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Coût/avantage de la BITD française

A l'heure où se discute la loi de finance et donc le budget d'équipement de défense, il paraît nécessaire de réfléchir au rôle de l’industrie de défense, notamment dans sa dimension exportatrice. Les quelques éléments qui suivent ne sont là que pour ouvrir le débat.

source

Autrefois (années 1960), on avait constitué une industrie de défense pour garantir l’indépendance, et répondre au besoin de défense (intérieur) et permettre l’action internationale (extérieur). Les exports apportaient un effet taille favorable à la BITD.

Aujourd’hui, il y a une sorte d’inversion de la chaîne : le budget de défense contribue à des besoins intérieurs (besoin de défense, certes, mais aussi politique industrielle) et extérieurs (balance commerciale et influence) mais avec des risques : la civilation de la BTID (elle n’est plus que très partiellement « de défense »), la pratique des offsets qui donne les germes de futures concurrences, la surqualification des matériels au motif d’une haute technologie qui serait notre avantage comparatif résiduel, autant d’évolutions qui pervertissent le processus.

Dès lors, il faut s’interroger sur cette pratique :

  • quel besoin d’équipement de défense (plus qu’une course aux armements, on est dans une course à la technologie, exemple de la DAMB) ?
  • quel besoin d’export, si l’export rapporte moins et dissémine de la concurrence future ?

Mais il est vrai que l’export possède des utilités opérationnelles et d’influence :

  • au plan stratégique : comme on sait ce qu'on a mis comme technologie, on est capable de contre-mesures adaptées. Toutefois, cela signifierait qu'on pourrait affronter des armes mises en œuvre par des pays devenus amis (en effet le contrôle des armements interdit toute exportation vers un ennemi potentiel). A noter que cette réflexion est probablement à la base de la constitution d'un système national : il s'agit en effet de mettre en œuvre une indépendance vis-à-vis de matériels qui nous seraient vendus. Regardez le nombre de remarques faites sur la maîtrise par les Américains du GPS ou du système Windows.....
  • au plan militaire : les armements vendus à l'extérieur donneraient le bénéfice de capacités interopérables voire identiques sur des théâtres de déploiement potentiels (qu'on pense à certains pays de la péninsule arabe, voire du sous continent indien).
  • au plan politique : la cession d'un matériel soutient un soft power et une acculturation non seulement technique, mais d'influence (francophilie), qui constituent autant de relais à la politique internationale de la France

Ainsi, les bénéfices de l’export sont indirects, mais les coûts de l’export sont eux aussi indirects. La balance stratégique est donc difficile à établir.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par

Bonsoir,

Bien que risqué l'offset peut aussi être envisagé comme une arme technologique. En effet, si on maitrise suffisamment son contrat de vente il est ainsi possible d'envoyer le "client" vers un cul-de-sac technologique, de lui vendre un matériel dépassé ou en cours de dépassement et enfin de ne lui vendre que les "morceaux" technologiques qui l'obligeront à avoir recours à des matériels restant eux sous seing national. Je pense ainsi spécifiquement aux contrats de vente de matériels russes à la Chine où le transfert de technologie portait sur les cellules du Su 27/30 mais où Moscou a catégoriquement refusé le transfert de technologie des missiles anti-navires (Kh-31 si mes souvenirs sont bons).

2. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par Daniel BESSON

Bonjour ,
@ NM
L'essentiel de la polémique entre la Russie et la Chine porte sur la cession des codes-sources du systéme S-300 dont elle a vendu une partie des procédés de fabrication . La Russie se préoccupe peu de la copie de la cellule et du systéme propulsif puisque ce systéme d'arme AA qui va être retiré de la dotation des forces armées Russes va desormais être proposé à l'export par Almaz-Antey y compris pour des états de la zone OTAN comme la Turquie .
Le dossier des codes-sources n'est pas spécifique aux relations Russo-Chinoises puisqu'il est central dans le contrat du FX-2 Brésilien
http://www.cablegatesearch.net/cabl...
et il a fait l'objet d'une passe d'armes entre Britanniques et Etasuniens à propos du F-35 .
http://executiveeducation.wharton.u...
Le missile anti-navires vendu par la Russie à la Chine est le SS-N-22
http://en.wikipedia.org/wiki/SS-N-2... , avec les mêmes remarques que supra . Idem en ce qui concerne le SS N-26 vendu à l'Indonésie .
http://en.rian.ru/mlitary_news/2011...

@ OK
Voici ce qu'ecrivait le géopolitolgue Argentin Norberto Ceresole dans Tecnología militar y estrategia nacional ( 1991 ) et qui rejoint ce que vous ecrivez sur le " soft power " .
" En acquérant des systèmes d'armes Russes ou Chinois , le Vénézuela et le Brésil ne vont pas acquérir seulement de l'acier Russe ou Chinois mais une " weltanschaaung " Russe ou Chinoise qui va d'abord imprégner les chefs militaires puis la nation entière au travers des chefs politiques qui auront décidé cette acquisition " .
Le systéme d'arme devient un " kulturträger " comme l'AK-47 qui est devenue synonyme de " lutte de libération nationale " .
Norberto Ceresole a été profondément marqué par la Guerre des Malouines et les notions d' "apartheid technologique " et surtout de " controlabilité " qui ont été développés à cette occasion et que vous évoquez .
Il faut signaler que certains chefs militaires Français s'en sont rejouis lors des guerres contre l'Irak et la Libye à propos des radars vendus par la France . Les Brésiliens en sont conscients , par exemple dans le choix du constructeur de leur futur satellite multi-missions destiné à la surveillance de leur espace maritime qu'ils craignent de voir être " aveuglé " par un simple ordre radio .
Certains systémes d'armes sont l’archétype du système à définition politique par leurs rapports directs avec les principes de souveraineté et d'identité .
Lors de la livraison des premiers Su-30 Russes au Venezuela , on a pu voir des affiches à Caracas représentant au premier plan un amérindienne " basanée " , coiffée d'un " casque Russe " ou " Tchoub " ( en réalité desormais symbole identitaire Ukrainien ) vétue d'une côte de maille et tirant à l'arc et au deuxième plan un Su-30 en vol ....
Tres Cordialement
Daniel BESSON

égéa : je suis impressionné par votre capacité non seulement à suivre la géopolitique russe, mais aussi la GP sud-américaine : Respect ! Juste une question : j'aime bine l'expression Kulturträger, qui semble venir d'un théoricien allemand : pouvez vous nous en dire plus ? Préalable à Joseph Nye ?

3. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par

La question que l’on devrait se poser, c’est : pourquoi nous faut-il une industrie de défense purement nationale y compris lorsqu’il ne s’agit pas de technologie sensible ni d’armement à proprement parler (camion blindé, drone, etc.) ? Vous avez pourtant signalé récemment que le Président de la Commission européenne plaide pour « un marché unique de la défense ». Il a raison. On a tort de parler de « défense européenne » parce que ça suppose une politique extérieure commune qui n’existe pas (et qui n’est pas souhaitable) mais on a raison de parler de « marché unique de la défense » si on le limite aux matériels tout-venants.

Il faut se demander pourquoi ce « marché unique de la défense » n’existe pas : il devrait exister depuis longtemps. C’est d’expérience personnelle ancienne que je suis fort sensible à cette question mais je crains qu’on n’ait guère progressé en quarante ans.

On s’est récemment scandalisé, à juste raison, du pouvoir pris par les industries pharmaceutiques au ministère de la Santé. Bizarrement, on oublie de se scandaliser du pouvoir pris par les industries d’armement au ministère de la Défense. Pourtant l’on devrait parce que les gars risquent leur vie sur le terrain quand ils n’ont pas le blindage ou les drones qu’il leur faudrait.

Comparons : les pompiers (budget total des pompiers en France : 13 milliards €) achètent leur matériel où ils veulent en Europe, tenus de faire des appels d’offre européens en application du CMP (Code des Marchés Publics). Cette obligation qui leur est faite par le CMP leur convient parfaitement car elle leur permet de résister aux pressions des industries nationales et d’acheter le matériel qui correspond le mieux à leurs besoins opérationnels au regard du prix. Aux lecteurs qui veulent en savoir plus, je suggère de s’adresser à un SDIS (Service Départemental d’Incendie et Secours) pour savoir comment ça fonctionne : ce n’est pas secret.

Pourquoi cette différence entre les procédures d’équipement des pompiers (qui sont des fonctionnaires) et des militaires lorsqu’il ne s’agit pas de technologie sensible ni d’armement à proprement parler ? Pourquoi a-t-on pris l’habitude d’imposer aux militaires français le matériel que l’industrie française veut leur vendre, au moment où elle le veut et au prix qu’elle veut ? « Garantir notre indépendance » envers nos partenaires européens n’a pas de sens quand il s’agit d’acheter des armes légères d’infanterie ou des véhicules tout terrain, blindés ou non. Cet abus de position dominante est institutionnalisé par la LPM périodique qui est une promesse de budget à l’industrie et non une promesse faite aux militaires qu’ils auront l’équipement qu’il leur faut : ils auront seulement l’équipement que l’industrie d’armement, protégée, voudra leur fournir. Pourquoi ?
.
Parce que le militaire est inexistant dans les partis politiques. Au motif que « l’armée ne doit pas faire de politique » (ce qui est exact), on interdit au militaire de faire de la politique, en oubliant ou en faisant mine d’oublier que l’armée (le service public chargé de détenir et de mettre en œuvre les armes de la France) ce n’est pas la même chose que les militaires (citoyens sélectionnés pour leur aptitude à servir ces armes). Les policiers ne sont pas interdits de fréquenter les partis politiques, ça n’empêche pas les CRS de faire la même chose que les escadrons de Gendarmerie formés de militaires. La seule différence, c’est que les militaires sont « projetables » hors du territoire national : cette particularité ne justifie pas d’interdire aux militaires de participer, à titre personnel et en civil, aux réflexions qui sont menées dans les partis politiques.

Les pompiers assurent très correctement leur service sans être interdits de politique et ils ne se privent pas d’en faire : beaucoup d’entre eux sont élus en dehors de leur zone d’intervention, dans le département voisin, à deux heures de route de leur caserne. Leur service n’en est pas moins bon pour ça, au contraire : dans toutes les assemblées politiques, il y a toujours un ou plusieurs pompiers en civil qui savent défendre leur point de vue, non pas en tant que pompiers mais en tant que citoyens. Les mêmes savent faire remonter leur point de vue aux autorités, en passant par le parti. Les militaires et les anciens militaires, trop ignorants des arcanes de la société civile, ne savent pas en faire autant et lorsque l’un ou l’autre comprend enfin le système, c’est trop tard.

Cet isolement du militaire est tellement entré dans la normalité que même l’EdG y participe, proposant à ses candidats des sujets éthérés qui ne les incitent pas à s’intéresser au fonctionnement de la société civile et de ses partis politiques.

Les militaires sont mis à l’écart par suite d’une certaine routine intellectuelle et du refus de se poser les bonnes questions, celles qui sont susceptibles de faire sauter des blocages nocifs. Pourtant, exclure les militaires de la politique n’est pas l’intérêt national parce que les partis se privent ainsi d’une expertise qui serait utile au moment de prendre les décisions.

Malheureusement il se trouve que mettre les militaires à l’écart, ça arrange beaucoup de monde même si ce n’est pas conforme à l’intérêt national : c’est là que se situe le cœur du problème concernant les équipements.

4. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par Daniel BESSON

Bonjour ,
Je ne connais pas l'origine du terme " Kulturträger" mais il me semble l'avoir vu employé avant la SGM , avec des guillemets , par un journal satirique Français montrant un soldat Allemand bedonnant avec son " casque à pointe " se promenant dans l'Alsace occupée , avec son épouse aussi ventripotente et en crinoline qui " tire " un enfant qui fait un caprice ( Hansi ? ) . De la même manière il a été souvent associé dans la presse satirique Allemande , toujours avec des " guillemets " , aux soldats Français d'origine Africaine durant la pgm et l'occupation de la Ruhr .
Voici ce que j'ai trouvé sur le net :
http://books.google.fr/books?id=QFs...

On peut donc penser , je m'avance , qu'il prend son origine dans la période Bismarckienne comme " Kulturkampf " .
Tres Cordialement
Daniel BESSON

egea: merci
5. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par Nono

Une réponse rapide (j'essaierai de développer plus tard), mais contrairement à Yves Cadiou, je ne pense pas que les armées actuellement se laissent "vendre" des matériels purement franco-français sans qu'il n'y ait d'impératif de souveraineté. Il y a un certain historique, mais en matière d'armes légères, les derniers achats sont plutôt européens (HK, FN Herstal,..), les véhicules aussi (Bvs10 Viking, ...)

Quand aux LPM, elles permettent d'avoir une politique à long terme, et de limiter les choix "au plus urgent", au détriment de toute vision d'ensemble. Et l'un des moyens d'avoir ce qu'on veut sur le long terme, c'est bien d'avoir une industrie à soit qui soit capable de faire ce qu'on veut, et non de nous vendre ce qui convient à d'autres (par exemple le matos US, adapté aux concepts, méthodes, tactiques US qui ne sont pas les nôtres)

Et pour ce qui est de mettre les militaires à l'écart du politique, je pense que ça rejoint le débat lacé par le colonel Goya sur son blog http://lavoiedelepee.blogspot.com/2... .

6. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par yves cadiou

Suite au commentaire de nono (n°5). Si le protectionnisme absolu que j’ai connu autrefois est terminé, c’est une bonne nouvelle. Je ne préconise pas d’acheter US car je crois (comme vous, si j’ai bien compris) que ça aggraverait notre alignement déjà excessif, mais je préconise simplement d’acheter en conformité avec le code des marchés publics (c’est-à-dire appel d’offre européen), sauf dans les cas particuliers et ponctuels dûment justifiés où il faut acheter français. Merci d’avoir indiqué le débat lancé par Michel Goya, bien que la participation aux réflexions des partis politiques que j’évoquais ne soit pas exactement la même chose que la liberté d’expression publique traitée par ce billet sur le blog de MG.

7. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par Daniel BESSON

@ Yves Cadiou
Le BPC Mistral est construit dans un chantier à capitaux Sud-Coréens STX , les Plateformes élévatrices c'est du KONE [Finlande ou Allemagne ? ] , la motorisation diesel du Wärtsila [ Finlande ] , le systéme de contrôle des pods c'est CONVERTEAM une société controlèe depuis le 2 sept 2011 à 100 % par GE ! [ Société cédée en 2005 par les responsables du groupe ALSTOM à la BARCLAY'S car " sans avenir " ...] .On peut se poser la question sur le nombre de composants électroniques " non Français " entrant dans la fabrication des systèmes de commandement et de communications et qui ne disposent pas de " deuxième source " Européenne ou Française .( cas très fréquent en électronique )
Le candidat aux primaires socialistes , M.Montepourg , proposait la création d'un centre de veille stratégique sur les ventes de certaines sociètés et je crois qu'il avait raison sur ce point . Je crois qu'on est plus dans le danger inverse de celui que vous mettez en avant !
Tres Cordialement
Daniel BESSON

8. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par Nono

Sur les coûts et avantages d'une BITD nationale (ou "groupée" entre plusieurs pays):

- effectivement, acheter du matos chez notre petit épicier du coin (notre fournisseur national du domaine) coûte plus cher que d'aller au supermarché un peu plus loin (USA, Chine, Russie), ou même au hard discount pas loin (UE ou autre). Sauf que le supermarché du coin, en général, vous propose la carte de fidélité qui va bien, et le contrat de service ad hoc. Et gare à toi si tu respectes pas le contrat de services!! Adieu pièces détachées, SAV,... Ca peut être soft, mais aussi très brutal (demandez aux iraniens la gueule de leurs F14...). Bref, il faut faire attention.

- Evidemment, ça marche dans l'autre sens: si on vend notre matos, on peut plus facilement contrôler celui à qui on l'a vendu. Evidemment, sur le moment, quand il se retourne contre nous (Irak, 1990..), on l'a un peu mauvaise sur le moment, mais on sait mieux le contrer (surtout si on a pris la précaution, pas toujours réalisable, de ne pas lui donner notre meilleur matos.

- Après, l'export, surtout s'il accompagne de transferts de technologies, est dangereux, car on peut se créer notre propre futur concurrent. Gageons que les Thomson, Sony, Philips et autres RCA doivent bien se mordre les doigts (s'ils existent encore) d'avoir tant sous-traité et vendu en Chine! De même que les russes se retrouvent avec des Su-27 chinois qui les concurrencent...

- Ensuite, se pose la question: faut-il coopérer ou pas, et partager la BITD? Coopérer, ça veut dire que chacun des 2 doit avoir quelque chose à proposer de niveau à peu près équivalent, sinon on revient à du transfert de technologies. Et il faut que la volonté soit partagée!!! On aurait pu "faire" l'Eurofighter avec les autres, mais je doute que ça aurait coûté moins cher (les brits ont payé autant que nous), et on n'aurait pas eu autant (quid du PA si la décision du CDG était maintenu, quid de l'air-sol pour lequel le Typhoon est notoirement inadapté. Bon, ok, ils ont un peu fait joujou en Lybie, mais en Afghanistan, bizarrement, on l'attend toujours). Bref, la copération demande une volonté politique forte de chaque côté, et c'est ce qui manque le plus en Europe! A prôner la coopération, l'interdépendance mutuelle, on a un peu l'impression que la France prêche dans le désert!!

On peut comparer aux pompiers, reste que le boulot et les contraintes des pompiers sont, à peu de choses près, les mêmes dans tous les pays, il n'y a pas à ma connaissance de gros investissements de R&D nécessaire. A contrario, dans le militaire, entre un pays qui a une armée juste pour se défendre (Autriche avec des Typhoon uniquement armés de missiles à guidage IR: heureusement que le ridicule ne tue pas...) et celui qui a une armée à vocation plus expéditionnaire (et donc éventuellement du matos aérotransportable, voire parachutable..), ça n'est pas tout à fait la même chose. Les pompiers commencent à réfléchir à utiliser des drones dans certains cas, alors que même dans l'armée française on a plus de 20 ans d'expérience depuis le CL-289!! Et je doute que le protectionnisme était complètement absent chez les pompiers quand il existait dans le militaire: Renault Trucks se vante encore d'avoir plus de 69% du marché!! http://corporate.renault-trucks.com...

9. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par yves cadiou

Je réponds seulement au dernier paragraphe du commentaire n° 8 : la comparaison avec les pompiers.
.
Renault Trucks peut d’autant plus se vanter de sa part de marché que ce succès ne doit rien au protectionnisme ni à aucun « lobbying » auprès du ministre. Le matériel est acheté de façon décentralisée par une centaine de services départementaux, SDIS, dont la plupart font le même choix au vu du rapport qualité-prix.
La plupart mais pas tous, ce qui confirme que leur choix est libre. Au cours de ma carrière civile, j’ai participé de près à ce processus : je témoigne que le choix est fait par des pompiers de terrain sur le seul critère de l’efficacité opérationnelle à l’intérieur du budget disponible. Parfois des « petits » SDIS achètent du matériel d’occasion à des « gros » SDIS qui veulent moderniser progressivement leur parc. Tous les acheteurs étrangers connaissent cette souplesse et c’est sans doute pourquoi Renault Trucks exporte mieux que notre industrie d’armement : l’argument « fournisseur des pompiers français qui achètent ce qu’ils veulent » est beaucoup plus convaincant que l’argument « fournisseur de l’armée française, clientèle captive ».
.
Je préconise par conséquent qu’on fasse comme les pompiers pour l’équipement militaire de technologie basse ou moyenne comparable à celui des pompiers : il y a pas mal de R&D, leur matériel n’est pas aussi simple qu’il y paraît quand on regarde passer les camions rouges sans savoir ce qu’il y a dedans et autour. Par ex ils utilisent la cartographie numérisée depuis plus de vingt ans : quand ils attaquent un gros sinistre, il leur faut savoir sans délai quels sont les réseaux et équipements d’infrastructure à protéger ou à utiliser dans les environs : conduites de gaz, captages d’eau potable, bâtiments dangereux (usine stockant des matières dangereuses), ou difficiles à évacuer (clinique, hospice, asile psychiatrique… et les habitats clandestins qui ne sont pas tous répertoriés), l’endroit où l’on trouve une conduite d’eau et sous quelle pression, les itinéraires par où se présenteront les renforts arrivant sur le chantier, etc. La cartographie n’est qu’un exemple : la comparaison de l’équipement militaire avec celui des pompiers, même s’ils n’ont pas de porte-avion, est valable dans une large palette de matériels. Il est vrai que les besoins des pompiers sont souvent les mêmes dans tous les pays d’Europe parce que les infrastructures civiles sont à peu près standardisées. Mais pour une gosse part de l’équipement militaire aussi, les besoins sont les mêmes quelle que soit la zone d’action.
.
Quant au drone des pompiers, c’est autre chose mais ça conforte ma position car il s’agit, comme les hélicoptères et les bombardiers d’eau, d’un équipement acheté et détenu par le ministère (DSC : direction de la sécurité civile) qui le met ponctuellement à disposition d’un SDIS qui en a besoin sur un sinistre en cours. Le drone de la DSC pourra parfois être utilisé au profit de la Police comme le sont déjà, couramment, les hélicoptères rouges. L’achat d’un drone est décidé seulement maintenant parce qu’en ces temps de RGPP les armées commencent à parler de faire payer les prestations qu’elles effectuent au profit des ministères civils. Le ministère de l’Intérieur pour cet achat ne se heurte pas aux mêmes obstacles que les armées parce que ce matériel n’est pas classé « matériel militaire » même si c’est exactement le même que celui des armées. Le ministère de l’Intérieur n’est pas chargé de faire du protectionnisme au profit de l’industrie française : il achète où il veut en Europe conformément au CMP.
.
Le drone CL-289 a été mis en service dans la Bundeswehr en 1989 et dans l'armée française en 1992, ce qui confirme l’utilité de s’équiper européen (avec un peu de canadien dans le cas du CL-289) et pas seulement français même si les besoins ne sont pas exactement les mêmes (pour nous ce drone appuyait les missiles pluton et hadès). Le protectionnisme de l’industrie française a été surmonté pour ce drone d’observation CL-289 parce que ce n’était pas de l’armement stricto sensu. On peut en faire autant pour tout ce qui n’est pas de l’armement.

10. Le jeudi 13 octobre 2011, 20:48 par Nono

Désolé, mais une part de marché de 70% dans un environnement concurrentiel, comment dire... Je n'y crois pas. Ce n'est peut-être pas conscient, ils font sûrement les bons choix, mais l'asphyxie de la concurrence, ça existe.. Le Duo Wintel, ça vous dit quelque chose? D'ailleurs, sur le marché poids lourds ou des camionnettes, personne n'a 70% de part de marché. Etonnant, non?

Et si les ministères ne faisaient pas de protectionnisme, ça se saurait, et les policiers n'auraient pas essentiellement des voitures de marque française (l'épisode Ford semble du passé) par exemple.

Donc dire que Renault Trucks a une part de marché de 70% sans aucun protectionnisme ni lobbying ou autre, comment dire.. Je n'y crois pas, tout bêtement. Et il faudrait arrêter de rester sur les idées d'il y a 20 ans sur les achats militaires.

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