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Une chinoise dans l'espace (J Pellistrandi)

Merci à Jérôme Pellistrandi pour cet article qui, au-delà de la première taikonaute, illustre les ambitions spatiales chinoises. O. Kempf (billet suivi par celui-ci en date du 7 juillet 2012)

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Le lancement réussi ce samedi 16 juin 2012 du vaisseau Shenzhou 9 avec la première taïkonaute chinoise –une jeune pilote de chasse âgée de 33 ans, Liu Yang - est un nouveau succès géostratégique pour Pékin. Ce tir avait été annoncé et témoigne ainsi de la complète maîtrise du vol habité par la Chine. Certes, ces techniques sont maîtrisées par les USA et la Russie depuis cinquante ans désormais. Mais à l’heure où les Etats-Unis sont en rupture de lanceur habité avec le retrait des navettes depuis l’année dernière, seules la Russie et la Chine sont capables de lancer des hommes dans l’espace. Certes, le vaisseau chinois Shenzhou reste très classique quant à sa conception et s’inspire directement des Soyouz russes. Il n’en demeure pas moins vrai que la constante de la politique spatiale de Pékin est exemplaire.

Ce n’est que le 24 avril 1970 que la République populaire envoie son premier satellite dans l’espace. Il y a alors un indéniable retard avec l’URSS, en raison d’une part de la rivalité des deux puissances communistes, mais aussi en raison des lacunes scientifiques et technologiques de l’industrie aérospatiale chinoise. Avec l’arrivée au pouvoir de Deng Tsiao Ping en 1978, l’espace devient une priorité stratégique comme facteur de puissance et d’autonomie. Une trentaine d’années après, tous les objectifs fixés alors ont été atteints. Très vite, la symbolique du vol habité s’est imposée comme centrale dans la mesure où ce type de vol est très exigeant et oblige donc à avoir la meilleure technologie possible. Sur des bases très éprouvées, s’inspirant des techniques soviétiques puis russes, l’agence spatiale chinoise a progressé étape par étape et de façon très méthodique. Ainsi, le premier lancement de la capsule Shenzhou – ce qui signifie « vaisseau divin »- a eu lieu en 1999. Le premier Taïkonaute (l’équivalent chinois du cosmonaute russe ou de l’astronaute américain) effectue un vol le 15 octobre 2003, soit plus de quarante ans après Gagarine, mais offre ainsi un triomphe populaire à son pays. Depuis, la Chine a procédé très prudemment à plusieurs lancements habités en octobre 2005 avec 2 passagers, puis en septembre 2008 avec la première sortie extravéhiculaire depuis le vaisseau spatial qui transportait 3 Taïkonautes.

L’étape suivante se veut beaucoup plus ambitieuse avec la mise en orbite en septembre dernier d’un premier élément test de station spatiale Tiangong 1. Le tir de ce matin avec un rendez-vous prévu entre la station et le vaisseau confirmera la maturité atteinte. Nul doute que la présence d’une jeune femme va hautement contribuer à renforcer l’intérêt médiatique et la fierté du peuple chinois. Il faut souligner d’ailleurs que Pékin a très bien perçu la nécessité de cette approche, puisque la jeune pilote a connu un entraînement au final très court, à peine 2 ans.

Certes, le vol n’est pas achevé et la phase de retour sur terre est toujours une manœuvre délicate. Cependant, ce succès conforte la Chine comme puissance spatiale majeure, tant en Asie que par rapport aux Etats-Unis. Il est à souligner d’ailleurs que l’Inde, dans sa rivalité géopolitique avec la Chine, perçoit son propre retard dans l’espace comme une humiliation qu’il conviendra de lever. Ce tir contraste également avec le fiasco nord-coréen de lancement d’une fusée qui avait bénéficié d’une forte couverture médiatique et qui s’était pas un échec retentissant au bout de 2 minutes de vol.

Nul doute que les prochaines étapes annoncées par Pékin seront tenues avec l’assemblage d’une véritable station orbitale s’inspirant des Saliout soviétiques et que l’envoi de Taïkonautes sur la Lune d’ici une décennie ne relève plus de la science fiction mais bien d’un programme spatial cohérent.

L'Europe, alors qu'elle possède toutes les technologies nécessaires s'est refusée à franchir le pas avec une vision strictement utilitariste de l'espace. Certes, Ariane est un succès fabuleux, mais cela ne fait plus rêver depuis longtemps. En novembre, la conférence spatiale européenne sera décisive pour l’avenir avec des décisions à prendre autour de la sixième génération d’Ariane. Un retard pour des raisons budgétaires reviendrait à renoncer à moyenne échéance à une Europe puissance spatiale. Ce serait une nouvelle régression et une accélération du déclin européen. Dans l'empire du Milieu, les nouveaux héros lancés ce matin-et de surcroît une héroïne- vont tirer vers le haut (c'est le cas en l'espèce) une opinion publique fière de ce lancement! L’espace reste et c’est heureux une zone de rêves, d’ambition et de progrès, même si les rivalités entre nations subsistent. Pékin l’a compris !

Jérôme Pellistrandi

Commentaires

1. Le lundi 18 juin 2012, 19:40 par Zigmund

Les vols habités ne servent à rien. Ce n'est que de la propagande de base, comme dans les années 60.

2. Le lundi 18 juin 2012, 19:40 par yves cadiou

Les vols habités ne servent à rien, comme le rappelle Zigmund (n°1). Du moins ces « vols » (terme impropre parce que ça se passe hors de l’atmosphère) ne servent à rien d’autre qu’à démontrer une maîtrise technologique dans un but de propagande, tant à destination intérieure qu’extérieure. C’est ce qui en renforce la signification politique. En exagérant très peu, l’on peut dire que la signification politique est le seul motif d’envoyer des équipages dans l’espace alors que les robots sont beaucoup plus efficaces et moins fragiles.

Le projet d’expédition lunaire habitée est du même ordre : ça ne sert à rien non plus. Ce projet est cependant intéressant parce qu’il pourra permettre de lever un doute sur la réalité des expéditions lunaires de la NASA, doute qui est un « must » depuis dix ans dans les dîners en ville.

3. Le lundi 18 juin 2012, 19:40 par CNE PREPARANT

Bonjour,

Sujet de la Culture généale pour l'Ecole de Guerre 2012:
"C'est moins par la force de ses armements qu'une nation s'élève au-dessus des autres que par le caractère de ses citoyens." (Baden-Powell).
Comment une nation s'élève-t-elle sur la scène internationale?

4. Le lundi 18 juin 2012, 19:40 par oodbae

En tout cas, on ne pourra vraiment pas dire que Mme Liu est arrivée à pied par la Chine.

5. Le lundi 18 juin 2012, 19:40 par Nono

Effectivement, sur le moment, ça ne sert à rien, mais ça peut avoir des conséquences technologiques intéressantes. Et surtout, pour le prestige, c'est primordial, on a trop tendance à oublier que faire rêver, donner un but, résoudre des défis, ça motive les gens. Et je pense que c'est ce qui nous manque le plus dans nos pays, une source de motivation.

Regardez les titres de nos journaux. De quoi on nous parle? Déclin, crise, décroissance, baisse, diminution, chômage, licenciements,... Vous croyez que ça motive qui que ce soit? Les gens qui ont fait Apollo, Ariane au début, Airbus, ils ne ménageaient pas leur peine, les h, c'était optionnel, et s'il fallait bosser plus, pas de souci. Mais comment voulez-vous que les gens soient motivés si leur seule perspective cest "sale ambiance", "chômage", ou travailler comme un chien sur une nième voiture qui ressemble à la précédente elle-même dérivée de celle avant (vous voyez une différence entre une 208 et une 207 par exemple??). Le tout sans la moindre reconnaissance...
Alors que si vous faites rêver les gens et que vous leur accordez de la reconnaissance, vous verrez, la motivation ne sera pas la même, et l'efficacité non plus!!!

6. Le lundi 18 juin 2012, 19:40 par oodbae

@nono:
bon, je sais, c'est un thème politique et il faut faire attention à ce qu'on dit, donc je ferai court. Si je regarde les titres de journaux, je ne lis pas "déclin", "décroissance", et autres, je lis : "racisme", "procès pour propos discriminatoire", " untel a blessé telle autre parce qu'elle est une femme", "ouh le méchant M X, il soutient l'UMP", " il est temps de s'occuper enfin des pauvres". En bref, tout le monde peut être rabaissé au niveau d'un paillasson parce qu'il a dit une parole qui ne plait pas aux moralisateurs "antiracistes-bobos-gauche-caviar/ de droite mais de gauche".
On nous parle de taxation supplémentaire des entreprises, le statut des auto-entrepreneurs est alourdi, les PME sont toujours sous pression, il est mal-vu d'être riche, un chef d'entreprise est forcément un patron tortionnaire, quand des syndicalistes séquestrent un patron, tout le monde applaudit. C'est bien simple, on tue l'esprit d'initiative partout où il peut se développer, et ce dès l'école, puisque l'esprit de compétition est officiellement l'ennemi de la pédagogie.

Si encore on nous parlait juste de déclin et de crise, on serait blessé dans sa fierté et on réagirait. Mais on fait tout pour tuer cette fierté.

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