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Libération d'otages MAJ (1 & 2)

Ainsi donc "une bonne nouvelle" a bruissé toute la journée : non, ce n'est pas l'annonce de l'évangile, juste la libération de deux journalistes français.

source

1/ Je m'en réjouis, bien sûr. Car c'est effectivement "une bonne nouvelle", pour eux et pour leur famille.

2/ Il reste que je reste estomaqué par la vacarme médiatique qui s'est déroulé à cette occasion : un peu de vergogne, que diable. Je pense à tous nos petits gars qui tombent sous les balles, aux blessés (dont un tiers d'amputés), qui sont eux des vrais héros. Voilà ce qui est gênant : qu'on traite nos compatriotes comme des héros, et qu'on ignore les vrais héros. Qui sont discrets, cela va de soi.

3/ J'ai bien écouté le témoignage de ces deux hommes, ce soir, à la télé (et lu les très bons articles du Monde) : pas de doute, ce sont des honnêtes hommes, et je ne leur reproche pas le tintamarre dont ils ont été l'occasion. Mais il y a une vraie impudeur à cette émotion collective qui loue les puissants (entendez, les puissants médiatiques). Surtout quand ils assurent, tranquillement : "nous savions que nous ne risquions rien, que nous en sortirions". L'expérience a en effet parlé, et ils savaient que les otages, surtout journalistes, s'en sortent (même si le risque demeure toujours, latent).

4/ A la question du "risque mesuré", je reste quand même sur ma faim quand on affirme "nous avons mesuré le risque", surtout de la part de quelqu'un qui affirme vouloir "comprendre, aller au delà, savoir ce qui se passe au-delà du miroir" : intention louable, mais alors, on sait que le milieu de son travail est plein de chausses-trappes, infiltré, embrouillé, et qu'on est une cible. Si on ne le sait pas, on est inconscient. Si on le sait, alors....

5/ Saluons le très gros travail de la DGSE et des armées (et la coopération internationale) : bravo, vous méritez les éloges.

6/ Quelques considérations géopolitiques, maintenant, très brèves.

  • Rôle important de Karzaï, qui confirme les contacts qu'il a avec les "opposants".
  • complexité des réseaux : entre l'article du Monde et celui d'atlantico, il semble bien que ce soit la filière du Mollah Omar qui ait négocié. Ce n'est pas sans signification : cela pourra être utile pour le règlement politique qui se prépare : entre belligérants, Karaï, et Occidentaux : on a dû tester des configurations.
  • le moment intervient après l’annonce du retrait, ou plutôt des retraits : américains et français. Les cours de négociation allaient baisser, ce qui a incité probablement à la conclusion du marché.

7/ Il reste encore de otages : plus discrets, pas journalistes : je leur souhaite bonne chance, et espère le même moment d'émotion généralisée à leur libération. Et un hommage à tous ceux qui prennent des risques quotidiens, au vrai péril de leur vie. Et je me réjouis de la bonne nouvelle du jour : c'en est effectivement une.

MAJ 1 / Ce lien vers un autre coup de gueule. J'approuve !

MAJ 2 : entre alliés d'AGS, nous avons pas mal discuté de cette affaire. AGS publie le bon billet de Romain Mielcarek, blogueur et journaliste. A lire.... Car la parole est aussi à la défense.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par terhakys

Bonjour,

Tout comme vous, je me réjouis de la libération des 2 journalistes mais également je me pose des questions quand au battage médiatique à ce sujet.

Parmi toutes les phrases dites une m'a particulièrement dérangé, celle dite par un des 2 journalistes: " Ce n'est pas comme si nous étions partis escalader l'Everest en tongues." Franchement, C'est en Afghanistan qu'ils étaient. Leur assurance aussi d'être secouru. Est ce le devoir de nos soldats de s'occuper de personnes souhaitant voir "au delà du miroir" et prendre des risques pour eux ??

Je ne le pense pas, de plus nos forces armées ont perdues 63 soldats et cela ne fait que 30 secondes dans les journaux télévisés. Certains diront que c'est le risque du métier de soldat. Je ne suis pas d'accord.

La question que je me pose est la suivante: Devons nous quantifier ou à tout le moins mettre une échelle de valeur à l'importance de la vie humaine ? Un journaliste quelque soit la personne humaine qu'il représente est il plus "médiatique" et important que le soldat qui lui a intégré le risque de la mort dans sa vie.

La mort est la mort, le danger est le danger, peu importe le type de métier qui soit exercé par l'être humain qui le fait. Aussi, le traitement des risques encourus devrait être le même et ce n'est pas malheureusement pas le cas ici.

Être journaliste, n'est pas avoir reçu un blanc seing de la part de l'état, ni de la population sous prétexte de l'information du public. Ils étaient sur d'être secourus, bien mais à quel prix ? Aux prix d'autres vies humaines, a celui du risque politique, financier ou moral ?

Alors, oui ils sont libres, mais le constat est le suivant, il existe en France, même si ce n'est pas nouveau un "deux poids, deux mesures" qui me gène beaucoup. Et malheureusement comme très souvent, c'est le militaire qui en position défavorable la dedans.

2. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par yves cadiou

Le commentaire n°1 ci-dessus traduit assez bien le sentiment général qui se diffuse sur les mailing- lists des militaires et de leurs sympathisants. On ajoute fréquemment que, de plus, les deux imprudents avaient été avertis du risque par les autorités militaires françaises.

Ceci rejoint ce que oodbae écrivait sur ce blog en février dernier au sujet d’autres prises de risques individuelles dans des zones d’insécurité notoire hors du territoire national http://www.egeablog.net/dotclear/in... : « ce seraient précisément des cas où la nation pourrait dire: " débrouille toi" ».

3. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par Midship

Je reprends vos conclusions, en ajoutant qu'il est possible de penser que le second maître commando mort au combat ait été tué en soutien, d'une manière ou d'une autre, à cette affaire. D'autres collègues blessés.

Je me permets de voir une approche technique, au risque d'enfoncer des portes ouvertes:
- Hier, c'est France 3 qui a majoritairement fourni des images. C'est simple, les caméras, ils les ont, et les antennes aussi. Ce qui les touche directement passe donc à l'écran, et c'est normal, si ce n'est légitime.
- le feuilleton du retour s'est passé en journée, là où rien d'autre d'extraordinaire ne venait y faire de l'ombre (tirer sur la veste du président n'y change rien)
- Les autres chaînes, notamment les chaînes d'info en continu (BFM & Itélé) reprennent donc immédiatement les flux vidéos, et commentent en direct, avec force bandeaux défilant... c'est leur fond de commerce, leur raison d'être.
- Or une fois qu'une info tourne en boucle sur BFMTV, elle ne peut pas ne pas faire la une des autres médias. C'est grâce à l'accessibilité du flux sur internet, grâce aux passages diffusés par Dailymotion, ... une grande TV ne peut que surmédiatiser l'info par la suite.
- De même, ce qui a été très médiatisé, c'est l'absence. Les évènements qui ont été organisés, les portraits, ... Quand vous avez une tête en 5m sur 8 sur votre mairie pendant un an, forcément, ça marque. Ce qui s'est passé hier était donc à la mesure.

A l'inverse, les militaires n'ont ni caméra ni antennes, ni meilleur ami journaliste, ni portrait sur les mairies (enfin, si on parle de français militaires de l'armée française). Du coup, personne n'est là pour fournir le flux, qui n'est donc pas repris en live, etc.

"Nous" (les milis et fana-milis) ne pouvons donc pas nous plaindre puisque "nous" (l'armée, l'EMA) ne diffuse pas de flux. Aucune image des blessés, des amputés, peu d'images de l'Afghanistan, beaucoup d'images d'archive, ... mais surtout pas d'image en direct des points-presse, pas d'interviews en direct des CEMs, pas d'images en direct du convoi de rapatriement de nos soldats tués.

C'est con, mais si la télé ne se regarde plus sur une télé, elle reste le point central. Si la Dicod se dote de moyens capables de diffuser en direct, depuis la métropole, un flux vidéo, et capte en direct par exemple une cérémonie militaire, un point presse, un convoi de retour du corps, alors certains médias les reprendront en direct, et les autres ne pourront faire autrement que d'y accorder de l'importance.
Liste d'achat, donc :
- un contrat de service avec une entreprise vidéo
- une contrat pour créer une vraie TV-Déf en direct sur internet (Dailymotion le fait avec le CNES par exemple pour les tirs d'Ariane)
- Une volonté de pédagogie et de communication du CEMA et des CEM.

Mettez une caméra sur les Champs Elysées pour le ravivage de la Flamme (de temps en temps seulement) et tous les jours à 18h vous aurez deux fois plus de monde. La même caméra présente pour accompagner le rappatriement des corps et il y aura plus de monde encore sur les champs la fois d'après. Le ministère doit ensuite mettre ces vidéos sur twitter, facebook, etc. Immédiatement !

Au début d'Ellamy, le MoD diffusait en moins de 24h les images optroniques de leurs bombardiers.
Les armées françaises n'ont un compte facebook que depuis quelques mois, et ne postent des vidéos que "travaillées". C'est plus pro, plus maîtrisé, mais c'est méconnaître la réalité du web : il faut du brut, du détail, du court, de l'actu. On y viendra !

4. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par terhakys

Je poste un deuxième commentaire à la suite de la lecture des autres messages.

Que l'armée soit en déficit de communication est un fait avéré, mais faut il lui en tenir rigueur ?? Le rôle premier de l'institution n'est pas la communication mais la défense de notre nation. Même si la communication en est une partie à ne pas négliger.

Sans être utopique, La France est d'après sa devise un pays d'égalité, chaque fronton administratif nous le rappelant. Le fait est que même si France 3 ou d'autres chaines ont un avantages puisqu'ils ont les moyens que c'est deux des leurs qui ont été enlevés, croyez vous que si l'armée avait mis autant de moyen, il n'y aurait pas eu de polémique quand aux dépenses engagées par les militaires. Propagande, patriotisme déplacé etc.

Pour mémoire M6 avait diffusé un reportage en Afghanistan, il presque 1 an. La société de production est dirigée par un ancien militaire et maintenant journaliste. Désolé, j'ai oublié son Nom. Il y a eu polémique sur du "copinage" et autres bêtises. Alors, franchement, voir les militaires dépenser de smillions en communications pour que de toute manière cela leur retournera sur le coin de la figure.

De plus, qui paye tout cela ? les agents, les intermédiaires etc ? France 3, hum vu la réaction du CEMA, il y a 1 an je doute fort. De plus, pour 2 personnes, le risque de tuer ou blesser des dizaines d'autres justes pour savoir comment se construit une route à 5000 km, je dis non.

Une fois de plus, le jeu en vaut il la chandelle ? Ne serait il pas plus simple de dire: ok, vous voulez informer, mais c'est à vous d'en prendre toutes les conséquences et les charges. Les journalistes qui veulent vraiment voir au delà de l'horizon, s'organiseront en conséquence, les autres resteront pour nous informer d'autres sujets moins dangereux.

Une fois de plus, le rapport coût/efficacité si je puis dire doit toujours être mis en balance. L'information vaut le risque de vie, de finance pour un public qui après tout ne s'y intéresse pas vraiment. Ce public a qui les chaines Tv préfèrent montrer de la télé-réalité que du reportage de terrain ou de l'histoire.

Je suis très intéressé par le fait militaire, et la géopolitique, la diplomatie etc. Je me considère comme un béotien. ET malgré ce fait, Me basant, ce mon entourage, ce que je vois et entends, je peux dire que 95% de nos compatriotes, n'ont aucune idée de quoi ont leur parle à propos de l'Afghanistan, de nos armées.

Aussi informé oui, mais pour qui et pour quoi ? pour quel but, si ce but est juste pour dire voila: tu sais maintenant alors que la personne en face, n'y prête aucun où prête qu'un intérêt minimal voire nul. Je ne crois pas que cela vaille le coût. D'autant plus que 24 heures après un autre évènement aura déjà chassé, le sujet de l'autoroute Kaboul Kunduz.

Une vie est une vie que ce soit un journaliste ou un soldat, mais le travail de mémoire et de reconnaissance doit être le même que l'on soit membre d'une chaine de Tv ou bien d'un régiment.

5. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par panou34

@Midship.Tout à fait d'accord avec vous sur le manque d'imagination de l'armée pour sa com.C'est d'autant plus surprenant que l'actuel CEMA est le fils d'un ancien PDG de l'AFP,de TF1 et de FR3.Comme quoi la génétique...
Ayant eu à fréquenter les journaleux quelques impressions:
-les accrédités défense à quelques exceptions(Patrick Bourrat par exemple pour évoquer son souvenir) se contentent le plus souvent des petits fours des états majors et trouvent la fréquentation des étoilés plus utile que celle de la soldatesque.Les mieux informés sont ceux qui tiennent un blog car ainsi ils se créent des réseaux de correspondants à tous niveaux même s'ils démentent.
-les "parachutés" pour quelques jours comme nos deux otages.Je reconnais leur débrouillardise car avoir la bonne liaison son et image n'est pas facile tout comme trouver le bon guide et interpréte.
-ceux qui ont besoin d'un visa pour entrer dans un pays.sans ce document c'est confiscation caméra, magnéto et ordi portable plus retour illico à la case départ.Inutile de dire que le pays concerné est attentif au reportage image, audio ou écrit diffusé...et qu'en cas de déviance le journaliste n'aura plus de visa à l'avenir avec les conséquences professionnelles que celà entraîne.A noter que les journalistes britanniques qui se retrouvent dans ces conditions particuliéres sont débriefés par qui de droit à Londres et peuvent confier ce qu'ils ont véritablement constatè sans auto-censure.Même si le web crée un village planétaire il n'en reste pas moins que la toile peut être facilement déchirée ou mise à profit pour intoxiquer et qu'il restera toujours des zones hermétiques à l'info grand public comme la Syrie,la Corée du Nord ou les Somalies.Plus prés de nous l'Algérie a été une sacrée terre incognita durant sa guerre civile...et pourtant elle est proche et les doubles nationaux ne manquent pas.
-et pourtant il existe une race de journalistes anonymes qui ne signent même pas leurs articles qui sont d'ailleurs des dépêches à savoir les correspondants des agences comme l'AFP et Reuters.Vivant longtemps dans le pays de leur résidence,en parlant la ou les langues,nouant des relations durables dans tous les milieux eux font un travail obscur que je respecte profondément et qui nourrit 80% de l'info des télés, radios et journaux.Les noms de ces tâcherons n'apparaissent que lorsqu'ils sont expulsés du pays de leur résidence...et c'est assez rare car alors naît un véritable probléme diplomatique bien plus profond que la libération d'otages.
Pour conclure on n'est pas prêt de voir un débat télévisé sur la déontologie du journaliste...car quel journaliste l'animerait?
@terhakys;le nom du reporter que vous cherchez est Burin des Rosiers ancien de l'ECPA qui l'envoyât couvrir l'opération Daguet notamment.Il sait se tenir dans les réceptions petits fours mais surtout il connaît la soldatesque.N'oublions pas qu'un de ses glorieux anciens à l'ECPA, SCHOENDORFER,fit un tabac aux US avec la section Anderson.....sans oublier la merveilleuse 317 eme section qu'on ferait bien de diffuser un 14 juillet.

6. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par Midship

@terhakys : En effet, il s'agit de Géraud Burin des Rosiers, société Ligne de front (http://www.lignedefront.com/equipe-...). Une polémique est née après que ce journaliste ait à la fois tourné et diffusé un reportage d'information présentant l'action de l'armée française en Afghanistan, et produit et réalisé les images de la campagne de recrutement de l'armée de terre. Je trouve, sans préjuger de la conclusion à apporter, qu'il est sain que l'on puisse s'interroger sur ce genre de situation.

@panou34 : Je suis dérangé par l'utilisation très fréquente par certains militaires du terme "journaleux". Les journalistes sont, autant que les militaires et les profs, les piliers de notre système Républicain. C'est ce système que chacun des trois fait naître, protège et défend. Clairement, il peut arriver que leurs intérêts immédiats divergent, mais à long terme, c'est le même rôle que chacun détient.

J'avais été épargné par les mails que vous avez probablement tous reçu ces derniers temps jusqu'à ce vendredi. J'ai cru bon d'écrire ma réaction à la personne qui me l'a envoyé, que j'ai également publié sur facebook. Je le colle ci après en laissant le choix de l'usage à en faire au propriétaire des lieux.

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Depuis quelques temps circule un email (http://bit.ly/iU6bi2), qui ressort notamment depuis la libération, avant-hier, de nos concitoyens pris en otage en Afghanistan. Cet email attribue au général Roudeillac et à un certain Gérard Liebenguth des propos qu'ils n'ont jamais tenu (http://bit.ly/jSueHQ).

La création de ce faux, et plus encore sa reprise et sa circulation, m'amènent à penser que si ces propos n'ont pas été tenu par ces personnes, d'autres les pensent. C'est à ceux là que je veux répondre, et au premier rang desquels les militaires qui font circuler ce texte.

Peut-on décemment et à la fois se plaindre du manque de traitement médiatique de la situation en Afghanistan, protéger notre système démocratique, se battre pour lui, et vouloir refuser que des journalistes viennent, prennent des risques, cherchent, voient plus loin que ce que nous leur disons, vérifient par eux-même ?

Les journalistes ne sont pas des plaisanciers.

Quand une fille est violée, il est horrible d'entendre "elle portait une jupe, dans une cité, elle l'a bien cherché". N'oublions pas que ceux qui sont responsables de la captivité des journalistes, et donc de tous les nécessaires et douloureux efforts que le devoir à commandé aux militaires de consentir, sont les preneurs d'otages, et personne d'autre. Ce sont nos ennemis, et nous ferions mieux de vers eux diriger notre courroux, et de contre eux diriger nos efforts.

En tant que citoyens, nous avons besoin pour que vive notre démocratie que des journalistes puissent aller eux-même constater la situation autour de l'axe Vermont, sans forcément être embedded. Ils ont accepté les risques, ne se plaignent pas, ne demandent rien d'autre que de faire leur métier.
Les militaires, quelques soient le nombre de leurs galons ou étoiles, qui mélangeraient des procès d'intention, des considérations partisanes, des sous-entendus fallacieux et des contre-vérités pour jeter l’opprobre sur leurs compatriotes, ne sont pas dignes de leur rang.

Ce ne sont pourtant pas les ennemis qui manquent !

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7. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par Nono

"ceux qui ont besoin d'un visa pour entrer dans un pays.sans ce document c'est confiscation caméra, magnéto et ordi portable plus retour illico à la case départ.Inutile de dire que le pays concerné est attentif au reportage image, audio ou écrit diffusé...et qu'en cas de déviance le journaliste n'aura plus de visa à l'avenir avec les conséquences professionnelles que celà entraîne.A noter que les journalistes britanniques qui se retrouvent dans ces conditions particuliéres sont débriefés par qui de droit à Londres et peuvent confier ce qu'ils ont véritablement constatè sans auto-censure."

Sauf qu'en France, la quasi-totalité des journalistes considèrera comme inadmissible de collaborer d'une manière ou d'une autre avec les "services", et que ce serait une atteinte à leur indépendance..

8. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par yves cadiou

Vous avez dit « journaleux » ? Je prends la liberté de m’immiscer (en clair : je ramène ma science) dans l’échange entre Midship et panou34 parce que j’ai eu l’occasion de fréquenter des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions et des miennes. Ce n’était pas à l’étranger mais en France alors que je m’occupais de protection civile. J’ai rencontré deux genres de journalistes : les correspondants locaux et les envoyés spéciaux. Ils ne sont pas de la même planète.

Les premiers sont discrets, sérieux, sympas, efficaces : ils connaissent le terrain et la sociologie locale ; ils font de l’information réelle, les pieds dans la glaise. En situation de catastrophe (j’en ai connu), on peut compter sur eux, ils s’efforcent de tout rapporter le plus honnêtement possible et le cas échéant, si on leur demande, ils diffusent des messages officiels.

Les envoyés spéciaux, au contraire, sont un problème supplémentaire qui vous tombe dessus dans les moments où l’on a déjà beaucoup de problèmes.

L’envoyé spécial, c’est le Parisien qui débarque chez les Ploucs, avec pour principal souci de justifier ses frais de déplacement : il faut que ce soit grave, encore plus grave que ce qu’on a entendu dire à Paris avant son départ. Il est « en immersion » et l’on devine que, dans son idée, sa visite est pour vous un honneur : pensez, il est descendu de Paris rien que pour s’occuper de votre bled provincial ! Mais il sait dès avant son arrivée que l’Indigène va essayer de le tromper. Même son collègue correspondant local n’a pas son oreille. D’ailleurs l’envoyé spécial détecte immédiatement tous les indices de vos mensonges : si la météo dit qu’on a un vent de sud-ouest à 20 nœuds (pour la propagation de la fumée de l’incendie dont on cherche, c’est sûr, à lui cacher qu’elle est chargée de dioxine) et que de votre côté vous lui dites que le vent est suroît force 4, aussitôt il voit que les deux infos sont contradictoires et il veut deviner dans quelle intention inavouable vous cherchez à le tromper. Si vous lui dites « on fait face au problème, on a les moyens qu’il faut », il ne vous croit pas et pose la question à d’autres, y compris en allant dans des coins dangereux avec une belle inconscience, jusqu’à ce que quelqu’un lui dise « on sera un peu limite demain, on prévoit de demander des renforts aux départements voisins ». Alors vous recevez dix minutes plus tard un coup de téléphone péremptoire d’un adjoint de sous-chef de bureau du ministère qui vous fait part du mécontentement du ministre quand il a appris votre impéritie.

Seveso 1976, l’affaire est ancienne mais elle est typique et fait partie des contes et légendes de la protection civile : il n’y avait aucun problème réel de toxicité à plus de cinq cents mètres du sinistre mais il y a eu plusieurs morts, uniquement des accidentés de la route, des gens qui fuyaient à cause de la panique déclenchée dans la région par la presse (qui portait bien son nom en l’occurrence). En Italie, on ne dit pas « journaleux », on dit « paparazzi ».

Alors « piliers de notre système républicain » (Midship), c’est trop vite dit et il faut nuancer. Les innombrables correspondants locaux méritent notre considération. Dans le cas présent, on avait affaire à des envoyés spéciaux.

égéa : d'un autre côté, des correspondants locaux en Kapisa, il n'y en a pas beaucoup (enfin, je crois) et s'ils ont incontestablement les pieds dans la glaise (la rocaille ?), je ne suis pas sûr qu'il soient très fiables pour le public français....

9. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par yves cadiou

Pas de correspondants locaux en Afghanistan, c’est possible et même probable. Dans les pays qui nous concernent, nous avons toutes sortes de correspondants locaux : personnel local de l’ambassade, des consulats, anciens de nos écoles, cousins de nos immigrés, presse... et même désormais des gens qui interviennent en français sur nos sites internet comme on en lit parfois sur egeablog.

L’absence de correspondants locaux en Afghanistan est une preuve supplémentaire de LA vérité basique qu’il est politiquement incorrect de rappeler : l’Afghanistan ne nous concerne pas et ne nous a jamais concernés. Nous n’y sommes que par l’incompétence de quelques uns de nos politiciens, incapables d’avoir une vision du monde personnelle qui serait conforme à notre culture, et incapables de dire « non » à Uncle SAm.

10. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par Nono

Je disconviens respectueusement avec Yves: ce n'est pas parce qu'on n'a pas de correspondant permanent dans un endroit qu'il ne nous concerne pas. Au vu des réductions d'effectifs des différents médias, il y en a très peu même là où ça nous concerne. Exemple, Bruxelles ou Strasbourg: vu l'importance des sujets qui y sont abordés, ça serait bien que les bureaux des médias soient bien occupés, non? Raté, il y a au mieux un correspondant, et basta... Par contre, pour blablater sur la dernière petite phrase parisiano-parisienne, là bizarrement les médias ont du monde!!

Bref, le problème principal, c'est que les médias, à l'image de la France, sont complètement repliés sur eux-même et n'en ont pas grand chose à faire du vaste monde. Je ne suis pas sûr par exemple que tous les correspondants en Chine parlent chinois, les correspondants au Japon parlent japonais,...

11. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par yves cadiou

Mon cher co-blogueur « nono ». Un correspondant permanent à l’étranger n’est pas nécessairement quelqu’un qui occupe un bureau à plein temps : c’est quelqu’un qui fait un autre métier, qui connaît le pays et peut parler en français de ce qui s’y passe. Vous citez le Japon : parmi les 7262 Français qui vivent au Japon (j’en profite pour signaler ce site « statistiques mondiales » http://www.statistiques-mondiales.c... ) la plupart parlent japonais et tous l’entendent et le lisent assez correctement : beaucoup parmi eux pourraient être correspondants de presse à titre d’activité secondaire et permanente quoiqu'occasionnelle, prêts à être sollicités quand se produit localement un événement qui nous intéresse. Dans tous les pays, un journal français qui veut trouver des correspondants locaux peut facilement en trouver et s’assurer de leur fiabilité : on peut les contacter assez facilement par la Toile. Sinon, il faut adresser un mail à l’ambassade : celles-ci répondent volontiers. C’est ce que font les entreprises françaises qui cherchent à exporter. C’est aussi ce que font les journaux qui cherchent à informer sans parisianisme : par exemple Ouest-France ouvre fréquemment ses colonnes aux expatriés.

Nous ne sommes pas repliés sur nous-mêmes ni dépourvus de correspondants potentiels un peu partout, du moins dans les pays auxquels nous avons des motifs de nous intéresser.
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En cohérence avec ce qui précède, je veux commenter maintenant la MAJ n°2 et le plaidoyer pro domo de Romain Mielcarek. La coutume dans les prétoires veut que la défense s’exprime en dernier mais nous ne sommes pas dans un procès classique. Nous sommes dans une situation nouvelle où, grâce à la Toile, la mise en cause publique des journalistes par tout-un-chacun est devenue possible et n’est plus l’apanage des satiristes : cette nouveauté est finalement l’aspect le plus fécond de l’affaire Taponier-Ghesquière. Ces noms resteront dans les mémoires parce qu’ils sont ceux des premiers journalistes qui se sont fait tailler des costards directement par le public.

Dans la continuité de mon commentaire n°8, je précise que la question qui nous occupe ne met pas sur la sellette les correspondants locaux permanents mais les envoyés spéciaux, ceux-là même qui depuis quelques années sont brocardés (ce n’est pas un hasard) par Maïkeul Keul et ses collègues de la tévé grolandaise.

Le plaidoyer de Romain Mielcarek passe à côté de deux points essentiels : 1 le manque de sérieux des infos rapportées par les envoyés spéciaux et 2 leur refus d’assumer leur liberté.

1 Le manque de sérieux : le reportage diffusé par TF1 après Uzbin n’est pas à citer en exemple de sérieux comme le fait Romain Mielcarek. Ce reportage que j’ai vu n’était pas sérieux : il faut n’avoir aucune notion du combat d’infanterie pour se croire informé après avoir vu ça. C’est en me référant à ce reportage que j’écrivais, ici-même : « le temps est révolu où n’importe quel spécialiste autoproclamé pouvait expliquer aux pékins, sans risque d’être contredit, que les armes à tir courbe sont faites pour tirer de l’autre côté de la montagne (sic). » http://www.egeablog.net/dotclear/in... Plusieurs mois après Uzbin, les témoignages des soldats qui y étaient ont été diffusés en interne par les Amicales militaires, témoignages d’autant plus clairs qu’ils étaient strictement narratifs et non commentés : leur lecture confirmait l’impression d’affabulation journalistique qui s’était dégagée du reportage de TF1. Paradoxalement les envoyés spéciaux de Paris-Match avaient été plus honnêtes en ne prétendant pas informer mais, peut-être conscients de leur incompétence, en ayant voulu seulement scandaliser par le fameux « choc des photos ».

2 Assumer sa liberté : « Le Temple du Soleil » est-il une histoire scandaleuse ? A l’aune de la situation d’aujourd’hui, la réponse est oui parce que les pouvoirs publics n’ont rien fait pour extraire Tintin-le-reporter des pattes des Incas où il était allé se fourrer. Du moins « Le Temple du Soleil » serait une histoire scandaleuse si l’on suivait le raisonnement que la profession semble vouloir développer maintenant.

Romain Mielcarek pratique un amalgame entre deux situations qui ne sont pas les mêmes : il évoque les risques qu’il a pris comme envoyé spécial dans le XVIII° arrondissement de Paris. Certes, nos pouvoirs publics sont responsables de la sécurité sur le territoire national, mais ils ne sont pas responsables partout sur la planète (en Afghanistan, au large de la Corne de l’Afrique, dans des fins fonds andins imaginaires) des risques que prennent les uns ou les autres au motif de la liberté d’aller et venir.

En définitive et jusqu’à preuve du contraire, c’est non seulement sur le principe mais aussi à titre de contribuable que tout-un-chacun a le droit, et la possibilité matérielle désormais, de contester et de dire « la prochaine fois, qu’ils se débrouillent ». Si l’argument contribuable semble trop mesquin, alors on le dit comme sympathisant de l’armée française. Celle-ci se dispenserait volontiers des problèmes supplémentaires posés par des envoyés spéciaux qui n’en font qu’à leur tête et racontent n’importe quoi. Ou qui au contraire ne racontent rien parce que, comme Tintin-le-reporter pour s’en sortir, ils ont promis à leurs ravisseurs de ne rien révéler.
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Un dernier mot pour le jeune journaliste qui écrit, naïvement admiratif, « moi aussi, un jour, quand je serai grand comme Stéphane et Hervé, j’irai en Afghanistan. Parce que couvrir ce genre de merdier me fait sérieusement bander » (quel style !).

Mais faites vite parce que cette époque, celle des « grands reporters », des lauréats du prix Albert Londres, (personne, sauf peut-être dans le milieu du journalisme et des archives, ne les connaît plus) tout ça c’est fini, on vit avec son temps.

En ce moment les mailing-lists de la profession militaire et de ses sympathisants sont pleins d’échanges de commentaires très critiques à l’encontre de vos deux émules de Tintin. Les journaux ne peuvent pas ignorer le volume de ces critiques parce que copies de nos critiques leur sont systématiquement adressées en destinataires « pour info ». Or les journaux sont des entreprises commerciales qui salarient en espérant vendre. En France actuellement vendre des infos sur l’Afghanistan, c’est s’adresser presqu’uniquement à des gens qui s’intéressent à l’armée française. Mais aucun commerce ne tient longtemps en se moquant de la clientèle. Par conséquent la presse, si elle veut équilibrer ses comptes et survivre, va devoir rapidement réviser ses études de marché, comprendre que ses lecteurs en savent plus, chacun dans son domaine, que la plupart des journalistes, se débarrasser enfin de ceux qui voudraient imiter Hervé ou Stéphane ailleurs que sur groland.con pour rigoler.

12. Le jeudi 30 juin 2011, 23:21 par Nono

Cher co-commentateur, je ne suis pas d'accord. Effectivement, on pourrait dire que n'importe qui peut être correspondant à titre occasionnel. Sauf que journaliste, c'est un métier. On (moi le premier) tape suffisamment sur l'incompétence ou le manque de sérieux des journalistes, ce n'est pas pour les remplacer par des gens qui sortiront une dépêche "micro-trottoir" entre le fromage et le dessert. Et oui, écrire un bon article ou pire un sujet radio/télé, ça ne se fait pas en 2 coups de cuillère à pot.

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