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Fondements de la stratégie navale, par Joseph Henrotin

ça y est ! j'ai enfin terminé "Les fondements de la stratégie navale au XXI° siècle", qu'a publié Joseph au début de l'année chez Economica.

Enfin, car je l'ai lu par petits bouts, et même si le style est limpide, c'est tout de même un livre sérieux qui requiert une certaine attention. Et comme dans le même temps j'ai fait quelques autres petits trucs, et que j'ai aussi lu d'autres bouquins, cette fiche de lecture arrive "tard" : excusez-m'en. Mais cette patience valait le coup, car c'est une somme qui d'emblée est une référence, surtout si comme moi vous ne connaissiez rien à la stratégie navale.

1/ Voici donc un bouquin de 482 pages, qui sera LA référence française en la matière pour quelques années : un appareil documentaire remarquable (bibliographie, index, table des illustrations, ...) en font un ouvrage "sérieux". Il manque juste un lexique des acronymes..... Par ailleurs, être érudit ne garantit pas forcément d'avoir des idées. Or, Joseph en a, beaucoup, il n'est pas pour rien un des meilleurs stratégistes francophones. Si c'est parfois un peu touffu, la plupart du temps les aperçus et des perspectives éclairantes aident à penser cette stratégie navale, si importante en nos temps de maritimisation.

2/ On comprend assez rapidement que la maîtrise de la haute mer n'est plus l'objectif des marines d’aujourd’hui : pour autant, on ne peut se contenter d'un marine de garde côtes, car si les grandes marines se réduisent, on observe la multiplication de challengers qui acquièrent des moyens permettant de sortir de leurs eaux de proximité.

3/ J'ai ainsi beaucoup apprécié l'exposé des liens entre technologie, complexité et polyvalence à la fois des porteurs, mais aussi des systèmes d'armes, des radars, des systèmes électroniques et des multiples combinaisons des uns et des autres. Ainsi, le seul critère du nombre ne suffit plus, même s'il demeure, encore, utile. Cela emporte la stratégie des moyens, moins évidente qu'autrefois, et qui pose la question des capital ships.

4/ Je regrette la conception trop classique (et pour tout dire dépassée) que Joseph a de la géopolitique : il la considère encore dans la perspective de MacKinder et Spykman, alors qu'elle a beaucoup évolué : je l'avais déjà constaté dans un des ses articles de DSI sur le sujet..... Bref, Joseph, la géopolitique, ce n'est pas seulement de la maîtrise de territoire, c'est devenu plus compliqué (et complexe : voir ici) que ça ! Toutefois, son aperçu sur la géopolitique des flux (p. 96) est excellent.

5/ Il est en revanche à son meilleur dans les chapitres 5 (les fondements de la puissance navale) et 6 (guerre totale et opérations limitées) où sa science est encyclopédique... et compréhensible. J'ai ainsi saisi la distinction entre flotte de haute mer (combat naval), garde-côte (sécurité et sauvegarde) et diplomatie navale (p. 150 & 151) même si les aperçus finaux sur la diplomatie navale (chapitre 10) m'ont un peu déçu, peut-être parce que les doctrines sont moins établies. De même, les dispositifs navals se rapprochent des côtes (p. 195). J'aime bien l'exposé des tendances : marsupialisation, réticulation, technologie, forces spéciales... malgré l'abus de "idéal-typique" et d’impact au lieu de conséquence.

6/ Excellente présentation de "l'avenir naval" p. 443.

Bref, un livre indispensable, me semble-t-il, aussi bien au néophyte comme moi qu'au spécialiste qui veut pouvoir picorer des références. A inclure dans toute bibliothèque stratégique qui se respecte. Un vin de garde qui, en même temps, peut se déguster tous les dimanches : incroyable !

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 20 août 2011, 19:31 par

Salut Olivier et... grand merci pour cette critique élogieuse ;o)

Ah, la nature de la géopolitique, grande question ! Personnellement, je suis de la "vieille école" : la géopolitique est une épistémologie des rapports politiques rapportés/soumis au territoire. Eviter une soumission/détermination excessive au territoire exige d'en rester à une vsion globale, presque étherée. En ce sens, elle est effectivement peu évolutive (sur les histoires de géopo des flux, d'ailleurs, il s'agit plus d'un ultime apex, à la frontière avec les relations internationales).

En deçà de la vision globale, on tombe, selon moi (mais l'article du DSI revient plus avant sur cette question) dans des relations internationales/études de politique étrangère qui ne sont pas qu'une série de paradigmes ultra-théoriques en compétition ;o)

Ouh, ça sent le débat ;o)))) Bonne rentrée à toi !

égéa : tiens, j'ai un article à te proposer dans DSI sur le sujet, si ça te dis. Ou encore, ce que tu n'as jamais fait : un débat ?

2. Le samedi 20 août 2011, 19:31 par Midship

Bon, j'ai une question naïve. Sachant que lire prend du temps, il faut faire des choix. Faut-il donc lire le livre de JH ou la Diplomatie navale de Hervé Coutau-Bégarie ?

Prenons un jeune officier de marine au hasard. Lequel des deux livres faut-il lui mettre dans la caboche ?

égéa : eh behhhhh ! voilà une question qu'elle est bonne ! techniquement, diplo navale fait un chapitre d'henrotin et tout le  livre de HCB. MAis c'est aussi une des missions les plus actuelles. Bref, je commencerait par Henrotin, et ensuite je creuserai avec HCB. Mais je ne l'ai pas lu, donc mon conseil est drôlement partial....

3. Le samedi 20 août 2011, 19:31 par

Le livre d'HCB, que j'ai commencé à lire, est plutôt fait pour construire une politique de diplomatie navale. Je ne l'ai pas lu en entier, mais je crois bien sentir qu'il dépasse par l'ampleur de ses enseignements (claque sur claque page après page) l'action du seule navire. Je te conseillerais de commencer par Les fondements en premier lieu.

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