n’ai pas abattu l’adversaire, je peux craindre qu’il m’abatte".

De même la sixième idée, la prépondérance du stratégique sur le tactique et cette image critique "du micro management du champ de bataille", semble aller à l’encontre de l’approche clausewitzienne de la stratégie et de la tactique dans la guerre. Citons Clausewitz : "La guerre consiste en une combinaison multiples de combats particuliers"..., "A la guerre le plus important reste de vaincre son adversaire dans le combat"…"La stratégie est la combinaison des différents combats qui composent la guerre en vue d’atteindre le but de la campagne et celui de la guerre". Ainsi, je crois, contrairement au général Desportes, que la "martingale" en Afghanistan est d’abord et irréductiblement d’ordre tactique et que la coalition devra se résoudre à faire une bonne stratégie avec "une accumulation de bonnes tactiques" !
Je n’ai aucune expertise pour formuler la moindre remarque sur la conclusion du général Desportes, que le confit afghan soit une guerre américaine ou que l’Europe puissance s’effondre sous ses propres incapacités, me semblent malheureusement des truismes… qui ont de l’avenir.
Pour revenir sur l’Afghanistan et plus généralement sur le traitement médiatique des guerres contemporaines, souhaitons que le général Desportes sera plus fréquemment invité dans les émissions de grande audience, afin de dispenser une parole éclairée sur un sujet présentement monopolisé par des experts militaires approximatifs -pardon pour l'oxymore- mais excellents squatteurs de plateau.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

égéa : pour la dernière phrase, vous voulez parler des experts "de la chose militaire" car on entend rarement des "militaires experts" proprement dits. Pour le reste, très belle argumentation.

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