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Une armée Second Empire ?

Un ami avec qui je déjeunais autre chose me filait une métaphore qui m'a semblé intéressante : l'armée actuelle présente de nombreux traits communs avec celle du Second empire.

source

1/ En effet, cette armée a eu une action expéditionnaire (à visée politique et non colonisatrice) assez efficace et brillante (Crimée, Italie) même si elle a pu se faire fixer (Mexique). D'ailleurs, la III° République se gardera de ces expéditions, ou plutôt les transformera en une colonisation dont on considérait surtout les gains directs.

2/ Armée professionnelle, donc sans service militaire universel, elle était assez éloignée des préoccupations du citoyen (un des succès de l'armée de la III° République tiendra au "rôle social de l'officier", véritable action intérieure envers la population nationale)

3/ Malgré les assurances qu'il ne manquerait pas un bouton de guêtre, le soutien qui ne suivait pas l'unité de commandement a été présentée comme une des causes de la défaite : la réunification des deux branches (subordination du soutien au commandement, ce qu'on appelle la plénitude du commandement) date de la loi fondatrice de 1882 que j'ai déjà évoquée. Mais cette disjonction évoquerait la chaîne de soutien par les BDD.

4/ Est-il besoin de rappeler que ce système militaire fut défait en 1870, causant une déroute qui marqua durablement la géopolitique française, au moins autant que la déroute de 1940 ?

5/ Comparaison n'est pas raison. Les similitudes, surtout avec l'histoire, ont peu de valeur explicative. Or, les choses ont changé. L'action expéditionnaire n'a pas duré très longtemps, et pas en coalition, ce qui la distingue beaucoup d’aujourd’hui. La préoccupation de "défense" existait quand même, car alors une guerre "aux frontières" était chose envisageable, envisagée, et d'ailleurs réalisée en 1870 : ce n'est plus le cas aujourd'hui. Enfin, les conditions du soutien étaient radicalement différentes, puisqu'on n'était pas encore entré, à l'époque, dans l'ère d'une guerre industrielle. Surtout, les BdD sont sous la coupe du CEMA.

Il faut donc se méfier de ce parallèle, même s'il était amusant de le présenter.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 28 septembre 2011, 20:57 par Daniel BESSON

Bonjour ,
Signalons aussi l'alliance Anglaise lors de la Guerre de Crimée et la volonté du régime de Badinguet de faire du " nation building " .
Tres Cordialement
Daniel BESSON

2. Le mercredi 28 septembre 2011, 20:57 par yves cadiou

Autre ressemblance : le manque de réserves. Le Second Empire n’a pas prévu de disposer de quelques milliers de réservistes volontaires. Avec des volontaires instruits il aurait pu imiter, mais cette fois sans improvisation, les armées de la Révolution un siècle plus tôt qui amalgama avec succès les troupes professionnelles de l’Ancien Régime et les jeunes volontaires inexpérimentés.
Je rappelle ce point parce que de nos jours nous ferions bien de rétablir un système de préparation militaire volontaire pour être prêts à doubler ou tripler les effectifs quand il faudra défendre le territoire national, y compris les départements et collectivités d’outre-mer.

Ressemblance aussi dans l’incohérence de la politique étrangère :
Napoléon-le-petit voulait à la fois plaire à ses amis anglais et briller de façon indépendante sur la scène internationale. Ces deux objectifs contradictoires lui faisaient mener une politique difficilement lisible, réagissant aux événements à court terme et sans vision d’ensemble, politique de gribouille qui nous priva d’alliés au moment de l’attaque allemande.

3. Le mercredi 28 septembre 2011, 20:57 par

Merchet a fait la même comparaison dans son intervention au sein du séminaire IFRI/FRS récemment, dont on peut trouver la vidéo sur Dailymotion.

Prudence tout de même, comme tu le rappelles dans le point 5, car les contextes ne sont pas du tour les mêmes.

A+

égéa : les grands esprits se rencontrent... Me croira-t-on si je dis que je ne regarde pas la télé (comment croyez vous que j'abreuve égéa, dites ?). Peut-être mon interlocuteur l'avait-il vu (lui) et a-t-il repris l'idée.

Il reste qu'effectivement, la comparaison est "évaluable" : c'est pas parce que c'est séduisant que c'est juste....

Amitiés

4. Le mercredi 28 septembre 2011, 20:57 par Le marquis de Seignelay

Je suis étonné que personne ne relève que l'importance primordiale du matériel, depuis la Grande guerre (grossièrement) qui fonde, principalement, l'émergence d'une Armée de métiers. Ce qui n'exige pas une armée entièrement professionnalisée pour ma part, je reste perplexe face aux choix manichéens. Il faut relire le discours à la Chambre des députés de Paul Reynaud de 1934 (ou 1937, j'ai un doute) pour création d'un Corps cuirassé. Il développe son point de vue dans le "Problème militaire français" de 1937 où il démontre, notamment, que les professionnels existent partout dans les Armées, que les Armées de l'Air et de Mer sont professionnalisées pour leur plus grande part, et qu'ils ne sont donc pas une menace pour le régime ou le succès des armes.

égéa : oui, mais depuis la nation en armes, validée par la geste de 14, la conscription est intouchable. Cela ne siginife pas qu'on n'a pas de professionnels : seulement qu'on ne peut pas fonder le système militaire "sur eux".

5. Le mercredi 28 septembre 2011, 20:57 par Le marquis de Seignelay

Il y a peut être une évolution historique fondamentale avec l'insularisation de la France. Athènes avait ses Longs Murs. La France a l'Union Européenne. Par construction artificielle, la France d'Europe est une île, et la plus grande, par sa superficie terrestre, de l'Archipel France.

Ce fondement non plus continental, mais maritime de notre puissance nous apporte peut être la légitimité pour disposer d'une Armée professionnelle. De Gaulle l'a souhaité. D'autre part, il n'a eu de cesse d'affirmer (depuis les années 30 mais je ne suis pas sûr, sinon depuis les années 50) l'importance de la Mer.

L'insularité fonde-t-elle l'Armée professionnelle pour disposer d'une force flexible pour aller protéger les intérêts vitaux dans des "expéditions" ? L'Angleterre a pris ce chemin historique (schéma grossier).

Peut être que les français voit la France plus terrienne qu'elle ne l'est réellement. D'où un attachement à la conscription.

Par contre, de là à dire qu'il y a eu une "insularité artificielle" sous le Second Empire... Peut être bien que non.

6. Le mercredi 28 septembre 2011, 20:57 par Christophe Richard

Permettez-moi toutefois d'ajouter une précision.

Cette armée "professionnelle de fait" n'était pas composée exclusivement de volontaires, même si le recours au remplacement atténuait les effets de la conscription et la nation en armes s'incarnait aussi dans la garde nationale quelque ait pu être par ailleurs la valeur militaire réelle de cette institution.

Il me semble que nous étions dans une phase ascendante de structuration de l'Etat nation, où l'organisation militaire n'était pas encore optimale, alors que nous serions plutôt dans une phase descendante ou si on veut être plus optimiste "de murissement" à laquelle l'organisation militaire doit s'adapter afin de répondre à la seule question qui vaille, celle de l'efficacité politique qu'elle est en mesure de produire.

Bien cordialement

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