1/ En effet, le billet se fait l'écho des déclarations du porte-parole des armées qui ne peut que rappeler les consignes données aux soldats engagés en opération. Celles-ci considèrent qu'avant même la question des relations avec le public, il y a des aspects de "secops", sécurité opérationnelle" : une image trop vite diffusée donne des informations opérationnelles qui peuvent être utilisées par l'ennemi. Il s’agit là de l'information opérationnelle.
2/ Mais cette information est "brute", duale : si elle a des aspects opérationnels, elle a des aspects grands publics. Ce qui est en jeu dans le cas présent. D'autant que (deuxième dualité) non seulement la consommation d'information est grand public (ultra médiatisation de notre société planétisée), mais aussi sa production. Autrement dit, c'est la question de la "maîtrise" de l'information qui est posée.
3/ Ce qui fait question est alors non la transmission "marginale" de l'information, mais sa diffusion massive, grâce au pouvoir persistant de la télévision. C'est le débat suggéré par le colonel Burkhardt quand il distingue les souvenirs personnels (tolérés) de leur utilisation pour un documentaire à grande diffusion (moins tolérables).
4/ Ici, il faut aller un peu plus loin : cette information "grand public" n'est pas aussi civile (non opérationnelle) qu'il y paraît,. Elle comporte, à cause justement de la médiatisation, des aspects opérationnels. En effet, le centre de gravité ami réside, comme souvent de nos jours , dans le soutien de l'opinion publique à l'opération. C'est la logique du primat donné à la pointe "populaire" de la trinité clausewitzienne.
5/ Et force est de constater que les Talibans veulent toucher, plus que jamais, cette cible là : d'ailleurs, leur refus de l'engagement direct et leur multiplication des attaques indirectes, soit par bombes de fortune, soit par attentats, soit par des actions téméraires (action au centre de Kaboul) visent, d'abord et avant tout, à toucher l'opinion publique occidentale.
6/ La réaction officielle a donc des aspect opérationnels de "défense" du CDG ami, et n'est pas simplement une question de "communication" (ou de censure de celle-ci), comme pour une campagne de recrutement ou les journées portes ouvertes de dimanche prochain. J'ai en fait l'impression qu'on est passé d'une maîtrise directe de l'information à la nécessité d'une maîtrise indirecte : plus facile à dire qu'à faire, d'où l'embarras du porte-parole.
7/ Reste la question de la différence entre notre attitude et celle des Anglo-Saxons, qui semblent beaucoup plus permissifs. D'aucuns l'affirment, et je veux bien les croire, même si je me méfie de l'effet de masse dû au surnombre de soldats américains, britanniques et anglophones sur les réseaux sociaux. Reste aussi la question de l'efficacité de cette plus grande "permissivité", et de l'efficacité des contre-mesures quand il y a des débordements : voici un sujet d'étude qui mériterait d'être creusé par des communicants opérationnels : tient, l'IRSEM, si vous mettiez un jeune chercheur là-dessus ?
Bref, la question est (AMHA) bien différente de celle de la liberté d'expression, thème un peu bateau qui sert surtout à faire la publicité de l'émission, et qui utilise les fantasmes répandus sur "on nous cache quelque chose". Méfions-nous quand des médias mobilisent les grandes causes éthiques au service d'un de leurs "scoops" et allons voir un peu derrière....
Réf : le documentaire "c'est pas le pied la guerre"
O. Kempf
1 De -
Excellente analyse. Dans mon domaine (sapeurs-pompiers) le problème se pose depuis déjà quelques temps, justement par l'apparition des caméras de casques. Au début, elles étaient onéreuses et en cas de feux en espace confiné, elles ne résistaient pas. Aujourd'hui nous avons des caméras qui résistent et il suffit de regarder Youtube et de chercher "firefighter" pour voir le résultat.
Eviter cette diffusion? Cela parait difficile: pour 50 euros j'ai une caméra et le dépôt des fichiers sur Youtube est gratuit. En plus, force est de constater que filmer ce qui se passe peut avoir un impact très positif. En cours de pédagogie pour adulte, on se filme et quand on se voit, ça fait souvent très mal...
Ce qui coince souvent c'est que celui qui diffuse a rarement idée de la qualité de ce qu'il réalise. Au niveau sapeur-pompier on voit des vidéos montrant des actions d'un niveau technique totalement déplorable, mais que les auteurs mettent en ligne "de bonne foi", ce qui laisse penser qu'ils ont quand même un gros manque de conscience de ce qu'ils font.
Et là dans ce reportage c'est un peu pareil. Toujours facile de critiquer, mais quand je vois les gars coincés derrière leur tas de cailloux et ne sachant pas quoi faire, je me pose la question de savoir ce qu'ils auraient fait en 1944 en Normandie. A part se faire transformer en pâté, je vois pas trop...
Cela peut d'ailleurs amener à une question plus vicieuse: si nous avons du personnel formé, nous avons aussi du personnel respectueux d'une ligne hiérarchique. Or, ce respect peut exister réellement s'il existe entre deux personnes proches d'un point de vue grade. Le soldat respecte le général, mais c'est juste une façade car sur le terrain, le soldat pense que le général c'est juste un gars planqué dans son bureau. Par contre entre le Sergent et les soldats, là, il y a du lien et du respect. La question de la diffusion des images peut sans doute se poser de façon plus simple: pourquoi ne pas équiper systématiquement les Sergents avec des caméras de casques?
C'est une mission, et si ce sont eux (les Sergents) qui filment, les autres (soldats) ne filmeront pas. Mieux, en fin d'action, on se réunie autour de l'ordinateur et on regarde tous la vidéo. On va bien rigoler quand Bernard montre ses fesses ou quand Marc se vautre dans les buissons. Mais quand le Sergent va dire "Là, regardez les gars, vous êtes super mal placés. C'est pas bon. Rappeler vous en instruction on a vous a dit ça, ça et ça. Là, vous êtes des mauvais, je veux plus vous voir comme ça!".
On va écouter, on va admettre car à l'écran, c'est pas les autres, c'est nous! On va se remettre en cause et on va progresser surtout que le Sergent, la prochaine fois, il continuera à filmer...
Amitiés
Pierre-Louis
2 De -
Le commentaire de Pierre-Louis amène deux questions dont la deuxième est, à proprement parler, une remise en question. La première est : peut-on maîtriser la comm ? D’après ce que nous dit Pierre-Louis (la caméra de casque à 50 €), la comm n’est plus et ne sera plus maîtrisable. On l’a vu aussi avec la quantité d’images incontrôlées qui nous sont arrivées de Libye depuis mars dernier : un flot d’informations brutes diffusées sur internet ont contredit l’information journalistique. Je suis tenté de qualifier d’ « officielle » cette information journalistique tant elle correspondait à ce que notre gouvernement voulait nous montrer. Pour bidonner l’information, c’est facile : quelques envoyés spéciaux suffisent parce qu’on n’a jamais entendu, où que ce soit, un envoyé spécial dire « je suis venu pour rien, il ne se passe rien ». Mais il y a maintenant un antidote à l’intox : les documents bruts diffusés en nombre sur la Toile. Pour qui possède quelques notions concrètes du combat et de l’armement, il était visible sur les photos et vidéos de Libye qu’il ne se passait rien. Les prétendus « combattants » du CNT n’étaient que des pitres émotifs dont quelques uns ont été blessés, mais seulement par maladresse (accidents de circulation ou accidents d’arme). Ils ont pu avancer parce qu’il n’y avait personne en face d’eux. Leur cruauté finale a confirmé leur lâcheté car cruauté est cousine de lâcheté. Communication incontrôlable donc dans l’affaire libyenne, on en reparlera sûrement en ce qui concerne la Libye mais aussi dans tous les conflits violents à venir, là ou ailleurs.
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Par conséquent le moment est venu de poser la deuxième question, une question que beaucoup préfèreraient continuer d’esquiver mais qui ne peut plus l’être : faut-il maîtriser la comm ? Informer le citoyen sur les affaires qui le concernent, c’est-à-dire toutes les affaires du pays y compris les affaires militaires, est une obligation démocratique. Bien évidemment, il y a toujours des autorités politiques ou autres qui préfèreraient que l’information soit « maîtrisée ». Ces autorités auraient par exemple préféré que l’image sanglante du lynchage de Kadhafi ne soit pas diffusée. Je n’ai aucune sympathie pour la victime mais son lynchage est clairement un crime : si c’était la guerre en Libye, c’est un crime de guerre dont le CNT et ses amis sont complices. Crime de guerre : la prescription est de trente ans et non dix.
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Au-delà de ce fait ponctuel et récent il y a toujours eu des autorités politiques désireuses de cacher aux citoyens la réalité des choses. Le vieux slogan de 1939 « des oreilles ennemies vous écoutent » était déjà une tentative de maîtriser la comm, mais à une autre époque.
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Vouloir maîtriser la comm est un déni de démocratie. Et voyez comme ça tombe bien : elle devient justement impossible à maîtriser.
3 De oodbae -
M. Cadiou,
j'ai eu l'occasion de lire plusieurs de vos commentaires desquels émanait une apologie de la liberté d'expression inconditionelle. J'aimerais rapidement et en toute humilité interpréter cette inconditonnalité de la liberté d'expression comme une liberté d'expression à tout prix, notamment le prix de l'ordre public, donc débouchant sur la révolution continuelle, puisque si la révolution s'arrête, l'ordre public revient, donc la maîtrise de la communication fonctionne.
De fait, ce petit raisonnement repose sur l'idée que la maîtrise de la communication se corrèle avec l'ordre public, dans un sens général. Placons nous, je vous prie, dans un état d'absence de maîtrise de la communication. A moins que vous ne supposiez que toute communication ne serait que spontanée voire dénuée d'arrière-pensée prosélyte, vous convenez que toute communication peut potentiellement être suscitée par quelque intérêt financier, privé, économique, inavouable, et qu'il y a des "flots" de communications qui seraient essentiellement motivés par des intérêts mercantiles voire nuisibles à dessein.
Or, c'est sur la base de toutes ces communications qu'on vote, qu'on élit, qu'on donne son avis dans un sondage, qu'on fait tomber un ministre, qu'on contraint un maire à la démission, bref qu'on ordonne la société publique, dans une société démocratique.
Par conséquent, l'absence de maîtrise de la communication [par l'état, je suppose] signifie la possibilité pour toute puissance économique de financer une campagne médiatique pour poursuivre tout but sans autre contrainte que de s'assurer la neutralisation des avis contraires, chose aisée si ils sont le fruit des réflexions individuelles d'un certain nombre de citoyens particulièrement curieux. Imaginons comme buts par exemple " l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament contre l'obésité", "la pénétration d'un marché national d'automobiles en moyenne gamme", " la lutte contre la pédophilie".
On ne cherchera pas à convaincre toute la nation, juste à se créer un marché local et captif, captif parce que soumis à la communication exhaustive de cet intérêt économique, exhaustif parce que le seul contre-pouvoir serait un autre intérêt économique d'égale puissance.
... la libre concurrence libérale comme garde-fou ... oui mais, l'entente sur les prix...
La communication anarchique mais globale, sans maîtrise par la puissance publique, permet donc au plus fort d'imposer ses vues dans son domaine, dans son périmètre, dans son fief, sur son marché captif, sans autre contrainte que d'alimenter régulièrement la communication par des annonces et des fausses alertes. On en revient à une société ordonnée localement par la loi du plus fort local, comme aux temps médiévaux des vassaux, suzerains, duchés, seigneurs, etc, soit à un abandon de l'ordre public [national]. Une société à l'américaine tendance parti républicain.
Est-ce un progrès? une régression? un statu quo? une révolution continuelle?
En tout cas, on a vu avec l'affaire d'Outreau ce que l'absence de maîtrise de la communication produisait. On voit avec BHL ce que l'absence de maîtrise de la communication a produit.
On peut souhaiter, et je le souhaite, que chaque citoyen se forme, s'enrichisse intellectuellement et librement, et tout et tout. Mais tôt ou tard, ces citoyens doivent trouver des points de convergence, parce qu'ils sont citoyens de quelque chose. Or plus ils sont fortement confortés dans leurs certitudes personelles grâce à leur liberté d'information, plus grossiers et simples devront être ces points de convergence, vous en conviendrez je suppose.
Typiquement, en France, le dieu, ou les droits de l'homme, sont des points de convergence non négociables. Le patriotisme, par contre, est généralement honteux.
Placons nous à présent dans la situation d'un conflit entre peuples, qui peut être militaire, mais peut aussi être simplement politique avec des enjeux économiques de l'ordre d'un pourcent de PNB. L'absence de maîtrise de l'information permet, d'un coté, à une majorité de citoyens d'apprendre que l'enjeu politique est en fait économique. " on est encore le jouet d'intérêts privés". Veut on soutenir le gouvernement pour préserver l'avantage économique en jeu? Or il n'y a pas de maîtrise de la communication, rappelons-nous en. Peut on croire que la puissance adverse refusera de laisser croire, par le financement d'une campagne de communication, que soutenir l'option A est dans l'intérêt national alors que c'est l'inverse?
On peut essayer de remplacer les termes avec "Turquie", "Renault", "Adhésion à l'UE", "France", " renflouement de Renault", etc.
Mais aussi "USA", "Halliburton", "Rumsfeld", "seconde guerre d'irak", "armes de destruction massive cachées", "Irak".
Encore une fois, la non-maîtrise de la communication [par l'état], donc une communication anarchique [du point de vue de la maîtrise par la puissance publique par opposition aux entités privées], est elle un progrès? une régression? Soutiendrait elle un statu quo ou une révolution continuelle?
En enfin, question à la mord-moi-le-noeud, l'état en général et les élus en particulier sont issus d'un système démocratique, ils sont mandatés par le peuple, notamment dans l'exercice de cette maîtrise de la communication, non?
Quoique vous répondiiez, ma position est que d'une part cette révolution de l'exercice de la liberté de penser par la disponiblité potentielle de l'humanité à l'écoute de notre petite voix personelle a débuté dès le milieu des années 90 mais cette révolution n'a ni empêché la guerre du Congo de perdurer, ni permis de vendre plus de Rafale malgré sa supériorité notoire, ni permis de cantonner BHL à la dédicace au salon du livre, ni permis d'imposer la construction de prisons supplémentaires malgré leur insuffisance numérique et surtout leur délabrement, ni permis d'empêcher le remplacement de Napoléon par quelque empire malien au programme d'histoire du collège.
Je trouve d'autre part que cette révolution est comparable à la télévision par satellite, à la radio sans fil, et même à l'apparition de la "Gazette", sous Louis XIII si mes souvenirs sont bons et celles-ci n'ont déjà pas rendu l'humanité moins mauvaise ou plus heureuse.
Je trouve enfin que cette liberté d'expression n'améliore en rien la situation de l'humanité en ce qui concerne sa plus importante lacune: la stupidité humaine.http://www.google.de/search?q=Erika... . Toutes ces révélations qu'on apprend sur Internet ont essentiellement une unique conséquence pour chacun d'entre nous (je m'inclus par humilité): en quoi vais-je croire à présent?
D'où ma question que je répète: progrès, régression, statu quo ou révolution continuelle?
4 De yves cadiou -
Aujourd’hui est un vendredi 13 avril. C’est le moment de parler du vendredi 13 avril 2029 et du vendredi 13 avril 2036 pour commencer à tempérer dès maintenant les inquiétudes (maîtriser la comm’) autour d’un événement qui se produira ces deux jours-là et où le hasard des dates sera favorable à l’exploitation des superstitions.
Voyons d’abord quels sont les faits certains. Nous verrons ensuite les questions qui se posent.
Le fait certain, prouvé par les observations et les calculs scientifiques, est celui-ci : le vendredi 13 avril 2029 un bloc de roche pesant vingt-sept millions de tonnes et mesurant 270 mètres de long passera près de notre planète, à une vitesse de plus de 5 kilomètres par seconde (soit 18 000 km/h) et à une altitude de trente mille kilomètres, c’est-à-dire dix fois moins que la distance terre-lune et plus bas que nos satellites de télévision. Les astronomes lui ont donné un nom : « Apophis ». C’est un nom qu’il faut garder en mémoire parce qu’on en entendra encore parler : Apophis.
Je cite à peu près wikipedia : cet astéroïde a été découvert le 19 juin 2004 et les premiers calculs tendaient à donner une forte probabilité d'une collision avec la Terre le vendredi 13 avril 2029. L'astéroïde avait alors été classé au niveau 4 sur l’échelle de Turin qui comporte 10 niveaux de risque, le niveau zéro étant l’absence de risque et le niveau 10 étant la destruction de notre planète. Cependant, de nouvelles observations ont apporté plus de précision sur sa trajectoire et ont écarté la possibilité d'une collision avec la Terre ou la Lune pour 2029. Selon les plus récents calculs, l'astéroïde frôlera la Terre à 30 000 km ce vendredi 13 avril 2029.
Il a été observé pour la première fois en juin 2004 : il arrive de l’extérieur du système solaire mais, désormais capturé, il n’en sortira plus et reviendra dans le voisinage de notre planète jusqu’à ce qu’il finisse, dans un futur incalculable mais pas en 2029 ni probablement dans ce siècle, en percutant la Terre, ou une autre planète, ou la Lune, ou un autre corps du système solaire.
Il sera visible cette nuit du 13 avril 2029 dans notre ciel d’Europe ; il ne nous percutera pas et c’est heureux : les astronomes ont estimé qu’un impact contre la terre dégagerait une énergie de 510 mégatonnes c’est-à-dire, à titre de comparaison, 34 000 fois plus puissante que la bombe larguée par les américains sur la ville d’Hiroshima le 6 août 1945. La collision avec Apophis entraînerait d'importants dégâts au sol ou un tsunami s'il tombait dans l'océan (ceci est le plus probable parce que les océans occupent 70% de la surface de notre planète). La collision serait une secousse, mais en tout cas ce ne serait pas la fin de la vie sur la planète Terre ni la fin de l’Humanité.
Voilà donc ce qui est certain pour le vendredi 13 avril 2029 : pas d’angoisse, ce ne sera pas la fin du monde. Voyons maintenant les inconnues qui subsistent, elles sont trois :
1- ce genre de rencontre violente peut-il un jour se produire ? La réponse est oui.
2- Avons-nous (l’humanité a-t-elle) les moyens de l’empêcher ? La réponse est peut-être. Par conséquent pour régler ce « peut-être », l’on imagine que les conférences internationales seront nombreuses, animées et largement médiatisées.
3- En 2029 ou ultérieurement, l’événement engendrera un déséquilibre certain dans les relations internationales, surtout si une puissance spatiale est soupçonnée de vouloir dévier l’objet pour se protéger au détriment de ceux qui n’y peuvent rien.
La probabilité que dans l’avenir, à une date encore indéterminée mais lointaine, un gros astéroïde percute notre planète est plus qu’une forte probabilité : c’est une certitude. Ces astéroïdes arrivent de l’extérieur du système solaire, résultats d’explosions d’étoiles qui se sont produites dans la nuit des temps et dont les débris se dispersent pendant des millions d’années. Ils sont appelés des « géocroiseurs » lorsque leur trajectoire coupe la trajectoire terrestre, ce qui toutefois ne signifie pas toujours collision au carrefour.
La probabilité d’une telle collision est une période de 25 000 années (250 siècles), mais l’on détecte difficilement les traces de ces événements passés.
L’on dispose cependant de traces d’une telle collision qui s’est produite il y a 65 millions d’années. La vie végétale et animale existait sur terre mais l’humanité n’existait pas encore. Cet astéroïde mesurait dix km de diamètre (à comparer aux 200m d’Apophis). Il est tombé sur ce qui est aujourd’hui la presqu’île du Yucatan, en Amérique centrale. Un tel événement se reproduira, mais personne ne peut faire une prévision précise à plus d’un siècle.
Actuellement, les astronomes sont capables de détecter et de suivre les astéroïdes susceptibles de tomber sur terre dans moins d’un siècle. Dans ce délai, aucun objet dangereux n’est annoncé, à l’exception d’Apophis qui nous frôlera en 2029 mais, devenu alors prisonnier du système solaire, pourrait revenir nous percuter en 2036.
Parlons de 2036 au conditionnel pour l’instant, car ce sera précisé par de nouvelles observations et par de nouveaux calculs après le premier passage qui peut infléchir la trajectoire d’Apophis (par exemple s’il percute l’un de nos satellites artificiels, sa trajectoire sera légèrement modifiée). Cette inflexion sera si faible qu’il est aujourd’hui impossible de la calculer précisément, mais cette faible modification de trajectoire en avril 2029 deviendra, peu à peu, un écart important par la suite. Il y a donc une incertitude pour le passage suivant, en 2036. Cependant il faut se souvenir qu’en tombant sur la planète Terre il ferait peut-être du dégât localement mais ne détruirait pas la vie sur Terre. Mais si la menace se précise, les négociations internationales pour définir l’action à entreprendre seront une première en géopolitique.
Deuxième question : avons-nous le pouvoir d’éviter une collision ? Pour l’instant la question ne se pose pas vraiment, car on sait qu’il n’y a pas de risque de destruction de l’humanité par un astéroïde au 21ème siècle. Le choc éventuel de 2036 serait un dommage grave mais local. Du fait qu’on ne sait pas dans combien de siècles nous rencontrerons le problème et quel sera alors notre développement technologique, les solutions imaginées sont plus de la science-fiction que de la science.
Le principe retenu dans toutes les solutions imaginées est de détourner l’objet de sa trajectoire suffisamment tôt pour qu’une faible modification donne, au final, un écart important. A l’exception de ce principe, on ne peut guère faire de plan valable avec une avance de plus d’un siècle.
Pour terminer ce petit exposé avec la troisième question, quittons maintenant l’astronomie et les sciences exactes pour faire un peu de sociologie : l’annonce de ce vendredi 13 suscitera certainement beaucoup d’émotion.
Beaucoup de gens (mais pas vous) n’auront connaissance du phénomène que quelques jours avant, aux infos du petit déj’. A moins que le métier de journaliste ait beaucoup changé dans 20 ans, faisons confiance à la presse pour présenter la chose de façon sensationnelle voire inquiétante, organiser des débats dits « d’experts » où l’on verra s’opposer les informations les plus scientifiques et les assertions les plus malhonnêtes sans que le public puisse faire la part des choses.
Soyons sûrs que l’on entendra des prophètes de malheur expliquer que les autorités cachent la vérité. Les menteurs accuseront les savants de mentir et ceux-ci auront de la difficulté à faire ce qui n’est pas leur métier : convaincre le grand public de la sincérité de leurs affirmations et de l’exactitude de leurs calculs. Accusant les scientifiques de mentir, les faux prophètes nous annonceront la fin du monde ou feront mine de dénoncer des cynismes d’Etat.
Mais heureusement, il y aura aussi beaucoup de gens raisonnables et informés comme vous et moi peut-être pour dire, avec l’air de celui à qui on ne la fait plus : « Apophis ? Il y a belle lurette que je le surveille sur internet, y a pas de quoi s’affoler ! »
Documentation sur plusieurs sites, comme par exemple :
http://fr.wikipedia.org/wiki/(99942)_Apophis
ou (en anglais) : http://2004mn4.info/
http://neo.jpl.nasa.gov/risk/a99942...