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Changement de regards sur l'OTAN

En cette fin d'automne, je suis assez frappé de l'évolution des regards sur l'OTAN. De ce côté ci de l'Atlantique, comme de l'autre....

1/ Du côté américain, j'ai déjà mentionné le discours de Robert Gates en juin, mais que son successeur a repris. On notera également que les expériences opérationnelles, en Afghanistan comme en Libye, confirment la distance américaine envers l'OTAN : distance qui date du Kossovo, ne l'oublions pas. Pour la Libye, on a eu l'impression qu'encore une fois, les Américains avaient adopté la doctrine Rumsfeld, "c'est la mission qui fait la coalition". Si a un moment certains alliés (Norvège, Italie, Royaume-Uni) ont souhaité que l'Alliance couvre OUP, ils ne s'y sont pas opposés. Mais ils étaient indifférents, me semble-t-il.

2/ En fait, l'OTAN sert surtout de cadre à la DAMB : ce sera l'objet principal du sommet de Chicago, ne nous y trompons pas. Et l'enjeu est probablement moins stratégique qu'industriel, alors que la dissension entre Républicains et Démocrates entraînera bientôt des coupes fortes dans le budget de la défense.

3/ Ce qui est nouveau, c'est la modification du regard français. Elle semble manifeste du côté des spécialistes. Il faut lire à cet égard deux textes du numéro de décembre de la RDN : le premier est de Désiré Vernois qui écrit benoitement que "notre retour dans l'OTAN relevait du contretemps ou du contre-pied naïfs et notre volonté de créer une Europe de la défense, d'une analyse anachronique et d'un contresens sur le ciment de l'Europe qui ne saurait être militaire". Le second de Jérôme Pellistrandi, que les lecteurs d'égéa connaissent bien, et qui écrit à propos du concept stratégique que "ce concept, en ne voulant froisser aucun pays membre ou partenaire, n'est qu'un vaste fourre-tout", hésitant entre "une alliance globale, succédané de l'Occident capable de traiter tous les problèmes du monde (..) et une alliance strictement militaire visant d'abord à protéger les États alliés". Jérôme souligne le paradoxe entre "la volonté clairement annoncée par quasiment tous les États de réduire leur effort de défense en raison de la crise économique, tout en affichant une détermination inébranlable de faire plus sur le plan militaire".

4/ Au fond, cela donne l'impression que les yeux se sont dessillés, et qu'on est enfin sorti du faux débat qui avait présidé au retour de la France dans l'OTAN, il y a deux ans. On a abandonné le débat des politiques qui ne raisonnaient que selon un vocabulaire d'indépendance, utilisant une grammaire stratégique bloquée à 1966. Et on également a abandonné une certain fascination stratégique pour cet obscur objet du désir, l'OTAN fantasmée car méconnue. En fait, en France, il y a désormais une approche désinhibée, et le débat s'engage sur des questions foncières.

5/ J'en veux pour preuve l'organisation du séminaire sandwich de l'IFRI, jeudi prochain, qui s'intitule "L'OTAN, toujours fiable?". Interroger la fiabilité de l'Alliance illustre à quel point les esprits ont évolué. Au fond, si chacun devine que l'Alliance est utile, on admet également qu'elle ne peut pas tout.

On sort enfin du débat normatif, manichéen et simpliste (L'OTAN c'est bien ou L'OTAN c'est mal, je suis pour ou je suis contre) pour enfin s'interroger sur l'outil en tant que tel, et examiner quelle ligne adopter au mieux de nos intérêts. Car en matière de stratégie, la vraie question revient toujours à l'intérêt national, avant toute considération idéologique.

O. Kempf

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