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La Haute Garonne, 6ème département breton !

Eh ! oui, les vacances permettent d'aller baguenauder sur des territoires peu fréquentés, et de faire des rencontres historiques et géographiques parfois surprenantes.

source

Dans le cas présent :

  • - ça parle de la guerre de 1870, mal connue en France, où on se limite en général aux opérations du nord-est, rarement à l'armée de la Loire et celle de l'Est...
  • - ça parle de la première armée bretonne, ou première armée de Bretagne, la seule de l'histoire : à noter d'ailleurs qu'elle a existé non pas pour s'élever contre le colonisateur français (vous lisez trop les Chouans de Balzac, chers amis), mais au contraire pour aller sauver Paris du Prusco; bref,une armée tout à fait patriotique !
  • - je ne discuterai pas de savoir si la Loire inférieure (euh.. atlantique?) est bretonne ou pas, puisqu'à l'évidence elle ne l'est pas. M'enfin, certains le soutiennent. Donc, il est assez amusant de voir qu'un cinquième des membres de cette première armée de Bretagne venaient de Toulouse, et si la Loire inférieure est estimée bretonne pour des motifs futiles, allons y gaiement et admettons la Haute Garonne au rang des pays celtes de l'ouest français. Et vérifions si les Bretons ont le sens de l'humour.
  • - Tout à fait accessoirement, Conlie est le lieu de l'invention de la carte postale, ce qui lui donne au moins une raison d'entrer dans l'histoire, la grande.

Bref, autant de raisons de lire cet article, qui est plus sérieux que son introduction, et si l'un parmi vous cherchait un sujet de thèse d'histoire, voici qu'il a trouvé.

Mille mercis à Denis Marion de Procé pour son texte et ses talents de conteur qui m'ont fait connaître Conlie.

O. Kempf

Le camp de Conlie a été imaginé par Emile de Keratry avec l'aval de Gambetta.

Rappell historique : en Septembre 1870, l'armée Française est prisonnière a Sedan et enfermée dans Metz,le second Empire se termine, la 3eme république est proclamée a Paris.

Emile, conte de Keratry est député, c'est un opportuniste, (catégorie politique del'époque, depuis disparue) mais il fut auparavant Bonapartiste, Royaliste, Républicain et Socialiste, quand le vent était dans ce sens ! Il utilisera son nom d'origine Bretonne pour lever dans des moments troubles une force armée, non pas dans le but de défendre le grand Ouest et par la même la Bretagne, mais beaucoup plus pour venir en aide aux "empochés !" de Paris, avec le soutien de Leon Gambetta.

Pour la petite histoire, Gambetta était surnommé "le Dictateur" par un bon nombre de républicains qui trouvaient ses actions plutôt casse-cou, lui qui était planqué d'abord à Tours puis ensuite à Bordeaux,(dixit Georges Sand).

Quant à Emile de Keratry, lui avait aussi un parcours des plus surprenant. Jeune sous-lieutenant il avait participé (de loin) à la guerre contre les Russes et aà l'invasion du Mexique, où il avait commis des détournement d'argent, fuit son régiment et envoyé sa démission de l'armée au moment de rembarquer pour la France. Comme il n'était pas a un paradoxe près, il avait relevé son titre et sa particule que son père avait reniés au moment de la révolution. Emile de Keratry était le cadet de la famille et c'est donc son frère aîné qui pouvait relever le nom et le titre, ce qu'il n'a jamais fait. Les derniers Keratry et non pas de Keratry, vivent aujourd'hui au Mexique et aux États Unis.

Mais revenons ànos moutons...! C'est à la fin de l'été 1870 que Keratry remarqua au nord du Mans ce territoire sur la commune de Conlie, le long de la voie de chemin de fer reliant la Bretagne a Paris. En accord avec Gambetta il réquisitionna au nom de la 3ème république 500 hectares (qui ne furent jamais réglés aux propriétaires). Très rapidement, 1.500 terassiers furent réquisitionnés afin d'aplanir et de permettre rapidement l'installation de baraquements pour une troupe de 50.000 hommes. L'ordre fut donné au même moment de créer la 1ère armée de Bretagne soit le 22 octobre 1870.

A ce moment là, trois facteusr interviennent pour mettre des "bâtons" dans le bon déroulement de la création du camp.

  1. Si l'été 1870 fut caniculaire, l'automne fut excessivement humide et la terre argileuse de Conlie rendue terriblement boueuse
  2. Pour arranger le tout les terrains furent labourés, avec l'arrivée de la pluie les chemins devinrent impraticables, empêchant l'acheminement des convois chargés de bois pour la construction des baraquements.
  3. Après la pluie arriva le froid (polaire !)

Jamais il ne fut question de reporter l'arrivée des hommes ou de diminuer le nombre de soldast en les faisant cantonner dans des endroits plus salubres et dans des endroits plus adaptés ! Les trains àraison de 10 par jours avec une pointe à18 décharèerent leur lot quotidien d'hommes. Un autre problème de taille doit être ajouté à la longue liste des problèmes rencontrés à Conlie. En effet, Keratrie par la grâce du "tribun !"( Gambetta) fut promu général à la grande colère de ce qui restait de l'armée de Loire, qui entourait Gambetta. Il est vrai que passer de sous-lieutenant démissionnaire à général n'est pas chose courante...! L'armée traina les pieds pour armer cette troupe de Kératry, qu'elle considérait comme un corps franc. Ensuite Charrette, le neveu du général Vendéen, créa une légion de volontaires de l'ouest : autant dire que l'armée, habituée à une structure régulière, ne s'y retrouvait pas dans cette foire d'empoigne ou tout le monde voulait tirer la couverture a soi et où les armées de l'ouest et de Bretagne surgissaient comme champignon après la pluie.

Très rapidement le général de Keratry fut dépassé par les événements. De plus ses relations avec le gouvernement réfugié à Tours commençèrent à tourner vinaigre. Gambetta n'avait plus la même confiance en son général, d'autant plus que sa garde rapprochées n'aimait pas Keratry : celui-ci joua gros en remettant son commandement en jeu, persuadé que Gambetta refuserait sa démission. Manque de chance celui ci l'accepta, ravi de se débarrasser d'un empêcheur de tourner en rond...!

Créé le 22 octobre, le camp de Conlie perdit son autonomie le 20 novembre. De facto 1/5 ème de la troupe stationnée à Conlie rejoignit l'armée de la Loire commandée par un vrai officier, le general Chanzy, qui n'avait qu'une piètre opinion de l'armée de Bretagne. Mal équipée, mal armée, mal commandée,il envoyat 10.000 hommes sous les ordres du général Gougeaud à Auvours.

Ceux ci participèrent à la marche vers St Calais, Dunze, Vendôme, mais les Prussiens mieux équipés et avec un moral supérieur aux Français vont obliger ceux ci à reculer vers Chateaudun. Les hommes sont épuisés, ce sont marches forcées sur marches forcées, l'hiver est glacial, on marche sans interruptions jusqu'à 2-3 heure du matin. Du fait d'un temps polaire et du trafic intense les routes s'effondrent, les roulottes n'arrivent plus à suivre et laisssent la place aux train d'artillerie et aux caissons de munitions.

Le 17 décembre à trois heure du matin les débris de la 2ème armée de la Loire où se trouvent les 3/4 des 10.000 hommes de ce qui reste de la 1ere armée de Bretagne s'arrêtent dans le village de Drouet à 09 heure du matin. Ll'ordre est donné de reprendre la route vers Le Mans, mais à la sortie du bourg un tir nourri oblige l'arrière garde à protéger le reste de la 2eme armée. Ce fait d'armes remarquable et oublié de tout le monde laissa sur le carreau un aumônier, 4 officiers, 3 sous officiers et 18 soldats, tous venant de... Conlie ! Cela permettra à cette troupe de pouvoir retrouver le reste de l'armée du gal Gougeaud à Champagne.

Depuis le 22 octobre Keratry a démissionné, il a écrit à nouveau à Gambetta fin décembre, afin que lui soit officiellement retiré son grade de général de division. Puis il écritune nouvelle lettre pour lui redemander son poste, et s'engage même à trouver 60.000 hommes, marins pour la plupart, âgés de 25 à 45 ans et prêts, selon Keratry, à se faire tuer pour la république...! Heureusement, le tribun ne lui répondit pas !

A Conlie, pendant ce temps-là "l'ordre existe, on meurt silencieusement...!". Le général Marivaut est nommé commandant du camp le 07 décembre 1870, il y arrive le 10, et est tout de suite atterré par ce qu'il voit. Il écrit à Gambetta le 22 décembre : ," j'ai trouvé 46.000 hommes désarmés, mal vêtus, non chaussés, sans campement (les baraquements promis n'ont jamais été montés et la troupe pour plus de 90% couche sous des tentes, ils ont comme matelas de la vieille paille) et sans solde,paralysés dans un marais où toute leur énergie consiste à se tenir debout et à se tenir secs...!"

Le camp de Conlie, je le rappelle, n'a aucune valeur stratégique : beaucoup de routes le contournent et un simple cordon de cavalerie suffirait à l'affamer. Marivault écrit à Gambetta: "Monsieur le ministre, "HALTE !"arrêtez d'envoyer des troupes, au contraire il faut de toute urgence évacuer le camp, la moitié de ses hommes à peine est armée de fusils de onze modèles différents, ils n'ont aucune pratique de la guerre, et face à une brigade ce corps d'armée n'a aucune chance !"

Pourtant un autre général, le général Le Bouedec, dans un délire incompréhensible réclamait encore et toujours des troupes aux préfets, alors qu'il n'avait pas plus que pour le reste de la troupe de quoi, vêtir, nourrir, héberger et armer cette troupe de plus en plus nombreuse...! Un officier aide de camp du general Marivault, expliquera plus tard dans un rapport lu à la chambre, qu'après la pluie et la brume avaient succédé la glace, la neige, le verglas et ensuite le dégel. Les eaux ruisselaient et ne pouvaient plus être absorbées par un sol argileux, tandis que les pieds de 50.000 hommes formaient un vrai cloaque

Marivault pris la décision qu'il fallait

  1. 1) Arrêter l'arrivée des troupes
  2. 2) Faire sortir les Breton du camp
  3. 3) Renvoyert dans leurs foyer plus de la moitié du contingent.

Pour ce dernier point, le général Loverdo, qui n'appréciait pas cette armée créée de bric et de broc par un officier d'opérette ( Emile de Keratry), répondit avec l'accord de Gambetta, "il ne peut être question de renvoyer des hommes dans leurs foyer; l'effet produit serait très mauvais !" Et un peu plus loin "ne peut ont pas leurs confier des missions...suicides!" ( Je dis Dieu reconnaîtra les siens !)

Le 13 décembre (3 jours après la prise de commandement à Conlie du Gal Marivault) celui ci redemanda à Gambetta de lui donner l'ordre d'évacuation du camp : "il y a péril physique et moral à rester plus longtemps à Conlie"; la réponse fut : NON ! Freycinet, ministre de la guerre, qui comprenait le désarroi du général Marivault, mais qui ne pouvait se passer de l'ordre de Gambetta lui telegraphia dans l'apm "Marivault redoute comme moi une attaque sur le Mans". Gambetta persista dans son refus et Marivault, dans une colère indescriptible, décida de ne tenir aucun compte des différents messages d'injonction ministériels et débuta le 18 décembre le mouvement de retraite.

Du 18 au 20 décembre vint et un mille soldat et sept cents officiers quittèrent Conlie direction Rennes, douze mille hommes et 500 officiers furent dirigés vers le Mans, où ils campèrent au sec sur le parvis de la cathédrale et de différentes places aux alentours , un rêve après 2 mois dans la boue ! 10.000 hommes des bataillons du Morbihan et leurs officiers allèrent camper momentanément en forêt de Sillé le Guillaume où ils trouvèrent du bois pour se chauffer, de l'eau et un peu d'abri...! 20.000 restent à Conlie. Marivault poursuivit l'évacuation, de jour en jour, bataillon par bataillon quittent le camp de Conlie. Le 24 décembre, Marivault reçut, par télégraphe, l'ordre exprès d'arrêter l'évacuation du camp, sous peine de conseillde guerre, par le ministère de la guerre: il n'en eut cure ! Chaque jour les hommes des 12 bataillons des Côtes du nord quittèrent Conlie pour Laval, Vitre, Fougère. Le 24 décembre à minuit, les Moribiannais assistèrent, dans la grande prairie qui avoisine l'étang en forêt de Sille le Guillaume, à la messe de Noël !

Les quelques généraux comme Gougeard, Chanzy par la suite et Marivault ne furent pas dupes de l'imbecilité des ordres donnés par le gouvernement, reconnurent la vaillance des mobilisés Bretons et le calvaire qui fut le leur pendant à peine...2 mois ! De plus, après la démission de Keratry, une décision ministérielle, en date du 1er décembre, priva l'armée de Bretagne de tout crédit. Les caisses étaient vides, les subsides coupées ,la solde plus payée ,les fournisseurs plus réglés ,l'armée de Bretagne vivait sur ses propres réserves. L'armée de Bretagne "Agonisait"! qu'importnte ces Bretonss n'étaient-ils pas fait pour de la chair à canon...? Malgré tout et contre toute évidence des soldats arrivèrent jusqu'au 10 janvier 1871...! Le 13 janvier ,le camp fut définitivement abandonné. Le soldat Suzor arrivé le 18 novembre 1870 le quitta dans l'apm ! Les troupes qui quittèrent le camp s'arrêteront à Assé-le-Beranger, puis poursuivirent leur route sur la Bretagne.

Le lendemain un détachement commandé par le colonel de Lehman du 10 ème corps d'armée de la 2eme armée Allemande trouva le camp évacué ,ils capturerent 8.ooo fusils ,5 millions de cartouches, un canon et des affuts.

Aujourd'hui àa la sortie de Conlie, en direction de Sille-le-Guillaume,existe le monument de la Jauneliere, àa l'endroit dénommé la Butte du Camp. Où est inscrit..." 1871 D'AR VRETONED TRUBARDET E KERFANK CONLIE DALC'HOMP SONJ 1971" :

  • " aux Breton trahis au village de boue de Conlie. Souvenons-nous"

Dans le cimetière de Conlie on peut voie La Croix des Bretons, avec tous les noms des morts de la 1ere Armée de Bretagne, ainsi que le carré.

Ces chiffres viennent d'un rapport officiel du Ministère de l'intérieur,en date du : 06 février 1871

  • Officiers d'état major : 18 et 20 chevaux
  • Génie : 20 0fficiers,257 Soldats.
  • Comptabilité et trésorie : 11 Officiers.
  • Aumôniers : 12.
  • Remonte : 5 Officiers,96 Soldats,126 Chevaux et 47 Mulets.
  • Vétérinaires : 8 Officiers,9 Soldats,5 Chevaux.
  • Ambulances : 44 Officiers,54 Soldats,25 Chevaux.
  • Commissariat general : 10 Officiers,134 Soldats.
  • Gendarmeries : 2 Officiers,47 Soldats,23 Chevaux.
  • 3 ème Cuirs : 6 Officiers,135 Soldats et 129 Chevaux.
  • 19 ème Chasseurs : 3 Officiers,291 Soldats.
  • Artillerie : 20 Officiers,437 Soldats,33 Chevaux.
  • Francs-Tireurs de Brest : 5 Officiers,71 Soldats.
  • Cotes du Nord = 244 Officiers,7925 Soldats..
  • Finistère = 249 Officiers,7884 Soldats.
  • Mobiles de Quimper = 1 Officiers, 141 Soldats.
  • Morbihan = 251 Officiers,6804 Soldats.
  • Ille et Vilaine = 215 Officiers,11042 Soldats.
  • Loire Inférieur = 232 Officiers,7317 Soldats.
                         Et,
  • Mobiles de la Mayenne = Officiers 3,Soldats 161.
  • Mobiles de Saint Nazaire = 26 Officiers,687 Soldats.
  • Mobiles de Paimboeuf = 32 Officiers,849 Soldats.
  • Mobiles de la Trinité = 23 Officiers,635 Soldats.
                       "ET...!"
  • Haute Garonne = 23 Officiers et 1132 Soldats.
  • Total des troupes réunis au camp = 40359 Officiers et Soldats.
  • Division de marche = 13424 Officiers et Soldats.

Denis Marion de Procé.

NB d'égéa : Bon, d'accord, il n'y a qu'un quarantième de Toulousains et pas un cinquième, ce qui ne fait pas un département : mais vous y avez cru, non ? Par ailleurs, j'ai essayé de trouver quelques références bibliographiques. Les voici :

  • Denis me signale celle-ci, assez ancienne, mais dont on trouve des fac_similé car c'est un petit livret : Paul Tailliez,l'histoire du camp de Conlie,Le Mans,Monnoyer, 1913.
  • je signale aussi philippe Le MOING-KERRAND, "le camp de Conlie", 2000, édité chez l'auteur.
  • on se reportera, pour l'ensemble des guerres du second empire, aux ovurages de l'éditeur spécialisé Bernarg Giovanagelli (bged@wanadoo.fr), et notamment : Henri Ortholan, "l'armée de la Loire".

Commentaires

1. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par Midship

Cher Egea, je n'ai pas encore tout lu (bon ok, je n'ai lu que l'intro et les mots en gras. Sinon je ne saurai pas à quoi occuper mes heures de présence bureautières demain), mais je puis d'ores et déjà vous signaler l'existence d'une chanson du plus breton des groupes français : Tri Yann, actuel détenteur du record d'activité en France (et nantais ... comme le château des Ducs de Bretagne, le cœur de cette Noble Dame deux fois reine de France, et votre serviteur !).

Ça s'appelle "Kerfank 1870" et ça raconte l'histoire de ce camp de Conlie, de l'intérieur. Pour comprendre, il faut savoir que ce que les généraux prenaient pour un cri de vigueur et d'envie de combattre "d'ar ger ma general" voulait dire en breton "à la maison, mon général".

http://www.youtube.com/watch?v=jEun...

On doit écouter Tri Yann. Beaucoup. Et pas que la Jument de Michao, mais aussi les Pailles d'or brisées, la Geste de Sarajevo, Prince qu'en mains tenez, etc.

égéa : fichtre... et moi qui croyais que ce serait Yves Cadiou qui réagirait le premier... et vous le grillez au poteau ! Bon, Tri Yann, Malwenn qq chose, tout ça tout ça.... Vous aimez Haydn ?

2. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par yves cadiou

Le département 44 (chef-lieu : Nantes) est-il breton, c’est vraiment une mauvaise question. C’est une question tellement inintéressante, intello-bretonniste pour tout dire, qu’on la résume d’une courte formule avec un haussement d’épaules discret, « la querelle B4 / B5 ».
J’hésite à répondre à une aussi évidente provocation. Je vous écris depuis les rives de l’Erdre où j’habite : l’Erdre est un affluent de la Loire qui débute le canal de Nantes à Brest, non loin du château des Ducs de Bretagne.
Ce canal construit il y a deux siècles permettait d’éviter de passer par l’océan, ses écueils, ses courants et ses « mers croisées ». Je précise pour les Parisiens : les mers croisées se rencontrent en mer d’Iroise et sont le renforcement mutuel des vagues créées par l’alternance des vents de sud-ouest et de nord-ouest ; cette alternance accompagne le passage de chaque dépression atmosphérique. Les Parisiens appellent ça « une tempête » parce qu’ils n’ont peur de rien et surtout pas d’être ridicules (mais on aime bien les Parisiens : ils font même rigoler les goélands en les nommant « des mouettes »). Le canal de Nantes à Brest permettait d’éviter aussi les Anglais, parce qu’à cette époque le monde qui nous entourait était plein de gens mal intentionnés.
.
Je parlerai plus bas de Conlie, mais d’abord je traite de la question insidieuse posée par Olivier Kempf.
Nantes existe précisément parce qu’elle est à la jonction du monde breton, avec lequel elle communiquait par la mer puis par ce canal, et du monde franc avec lequel elle communique par la vallée de la Loire. A la jonction, ça veut dire qu’on peut éternellement se demander de quel côté elle est. Encore aujourd’hui, regardez les affichages en gare : des TGV directs pour aller partout en France et des TER qui vous mènent partout en Bretagne. Nantes existait déjà à l’âge du bronze à cause de cette situation : par ici transitait l’étain produit en Cornouaille britannique (les îles cassitérides) et à destination du monde méditerranéen, riche en cuivre mais dépourvu d’étain. De plus Nantes produisait elle aussi de la cassitérite, le minerai d’étain. Puis au cours de l’histoire Nantes fut alternativement une ville franque et bretonne. Après le commerce de l’étain d’autres produits ont continué ce rôle intermédiaire de Nantes : le fer venant des environs de Coëtquidan comme l’indiquent à la fois la toponymie (les Forges de Paimpont) et les anomalies magnétiques du lieu (nous connaissons tous celle du Val Sans Retour) ; le sel produit en Bretagne-sud ; les toiles de lin bretonnes. Par conséquent B4 / B5 est une mauvaise question.
.
Avant de parler de Conlie, une précision sur cette affirmation selon laquelle les Bretons seraient des Celtes. Je la réfute parce que c’est précisément l’un des arguments des bretonnistes avec lesquels je ne suis pas d’accord : ils trouvent dans ce caractère ethnique un motif à se différencier des Français. Au contraire la Bretagne est un exemple d’intégration de gens venus de partout : des Celtes au début, d’accord. Puis toutes sortes de gens sont arrivés ici et même ceux qui n’étaient que de passage y ont laissé des chromosomes : des Slaves (Slaves du sud), c’est-à-dire les Grecs qui transportaient de l’étain comme Ulysse ; des Vikings, en escale pour l’eau douce sur leur route pour le Royaume viking de Sicile qui dura deux siècles ; des Espagnols, et parmi eux beaucoup de Maures, sur leur route pour la Flandre espagnole ; peut-être même des Indiens caraïbes amenés ici par le gulf-stream et les vents d’ouest (ce qui expliquerait les yeux bridés des Bigoudens). Etudier l’ADN breton serait une idée féconde mais décevrait les bretonnistes.
.
Et maintenant Conlie, qui fait aussi partie de la vulgate bretonniste pour démontrer les mauvais traitements que les Français ont, paraît-il, toujours infligé intentionnellement aux Bretons. Pour ma part, je crois que Conlie est la conséquence d’un désordre administrativo-militaire qui avait commencé à gagner le second Empire depuis 1865. De plus le souvenir de la Chouannerie n’était pas si vieux : armer les Bretons contre les Prussiens, ça risquait de mal tourner pour ceux qui étaient entre les deux. Alors Conlie fut-il le résultat de l’incompétence politique (je vais dire comme Monsieur de Procé : « catégorie de l'époque, depuis disparue ») ou le résultat d’une méfiance, ça aussi on pourra en débattre éternellement.
Là-dessus, je vous quitte, j’entends les « mouettes » qui m’appellent.

égéa : Accessoirement, Nantes est une ville d'estuaire, comme il en existe à l'embouchure de tous les fleuves français et (probablemen,t je n'ai pas vérifié) européens. Encore plus accessoirement : quelle différence entre estuaire et embouchure ?

3. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par Midship

j'ai cru à la blague pour mon département breton, mais là j'hésite ... vous n'êtes pas en train de réellement comparer Tri Yann et Nolwenn Leroy, si ?

Et je ne suis pas spécialiste d'Haydn, mais vous excuserez mon mauvais goût plébéien qui me pousse à aimer Beethoven.

Et quitte à en rajouter sur l'urgence qu'il y a à écouter Tri Yann, il faut écouter "Lancastria", sur leur album "abysses". Et leur "Gwerz Porsall" avec l'orchestre national des Pays de la Loire.

égéa : pourquoi, Nolwenn kekchose n'est pas bretonne ? bon, d'accord, c'est un produit TF1 ou M6, m'enfin ça bretonnise à tout va, non ? Enfin, pas de mauvais goût à aimer Beethoven, manquerait plus que ça...

4. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par Midship

@Egea : "être breton" est une longue question. Il y a tant à lire sur le sujet, et finalement, la solution "hochement d'épaule" est pas mauvaise.
Nolwenn a effectivement passé des vacances, étant petite, dans le Finistère.
Par contre Tri Yann avait déjà vendu des centaines de milliers d'albums avant la naissance de Nolwenn (et même celle de M6, voire de TF1 !).
Mais je ne vais pas trop continuer, je devine le petit sourire en coin du propriétaire des lieux que vous êtes en train de constater que "B4/B5" est un bon sujet trollesque à lire sur son ipad en vacances !

@Yves : Ding ding don don ce sont les filles des forges ... des forges de Paimpont ... bon ok j'arrête !

Effectivement, Nantes est aussi l'embouchure, ville pont dans l'affrontement Vénètes / Namnètes, puis cité romaine (voir Ratiatum, devenue Rezé), etc.
Compte tenu de la quasi absence de train vers la Bretagne au départ de Nantes, je suis contraint de reconnaître que la ville dont vous parlez est plutôt Rennes que Nantes. Ce qui me chagrine autant que vous, venant de la même Venise de l'ouest que vous.

Bon week end !

égéa : autre sujet trollesque : pas d'ipad, c'est radioactif paraît-il, et les vaches qui broutent à côté ont le lait qui tourne. (et je ne parle pas des marcassins bretons, tous flingués à coup de nitrates, quelle idée aussi de bouffer des algues).

5. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par yves cadiou

« Un estuaire est la portion de l'embouchure d'un fleuve où l'effet de la mer ou de l'océan dans lequel il se jette est perceptible. Pour certains, il correspond à toute la portion du fleuve où l'eau est salée ou saumâtre, pour d’autres, c'est la présence de l’effet dynamique de la marée sur les eaux fluviales qui le définit. Par convention, on ne parle pas d'estuaires pour les fleuves qui se jettent dans des mers fermées qui n'ont pas de marée. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Estuai...

Nantes est à 50 km de l’océan, au fond d’un estuaire qui correspond doublement à la définition ci-dessus : non seulement les courants de marée et les variations de hauteur d’eau y sont visibles, mais l’eau y est naturellement saumâtre.

Ce phénomène a créé un milieu favorable à l’habitat primitif : il en est probablement de même pour la plupart des villes d’estuaire. La rencontre des courants de marée et du courant fluvial favorise les dépôts d’alluvions et crée des bancs de vase et de sable qui affleurent et se couvrent de végétation terrestre, formant des îles qui retiennent de nouvelles alluvions. Ainsi solidifiées naturellement ces îles deviennent des zones d’habitat, relativement à l’abri des principales menaces qui pesaient sur l’homme préhistorique : les prédateurs (quadrupèdes ou bipèdes) ; le manque d’eau douce (amenée par le fleuve quand la marée descend) ; la faim (l’eau salée amenée par la marée montante empêche le fleuve de geler, celui-ci reste nourricier et protecteur toute l’année). Le site de Nantes était probablement habité bien longtemps avant que la métallurgie n’y suscite une activité artisanale et commerciale. On n’a pas de traces de cette occupation préhistorique, qui est seulement très probable, mais on a des traces de la métallurgie de l’étain.

A cause de ses îles, Nantes a longtemps été une ville fractionnée entre de nombreux bras de la Loire. Plusieurs bras de la Loire nantaise ont été comblés artificiellement au début du XX° siècle pour donner plus d’unité à la ville mais elle est longtemps restée un site portuaire favorable avec un arrière-pays, indispensable comme on l’a déjà dit sur ce blog en comparant Singapour et Venise http://www.egeablog.net/dotclear/in... .
De l’âge de bronze au XIX° siècle Nantes est restée accessible à tous les navires de mer mais lorsque les dimensions de ceux-ci ont augmenté, Saint-Nazaire a pris le relais pour les plus gros tonnages.
Nous voilà loin du B4 / B5 qu’Olivier Kempf a essayé de lancer et c’est tant mieux.

égéa : bah! c'est marrant, pendant les vacances, non? C'est quoi, la différence entre saumâtre et salée, dites, docteur Cadiou ?

6. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par

"quelle différence entre estuaire et embouchure ?" > un estuaire est un type spécifique d'embouchure, cette dernière pouvant aussi être un delta, en fonction de la force relative du fleuve et de l'océan / la mer où il se jette.

Comme quoi, malgré ce qu'en disent les mauvaises langues, je lis EGEA jusqu'aux questions posées dans les commentaires !

égéa : t'es pas susceptible, c'est ce qui me rassure. Faut dire que les gorets, c'est pas comme les marcasins, ça bouffe pas d'algues....

7. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par yves cadiou

La différence entre saumâtre et salée ? Je n’y ai pas réfléchi mais maintenant que vous le dites je m’aperçois que ce n’est pas sans motif que j’ai écrit « saumâtre » et que je n’ai pas écrit « salée », avec la conviction qu’en français deux mots différents n’ont jamais exactement la même signification.
Première observation : saumâtre est toujours désagréable, salé ne l’est pas toujours. En cuisine un plat est « salé et poivré selon goût », il n’est jamais « saumâtre selon goût ». Concernant l’estuaire de la Loire, c’est « saumâtre » qui m’est venu parce qu’en plus de contenir du sel, l’eau est légèrement boueuse (allusion aux alluvions, vous l’aurez compris). De l’eau de mer, salée, est parfois parfaitement limpide ; de l’eau saumâtre n’est jamais limpide.
Bon, et maintenant en huit lettres, commençant par un A, finissant par un N et avec un D en troisième position : « quand elle est salée, vous la trouvez saumâtre ».

égéa : Yves votre science est éblouissante : l'eau saumâtre est celle des embouchures : "Une eau saumâtre est une eau dont la teneur en sels est sensiblement inférieure à celle de l'eau de mer. La concentration totale de sels dissous y est généralement comprise entre 1 et 10 g/l alors qu'elle est (en moyenne) de 35 g/l pour l'eau de mer. Ces eaux saumâtres se rencontrent souvent lorsque de l'eau de mer est mélangée à de l'eau douce provenant généralement de l'embouchure d'un fleuve. Les lagunes possèdent généralement des eaux saumâtres mais c'est aussi le cas de certaines mers comme la mer Baltique ou bien l'océan Arctique lors de la fonte de la banquise. Certains lacs peuvent aussi avoir des eaux saumâtres lorsque des infiltrations de sels parviennent à saliniser l'eau douce."

Dixit wikipédia itself !

je crois que l'adjectif a pris un sens péjoratif du fait de l'expérience des marins au long cours, dont l'eau se salinisait à mesure du voyage, et qui la trouvaient donc saumâtre, donc moins bonne....

8. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par Midship

il faut noter que l'eau saumâtre (le mot n'ayant chez moi aucun sens péjoratif, j'ai été intéressé par vos remarques) est propice, voir nécessaire à certaines espèces vivantes. On note par exemple que l'Angélique des estuaires, ombellifère protégée, ne vit qu'à la limite de salinité d'un estuaire. L'influence des marées à Nantes étant très forte, elle effectue une partie de ses journées en milieu "demi sel" et le reste en eau douce. Les alluvions créées forment un milieu mou, se solidifiant et accueillant l'Angélique. Au delà de l'intérêt pour la biodiversité, la plante est un marqueur intéressant de la vie du fleuve. Avec la "lissification" des rives, et les différents changements climatiques et océaniques (?), on a constaté la remontée de cette limite de salinité. Elle se situait auparavant à l'ouest de Nantes (pour YC : entre la pointe de l'ile et Trentemoult), et maintenant on trouve l'espèce plus à l'est (pour YC : le long de la prairie de Mauve et de l'Ile Clémentine).

L'Angélique des estuaires ne se trouve plus en France que dans les estuaires de la Loire et de la Gironde.

Bon, je crois qu'il est temps que j'y retourne, à Nantes, moi ... ça se voit que ça me manque, non ? Ils n'ont pas tout ça au UK.

égéa : lissage ?

9. Le jeudi 28 juillet 2011, 21:00 par yves cadiou

Quelques liens au sujet des estuaires et de son angélique, avec la photo de cette fameuse angélique à qui nous devons protection : http://www.google.fr/imgres?imgurl=...
http://www.poitou-charentes-nature....
http://www.google.fr/imgres?imgurl=...
http://www.google.fr/imgres?imgurl=...
http://www.google.fr/imgres?imgurl=...

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