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Nécessaire, bien sûr, mais.... suffisant ?

Il y a donc eu un accord, hier soir, à Bruxelles. C'était nécessaire, bien sûr : car s'il n'y avait "rien" eu, c'est pour le coup que ç'aurait été une journée historique : genre "jeudi noir". L'échafaudage pour sauver la Grèce est donc solidifié.

source

Pour autant, est-ce vraiment satisfaisant ?

1/ SI je comprends bien l'accord, celui-ci repose sur trois choses :

  • - une sorte de rééchelonnement de la dette grecque : on ne le dit pas comme ça, mais c'est bien d'une restructuration qu'il s'agit. L'agence Fitch ne s'y trompe pas qui parle de défaut.
  • - une contribution des institutions financières, avec un système de menu : au début, on se dit que tout ça est bien compliqué, puis finalement on comprend qu'une banque n'a pas les mêmes horizons et contraintes qu'une assurance ou qu'un fonds de placement : du coup, offrir plusieurs options permet à chacun de participer, sur la base d'un volontariat qui va être très incité : car il y a de la rationalité économique dans l'incitation : mieux vaut perdre un peu maintenant, que tout demain...
  • - une augmentation du pouvoir du FESF (Fonds Européen de Solidarité Financière) : il est pérénisé (comprendre : il durera au-delà de 2013, ce qui signifie qu'il devient une sorte d'institution européenne), et pourra recapitaliser les banques (c'est-à-dire aider à la régulation financière de la zone, en partenariat avec la BCE).

2/ Bref, on complaît à dame Merkel ("les banques paieront", écho lointain de "l'Allemagne paiera") et on complait à sieur Sarkozy (le FESF est augmenté, et on avance donc vers un fédéralisme budgétaire, ce qui vu de Paris consiste à codiriger l'éconmie européenne avec l'Allemagne, bref, à prendre un peu de son pouvoir économique).

3/ Mais on a le sentiment que c'est au dernier moment. Une sorte de "trop peu, trop tard". Je dois être pessimiste. Mais je me souviens, il y a un peu plus d'un an, déjà, on entendait "l'euro est sauvé, on a mis 100 G€ sur la table pour renflouer la Grèce". Et ça n'a pas suffi. Un peu la faute au Grecs (ceux qui manifestent dans les rues d'Athènes sont probablement les mêmes à ne pas payer d'impôts et à frauder sans cesse), un peu la faute à pas de chance (le plan de rigueur portugais qui ne passe pas), un peu la faute à l'inflexibilité de dame Merkel et l'intransigeance de la classe moyenne allemande, un peu.... Mouais : et s'il y avait qq chose de plus structurel ?

4/ La zone euro, l'Europe est probablement une des zones les plus riches et finalement, les moins déséquilibrées du monde, quand je compare aux Etats-Unis (ouh! la! la! ) ou à la Chine (qui découvre une inflation galopante qui aurait compensé la sous-évaluation du Yuan). Et elle a largement les moyens de payer pour le défaut grec. Le fond des choses me semble plus grave que ça : en fait, une construction économique au bord du gouffre systémique, à cause de pyramides de crédits privés et publics auprès desquels Madloff est de la bouillie de chat.

5/ En fait, le manque de vision poltique de nos dirigeants européens tient peut-être à l'intuition profonde que la machine macro économique est, de toute façon, incontrôlable.

6/ Je crains que la décision de jeudi ne suffise pas. Mais je suis bien en peine de dire ce qui aurait suffit..... Disons que je ne suis pas foncièrement rassuré. C'est une sorte de "encore cinq minutes, monsiuer le boureau". Et je contrebats immédiatement mon pessismisme en me disant que cela fait tellement de temps que je crois le système au bord de la rupture (et par exemple ici) et que toujours, il réussit à s'en remettre, qu'il doit bien y avoir une espèce de résilience économique, en dépit de toute explication rationnelle.

Bref, une catastrophe évitée, mais pour combien de temps ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 22 juillet 2011, 21:38 par yves cadiou

Du haut de mon ignorance, qui est grande, je pose une triple question naïve : que se serait-il passé si on avait laissé les Grecs se débrouiller sans nous ? Pourquoi était-il « nécessaire » d’intervenir ? Notre intervention est-elle motivée par des considérations économiques nous concernant ou est-elle motivée seulement par la volonté idéologique de « sauver l’euro » ?

égéa : votre dernière question est elle même idéologique : dire que "sauver l'euro" est idéologique, c'est déjà une vue très politisée. Je ne dis pas qu'elle est fausse ou inutile, mais seulement qu'elle n'est pas innocente, ou "naïve". La naïveté est souvent fausse, et cache bien des arrières pensées.

2. Le vendredi 22 juillet 2011, 21:38 par yves cadiou

Arrière-pensées, c'est vrai. Les voici.
Il y a cinquante ans, l’Europe était une belle idée, à la fois sentimentale et économiquement viable : la France, libérée de ses colonies, était en plein boom. L’Allemagne de l’ouest savait enfin ce que signifiait « République » et se reconstruisait avec efficacité. A ces deux ennemis réconciliés s’associaient des entités industrieuses : le Benelux, l’Italie du nord. L’Italie du sud fournirait la main d’œuvre dont les précités avaient besoin, le problème n’étant pas le chômage mais le manque de main d’œuvre. L’autre problème qu’il fallait résoudre à l’époque, on l’oublie trop souvent, était de s’organiser afin de produire assez de nourriture pour tous les habitants de cette Europe des Six.
C’était un ensemble restreint et cohérent, y compris culturellement cohérent parce qu’il correspondait à peu près à la France de 1812 sur des territoires qui avaient fait bon accueil à Napoléon et aux idéaux de la Révolution. L’Europe des Six était destinée à aller vers toujours plus d’intégration, notamment sociale et fiscale puis plus tard peut-être, quand le moment serait venu avec une intégration financière suffisante, vers une monnaie unique.

Puis la belle idée a dégénéré, à la fois sous l’effet d’élargissements successifs, presque tous opérés pour des motifs idéologiques (soutenir l’accession à la démocratie) qui ont fait abandonner l’idée d’intégration au profit d’une large zone de libre-échange, et sous l’empilement d’institutions nouvelles paradoxalement antidémocratiques : le parlement, seul organisme élu, n’a aucun pouvoir.
Il y a cinquante ans, on pouvait « sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe ! ». Aujourd’hui quand on fait partie de ceux qui ont payé depuis le début les élargissements et les dépenses d’institutions non contrôlées toujours plus nombreuses, le sentiment dominant est devenu l’eurodéfiance. C'est ce qui conduit à demander pourquoi il est « nécessaire » aujourd’hui d’intervenir au profit de la Grèce.

égéa : l'Europe des 6, c'est l'Europe de Charlemagne : elle a un sens, c'est vrai. Mais elle a voulu s'identifier à l'Occident, d'où les élargissements... Mais l'Europe n'est qu'un occident, pas l'Occident, et elle n'a toujours pas levé cette hypothèque.

3. Le vendredi 22 juillet 2011, 21:38 par VonMeisten

1) Abandonner les Grecs ? Dans ce cas, je pense qu'ils quitteraient l'Euro, ou demanderaient des prêts à quelques créanciers (Chine ?).

2) Sans être spécialiste, laisser les grecs se débrouiller conduirait en toute logique à la chute du premier domino, sauf que là, les dominos suivants sont de plus en plus gros : Espagne, Italie, ..., un jour, la France ? Donc, nécessité d'intervenir pour éviter un problème chez nous à échéance.

3) Plus globalement, il faut sauver l'Euro, mais aussi (et surtout) le système lui-même. TINA est passé par là.

4. Le vendredi 22 juillet 2011, 21:38 par Jean-Pierre Gambotti

« Quand les événements vous échappent, feignez d’en être les organisateurs ! », cette formule attribuée à Cocteau est encore trop optimiste, me semble-t-il, quand on traite des relations internationales et des intérêts entre Etats. Dans ce domaine je crains que tous les événements n’échappent à ceux qui tentent de les organiser, nous ne sommes jamais que des démiurges qui ne maîtrisent jamais longtemps les systèmes dont ils sont les créateurs et qui ajoutent décision après décision au désordre général.

Est-ce vraiment surprenant ? Pour moi totalement incompétent pour répondre à cette question de la Grèce, je suis quand même persuadé que la médecine ne sera pas uniquement anthropique, elle viendra aussi du système qui trouvera lui-même un nouvel équilibre et d’événements périphériques qui agiront de systèmes en systèmes sur notre monnaie et notre économie jusqu’ à trouver des solutions de fortune(!). D’ailleurs gouvernants et citoyens sommes coresponsables de cette situation, nos représentants sont sommés de décider dans le brouillard et la contingence, l’épée démocratique dans le dos, et nous, nous regardons « le doigt du sage quand il montre la lune », focalisés sur un seul objectif, nos intérêts à court terme, nos égoïsmes… Concernant l’Europe, on peut toujours s’amuser à l’uchronie positive et imaginer qu’une Europe resserrée aurait été plus manœuvrable et plus riche, mais pourquoi pas un scénario plus défavorable et même catastrophiste d’une Europe-croupion écrasée par les nouveaux émergents?
Nous avons voulu voler un peu de feu du ciel et nous inventer un futur ambitieux, nous le construirons de manière chaotique et quasi-sisyphienne, « deux pas en avant, un pas en arrière, c’est toujours avancer » disait Lénine
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

5. Le vendredi 22 juillet 2011, 21:38 par panou34

Bien peu connaisseur en finances mes réflexions seront sûrement accueillies avec le sourire.
D'abord je ne suis pas un adversaire de l'euro .En ex Yougoslavie j'avais été troublé par le fait que la monnaie courante était le mark alors que pas un soldat allemand n'était présent.
La politique ne se fait pas à la corbeille et en économie le citoyen a son mot à dire.Il s'interroge:que fait l'état de mon argent car tout le monde paie des impôts au moins indirects?où placer mes petites économies?
Pourquoi pas un grand emprunt européen sur 10 ans? Ce serait un pied de nez à la finance anonyme et aux agences de notation qui se fichent bien du bétail des déposants...et sont bien incapables de prévoir leurs réactions.
Plutôt que d'emprunter sur le marché les états euro emprunteraient auprés de leurs citoyens avec un plafond qui écarterait les spéculateurs et dont le taux serait variable en fonction de l'inflation(systéme des livrets d'épargne).Laissons aux technocrates le soin de calculer celà par pays sous la condition que le moins d'inflation soit encouragé.
Les banques placeraient cet emprunt et leurs rémunérations calculées au plus juste seraient consacrées à leur recapitalisation.
Quand on connaît le taux d'épargne des ressortissants euro il y a de la ressource.
Pour les pays de l'UE hors zone euro l'emprunt pourrait être ouvert et son succés local serait un élément pris en compte pour l'admission
Idées trop simplistes certainement mais le lancement d'un tel emprunt et la pub sinon les explications l'entourant auraient au moins le mérite de rendre le citoyen partie prenante.

6. Le vendredi 22 juillet 2011, 21:38 par yves cadiou

On est obligé d’être un peu dubitatif en lisant « il faut sauver l'Euro, mais aussi (et surtout) le système lui-même » : ça ressemble plus à un postulat qu’à un théorème rigoureusement démontré. La théorie des dominos n’est pas convaincante, comparaison n’étant pas raison. La situation nous place une nouvelle fois, Europe ou pas, face à l’éternelle question qui se pose dans tout problème de solidarité : faut-il plomber les performances de l’ensemble au motif de traîner des canards boiteux ? La règle de l’assistance à personne en danger, c’est de le faire sans risque pour les sauveteurs.

Une autre voie est possible que de risquer de perdre l’essentiel en voulant à tout prix « sauver l’Euro et le système » : constater que le projet européen, qui était cohérent au départ, a été dévoyé et est devenu maintenant incohérent. Cette constatation faite, repartir sur de nouvelles bases ou plutôt reprendre les anciennes bases en les rénovant. Cependant il est vrai qu’une telle manœuvre est difficile parce que beaucoup de gens trouvent un intérêt à court terme dans le système tel qu’il est devenu, même s’il est sans avenir.

OK nous annonce une déflagration pour bientôt (cf. son billet « vacances avant déflagration »). Pour ma part j’ai depuis longtemps tendance à croire qu’on s’en sortira toujours quelles que soient les difficultés parce que c’est la principale leçon de notre histoire : lorsque surgit un chef avec une solution, il trouve chez nous du monde en nombre et en qualité pour se rallier à son panache blanc et à son projet de poule au pot. Cette fois-ci on s’en sortira encore mais on sera secoués dur jusqu’au moment où nos décideurs, contraints par les circonstances, devront faire ce qu’ils sont toujours réticents à faire : l’on voit, en visitant les blogs des partis politiques et des élus, qu’ils sont culturellement réticents à réfléchir et proposer en attendant d’être en situation de devoir décider. Pourtant les interventions ci-dessus (que je suis incapable d’évaluer) montrent que les idées à examiner ne manquent pas. Notre prochaine campagne présidentielle devrait être intéressante.
Du moins il faudrait qu’elle le soit et qu’on cesse de creuser toujours les mêmes ornières.

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