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Le retrait n'est plus tabou

L'article paru dans le Monde ce soir ("L'armée française va quitter le district de Saroubi. Entre 5 % et 10 % des soldats rentreraient en France. La France modifiera, dès septembre, les termes de son engagement en Afghanistan et y amorcera le retrait de ses troupes") confirme ce qu'on avait entr'aperçu il y a quelques semaines :

source

la question du retrait français d’Afghanistan n'est plus taboue.

La question du retrait d'Afghanistan était dans les esprits de beaucoup depuis maintenant des mois. Mais en France, nul assentiment officiel ne venait confirmer qu'on y pensait. Or, ce retrait ne cesse d'occuper les esprits, en France et à l'étranger, et depuis maintenant plusieurs mois. En fait, tout commence lorsque le président Obama annonce l'envoi des renforts en Afghanistan, pour aussitôt préciser que les militaires Américains débuteront leur retrait à partir de 2011.

Ceci explique les déclarations tonitruantes du président Karzaï : la perspective du départ américain l'oblige à trouver une légitimité politique interne, et donc à ne plus apparaître comme le représentant de l'étranger : il doit donc se présenter comme le résistant en chef, celui qui défend l'intérêt du pays contre l'envahisseur, même si celui-ci constitue le principal soutien de son pouvoir.

Il reste que la question du retrait dépend du transfert de responsabilité progressif des régions afghanes aux forces de sécurité du pays. Les officiels alliés expliquent que si le retrait aura lieu comme prévu d'ici 2014, cela ne signifie pas pour autant la fin de la présence en Afghanistan. Le secrétaire général de l'Alliance, Anders Fogh Rasmussen, écrit ainsi : « Une fois que le transfert aura été réalisé dans une région, nos forces feront moins et les forces afghanes feront davantage. Les Afghans prendront les commandes, tandis que notre rôle évoluera progressivement. Mais je veux être tout à fait clair : nous ne sommes pas en route vers la sortie. L'OTAN a conclu avec l'Afghanistan un partenariat durable qui va bien au-delà de 2014. Et nos forces devront toujours entraîner davantage de recrues, et assumer un rôle de mentorat auprès des Afghans à mesure qu'ils trouveront leurs marques » (voir A. F. Rasmussen, « Les Afghans aux commandes », Le Monde, 22 avril 2011).

La date du retrait commence peu à peu à être repoussée : on évoque 2014 ou 2016, voire 2020 . Ces débats de spécialistes sont subitement accélérés par la mort de Ben Laden. Car cela fait plusieurs semaines qu'on constate une stabilisation opérationnelle : la mort de Ben Laden ravive la tentation du retrait. Les Américains, les premiers, en juin ou en juillet, devraient annoncer les premiers retraits : il ne faut pas oublier que l'année électorale s'ouvre, et que le président Obama a besoin de montrer qu'il tient ses engagements. Mais bien des pays alliés devraient l'imiter : qu'ils soient fondamentalement sceptiques sur le sens de cette mission (sans jamais l'avouer), ou que des raisons budgétaires ou politiques les y amène (puisque les opinions publiques soutiennent peu les opérations en Afghanistan). Ainsi, le Canada devrait alléger son dispositif dès cet été, et la Pologne faire de même l'an prochain.

La grande surprise a été que les autorités françaises l'évoquent également. Ainsi, Alain Juppé déclarait le 4 mai 2011 sur France 24 que le retrait des troupes françaises avant l'échéance prévue (en 2014, donc) était « une des options à laquelle il allait réfléchir » (Voir Le Figaro, 5 mai 2011). Cette annonce constituait certainement un test, une sorte de signal adressé à l'opinion publique pour commencer de préparer les esprits. Après tout, la France aussi entre en année électorale. Il ne faut toutefois pas aller trop vite en besogne : peut-être est-on arrivé à un apogée opérationnel ; peut-être, entre la mort de Ben Laden et le désir répété de M. Karzaï de voir partir les Occidentaux, ceux-ci vont-ils amorcer la décrue de leur présence. Toutefois, celle-ci sera certainement progressive, car ils ne peuvent laisser un pays en déroute, comme les Américains au Viet-Nam ou les Soviétiques à Kaboul. Toutefois, la montée en puissance de l'OTAN a duré réellement cinq ans, de 2006 à 2011 : il n'est plus hypothétique de penser que la décroissance devrait commencer dès cette année : mais elle sera longue. On n'a pas fini de parler de l'Afghanistan.

L'article de ce soir affirme que le transfert de la Surobi à l'ANA s'accompagnera d'un déplacement de troupes françaises vers la Kapisa, mais aussi du retour d'environ 200 soldats en France. M. Juppé a bien réfléchi à son option : et il l'a choisie.....

En France, la question du retrait n'est plus taboue....

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 7 juin 2011, 21:22 par

Un tabou (parmi d'autres) qui tombe dont on ne peut que se réjouir.

Dès les prochaines relèves de GTIA (d'ici 4 mois pour l'un des deux), il sera possible de mesurer la concrétisation ou non de ces décisions politiques.

Et cela, malgré le fait que que depuis plusieurs mois (années?), le nombre de militaires déployés est au cœur d'un délicat numéro d’équilibriste et de communication. Qui pense encore que le nombre de militaires déployés n'a jamais dépassé les 4000 comme annoncé?

En plus de ce nombre de militaires déployés, il sera très intéressant d'analyser leur composition relative entre GTIA et OMLT (auprès de l'armée afghane). Sans doute que la deuxième composante devrait nettement s'accroître afin de participer à cette "afghanisation". Du moins, cela serait logique au nom de la stratégie souhaitée.

égéa : oui. Marrant que ce billet n'attire pas plus de commentaires.....

2. Le mardi 7 juin 2011, 21:22 par yves cadiou

Je vais être un peu long, désolé, mais je me le permets parce que le lecteur, avantage de l’écrit sur l’oral, peut passer à la suite quand il veut.

Idée maîtresse : un déficit de démocratie est en voie de disparition.
Plan 2 x 2 : 1 c’était comme ça et ce ne l’est plus ; 2 à mesure que le déficit de démocratie prend fin, quelques embarras sont à prévoir dans la comm.

1
Que ce billet n’attire pas plus de commentaires résulte probablement de la conviction que, de toute façon, notre présence en Afghanistan ou notre retrait échappe au processus démocratique réel, est décidé sans nous, que nous sommes plus ou moins honnêtement informés des décisions prises et de quelques motifs mais que nous ne sommes pas consultés, même indirectement : on sait que nos représentants à l’Assemblée Nationale votent selon les consignes de leur parti et non selon l’opinion des citoyens qu’ils sont supposés représenter. Dans ces conditions, vos lecteurs ne voient guère l’utilité de participer à un débat qui n’existe, au mieux, que fictivement. L’Afghanistan aura eu chez nous l’utilité de mettre en évidence un déficit de démocratie : c’est un paradoxe alors que l’un des motifs avancés pour justifier notre présence dans ce pays qui nous indiffère, c’est précisément d’y instaurer la démocratie.

La « grande surprise » dont vous parlez n’en est pas vraiment une si l’on visite les sites des partis politiques français (recherche facile par thèmes grâce aux moteurs-de-recherche) : sur l’Afghanistan, comme d’ailleurs plus généralement sur notre politique étrangère et militaire, les partis politiques sont depuis longtemps discrets ou d’une platitude qui fait douter de leur capacité de réflexion.

Mais ces derniers temps un frémissement laisse supposer que l’approche, même lointaine, d’une consultation électorale qui promet d’être délicate les oblige à tenir un peu compte de l’opinion des électeurs. Les partis politiques regardent la Toile et voient que les questions de politique étrangère et militaire, avec parmi elles la question de l’Afghanistan, ne pourront pas être esquivées. Les questions militaires concernent trois millions d’électeurs, ce n’est pas négligeable. Voir par exemple ici : http://www.asafrance.fr/lettres-et-... Il faut compter aussi les citoyens qui s’intéressent à notre politique étrangère : plus d’un million et demi de français vivent à l’étranger, auxquels il faut ajouter les électeurs qui y ont des attaches (voir la densité des réseaux reliant la France à l’étranger). Par conséquent le personnel politique commence à capter l’aspect électoral de notre politique étrangère et militaire. De ce fait l’incertitude de l’élection de 2012 fait entrer l’idée du retrait d’Afghanistan dans les calculs électoraux et, vous avez raison, on n’a probablement pas fini d’en parler. J’ajoute sans vergogne : parce que parler permet de retarder la décision.

2
Dans la rédaction de votre billet l’abondance de « toutefois » traduit bien la quantité d’hésitations et de réticences qu’il faudra dépasser. On parlera de calendrier, de modalités, de coordination avec les alliés, de morale (on ne dira pas qu’elle est élastique), on parlera longuement de tout ça pendant que l’action concrète consistera à faire savoir que la France a retiré 200 hommes de tel ou tel secteur, en oubliant de préciser que ce n’est rien sur un effectif total de 3000 ou 4000.

Il reste un non-dit qui est d’importance : nous ne savons toujours pas pourquoi ce pays est supposé nous intéresser, du moins pourquoi il intéresse nos partis politiques. Dans les effets d’annonce, car aujourd’hui c’est un effet d’annonce nonobstant sa discrétion, il faut toujours être attentif à ce qui N’est PAS dit. Simultanément à l’annonce de la décision l’on devrait logiquement expliquer aux Français pourquoi notre présence n’est plus indispensable et en débattre à l’Assemblée : ainsi on saurait, a posteriori mais enfin on saurait, pourquoi jusqu’à maintenant notre présence était indispensable. On aimerait apprendre que la trinité qui a servi de justification à notre intervention (terrorisme / islam / obscurantisme) est un mensonge qui est enfin reconnu comme tel. A moins que l’on soit capable de nous prouver que cette trinité existait réellement (ça m’étonnerait) et que notre départ est devenu possible parce qu’elle s’est disjointe.

Du fait que notre présence en Afghanistan n’est pas valablement justifiée, l’énoncé des motifs du retrait sera intéressant pour les linguistes : ce sera la suite, et la fin on l’espère, d’une leçon de xylophonie qui dure depuis près de dix ans et qui a contribué à discréditer notre classe politique plus que l’inconduite réelle ou supposée de l’un ou l’autre.

3. Le mardi 7 juin 2011, 21:22 par oodbae

Bonjour,

répondant à Y.cadiou,

Je ne suis pas d'accord avec vous sur votre interprétation des évènements en cours et, si j'ai l'habitude de lire vos commentaires, je suis étonné de lire un copié-collé de n'importe quel article du "monde" ou du "nouvelObs" dans votre billet, ou même d'un blog quelconque d'un passionné de sciences nat.

Prenant par la fin, ce qui a justifié l'intervention en Afghanistan était la solidarité avec les USA, pays allié de la France attaqué sur son sol, membre de l'OTAN (euphémisme) attaqué sur son sol. Agir autrement aurait été désastreux, à tort ou à raison, pour notre diplomatie et notre politique, surtout envers nos alliés, à savoir les USA et les membres de l'UE et de l'OTAN. La campagne de francophobie après l'opposition à la guerre d'Irak l'a montré et de plus, quelle confiance inspirerions nous en laissant les USA áprès le 11.09 alors qu'eux sont venus à la rescousse si souvent au XXème (oui, je sais, c'était par intérêt et ils nous l'ont bien fait payer, etc, mais l'idéologie dominante "soldat Ryan gentil sauve pauvres francais" oblige à la simplification) .
En tout cas, c'est ainsi que je l'ai vécu en tant que citoyen. Et le maintien, voire le renfort , de nos forces en Afghanistan est justifié par, justement, cette solidarité et la fiabilité de notre engagement. Une guerre ne se gagne pas en une semaine. Le piétinement, la stagnation du conflit ne doivent pas entraîner immédiatement le retrait, ce serait trop facile.
Votre "trinité" est pour moi l'argument qui sert à convaincre la majorité des personnes qui ne veulent pas se battre pour la victoire, mais pour défendre un idéal, qui ont besoin de croire en une guerre sainte pour ne pas gêner les décideurs politiques qui doivent soutenir l'armée là-bas. Notez qu'on ne leur demande pas d'aller eux-mêmes au front, seulement de ne pas huer toute personnes qui parle de l'intervention sans fustiger notre présence.

D'ailleurs , l'islam ne fait partie de la trinité à la base de notre intervention. l'islamisme (intégriste) peut-être, mais l'islam, non.

Personnellement, je trouve dommage que l'on n'ait guère assumé cette raison simple de l'intervention en Afghanistan: la solidarité avec nos alliés. Un pour tous et tous pour un. Cela permettrait aujourd'hui de débattre du vrai sujet: Qu'avons nous gagné dans cette guerre? Rien, ou bien peu. Apparemment, les américains n'ont rien partagé, décident de tout et nous avons été, et sommes toujours, les "petits chienchiens" de l'US Army là-bas, alors que notre intervention aurait du servir à gagner de la reconnaissance. On n'a pas réussi à former une alliance européenne alors que cela aurait pu être envisageable, étant donné les poids en effectifs, sinon en responsabilités de l'Allemagne, de l'Italie, de la GB et de la France là-bas. Avons nous remporté des marchés de reconstruction? même pas. Avons-nous au moins actualisé nos tactiques et strategies de combat? je l'espère. Avons nous testé de nouveaux matériels de combat, tels les équipements FELIN? je l'espère.

Notre défaite, si il y a défaite, réside dans notre soumission aux américains et notre division entre européens que ces dix années de conflit n'ont apparemment pas entamées. Nous sommes aux USA dans la guerre d'Afghanistan ce que l'Italie fut à l'Entente à la fin de la 1ère guerre mondiale: une quantité négligeable.

Le reste, à savoir le terrorisme... l'obscurantisme..., on sait tous que c'est du vent médiatique. On pourrait rajouter le combat contre la malbouffe et les délocalisations, pendant qu'on y est.

4. Le mardi 7 juin 2011, 21:22 par oodbae

Bonjour

Au risque de passer pour un ignorant, j'aimerais demander
...
en quoi la participation de la France au conflit en Afghanistan a fait progresser la PESD (Politique Européenne de Sécurité et de Défense)?

Malgré la participation de l'Italie, de l'Allemagne, de la GB, de la France, tous quatre membres du G8,donc relativement indépendants, il semble que l'OTAN soit encore la seule entité châpeautant toute politique militaire européenne.

Merci d'avance pour vos commentaires

égéa : en Afghanistan, il y a un représentant de l'UE. Et non, il n'y a pas que l'Otan : pensez à Althéa ou à Atalante ou EUfor Tchad, on ne peut pas dire qu'il s'agisse là d'échec ni de choses négligeables. Mais en Afghanistan, il y a un leadership américain incontestable.

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