Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Palestine et mouvement

Ce qui se passe actuellement au Proche Orient (mandataire, disait-on il y a des lustres...) montre un curieux contraste : entre une Palestine qui, de façon de plus en plus visible, a choisi la voie du mouvement : et Israël qui, de façon encore plus aveuglante, a choisi la voie de l'immobilisme. Offensive contre défensive ? stratégiquement, incontestablement, même si militairement ce n'est pas le cas.

source

Attardons nous sur la Palestine, puisqu'Israël fera l'objet d'un prochain billet.

1/ Plusieurs facteurs motivent la mise en mouvement palestinienne : et ils viennent pour certains de plus loin que le récent printemps arabe, même si celui-ci met les choses en grand relief.

2/ Tout d'abord, la séparation entre le Hamas et le Fatah a, d’une certaine façon, levé une hypothèque : ni l'un ni l'autre ne peuvent, à eux seuls, constituer la solution au problème palestinien. Le constat n'est pas encore partagé publiquement, mais chaque partie l'admet : il faut transiger, et avec l'autre ; l'autre n'étant pas, en l'espèce, Israël, mais l'autre partie palestinienne.

3/ Ensuite, la voie économique, "apolitique", du premier ministre Salam Fayyad : sa stratégie d'organiser un développement économique tout en s'abstenant de toute déclaration politique, afin de donner un soubassement aux prétentions palestiniennes (en réduisant l’écart de richesse avec les Palestiniens), constitue une réussite : on pourra dire que les fondements en sont artificiels, et recouvrent sur une pyramide de crédits à la Ponzi... Mais si on regarde bien du côté du Japon, des États-Unis, de la Grèce ou de l'Irlande, on se dit que ce reproche pourrait être largement partagé par d'autres.... La formule de Guizot( "enrichissez vous") reprend de la signification politique, prêt de deux siècles après avoir été prononcée pour la première fois.

4/ Cependant, le printemps arabe constitue une réelle nouveauté. Tout d'abord du côté égyptien. En effet, on sent bien que le nouveau pouvoir égyptien ne veut certes pas dénouer l'alliance avec Israël, mais cherche à regagner une certaine popularité intérieure en rafraichissant un peu les négociations avec le voisin israélien. Du coup, en allégeant la pression sur la frontière avec la bande de Gaza, en permettant donc au Hamas (lié aux frères musulmans égyptiens) de respirer, il allège la pression dans la bande.... et enseigne au Hamas que l'islam n'est pas apparu comme une solution politique évidente aux millions d’Égyptiens.

5/ On reviendra ultérieurement (dans un autre billet) sur les répercussions dans les autres pays de la région. Mais la rue palestinienne, dans les territoires occupés, s'est mise à manifester et à réclamer, elle aussi, des changements. En clair, la stratégie suivie jusqu'à présent par l'autorité palestinienne (l'AP) ne convenait plus. Autrement dit encore, la poursuite de négociations apparaissait comme une impasse.

6/ J'avais évoqué le chantage du président de l'AP, Mahmoud Abbas, qui affirmait vouloir démissionner pour ne plus jouer "l'idiot utile". Cela s'était avéré vain, car déphasé. Mais un chantage de même sorte apparaît désormais comme possible. Pour cela, il faut tout d'abord se "réconcilier" avec le Hamas. Certes, les haines sont très profondes. Mais l'important est de "montrer" (les temps sont médiatiques, n'est-il pas?) une réconciliation, surtout quand elle vise à incarner le mouvement.

7/ Car ce mouvement, c'est de mettre enfin quelque chose dans la balance des négociations : la demande de reconnaissance de l'AP comme État souverain à l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre prochain. La chose paraît acquise, et surtout elle sera soutenue symboliquement non seulement par des pays émergents ou du tiers-monde, mais aussi par de nombreux pays européens. C'est bien sûr un fusil à un coup car une fois qu'il est tiré, so what ? Ce sera une défaite symbolique d’Israël, et les choses continueront comme avant.... Sauf que cette fois, Ce sera Israël négociant avec la Palestine indépendante, État certes tronqué, mais dont la troncature dépendra justement d'un autre Etat.

Pour dire d'un mot : En ce moment, L'AP choisit le mouvement (alors qu'Israël se cantonne à l'immobilité, ce qu'on verra dans un prochain billet). Certes, ce mouvement n'a pas forcément de grandes perspectives : il est hasardeux, pour tout dire. Mais il est politique, il est en phase avec les événements du reste de la région, il permet à l'AP de prendre l'initiative.... en espérant que les choses se débloquent. Comme au judo, une contorsion permet parfois de se dégager d'une clef de bras solidement tenue....

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 6 juin 2011, 21:43 par

Je suis dans l'ensemble d'accord avec vos arguments, mais toutefois, je trouve qu'il y a des failles.

La mise en mouvement palestinienne résulte des révoltes dans les pays arabes. Sans elles, ni l'AP ni le Hamas n'auraient choisi de signer un accord de réconciliation, dont l'issue reste encore incertaine (souvenons-nous du précédent effort en la matière). Ce mouvement a été nécessité par le fait que 1. l'AP allait donner l'impression de faire du chichi sans résultat et que cela ne pouvait plus passer dans une période où la révolte était dans les têtes de tout le monde ; 2. le Hamas se retrouvait de plus en plus isolé, car l'immobilisme et le refus de négociation ne tenaient plus - la Syrie étant très affaiblie et l'Iran ayant d'autres soucis à régler.

En outre, le "fayyadisme" n'est absolument pas "apolitique". Il est au contraire très politique. Il met en avant deux idées principales. La première est que l'Etat palestinien peut se construire sans s'opposer à Israël (refus de la "résistance" armée). La seconde est qu'en développant l'économie palestinienne, l'Etat palestinien deviendra une réalité politique incontestable. Rien d'apolitique dans ce projet.

Autre chose importante. La résolution devant l'AG de l'ONU va poser un problème pour le Hamas. Il semble qu'Abbas ait réussi à obtenir une bonne majorité des Etats-membres. Si cette résolution passe, cela signifie que le Hamas devra reconnaître Israël... c'est symbolique certes, mais pour le moment, le groupe est discret à cet égard.

2. Le lundi 6 juin 2011, 21:43 par Midship

Sur votre point #3 :

S'agit-il d'une sorte de rousseauisme poussé à l'extrême, selon lequel la contractualisation fait sortir de la violence que la première confrontation a créée ? "Le commerce plutôt que la politique", c'est éclairant quand on sait que pour beaucoup de nos contemporains, l'économie est le seul lieu, la seule raison d'être même, du politique. Idée qu'ici personne, je pense, ne partage, mais qui est très répandue.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1047

Fil des commentaires de ce billet