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L'Europe, passager clandestin de la sécurité européenne (2/2)

1/ La crise économique frappe le monde développé depuis 2008. Elle s'est transformé en crise de la dette cette année, à cause notamment du cas grec. Remarquons au passage qu'on oublie les dettes britannique et américaine : aujourd'hui, la zone euro est au centre des préoccupations mondiales, s'attirant les remontrances de B. Obama ou les encouragements de D. Cameron ...... (j'aimerais, de temps en temps, entendre des leaders européens expliquer à MM. Cameron et Obama qu'il serait bon qu'ils gèrent un peu mieux leurs pays parce que c'est pas ça, décidément). (suite du billet d'hier)

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Or,cette question de la "zone euro" cache une double, voire une double décorrélation européenne.

2/ Celle qui est la plus connue est interne à la zone euro, et pose la question de la solidarité entre pays riches (Allemagne Finlande, Pays-Bas) et pays en difficultés (Grèce, Portugal Italie). Toutefois, on omet l'autre décorrélation : celle entre la zone euro et le reste de l'Europe. Elle est peut-être plus menaçante entre un centre européen et sa périphérie (voir article de Ph. Ricard). Et on n'écoute plus "l'UE" mais "la zone euro", plus les 27 mais les 17. Gênant pour ceux qui n'en font pas partie (Pologne) ou qui ne veulent pas en faire partie mais en dépendent et veulent l'influencer (Royaume-Uni).

3/ C'est une des raisons qui militent chez certains pour l'Europe de la défense, qui serait un moyen de réunir les deux parties, le centre et la périphérie.

4/ Mais cette bonne idée se heurte à sa mise en œuvre, car elle est tiraillée en deux options contradictoires.

  • la première part de la réalité actuelle, et de l'alliance entre les deux grandes puissances européennes, France et Angleterre, à la suite du traité de Lancaster house. Ce duo a montré qu'il pouvait mener des opérations et qu'il comptait conserver son avantage nucléaire. La caractéristique nucléaire est problématique du point de vue européen (imagine-t-on l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Tchéquie s'y rallier ?). Surtout, on a vu au moment de la Libye que ce duo avait du mal à agréger les autres, mêmes si tous, sauf l'Allemagne, s'y sont finalement ralliés.
  • la seconde part de l'initiative polonaise, qui s'est saisie de l'idée du "club des quatre" : souvenez-vous, c'était en 2003, et France, Allemagne, Belgique et Luxembourg défiaient la ligne dure américaine au moment de l'affaire d’Irak, en proposant un QG européen. De quoi s'agit-il ? d'un état-major d'opération (donc pas opératif, ce que les anglophones ne distinguent pas toujours) de niveau stratégique. Autrement dit, d'un succédané du SHAPE.

5/ L'idée est relancée par la présidence polonaise, qui a recueilli l'assentiment de la France et de l'Allemagne (triangle de Weimar) mais aussi de l’Italie. En revanche, la Grande-Bretagne s'y oppose vigoureusement (voir billet), y voyant une menace très forte contre la solidarité otanienne. On voit donc que les deux options sont contradictoires.

6/ Il y a douze ans, lorsque l'Europe inventait la PESD, elle s'était attirée cette réplique de Madeleine Albright, secrétaire d'Etat américaine, qui énonçait trois conditions que ne devait pas franchir la défense européenne : la règle des 3D :

  • pas de découplage : mais nous avons vu que ce découplage était désormais tendanciel, à cause de l'inertie européenne et du changement de priorité américain. Au fond, il s’agit maintenant de trouver une stratégie européenne autonome. Elle doit répondre au nouvel environnement mondial. Cela passe par le critère suivant:
  • pas de discrimination envers les pays alliés non membres de l'UE. Si des accords pourraient facilement être trouvés avec la Norvège, on a constaté depuis que l'UE et la Turquie n’allaient pas vers une intégration. Autrement dit, il y aura probablement une sorte de discrimination : pas tellement envers les alliés non UE qu'avec les non UE. L'Europe sait désormais qu'elle a des limites. Cela posera la question des politiques de voisinages qui doivent être agencées selon une stratégie cohérente : UPM, partenariat oriental, partenariat avec la Turquie, relations avec la Russie ou question arctique : et qui posent une question induite : doivent elles être unitaires, ou doivent elles être sous-traitées à des coopérations renforcées, locales. Autant de questions stratégiques, qui n'ont pas forcément de résonances militaires.
  • pas de duplication : c'est la question du doublonnement du SHAPE par un état-major européen : à l'heure où tous les Etats réduisent leurs budgets de défense pour cause de crise, est-il raisonnable de s'engager dans cette voie ? pourquoi tout simplement ne pas trouver une voie médiane, qui consisterait à européaniser le SHAPE ? Voici probablement les voies d'une négociation acceptable par les Britanniques, réunifiant centre et périphérie européenne, et négociable avec les Américains (quelle golden share leur laisser?).

Autant de questions non envisagées il y a dix ans, plus ou moins négligées ou passées sous silence depuis, et qui nécessitent, du fait de la crise, des réponses plus claires.

réf : relire un billet d'il y a presque un an, et qui demeure pertinent ! le scénario proposé alors est joué en ce moment.... Quant à la demande de plus d'intégration, elle semble recueillir beaucoup d'assentiments (voir billet).

O. Kempf

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