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Quai d'Orsay

L'autre jour, ma tantine préférée m'offre la BD "Quai d'Orsay". Je l'avais lue en feuilleton cet été dans Le Monde, mais là on a l'histoire complète et en couleur. C'est hilarant. Et égéa en parle, non parce que ça évoque les affaires internationales, (même si ce n'est pas inintéressant, mais là-dessus, vous trouverez des tartines partout), mais pour un autre aspect.

source: une autre critique de la BD

1/ En un mot, la BD conte l'histoire d'Alexandre Taillard de Worms, sémillant ministre des affaires étrangères, qui rompt des lances contre les États-Unis pour empêcher ceux-ci d'obtenir un blanc-seing des Nations-Unies avant d'attaquer le Lousdèm, pays moyen-oriental soupçonné d'avoir des armes pas bien du tout. Vous avez donc reconnu Villepin et la bataille homérique de 2003 sur l'Irak. C'est d'ailleurs parce que l'histoire est connue qu'au fond, elle n'est pas ce qui suscite l'intérêt. Le plus important ne réside pas dans ce qu'on nous raconte, mais dans l'élaboration des positions.

2/ D'ailleurs, quand j'écris cela, je me trompe : l'intérêt n'est pas diplomatique. Il est dans la mise au point d'une décision, et donc dans le rapport entre un dirigeant et son entourage. Au fond, c'est une histoire de commandement.

3/ Là, le dessin est hilarant quand il montre les attitudes des conseillers autour d'une table, les attitudes des uns et des autres, les conciliabules, les mimiques impayables et en fait le phénomène de cour qui se fait jour dès qu'un personnage a du pouvoir. Quiconque a, de près ou de loin, "entouré" un homme important, que ce soit un directeur d'une PME, un préfet ou n'importe quoi de ressemblant, sans même parler des "grands ce ce monde, dans l'administration ou dans les "grands groupes", retrouvera ces manigances des entourages.

4/ Soyons honnêtes et indulgents : oui, il y a de la courtisanerie et de l'arrivisme, mais on ne peut réduire le rôle de ces entourages à cette seule attitude. Chez beaucoup, il y a aussi l'intérêt, et surtout le sentiment un peu ébouriffant d'être près du pouvoir et donc co-auteur de la décision. Les conflits ne sont pas que carriérisme, car la BD montre également le phénomène de club, cet entre-soi forcément déplaisant pour les autres, mais si agréable pour les élus. Il reste que c'est hilarant de voir les petites vacheries et les solidarités un peu vaines, les naïvetés et les coups-tordus, et surtout l'incompréhension devant "le grand homme".

5/ Car ne nous y trompons pas, le plus intéressant est évidement le Minotaure, la flamboyant, cultivé et fantasque, insupportable et si français. Inspiré, terrorisant son entourage, ne doutant de rien, survolté et ayant l'instinct de la ligne politique qu'il faut tenir, "pour la grandeur de la France", avec ses ridicules (le "taylorisme du terrorisme", formule vaseuse s'il en est) et ses sommets ("Et c'est un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur" voir ici le verbatim).

6/ Ce qui m'intéresse, ce sont les relations entre le dirigeant et ses conseillers, cette manière de les surprendre, car un chef, souvent, surprend. Est-ce parce que vous surprenez vos subordonnés que vous êtes un chef ? probablement pas. Mais il est vrai qu'un chef a cette capacité de dépasser le résultat de "l'appareil", de la technostructure, pour réintroduire (est-ce de l'instinct? est-ce son expérience ? sont-ce des informations qu'il a que les autres n'ont pas ? est-ce son sens tactique?) de la diversité là où la convention prévaut. Un chef dynamise une organisation. Non que celle-ci soit inutile, ce serait ne rien comprendre à ce qui se passe. Mais une organisation doit être dépassée par son dirigeant qui ne doit pas s'y arrêter s'il veut que tous progressent ensemble. Au fond, une qualité du chef constitue ce mélange paradoxal entre la confiance qu'il accorde à l'organisation qu'il a sous ses ordres et la liberté qu'il prend avec elle pour aller au but : ce qui sous-entend, toutefois, que le chef a une idée du but qu'il veut atteindre. Là est au fond le problème le plus fréquent.

Mais je suis là trop sérieux au sujet d'un volume qui n'est, d'abord, qu'un très bon moment de détente.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 2 mars 2012, 19:46 par Laurent

Entièrement d'accord. Cette BD est excellente.
Mais je signale aussi l'excellentissime "De Gaulle à la plage", où l'on voit "mon Général" transformé en Jacques Tati dans "Les Vacances de M. Hulot".
A se tordre !!...

égéa : oui, je l'avais vu aussi en feuilleton, mais n'ai pas eu le volume final.

2. Le vendredi 2 mars 2012, 19:46 par TiFlo

Le Tome 1 se laisse tout aussi lire. On y suit moins la grande histoire que les débuts de Vlaminck aux AE et son initiation aux jeux de cour du ministère. Moins dense que le second volume, je l'ai cependant trouvé plus tordant car l'enchainement de situations sans réel rapport les unes aux autres (malgré l'apparition du conflit au Lousdem) privilégie le suivi des rapports entre les différents protagonistes et leur course effrénée derrière Sa majesté gesticulante.

De quoi doubler le moment de détente en somme.

3. Le vendredi 2 mars 2012, 19:46 par

Elle me plaît, cette note, Olivier, car j'y retrouve ce que j'ai ressenti en lisant le deuxième tome des aventures du candidat présidentiel le plus flamboyant... et le plus improbable. Elle rend hommage aussi au travail du bouquin - ce n'est pas une BD ordinaire, le scénario est un trésor d'invention - et au travail d'un cabinet, avec son accumulation de frustrations et la terreur que font régner les chefs, pour ceux qui veulent bien se laisser terroriser.
Mais tu poses aussi la bonne question : le discours à l'ONU était-il un "truc" de communication pour un homme politique un peu littéraire voulant se valoriser ou, au contraire et derrière la formule, n'était-ce pas la voix éternelle de la France, puisant aux racines du discours gaulliste relayé par un Chirac qui n'a jamais eu sa langue dans sa poche face aux Américains ?
C'est peut-être ça qu'on voit bien dans la BD, la décision du chef est un mélange d'inspiration propre, avec de la hauteur stratégique, et d'utilisation très tactique d'infos puisées par les conseillers comme: l'Allemagne est contre l'intervention, ne la laissons pas seule, c'est une occasion historique.
Et quels que soient les ridicules de notre Don Quichotte Taillard de Worms, laissons à DDV le bénéfice d'avoir su incarner un bref instant les ambitions d'un pays qui ne se résigne pas, malgré la baisse de son poids spécifique, et préfère se tromper seul (ou avec quelques-uns) que réintégrer le giron de l'OTAN sans contrepartie !

égéa : je plussoie vigoureusement. C'est bien pour cela que j'ai remis en entier la fin du discours. Ce n'était pas que du panache, c'était la France éternelle. Quant au travail de cabinet, tu sais bien que je ne peux que t'approuver.

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