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Un jour sans fin ?

Hier, pour la première fois depuis une éternité, je n'ai pas consulté Internet. Même pas sur mon ordiphone (cette invention à la fois géniale et aliénante). Rien, nada, niente, nix. Un jour de "vide", ou un jour de plein ?

source

1/ Oh, une journée de navigation sur le Golfe, dans une eau étale malgré les quelques courants dus aux allers puis retours de la marée. Le rythme lent du bateau, l'ombre portée de la voile, le cidre puis le muscadet puis l'anjou pour accompagner la charcutaille (décidément, pas assez de pain...), une certaine indolence. Les amers qui se succèdent l'air de rien, avec les modifications incessantes de paysage qui font des mers intérieures de splendides diaporamas.

2/ Cette dame en maillot de bain, sur son canot à moteur (son chihuahua, posté sur le plat-bord, nous regardant très sagement), expliquant très fort (avec son téléphone portable, elle) "ma chérie, deux salles de bain et une salle d'eau plus le ménage, 2500 euros...", sans se rendre compte que sur l'eau, les bruits portent et qu'un niveau sonore acceptable dans les rues du seizième fait ici partager votre conversation aux inconnus qui se trouvent à cent mètres... N'était-ce pas la seule incursion du cyberespace dans cette journée tranquille ?

3/ Certes, nous avions tous pris nos portables "au cas où", et certes, le soir venant dans l'espèce de pétole qui nous menaçait nous avons passé un coup de fil ou deux pour dire qu'il y aurait peut-être un quart d'heure ou une demie-heure de décalage... Ultime confort de ces marins d'eau quasi douce qui préviennent de la non-incertitude du marin dont les proches savent désormais quand il rentre, sans attendre la voile à l'horizon. Certes enfin, un ou deux GPS tournaient, et nous avions également pris nos papiers, donc nos cartes de crédit, instruments eux-aussi de ce cyberespace qui nous baigne désormais, au moins autant que cette eau paisible sur laquelle nous voguions.

4/ Journée "sans" Internet, même si les réseaux n'étaient pas loin. Illusion du retour à un monde ancien, à des sensations pures, sans médiation des instruments qui désormais orientent nos vies, sans ces artefacts techniques qui prolongent nos membres, nos sens et nos pensées. Oui, je sais, un bateau est un artefact, et il n'y a pas de nature pure, sinon dans nos représentations mentales, imageries du monde d'avant, de l'âge d'or forcément disparu, des origines forcément perverties ...

5/ Journée sans mais "avec" : avec le monde, avec ce qui reste de nature, avec le clapotis des eaux, le frôlement des algues sur le nageur, le frémissement du vent agitant légèrement les penons. Journée de marée montante, après toutes ces marées descendantes où l'esprit cintrait la pensée pour aligner des mots, encore des mots sur des pages électroniques. Un jour pour reprendre haleine et pour recharger des batteries qui risquaient de tomber "à plat". Un jour de remplissage des ballasts, une goulée d'air frais, un bain de soleil et d'amitié, un bref moment d'éloignement.

A part ça, j'ai enfin terminé les neuf chapitres du prochain opus. Il reste encore beaucoup de travail, mais au moins, la materia prima est jetée. Déjà ça de pris ! Je méritais bien une journée sans...

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 24 août 2012, 21:49 par Midship

Et bien voilà, il ne reste plus qu'à envisager le changement d'armée ! Enfin le droit chemin !

"Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir"

egea : droit chemin  ? sur l'eau ? vous fantasmez, je crois....

2. Le vendredi 24 août 2012, 21:49 par yves cadiou

La « puce » (carte bancaire, carte SIM) est un élément du cyber qui résiste à l’eau de mer (j’ai essayé involontairement) : il suffit de la rincer et de la sécher pour qu’elle retrouve la mémoire. Mais hier vous aviez un temps de curé et vous n'avez probablement pas rencontré ce problème.

Je précise pour les maladroits qu’elle résiste aux vins de Loire et de Bordeaux (voir note hors-sujet A, ci-dessous). Pour les autres vins, je ne sais pas.

Je précise pour les distraits qu’elle résiste aussi au lave-linge.

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Note hors-sujet A : traditionnellement, sur un voilier, on boit du Bordeaux (c’était autrefois le vin des Anglais, produit en Guyenne, et il était supposé résister au roulis. Souvenez-vous : « le 31 du mois d’a-oût… une frégate d’Angleterre… c’était pour aller à Bordeaux »). En cochonnaille, on mange du pâté fait à Pouldreuzic (Finistère) parce que le nom est folklo et le conditionnement pratique. Le cours de navigation des glénans (sans majuscule et avec un s pour désigner la célèbre école de voile) préconise le saucisson-muscadet mais c’est un des deux points avec lesquels je suis en désaccord avec les glénans (mon désaccord les laissera totalement indifférents, bien sûr) : le saucisson-muscadet et l’affourchement des ancres.

Note hors-sujet B : « l'âge d'or forcément disparu, des origines forcément perverties », c’est du Rousseau et de ce fait c’est inopportun sur un bateau pour deux motifs. Rousseau n’est pas bien vu sur mer parce qu’il se demandait si les marins étaient des hommes ou des bêtes. De plus le mythe du bon sauvage a coûté la vie à quelques marins du XVIII° siècle qui ont cru Rousseau et se sont fait bouffer.

Note hors-sujet C : comment faites-vous pour « passer un coup de fil » avec un téléphone mobile sur un bateau ? Au fil de l’eau, au fil du temps, ou de fil en aiguille dans la conversation, je suppose.

3. Le vendredi 24 août 2012, 21:49 par BQ

Cher Olivier,

J'ai beaucoup moins d'âme et de poésie.

J'ai cependant passé une dizaine de jours "sans"; bien sûr j'avais emmené mon "non-smartphone", mais parfois sans l'avoir à portée pendant plusieurs heures. J'étais avec des êtres très chers, et quand quelqu'un m'a demandé récemment comment s'étaient passées les vacances, j'ai répondu: "j'ai beaucoup aimé".

Tard le soir, quand la petite maison familiale du petit village de la rade de Brest était endormie, je sortais dans le jardin. Un spectacle magnifique s'offrait à moi. Un ciel très dégagé, pas de lune, peu de pollution et pas de lumières artificielles. Au bout de quelques minutes, l'espace magique des étoiles brillait de tous ses feux. Bien mieux qu'un film en 3D, puisque un moment de temps et peut-être un supplément de quelque chose s'y ajoutaient.

Nous sommes en réseau, depuis toujours en ce qui nous concerne; c'est notre Univers.

A d'autres moment, d'autres réseaux peuvent paraître artificiels, mais ils ne sont pas virtuels; ils sont devenus réels eux aussi.

Très bonne continuation de congés!

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