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L'Europe à 3 ou 4 vitesses

L’abasourdissante décision grecque de faire valider l'accord européen par référendum nous place à un de ces moments historiques : pour le coup, on n'a pas besoin de politiciens nous communiquant que l'accord qu'ils viennent de signer au cœur de l'été est historique alors qu'il a fallu aussitôt mettre l'ouvrage sur le métier pour rafistoler le tissu. Pour le coup, voilà une décision fracassante, à portée historique et européenne. L'Europe, et donc la France, abordent désormais des eaux extrêmement troublées dont on ne sait pas s'il sera possible de les traverser sans heurts. Signalons toutefois la première victime : le mythe de l'Europe unie vient de succomber. Dorénavant, il y aura une Europe à plusieurs vitesses.

source

1/ La décision de M. Papandréou est une folie. Il est compréhensible qu'il soit déstabilisé et n'ait plus les nerfs d'assumer la tension du pays, à la suite de sa faillite annoncée. On ne saurait négliger, ainsi, les manifestations de mauvaise humeur de la population grecque, surtout en ces jours de fête nationale. Pourtant, si M. Papandréou voulait quitter le pouvoir, il pouvait le faire proprement : poser la question de confiance au parlement, se débrouiller pour ne pas l'obtenir et passer rapidement à des élections, pour assurer une transition organisée, mais seulement grecque. Or, il choisit un référendum qu'il est sûr de perdre, et l'organise en plus fin janvier, dans trois mois ! Sous prétexte de démocratie, c'est l'assassinat d'une certaine solidarité européenne.

2/ Rappelons quelques faits aux révoltés grecs : depuis 1981, des dizaines de milliards d'euro ont été transférés en Grèce pour l'aider à se développer, engloutis comme de l’eau dans le sable. la Grèce a menti sur ses comptes pour entrer dans la zone euro. Les plus riches entrepreneurs du pays, les armateurs, sont exempts d'impôts, selon la constitution. La réforme de la taxe foncière exempte le plus grand propriétaire du pays (40 % des terres), à savoir l'église orthodoxe. Un septième seulement des grecs paye l'impôt. Depuis le début de la crise, il y a un an, tous les paiements se font en liquide. En clair : ce pays a triché, triche encore et en plus crache dans la main de celui qui l'aide à finir ses fins de mois. Je n'ai aucune compréhension pour les Grecs. Ils ne veulent pas des 50 % d'austérité demandés par l’Europe : ils auront 100% d'austérité, sans l'Europe. Ils pourront manifester, alors.

3/ Car le pronostic est à peu près assuré : la Grèce va sortir, très bientôt, de l'Euro.Le découplage entre les 27 et les 17 que j'annonçais la semaine dernière va se creuser. On peut donc pronostiquer une Europe à trois vitesses au moins :

  • les pays Européens n'appartenant pas à l'UE : les pays des Balkans, la Norvège, la Suisse, l'Islande. Je ne parle pas des pays des confins (Ukraine Moldavie Biélorussie), encore moins de ceux du Caucase. Pour longtemps dans le voisinage.
  • les pays de l'Union Européenne standard : 27 pays, une union douanière. Se posera la question de ce qu'on voudra y faire encore.
  • les pays de la zone euro : 17 membres, bientôt 16. En espérant que l'éclatement ne se poursuivra pas.

4/ Il reste qu'on voit poindre un autre découplage : celui entre la France et l'Allemagne. Il faut lire l'article de JP Gougeon dans le Monde : le moteur franco-allemand donne des ratés. Dans les matières stratégiques, égéa l'a noté, qu'il s'agisse de la dispute sur le nucléaire lors du sommet OTAN de Lisbonne ou de l'abstention lors du vote de la 1973 sur la Libye. Mais le mal est plus général, et ne se réduit pas aux initiatives de M. Westewelle. Il y a risque d'un quatrième vitesse, si la France ne fait pas très attention.

5/ Toutefois, raisonnons dans le bon sens : le moteur franco-allemand n'est pas un moteur, malgré l'expression. L'Europe n'est pas le résultat de l'accord franco-allemand, l'Europe est là pour encadrer les relations franco-allemandes qui sont tout sauf naturelles. Voir poindre un dissentiment en Allemagne est très inquiétant.

6/ Le décrochage date de 2003 : vous savez, l'année où l'on se félicitait d'avoir amené l'Allemagne sur nos positions contre l'interventionnisme américain en Irak. Dans le même temps, le gouvernement Schroeder faisait voter les lois Hardt IV. De là date le décrochage économique franco-allemand. Paris est coupable de sa négligence budgétaire depuis trente ans. Depuis 2003 lorsqu'à la première bourrasque, conjointement avec l'Allemagne, on s'en est allé expliquer à Bruxelles qu'on ne respecterait pas le pacte de stabilité. Ou en 2007, quand on a fait de même. Ce manque de sérieux engage toute la classe politique. De ce point de vue-là, nous n'avons pas beaucoup de leçons à donner aux Grecs. Désolé, la rigueur se profile à l'horizon.

7/ Y. Cadiou commente régulièrement mes billets sur le sujet en disant qu'il ne voit pas la crise dans les supermarchés : je crains de devoir lui annoncer qu'il va la voir, très bientôt. En espérant que ce ne sera qu'une crise économique, et pas une violente dépression.

8/ Or, il y a suffisamment de poudrières en Europe pour que les crises sociales servent de boutefeu à des aventures dramatiques. L'Europe n'est plus une évidence. Voilà peut-être la prochaine surprise stratégique....

Ai-je besoin de vous dire mon inquiétude ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par

Pas beaucoup de solutions à l'horizon, hélas. A quand un billet empirique sur ce qu'il risque de se passer ?

Oh, et... A quand la guerre ?

égéa : oui, il faudrait que j'écrive un billet sur la surprise stratégique européenne...

2. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par Jean-Pierre Gambotti

Sur votre récent billet sur l’Occident et sa peur comme frontière, j’avais rédigé un commentaire que j’ai finalement poubellisé, dans lequel je proposais comme autre ligne de clivage de l’Occident son consumérisme banalement effréné nous ramenant collectivement au premier niveau de la pyramide de Maslov, et l’occidental de ces temps de crise comme un consommateur sidéré, hébété, excipant de sa qualité de citoyen lambda pour s’exonérer de ses propres turpitudes.
En effet, la responsabilité de cette crise de la dette est d’abord à rechercher, me semble-t-il, dans notre comportement individuel et notre exigence d’une satisfaction toujours plus grande de besoins, et du superflu, à des prix toujours plus bas. La dette s’est construite par notre demande et à notre demande et il est un peu indécent, aujourd’hui, de pointer du doigt le préteur quand on a supplié de passer sous ses fourches caudines afin de jouir de ses largesses. Nous ne pouvons qu’être sensibles à la détresse du peuple grec, politiquement, sociologiquement, humainement, les solutions économiques proposées ne sont pas acceptables car elles ne donnent pas d’espoir à l’horizon d’une vie et même en Grèce, ce pays des mythes fondateurs de notre civilisation européenne, je suppose que l’on n’a pas neuf vies ! Néanmoins, comme tous les citoyens européens, les citoyens grecs doivent, qu’ils me pardonnent la formule, aller à Canossa, et comprendre que la dette n’est pas de l’ordre du fatum, mais que son poids, sa prolificité, son exubérance sont essentiellement dues notre à désir, notre souhait, notre volonté, à nous, européens, de vivre mieux tout de suite, renvoyant aux calendes grecques les médiocres calculs comptables. Malheureusement notre siècle est redoutable, même les mots perdent leur sens, aux calendes grecques nous y sommes et il faudra adapter nos dépenses à nos ressources et rembourser les dépenses de notre période cigale. Nous le devons aux générations futures et aussi, et encore, à nous-mêmes, car sinon il ne sera pas nécessaire d’aller consulter la Pythie à Delphes pour connaître notre avenir européen. Avec ou sans la Grèce ça va tanguer fort, en espérant par-dessus tout que l’irrationalité des peuples ne fasse le lit des égoïsmes d'Etat, introduise trop de rugosité dans les relations internationales et ne nous pousse aux extrêmes.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

égéa : oui, cela fait longtemps que je médite un billet sur la corruption : c'était le sujet du billet d'hier, c'est aussi le sujet du billet d'aujourd'hui, et votre commentaire le met bien en exergue. La corruption n'est pas le fait des seules élites corrompues, ou des oligarques comme on le nomme facilement aujourd'hui (cf. le dernier bouquin de mon cher frère qui a relancé le mot). Non, nous sommes tous corrompus, et donc corrupteurs. Plus exactement : ce n'est pas que l'homo economicus a remplacé l'homo politicus, comme on le dit trop souvent : c'est surtout le consommateur qui a remplacé le citoyen. Car nous avons plusieurs identités, comme je l'ai fait remarqué à plusieurs reprises, et nous vivons fort bien avec des identités multiples. Le problème, c'est que collectivement, nous arbitrons tous en faveur d'une identité commune, celle du consommateur. Et si je râle contre les Grecs, je râle aussi contre les Français, même si j'ai aussi profité des dérives du systèmes, comme nous tous. Nous sommes co-responsables, que nous le voulions ou non.

3. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par AD

Juste une remarque très rapide sur la Grèce : la décision de Papandréou de faire un référendum n'a strictement rien de nouveau... Il avait annoncé ce référendum... en juin !! (http://www.lemonde.fr/economie/arti...)

4. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par yves cadiou

Etant nommément interpellé, je suis obligé de donner mon avis.
C’est avec la tranquillité des vieilles troupes que l’on doit considérer cette prétendue « plus grave crise économique que le monde ait jamais connue ». Nous sommes à l’un de ces moments historiques où il faut rester calme et boire frais.

Relativisons : cette « crise » n’est pas économique ni même financière, elle est seulement monétaire. C’est la crise d’une monnaie mal conçue. Certes les bourses s’émeuvent mais ceci n’est pas significatif : le yo-yo boursier ne fait que traduire les émotions ou les recherches d’aubaine des boursicoteurs, il n’a aucune signification économique et, à vrai dire, aucun intérêt pour qui ne joue pas en bourse.

La crise est seulement celle de l’euro, un système monétaire dont on ne peut plus ignorer qu’il a été mal conçu dès l’origine. Mal conçu parce qu’il devait cacher sa véritable finalité : détourner le projet européen initial. L’Europe est, depuis toujours (1957) un projet économique que les Peuples acceptent et soutiennent. Au contraire les Peuples, du moins à chaque fois qu’on leur donne la parole, refusent avec constance que cette union économique acquière une sorte de souveraineté supranationale. De son côté il semble que le petit monde politicien, pour des motifs que je ne connais pas, tienne beaucoup à cette dilution de souveraineté nationale. L’euro avait pour but de faire passer subrepticement l’UE d’un statut économique à un statut politique : la monnaie, qui est visiblement toujours liée à l’économie, est également toujours liée au pouvoir politique mais moins visiblement.

L’euro devait amener cette transition en catimini et c’est pourquoi il a été mal conçu. Pour ses promoteurs la viabilité de l’euro n’était pas essentielle à long terme (dix années sont du long terme pour le personnel politique) : l’essentiel était de créer l’euro qui amènerait une intégration politique puis « après moi le déluge ».

Aujourd’hui le déluge approche et les créateurs de l’euro avaient bien calculé au moins la donnée la plus importante pour eux : ils sont maintenant à l’abri et dispensés de rendre des comptes alors que ce serait le moment d’assumer. On assiste aujourd’hui au dysfonctionnement d’un système monétaire qui a été mis en place dix ans plus tôt en nous trompant sans vergogne sur sa finalité véritable et sans vraiment demander l’avis du Peuple-souverain.

On nous a dit que l’euro était déjà prévu dans le traité de Maastricht qui a donné lieu à referendum. Peut-être y était-il, mais alors c’était si discret que personne ne l’a vu.

Peu importe dans quel sens les Grecs voteront en janvier, peu importe qu’ils votent ou ne votent pas : l’euro est condamné dans tous les cas. Il est condamné parce qu’à la faveur de cette crise monétaire les électeurs français et allemands ont compris non seulement qu’ils paient indument mais aussi que l’euro est un procédé pour créer, par le biais de la monnaie, une Europe politique et supranationale dont ils ne veulent pas. En 2012 ou 2013, ce sont les Français ou les Allemands qui donneront le signal de la dislocation pour créer autre chose sur des bases saines, c’est-à-dire réellement démocratiques.
C’est dans l’ordre des choses parce que dès sa conception l’euro est malhonnête.

5. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par loy

Il y a tout de même une chose que je n'arrive pas à comprendre: Pourquoi des états sont-ils obligés d'emprunter sur les marchés?

Je ne suis pas économiste, mais il me semble que la seule véritable raison avancée soit que les marchés seraient susceptibles (via les spread=écart entre taux de base de la banque centrale et ceux proposés par les banques, l'assurance défaut en qqsorte) de modérer les possibles dérives des états, grace à ce découplage.

Bon, c'est sans doute valable pour un pays qui émet sa propre monnaie... mais dans le cas d'une monnaie commune émise par une banque centrale unique comme la BCE?

On voit bien que les marchés n'ont pas permis d'infléchir la courbe d'endettement... très accélérée chez nous depuis 2002 (début des budgets à -40 Milliards d'€, désormais pas loin de -100!).
=> Ce mécanisme intervient trop tard, il a prouvé son inefficacité.

En prime, il destabilise les banques prêteuses ayant trop salivé sur les spread... avec un risque désormais transféré à l'épargnant prudent qui n'a pas pris ces risques ni touché les subsides: De quoi rendre assurément très violent si le risque se réalisait... n'ayant pas votre capacité d'auto-flagellation: Je contribue au système par mes impots (élevés), je ne joue pas en bourse (très livret A/B et PEL) et cet argent je l'ai gagné par le travail (sur lequel l'état se sert bien plus que la finance).

Alors pourquoi ne pas donner la possibilité aux états endettés d'emprunter aux taux de la BCE? Bien entendu en échange d'un strict controle des déficits (maximas de déficit annuels décroissant avec l'endettement pour pouvoir bénéficier des prêts BCE): A l'extrème, si on est endetté au delà de 100% du PIB, la BCE ne prêterait qu'en échange d'un budget au moins équilibré, cad n'aggravant à minima plus le problème!

Afin déviter des possibilités de triche (on emprunte gaiement sur les marchés des décennies avant de revenir la queue entre les jambes faire racheter ses prêts par le BCE!), ceci interdirait le recours à l'emprunt sur les marchés.

En l'état actuel du problème, les marges budgétaires dégagées par l'allègement des intérêts de la dette permettraient sans doute un atterrissage plus en douceur, alors que des taux d'usuriers pratiqués à l'égard de la Grèce (mais aussi de plus en plus du Portugal, de l'Espagne et désormais de l'Italie, qui est le 1er pays véritablement industriel de l'union à être touché) mênent à sa mise à mort.

Car en l'état, ces pays sont coinçés. Impossible pour eux de sortir volontairement de l'€ pour revenir à la Drachme, pour l'exemple grec: Cette dernière deviendrait instantanément une monnaie archi dévaluée, provoquant mécaniquement l'explosion d'une dette libellée en € (resté plus constant) par le simple biais des taux de change: Déjà insoutenable, le défaut potentiel sur la dette ne serait alors pas de 50% mais plutôt de 100%!

Pour le reste, je trouve que l'initiative de Papandréou a plus de sens qu'un Sarkozy faisant ratifier par le parlement un traité refusé par l'electeur.

Car les grecs n'ont pas le choix et après les 3 semaines de débat qui s'annonçent et la fermeture du robinet par le FMI et Bruxelles, ils voteront pour rester dans l'€ et accepter le plan. Papandréou n'a pas d'autre choix, en l'état de la contestation, que provoquer un électrochoc qui va ammener le pays à accepter par son vote la moins pire des solutions.

Et quand on a eu l'occasion de prendre sa décision, on est moins enclin à contester ce qui en résulte. C'était la bonne décision, il n'y a que la date initialement trop éloignée qui clochait.

Les grecs nous donnent une leçon de démocratie que Sarkozy et con-sors feraient bien de méditer...

égéa : merci pour l’auto flagellation... lol

Les Grecs ont le droit de voter. Ils ont même le droit d'être sérieux et de payer des impôts. Et la France aussi, d'ailleurs. Pour le reste, je veux bien votre diagnostic qui m'explique que le système est fondé sr de fausses bases : OK, je suis d'accord., si vous voulez. Mais on en est là. Et l'éclatement de l'euro, s'il advient, ne sera pas une partie de plaisir : pour le coup, même sil 'instrument a passé en douce avec plein de mensongeries..., il est là !

6. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par

A lire les commentaires ici ou là, sur la crise de l’Euro, je constate un sentiment collectif d’impuissance et d’inquiétude légitimes, qui fait porter la responsabilité de cette crise soit, sur les peuples, forcément coupables de leur aveuglement, ce peuple constitué d’individus irresponsables et jouisseurs, et qu’il convient donc de punir - Vieux travers judéo-chrétiens qui n’entrevoit la rédemption que dans la souffrance- Autres responsables désignés, les politiques qui ne seraient que des profiteurs corrompus ne pensant qu’à leur réélection. Enfin, mais « the last but not least » l’hydre financière internationale, mêlant multinationales, grands patrons, banquiers, paradis fiscaux, trafics en tout genre etc.. Ces truismes que l’on assène à longueur de débats, où les spécialistes en tout genre, qui comme Madame soleil n’avaient pas prévu grand-chose, mais dont l’habilité consiste justement à démontrer qu’ils savaient tout sans le dire, démontrent notre vaniteuse quête de recherche de responsabilité, il nous faut un coupable, ou des coupables, pendons-les.. Et si par un effort louable on recherchait les causes de notre crise que l’on ressent européenne alors qu’elle est mondiale justement par une analyse géopolitique et sociétale.. Et dont la conséquence visible est la redistribution des cartes et le repositionnement des pouvoirs et des équilibres, entre nous, occident bien nourri et les pays qui légitimement revendiquent le droit au modèle que nous leur avons décris depuis des décennies comme le seul capable d’apporter, justement jouissance, bonheur, sécurité, soins médicaux, allongement de durée de vie.. Modèle de plus en plus controversé. Les 7 milliards que nous sommes, démontre à la fois la réalité de notre réussite et de notre aveuglement.. Soigner et allonger la durée de la vie sans apporter la possibilité de contrôler les naissances est la meilleure manière de paupériser et d’affamer les populations que nous sommes censés aider. Au nom de l’égalité des chances, nous leur donnons un modèle de développement parfaitement inadapté, drainant ainsi vers la périphérie des villes une population coupée de ses racines et de son autosuffisance alimentaire. Nous faisons l’inverse de ce qu’il conviendrait de faire. Il serait nécessaire d’aider ses populations à se fixer sur leur territoire d’origine en les protégeant, en implantant des dispensaires, en creusant des puits, en leur apportant dans le respect des méthodes agricoles traditionnelles les améliorations nécessaires et la juste suffisance de mécanisation. Au contraire, nous n’apportons que des solutions dans l’urgence sans jamais faire de prévention des crises. Nous fermons les yeux sur les luttes tribales, la corruption, l’accès au soin n’a de sens que si ces soins sont accompagnés par une éducation appropriée ouverte aux deux sexes.. Le progrès passe d’abord par les femmes. Nous sommes bien éloignés du problème de la dette et de la Grèce me direz-vous ? Pas si sûr. Nous avons fait miroiter au peuple grec une Europe pour laquelle il n’était ni préparé ni éduqué. Le passage à l’Euro à été le coup de grâce pour une économie fragile. Les prix des denrées de base ont été d’un seul coup multiplié par 10 ( pain, viande, lait..) La Grèce n’était pas prête, d’autres pays aussi, et nous, étions-nous vraiment prêt ? Alors que l’on sait que l’Euro a été crée autour du mark allemand et seulement autour de cette monnaie forte seule référence en Europe?
La mondialisation qui échappe désormais, à toute règle était un modèle économique basé aussi sur la générosité, mais c’est un modèle qui sans contrôle et sans contrepartie désormais nous affaiblit et qui n’enrichit pas les pays qui en ont le plus besoin.
Nous allons, c’est certain, tout droit vers une catastrophe annoncée. Nous y allons en toute conscience. Nous sommes aux prémisses d’une catastrophe écologique majeure, elle se décline en déforestation, épuisement des ressources halieutiques, raréfaction de l’eau potable, épuisement des ressources fossiles etc..) Lorsque demain matin (l’Afrique sera à 1 milliard, l’Inde et le Bengladesh à 2 milliards, il ne sera plus temps de penser à leur imposer un système démocratique, tant la priorité sera plus terre à terre, celle, du comment nourrir cette population exponentielle ?.. Nous serons alors, nous les Européens, nombrilistes et suffisants, justement hors jeux et insuffisants, puisque entre temps nous aurons donné ailleurs, à la Chine par exemple, ce que nous aurons été incapables de préserver pour nous-mêmes, notre seule richesse, la capacité à innover, et à susciter de l’envie. Nous tous, Nord-Américain y compris, sommes désormais bien incapables à exporter un modèle dont ni le monde musulman, ni les pays émergeants ne voudront.
Cette crise européenne est encore une crise de pays riche. En filigrane se dessine une crise plus pérenne qui ne s’arrangera pas en sauvant l’Euro, pas plus qu’en sauvant la Grèce. Soyons conscient que tous les ingrédients sont réunis pour une déflagration mondiale un tsunami, osons le dire guerrier.. Il n’est pas exclu que certains pays, si la crise devait mettre en péril leur désir légitime d’accès au progrès et dont nous commençons à entrevoir la face sombre ne décident d’imposer un nouveau modèle, le leur, basé sur l’asservissement des peuples et la création de castes. Alors il n’est pas exclu que des conflits naissent, pour s’approprier les richesses, l’accès aux océans, l’accès aux ressources minières, l’accès pour nourrir les populations aux terres cultivables et à l’eau. Les réflexes corporatistes qui sont les nôtres, l’absence de vrais débats stratégiques, nous mènent droit à des surprises majeures.. Le réveil risque d’être brutal.

égéa: en ce moment, le réveil sonne !

7. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par yves cadiou

Le catastrophisme universel qui semble se développer chez les commentateurs à l’occasion de la crise grecque est exactement celui que je vois surgir en toutes occasions depuis un demi-siècle (un demi-siècle pour mes souvenirs personnels, certainement beaucoup plus en réalité).

Je suis fort sceptique en entendant ou en lisant des alarmes mille fois lues ou entendues : la surpopulation (« la bombe P » 1968), le péril jaune (« quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera » 1973), mais aussi l’idée de déforestation due aux pluies acides qui remonte à 1872 et qui revient périodiquement, tant d’autres catastrophes annoncées mais démenties par la suite. Les exemples d’alarmes infondées sont multiples et de ce fait la probabilité est forte que l’on assiste encore aujourd’hui à une fausse alerte.

Le catastrophisme a toujours fait recette à la fois parce que c’est vendeur-de-papier et parce que c’est une bonne excuse pour ceux qui sont en mal de réélection après ne pas avoir tenu leurs promesses électorales : « à cause de la crise je n’ai pas pu faire ce que j’avais promis, mais revotez pour moi quand-même, je ferai mieux la prochaine fois parce que la crise sera passée » ; le candidat ajoute volontiers « c’est grâce à moi que la crise sera passée ».

Tout économiste sérieux (je me réfère à Alfred Sauvy) vous dira que le fameux « new deal » de Roosevelt n’a en rien contribué à la résolution de la crise de 1929 : celle-ci s’est résorbée d’elle-même. Pour des motifs idéologiques l’on a surtout retenu de la crise de 1929 ses aspects les moins significatifs : la panique boursière et l’intervention de l’Etat.

Je ne dis pas qu’il faut être insouciant, je dis qu’il faut relativiser et surtout se demander si les signaux que l’on interprète comme des alarmes sont réellement alarmants : par exemple aujourd’hui, il ne se passe pas un jour sans qu’on nous montre des chiffres boursiers qui sont supposés inquiétants alors que ça ne veut rien dire pour l’économie. Tous les jours on nous montre des chefs d’Etat décidés à faire quelque chose, à être Zorro (sans se presser pour faire durer le spectacle) dans « la plus grave crise économique que le monde ait jamais connue ».

Le catastrophisme utilise le plus souvent, et encore cette fois, un procédé qui consiste à tout mélanger : en ce moment à l’occasion de la crise de l’euro on mélange sans scrupule le monétaire, le financier, le boursier, l’économique, alors que ce n’est pas la même chose. Bien sûr on peut toujours dire que c’est la même chose parce que « tout est dans tout et réciproquement » mais n’oublions pas l’étymologie du mot « analyser » qui vient d’une Grèce antique plus sage que celle d’aujourd’hui : analyser signifie « démonter ». Alors contre le catastrophisme, analysons.

La crise actuelle n’est que celle d’un système monétaire condamné à court terme. Mais c’est « populiste » de le dire, alors on fait diversion en insistant sur des épiphénomènes présentés comme fondamentaux : par exemple l’émotion des boursicoteurs. Les parleurs professionnels parlent de catastrophe, les politiciens surfent sur le non-événement : je ne vois pas (et pourtant, sachant que je peux me tromper, je scrute), je ne vois pas ce qui est nouveau en comparaison de toutes sortes de fausses crises qui ont précédé celle-ci.

Si : un élément est nouveau toutefois. Le progrès technologique a rendu plus facile la diffusion de l’information, devenue ainsi plus percutante. Le tapage politico-médiatique en est d’autant plus impressionnant.

8. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par

Oui, on peut, en effet, se mettre la tête dans un sac, ou jouer à l’autruche, traiter les oiseaux un peu volages, que nous sommes tous, de mauvais augure, prononcer des gros mots, tels que populiste, s’asseoir au comptoir du café du commerce, en dénonçant la co… des uns l’incompétence des autres, rire du malheur d’un journal satirique qui pour une fois ne s’est pas attaqué au pape et qui risquait donc l’autodafé.. Alors comme le dit l’un de vos commentateurs, relativisons, mais relativisons jusqu’ou ? Ou plutôt jusqu’à quand.. Je veux bien que cette crise soit une crisounette, que nous oublierons très vite, je veux bien faire un distinguo entre les économistes sérieux et les charlatans, je veux bien penser que cette crise sera profitable à la prise de conscience qu’il nous faut des institutions européennes encore plus fortes et bla bla bla .. Je veux bien comprendre que l’absence de stratégie y compris de stratégie des moyens est celle de la clairvoyance de nos dirigeants. Je constate que l’on navigue avec la corne de brume et le porte-voix, dans un brouillard épais, propice aux collisions soudaines..

Après avoir mené une guerre civilisatrice en Afghanistan, d’où nous ressortons couverts de gloire, une guerre libératrice en Libye, qui aura eu le défaut de faire croire que nous avons les moyens de notre politique de défense, après avoir salué, à défaut d’avoir accompagné, le réveil démocratique en Tunisie et en Egypte, au fait les élections, ça donne quoi ? La prochaine crisounette sera quelque part entre Israël et l’Iran ? A moins que la Syrie ne détourne son problème intérieur vers d’autres centres d’intérêts extérieurs..

Mais je catastrophise, que dis-je je m’égare, je m’éparpille, je me questionne, je me nombrilise. Je regarderais ce soir le ¼ d’heure Obama-Sarkosy avec tout l’intérêt du téléspectateur bien sage, confiant dans ses élites dont le renouvellement s’annonce en France, avec bonheur.. A gauche comme à droite, quel vent frais, ne respirez-vous pas l’odeur du large? Encore un exemple de clairvoyance Poutine va se représenter.. Mais je touille, je mélange, je me gargarise, je me vulgarise, pire encore je me populise, tiens, je vais me servir un jaune et convoquer les voisins, jouer à la pétanque, ah ! jouer à la pétanque…

9. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par panou

"L'europe n'est plus une évidence...Voilà peut-être la prochaine surprise stratégique".Dommage que Papandréou n'est pas lu votre derniére phrase.Au delà de l'économie,de l'euro et des traders ce qui m'a frappé est le limogeage des chefs d'E.M grecs et d'une dizaine d'officiers supérieurs concommitant à l'annonce du référendum.On peut trouver deux commentaires des spécialistes de la politique grecque:
-c'est la tradition à Ahénes.Quand un chef de gouvernement sent qu'il va perdre les élections il désigne de nouveaux chefs militaires de son bord qu'il légue à son successeur comme l'a fait son prédecesseur à son égard.
-il y avait une menace de coup d'état pour porter au pouvoir des disciples économiques de Pinochet qui fit de son pays le laboratoire de l'école de Chicago.
La premiére raison est bien bizarre et serait l'illustration de moeurs politiques dont l'Europe aurait bien fait de se préoccuper.De plus comment Papandréou peut-il proposer dans la foulée un gouvernement d'union aux conservateurs qui critiquent fortement le limogeage bien entendu?
La deuxiéme raison est tout bonnement incroyable car alors l'Europe perd tout son sens.
Néanmoins cette nouvelle légéreté du gvt grec est dangereuse stratégiquement.La Gréce a une frontiére terrestre partiellement minée avec la Turquie.Elle frôle souvent l'incident aérien et naval en mer Egée avec son voisin ottoman.De récentes campagnes de recherche pétroliére dans cette zone ont accentué cet affrontement larvé auquel s'ajoute la vieille question chypriote.De plus au nord les relations avec la Macédoine sont difficiles ne serait-ce que sur la dénomination de l'ancienne république yougoslave.
L'Europe etl'Otan ont là sur les bras un pb géographique donc permanent donc stratégique.L'histoire ment mais jamais la géographie si l'on s'exempte des rapprochements tectoniques.La vieille question balkanique peut ressurgir et il suffit de se rappeler de la position grecque originale et solitaire lors des conflits ex -yougoslaves:soutien sans faille à la Serbie orthodoxe et proposition à Milosevic d'un refuge à Athénes.
Seule la Russie a été alliée de la Gréce dans ce contexte.
On peut aussi rappeler l'aide discréte mais non négligeable que les Palestiniens ont toujours trouvé à Athénes alors qu'Ankara était allié à Israêl avant le retournement d'Erdogan.
Alors limoger les chefs militaires ne peut qu'aggraver l'imbroglio.Les Balkans ont été la poudriére de l'Europe.On pensait l'avoir supprimée.Alors poudre peut-être plus mais poison certainement

10. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par oodbae

Pourquoi est-ce que l'UE ne déclarerait pas caduques toutes les dettes nationales, en particulier à l'égard des banques possédant un siège ailleurs que dans l'UE? Ce ne serait certes pas très bienveillant mais notre force de dissuasion nucléaire et les restes de nos forces militaires pourraient encore nous mettre à l'abri de contre-mesures guerrières, non?
Je veux dire que certes, les peuples se sont montrés un peu irresponsables en ne recherchant pas les politiques économiques riguoureuses, irresponsables parce que "démocratie" signifie le puovoir au peuple donc le peuple doit être digne de ce pouvoir, mais il faudrait arrêter de charger la mule. Le peuple n'a son mot à dire que tous les 5-7 ans en jetant une enveloppe dans l'urne. Si aucun candidat ne propose de politique budgétaire rigoureuse, le peuple peut se mettre la responsabilité là où je pense, d'autant plus que le vote blanc n'est pas comptabilisé. Et qu'on ne me dise pas que les politiques proposent ce que le peuple veut entendre. LEs politiques proposent surtout ce que les medias veulent bien transmettre et on sait comme il est facile d'orienter le discours des médias. On appelle ca le lobbying, la campagne marketing. On sait en France son efficacité à propos de l'éenergie nucléaire. On sait son efficacité à propos de la mémoire sélective quant aux massacres et genocides divers perpetrés á travers le monde: on parle encore du Rwanda, qui parle du Congo? On sait son efficacité à propos des soi-disant révolutions arabes. On parle de la Tunisie, de la Lybie, qui parle de Madagascar? Alors qui ne peut voir que si des intérêts puissants préféraient la souscription de dettes immenses par les états, ils n'ont pas opéré une censure sur le sujet?
Dans le livre de Stiglitz "un autre monde", il est régulièrement question de la responsabilité des débiteurs pour s'assurer que les emprunteurs pourront rembourser. Il est évident qu'ils n'ont aucun intérêt à s'assurer de la solvabilité de leurs emprunteurs si nos sociétés humaines se chargent de se porter caution, quitte à vendre notre âme.
À la fin du XVIII, la révolution francaise a notamment consisté à démunir quelques privilégiés de leur droit de vie et de mort sur la majorité du peuple. S'étant propagée en Europe puis dans le monde au cours des deux siècles suivants, la responsabilité des peuples devant leurs destins se retrouve à nouveau mise en question ici, en France, lorsqu'on exige de millions d'européens qu'ils se portent garants à hauteur de milliers de milliards d'euros pour des errements de politiciens et technocrates irresponsables sous prétexte que tous les deux ans, on a l'insigne honneur de jeter un bulletin de vote dans une urne pour choisir un candidat qui instaurerait un service de ramassage des crottes de chien ou qui supprimerait le service militaire.
Croyez moi, je suis très loin d'être adepte des thèses politiques révolutionnaires ou des politiques "de masse" mais il devient urgent de montrer qu'en France, on n'a pas que des idées mais aussi du courage, soit, désolé pour la parité des sexes, des testicules.

oodbae

11. Le mardi 1 novembre 2011, 22:30 par Nono

Je n'ai malheureusement pas le temps de tout lire en détail, mais je réagis à chaud à une affirmation lue plus haut: l'Euro n'est pas un détournement du projet européen initial, au contraire. Les Monnet, Spaak, Schuman et autres avaient un projet fédéral pour l'Europe, et non une simple union économique.
"« Aussi longtemps que l'Europe restera morcelée, elle restera faible, et sera une source constante de conflits. […] Avec le plan Schuman et avec l'armée européenne[4], nous avons posé les fondations sur lesquelles nous pourrons construire les États-Unis d'Europe, libres, vigoureux, pacifiques et prospères. » (cf wikipedia sur les pères de l'Europe)

L'idée d'une Europe uniquement économique est justement la vision britannique de l'Europe, qui avaient créé l'AELE pour "concurrencer" la CEE de l'époque. Et dès l'origine, l'idée de l'Europe était d'aller plus loin qu'une simple union économique, d'où la CED qui a échoué (je pense pour de mauvaises raisons, et aussi parce que c'était trop tôt). L'idée de l'Europe, c'est de se dire qu'ensemble on est plus forts que tout seul. On peut vouloir continuer à chacun faire son petit bonhomme de chemin dans son coin, complètement indépendant, avec ses alliés. Mais que croyez-vous qu'est le poids même de la France au niveau mondial? Rien, nada, à part le poids de notre histoire (et de notre orgueil). Alors qu'une Union Européenne, déjà, ça a une autre gueule...

Pourquoi croyez-vous que les Etats-Unis ou la Chine, par exemple, pour certains sujets (accords pour les créneaux de transport aérien par exemple) préfèrent négocier avec chaque pays individuellement plutôt qu'avec la Commission? Tout simplement parce que c'est plus facile... Alors certes, on peut continuer à vouloir sa souveraineté pleine et entière, sans rien demander ni donner aux autres... Ni recevoir, d'ailleurs.

My 2 cents, en attendant mieux.

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